Soumis par Révolution Inte... le
Il y a plus de cent millions de cas de Covid-19 de par le monde, avec un nombre de décès d’au moins deux millions, qui continue d’augmenter. C’est l’impact de la pandémie au niveau humain, avec des hôpitaux débordés, des vies en suspens pendant le confinement, des personnes isolées et une plus grande pauvreté, une situation incertaine avec l’imprévisibilité et l’incompétence des politiques de nombreux gouvernements et malgré l’arrivée des vaccins.
Pour le capitalisme, l’effet de la crise sanitaire est fortement ressenti au niveau économique. Le FMI a estimé que l’économie mondiale s’est contractée de 4,4 % en 2020, et que ce déclin était le pire depuis la Grande Dépression des années 1930. Bien que ce soit un coup dur pour le capitalisme au niveau international, il a eu également un effet massif sur la classe ouvrière. L’Organisation Internationale du Travail (OIT) estime que les travailleurs du monde entier ont perdu jusqu’à 2700 milliards de livres sterling de revenus.
Si tous les grands pays ont été touchés, la crise n’a pas eu un impact uniforme. Le Royaume-Uni, par exemple, avec plus de 100 000 décès, a l’un des taux de mortalité par le coronavirus, les plus élevés du monde. En outre, tout au long de l’année 2020, l’ombre du Brexit a plané sur l’économie, les négociations se poursuivant pendant des mois jusqu’à ce que la bourgeoisie brise enfin les “chaînes” de l’UE au début de l’année 2021. La combinaison de la pandémie et du Brexit frappe un pays qui a déjà connu l’une des plus faibles reprises après la crise financière de 2008.
Récession, déficit et chômage
Mesurée par les fluctuations du PIB, l’économie britannique est probablement déjà entrée en récession, la première fois depuis les années 1970. Au deuxième trimestre de l’exercice en cours, le PIB a chuté de 19 %, la plus forte chute de son histoire. Même après quelques mois de croissance, on estime actuellement que l’économie est toujours inférieure de 8,5 %, à son niveau d’avant la pandémie. Le FMI estime à 10 % la contraction de l’économie britannique pour l’année dernière, soit la plus forte baisse de tous les pays du G7. Quels que soient es chiffres, l’économie n’a d’ores et déjà jamais connu une telle situation depuis le Grand Hiver de 1709, quand le PIB britannique avait chuté de 13 % (et il avait mis plus de 10 ans à se redresser).
Quant à la dette publique, les chiffres de l’Office des Statistiques Nationales (ONS) montrent que les emprunts du gouvernement britannique ont été les plus élevés jamais enregistrés en décembre, les dépenses ayant augmenté en raison du coronavirus et de la baisse des recettes fiscales. “Les emprunts ont atteint 34,1 milliards de livres sterling le mois dernier, soit environ 28 milliards de plus que le même mois de l’année précédente. Cette augmentation a porté le déficit budgétaire du gouvernement…à près de 271 milliards de livres pour les premiers mois de l’exercice financier, soit une hausse de plus de 212 milliards de livres par rapport à la même période l’année dernière. L’Office for Budget Responsibility… a estimé que les emprunts atteindraient 394 milliards de livres sterling d’ici la fin de l’exercice financier en mars, ce qui constituerait le déficit le plus élevé de l’Histoire en temps de paix… L’emprunt de décembre a fait passer la dette nationale – la somme totale de tous les déficits – à 2,1x1018 £ à la fin du mois de décembre, soit environ 99,4 %du PIB, le taux d’endettement le plus élevé depuis 1962”. (The Guardian 22/01 /21).
En 2019, le FMI avait déjà souligné que le niveau d’endettement des entreprises au Royaume Uni était si élevé que près de 40 % d’entre elles ne seraient pas en mesure de survivre en cas de récession deux fois moins profonde que celle de 2007-2008. Au cours de cette crise du Covid-19, l’hôtellerie a été particulièrement touchée et des avertissements ont été lancés sur le risque que des dizaines de milliers de pubs, restaurants, bars et hôtels disparaissent. En plus des autorisations d’ouverture, le gouvernement a adopté différentes mesures et mis en œuvre des solutions pour maintenir les entreprises à flot. Comme pour toute autre mesure capitaliste d’État (généralement soutenue par la gauche et les gauchistes), tôt ou tard, quelqu’un devra payer, c’est-à-dire la classe ouvrière en premier lieu. Si, par exemple, les plans de sauvetage Covid-19 sont liquidés, cela pourrait signifier que quelque 1,8 million d’entreprises au Royaume-Uni risquent de devenir insolvables, dont 336 000 risquent de faire faillite. Chaque fois que la permission d’ouvrir est supprimée, rien ne dit quelles industries seront capables de renaître.
Avant que le gouvernement ne fasse volte-face en décembre pour prolonger les vacances d’emplois, il y a eu un nombre record de licenciements, avec 370 000 personnes licenciées rien que pour la période août-octobre 2020. Les prévisions de centaines de milliers d’emplois menacés à la fin des vacances sont monnaie courante.
Depuis novembre 2020, le nombre de vacances d’emplois a doublé pour atteindre environ 5 millions. Ces 5 millions de personnes ne sont actuellement pas employées. Les prévisions pour la période suivant la fin du régime de chômage dû à la situation sanitaire sont que le chômage atteindra un pic de 7,5 % soit 2,6 millions de personnes. En février 2020, avant l’arrivée de la pandémie, le chiffre officiel du chômage était de 4 %. Selon ces chiffres officiels, la taux de chômage est passé à 5 % dans les trois mois précédant la fin novembre 2020, ce qui représente plus de 1,7 million de personnes – le plus haut niveau depuis août 2016. Mais les chiffres réels du chômage sont bien plus élevés que les chiffres officiels. On estime qu’au moins 300 000 personnes n’apparaissent pas dans les chiffres du chômage (leur existence étant attestée par d’autres indicateurs) et beaucoup ont renoncé à se déclarer au chômage par découragement. Parmi ceux qui ne bénéficient pas du régime de congé dû à la pandémie, des millions ont du mal à joindre les deux bouts, même avec les aides du Crédit Universel. Ainsi, lorsqu’on lit que le chômage a atteint son niveau le plus haut depuis plus de quatre ans au Royaume-Uni, on sait que le chiffre réel est beaucoup plus élevé.
Le Brexit signifie plus de taxes et des obstacles au commerce
Avant même que l’accord final ne soit conclu entre la Grande-Bretagne et l’UE en décembre 2020, les milliers de camions bloqués dans le Kent donnaient un avant-goût éloquent du fait que le Brexit ne serait pas synonyme d’échanges faciles. Au début de l’année 2021, les entreprises signalaient des retards dans les livraisons et les clients se plaignaient de droits de douane supplémentaires, de la TVA et d’autres frais supplémentaires sur les articles achetés dans l’UE. Il aurait pu y avoir un accord de non tarification avec l’UE, mais il existe des obstacles non tarifaires importants au commerce avec l’UE. Le chef des libéraux-démocrates a déclaré : “c’est le seul accord commercial de l’histoire qui érige des barrières commerciales au lieu de les supprimer ; il laisse à la Grande-Bretagne une frontière commerciale à la fois dans la Mer du Nord, la Manche et la Mer d’Irlande ; il signifie la fin des échanges commerciaux sans heurts avec l’UE et nécessite beaucoup de paperasse et de bureaucratie ainsi que de nombreuses commissions mixtes pour superviser son fonctionnement”. Lorsque l’accord a été conclu, il n’y avait pratiquement pas de mesures convenues pour simplifier les vérifications et contrôles douaniers.
En outre, l’accord ne couvre pas les services, qui représentent 80 % de l’économie britannique, dont 12 % sont destinés à l’UE. Tout ce que nous savons, c’est que les négociations vont se poursuivre. Cela montre que la célébration par le gouvernement d’un “grand” accord est une illusion : aucun des problèmes en suspens ne sera géré facilement et résolu à court terme.
Selon l’agence Moody (l’agence de notation du crédit), l’accord passé à la veille de Noël est biaisé en faveur de l’UE.
Selon les estimations du gouvernement britannique, grâce à l’accord conclu entre l’UE et le Royaume-Uni, la production ne sera inférieure que de 5 % dans 15 ans. Les économistes de Citigroup pensent cependant que l’économie britannique produira 2 à 2,5 % de moins en 2021 que si elle était restée dans l’UE et si elle avait renforcé ses liens avec celle-ci. Globalement, ils s’attendent à ce que le Royaume-Uni soit au moins en meilleure position qu’il ne l’aurait été en cas de Brexit “dur”, dans lequel le Royaume-Uni et l’UE auraient utilisé les règles de l’OMC pour le commerce. L’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) a, quant à elle, présenté des perspectives plus pessimistes. Elle prévoit que l’économie britannique connaîtra une croissance de 3,5 % inférieure à ce qu’elle aurait connu si elle était restée dans l’UE.
Les plus optimistes sont d’accord sur un point : l’économie britannique commencera à se redresser quand les vaccins seront disponibles en abondance. Mais avec un commerce qui coûte plus cher et qui est noyé par la “paperasserie” et une immigration en baisse, l’impact du Brexit aura des effets profonds et prolongés, et révélera toute la faiblesse du capitalisme britannique. Nicolas Bloom, un économiste de Stanford, a déclaré : “le Brexit c’est comme être tué par mille coups de couteau”. En comparaison, “le Covid, c’est comme être frappé trois fois par une batte de base-ball. Si on raisonne à long terme, le Brexit est bien pire que le Covid”.
Les conséquences économiques de la pandémie sont considérables, mais les effets négatifs du Brexit se poursuivront encore plus longtemps. Ensemble, ils posent d’énormes problèmes à la bourgeoisie et à la classe ouvrière. Les deux sont le produit de la période de décomposition, ce qui n’est un facteur positif pour aucune des deux classes. Pour l’avenir, nous pouvons nous attendre à ce que la classe dominante s’attaque davantage aux conditions de vie de la classe exploitée. La seule perspective pour la classe ouvrière est : répondre par une lutte unifiée, consciente, basée sur des exigences défensives immédiates, mais ouvrant une perspective au-delà de celles-ci.
Car, 28 janvier 2021