LES LUTTES DE LA CLASSE OUVRIERE : FREIN A LA GUERRE

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Les grèves qui ont secoué l'Afrique du Nord ces derniers mois marquent le resurgissements de plus en plus évident du prolétariat dans cette région du globe.

La crise dans son long travail de sape sert de révélateur face aux impostures "socialistes" et au carcan nationaliste. Dans une zone où pèse la menace de la guerre, 'la combativité du prolétariat joue un rôle de frein dans le développement des conflits impérialistes de la périphérie vers le centre du capitalisme. La menace d'un affrontement entre l'Algérie et le Maroc se heurte déjà à la réalité de la lutte d'un prolétariat proche de celui de l'Europe à travers toute son expérience de l'immigration.

De plus en plus, au Moyen-Orient comme en Afrique du Nord, les luttes de la classe ouvrière deviennent le plus sûr garant de la lutte contre la guerre face à l'hécatombe que la bourgeoisie propose comme "solution" à la crise mondiale du capitalisme.

Le mythe de la lutte de libération nationale de l'Algérie est aujourd'hui bien loin, et la magie des mots ne fait plus recette. L'appellation contrôlée du "socialisme à l'algérienne" n'arrive même plus à masquer la sinistre marchandise frelatée du capitalisme d'Etat, pas plus à l'algérienne qu'à la russe ou à l'américaine mais est la tendance générale du capitalisme décadent, d'autant plus brutale en Algérie ou au Maroc que ce sont des pays sous-développés. Aujourd'hui tout le monde se réclame du socialisme et les pitreries d'Hassan II, appelant à un "socialisme authentiquement marocain" ne peuvent que prêter à sourire, la magie incantatoire sera de moins en moins suffisante pour museler un prolétariat dont on ne peut calmer les tiraillements de la faim avec des "belles paroles".

Les maux dont souffre le "socialisme algérien" : le chômage, avec plus de 1 500 000 sans-emplois (plus de 60% d'inactifs chez les jeunes), des centaines de milliers de travailleurs qui doivent aller travailler dans les métropoles d'Europe (900.000 en France), et l'inflation, qui se traduit par une hausse vertigineuse dans le marché privé et une pénurie dans les magasins d'Etat, n'apparaissent pas très différents des symptômes de la crise du capitalisme dans tous les pays du monde.

Que ce soit en Algérie "socialiste" ou au Maroc "monarchiste", les travailleurs sont confrontés aux mêmes problèmes, à la même attaque de leur niveau de vie et face à cela ne peuvent que réagir de la même manière. Les récentes grèves chez les deux frères ennemis du Maghreb l'ont bien démontré, que ce soit au travers des grèves des travailleurs des transports, du textile et des dockers en Algérie.

En déclenchant une grève sauvage, les travailleurs des docks d'Alger ont vu se dresser devant eux l'ensemble de l'appareil d'Etat. Les exhortations à reprendre le travail au nom de l'intérêt national faites par les bureaucrates des sociétés portuaires étatisées, les manœuvres de Benikous, leader de l'UGTA, le syndicat unique, pour faire cesser la grève, sont restées sans effet, les promesses vagues ne suffisaient plus aux dockers, instruits de l'expérience de grève de 1975 où Boumédienne en personne s'était déplacé pour, à coups de promesses sans lendemain, endormir la méfiance des grévistes. Finalement, c'est en envoyant des jaunes et des flics que la grève a été brisée.

Cette grève est significative par la combativité et la résolution qu'elle a montrées, et du niveau de mécontentement social qui existe en Algérie. Ce n'est pas un hasard si aujourd'hui, en Algérie comme au Maroc, la bourgeoisie use et abuse de l'arme mystificatrice des élections et de la démocratie. En Algérie, en l'espace d'un an, quatre fois la bourgeoisie algérienne a amené les travailleurs devant les urnes; au Maroc. C’est dans l'isoloir que la population a été appelée à célébrer l'Union Nationale qui regroupe les soi-disant ennemis d'hier (USFP, Istiqual, et monarchistes). Les bourgeoisies maghrébines prennent des leçons de leurs comparses plus expérimentés d'Europe, mais ne conservent que l'aspect mystificateur : ces élections ne peuvent être que des caricatures de "démocratie à l'occidentale", et leur pouvoir de dévoiement s'use vite.

Le réveil de la classe ouvrière dans ces pays, où le prolétariat subit depuis des décennies le martèlement idéologique du nationalisme le plus putride et la répression étatique la plus féroce, montre bien à quelles difficultés les bourgeoisies nord-africaines se heurtent et vont se heurter de plus en plus dans l'avenir pour faire accepter aux travailleurs des sacrifices croissants au nom de la défense de l'économie nationale.

Les bourgeoisies mauritanienne, algérienne et marocaine qui rêvent d'en découdre pour s'approprier une meilleure part du gâteau saharien, exprimant ainsi le caractère impérialiste de tout capital national, du plus grand au plus petit, voient leur élan belliciste freiné par le resurgissements du prolétariat dans ces pays. Les grèves des dockers à Nouakchott ou à Alger, des travailleurs du chemin de fer en Algérie comme au Maroc sont des coups de semonce dont doivent tenir compte les belligérants.

Les violentes manifestations lors des enterrements des soldats morts dans le conflit larvé contre le Maroc, les mini émeutes qui ont eu lieu dans toute l'Algérie, en prenant prétexte des rassemblements sportifs, les sifflements qui ont salué l'hymne national lors de la finale de la coupe de football et retransmis en direct par la télévision partout en Algérie sont, avec la vague de grèves qui a secoué le pays ces derniers mois, autant de manifestations du mécontentement qui montrent une situation sociale explosive.

Le prolétariat du Maghreb tire sa force et sa combativité non seulement de l'expérience des luttes menées ces dernières années en Afrique du Nord, mais aussi de son lien organique avec le prolétariat européen et sa vieille tradition de lutte, au travers de l'immigration. Obligés aujourd'hui de retourner dans "leur" pays, repoussés par la montée du chômage en Europe qui les touche en premier, ce sont des travailleurs dyrcis au feu des luttes ouvrières en France, en Belgique ou en Allemagne qui retrouvent en Algérie, au Maroc ou ailleurs les mêmes maux contre lesquels ils avaient à lutter en Europe. Aux mêmes maux, les mêmes remèdes : l'arme de la lutte de classe.

Paradoxalement, dans des pays qui ont cultivé le verbe nationaliste depuis la "décolonisation", le poids de cette mystification perd de son importance devant l'expérience des ouvriers marocains, algériens, mauritaniens qui ont lutté ensemble en Europe. Oui pourrait leur faire croire que les frères de classe d'hier, parce qu'ils ont traversé la Méditerranée, doivent s'entre-tuer demain au sacro-saint nom de la défense de l'intérêt national? Oui pourrait leur faire croire que, de retour au "pays", ils doivent cesser leurs luttes alors que ce qu'on leur propose c'est encore plus de chômage, encore plus d'austérité, et une guerre en perspective?

Les bourgeoisies algérienne et chérifienne qui brûlent de se colleter ne peuvent ignorer ce facteur, et le conflit larvé pour le contrôle du Sahara occidental aura d'autant plus de difficulté à exploser que le prolétariat se montrera combatif et résistera aux agressions contre son niveau de vie.

Dans les luttes que mène la classe ouvrière aussi bien en Afrique du Nord qu'au Moyen-Orient se concrétise, face à la marche de la bourgeoisie vers la guerre, de plus en plus l'alternative prolétarienne face à la crise du capitalisme mondial. Avec l'approfondissement de la crise, les rivalités inter-impérialistes prennent de plus en plus d'acuité. Cependant dans son cheminement de la périphérie du capitalisme vers les centres industriels, la tendance de la bourgeoisie vers une troisième guerre mondiale se trouve de plus en plus freinée (même si ce n'est pas là le seul facteur, c'est celui qui sera historiquement décisif) par la combativité du prolétariat que le chant des sirènes nationalistes arrive de moins en moins à endormir.

Dans sa fuite en avant vers sa "solution" à la crise : la guerre impérialiste, la bourgeoisie retrouve son ennemi héréditaire qui se réveille d'un long étourdissement. Dès aujourd'hui, dans sa lutte contre l'austérité toujours plus grande que lui impose le capitalisme sénile dans sa marche en avant vers l'économie de guerre, le prolétariat apparaît comme le seul obstacle réel face à la généralisation de l'état de guerre quasi-permanent que nous montre le tiers-monde. Dans sa résistance à l'exploitation aujourd'hui, le prolétariat forge déjà les armes dont il aura besoin lors de l'affrontement de classe décisif dont dépendra le sort de l'humanité.

J. J.

Géographique: 

Heritage de la Gauche Communiste: