Soumis par Révolution Inte... le
Dans l’article ci-dessous, notre section au Pérou dénonce les ravages de la pandémie, mais surtout le cynisme et l’incurie de l’État démocratique qui n’a d’autre préoccupation que le profit et l’accumulation du capital, qui abandonne et sacrifie aussi bien les salariés de la santé que les malades. Des travailleurs de la santé à Lima et dans d’autres villes ont tenté d’organiser dans un premier temps des sit-in, des manifestations, demandant protection et moyens. L’État n’y a répondu que par la répression et des arrestations policières !
Déjà 20 jours de confinement sont passés, c’est la mesure la plus importante prise par une grande partie des États dans le monde afin d’isoler le virus Covid-19.
Au Pérou, l’état d’urgence s’accompagne d’un couvre-feu imposé par l’État démocratique, situation qui vient renforcer l’atomisation sociale. Cette pandémie mondiale a déjà provoqué des dizaines de milliers de victimes, selon les chiffres officiels. La rapide et brutale propagation du virus a mis en échec tous les États et économies du monde. Les bourgeoisies des différents pays continuent à ne pas coordonner leurs efforts pour contenir l’épidémie et faire face à cette menace qui rend de plus en plus aiguë la crise économique capitaliste.
Covid-19 et ses effets économiques sur la classe ouvrière
Le FMI annonce déjà que l’économie internationale se trouve dans une récession égale à celle de 2008-2009, voire pire. Le Covid-19 a eu des conséquences économiques terribles au niveau international, conséquences dont la classe ouvrière supportera, encore une fois, le pire.
Au Pérou, la crise du Coronavirus a démontré la vulnérabilité d’une grande partie de la population, au-delà des enfants et des personnes âgées : les travailleurs. De larges secteurs et travailleurs du pays sont vulnérables du point de vue économique à cause du chômage forcé lié à la pandémie.
À Lima et dans d’autres villes du pays, le taux de chômage a été multiplié par trois dans les quinze premiers jours du confinement. (1) 30 % de la population est ruinée, sans travail ni économies puisque 70 % de la population vit de l’économie informelle, gagnant de l’argent au jour le jour pour subvenir aux besoins familiaux. Des millions de travailleurs au Pérou vivent avec moins de 5 dollars par jour.
Mais l’inquiétude croissante touche aussi le secteur privé formel à cause des 3,7 millions d’emplois qui seront touchés par cette crise. Les chaînes de paiement se sont interrompues complètement. Beaucoup de familles, du fait qu’elles ne touchent plus leurs salaires, sont face aux difficultés pour payer les loyers, acheter des vivres, des médicaments et autres. Cette situation a commencé à se répandre à tous les niveaux touchant directement les travailleurs et nourrissant la panique dans l’ensemble de la population. Cette situation a mis le gouvernement en alerte et l’a obligé à agir.
Le gouvernement Vizcarra a développé un plan économique pour tenter de désamorcer les conséquences du confinement. Ce plan a consisté, dans une première étape à libérer la CTS, (2) en deuxième lieu à donner des primes de 380 soles (115 dollars) renouvelables les deux premières quinzaines de confinement, et en troisième lieu, dans la même ligne, à libérer 25 % des fonds du Système privé de pensions (AFPs).
Mais ces mesures ne sont ni ne seront suffisantes pour affronter la crise économique, ne serait-ce que parce que 70 % de la population sont des travailleurs informels indépendants qui ne bénéficient ni de CTS, ni de AFPs ni d’aucun fonds de réserve.
D’autre part, la Cepal (3) annonce que la crise pourrait laisser 22 millions de personnes de plus dans une pauvreté extrême en Amérique latine, et annonce que nous sommes face au début d’une profonde récession.
“Nous sommes face à la chute de la croissance la plus forte jamais connue dans la région” a signalé Alicia Barcena, secrétaire de direction de la Commission Économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes.
Beaucoup d’entreprises locales profitent déjà de la situation : mise au chômage technique non payé, paiements en attente, licenciements, réduction du coût du travail, entre autres. Ce sont des manœuvres exécutées afin de ne pas voir une baisse de leurs profits au milieu de la tragédie. Selon Ricardo Herrera, avocat spécialisé en droit du travail, les entreprises peuvent prendre ces mesures parce que la Loi de Productivité et Compétitivité du travail le permet. Cette loi autorise les employeurs à ne plus rémunérer pendant 90 jours les travailleurs qui arrêtent leur activité. (4) La loi du profit condamne toujours la classe ouvrière à l’exploitation et à la misère.
Le coronavirus a révélé la précarité des systèmes de santé au niveau mondial
L’arrivée du coronavirus a mis à nu le manque criminel de prévention et les coupes dans les budgets de la santé de la part des États bourgeois : hôpitaux saturés, médecins et infirmiers sans matériel, sans équipements, travaillant sans sécurité sanitaire, etc.
La progression de la contagion semaine après semaine a mis à nu le fait que toutes les années de prospérité économique dont a joui la bourgeoisie péruvienne, produit des prix élevés des matières premières, des privatisations, des concessions minières, des recettes d’impôts et d’autres opérations, ont seulement servi à se remplir ses poches et que ce sont les travailleurs qui paieront les pots cassés. D’ailleurs, l’État bourgeois et patronal en appelle cyniquement à la responsabilité individuelle des citoyens en imposant le confinement par décret pour éviter la chute du système de santé publique, déjà saturé.
Le virus a provoqué une véritable crise sanitaire au niveau national et planétaire. Au Pérou, l’Assurance sociale de santé et le Ministère de la santé sont en train d’occulter les terribles conditions dans lesquelles travaillent des centaines de médecins et infirmières. Toute cette situation de précarité dans la sécurité sociale a été dénoncée par un groupe de travailleurs liés au Syndicat National de Médecine de l’Assurance Sociale du Pérou (Sinamssop), qui ont été par la suite arrêtés dans leur local syndical par la police nationale sous l’ordre de la présidente de ESSALUD, Fiorella Molinelli.
Au Pérou comme ailleurs, sur toute la planète, durant des décennies, la bourgeoisie s’est fichue éperdument de la santé publique, jamais il n’y a eu d’investissement durable. Au contraire, année après année, il n’y a eu que des coupes dans les budgets de santé. Par exemple, l’Espagne, qui présente l’une des pires infrastructures sanitaires en Europe, donne une idée de la précarité des moyens. Par comparaison, avec 33 millions d’habitants (presque 75 % de la population de l’Espagne), le Pérou compte environ à peine 350 lits dans les Unités de soins intensifs !
Aujourd’hui, au moment où l’urgence mondiale pour la santé explose, en pleine crise, on voit comment les autorités courent pour acheter des équipements et autre matériel. L’ordre de la bourgeoisie est d’arrêter la pandémie sans sacrifier l’exploitation et les profits. La première chose qu’il faut dénoncer est que nous sommes en face d’un effondrement annoncé du système de santé publique. Cela n’est pas dû à “l’irresponsabilité” des citoyens, mais aux coupes depuis des décennies dans les dépenses sanitaires, dans le personnel sanitaire et dans les budgets d’entretien des hôpitaux et de la recherche médicale.
Les médias excellent dans la diffusion de nombreux reportages sur le confinement : images de rues vides, de personnes qui ne respectent pas le couvre-feu, de la police et de l’armée remplissant leur tâche de contrôle de l’ordre et de répression ouvrière. En revanche, il n’y a aucun reportage, aucune image ou information qui montre les centres médicaux ou les hôpitaux publics qui prennent en charge les cas du coronavirus. Pourquoi ? Parce qu’ils ne veulent pas montrer la saturation du système de santé et ses installations. Chaque jour sur les réseaux sociaux, on voit de plus en plus de médecins et infirmières qui dénoncent les mauvaises conditions dans lesquelles ils travaillent quotidiennement.
L’effondrement ne se trouve pas seulement dans l’assistance médicale. Par exemple, à Sao Paolo, au Brésil, on prépare le plus grand cimetière du monde, puisque le nombre de morts ne cesse d’augmenter et que les morgues et cimetières de la ville sont saturés. À Guayaquil, en Équateur, où la misère a progressé brutalement ces 10 dernières années, les vagues de violence, les bandes, le trafic de drogue, les populations entassées, le manque d’infrastructures publiques et de services de base, sont quelques-uns des problèmes qui apparaissent plus clairement durant cette pandémie. Des morts sont brûlés dans la rue suite à la saturation des morgues et des cimetières. Beaucoup de familles gardent leurs morts devant leur domicile, certaines autorités commencent à remplir des bennes avec les cadavres. Ce sont de véritables scènes de guerre avec des morts partout.
Sur le contrôle de la population et la répression des travailleurs
L’État bourgeois du Président Martin Vizcarra a approuvé une loi qui permet aux forces de l’ordre de tirer pour “leur légitime défense” face aux possibles manifestations ou réactions de la classe ouvrière. La loi n° 31012, loi de protection policière donne à la police nationale du Pérou, dans le cadre de ses fonctions, le droit de faire usage de ses armes ou d’autres moyens de défense… Cette loi est une nouvelle arme contre le prolétariat. Elle montre la peur crainte de la bourgeoisie et du gouvernement des manifestations de travailleurs qui commencent déjà à se produire dans différentes parties du pays, à cause de l’insoutenable situation de misère dans laquelle les travailleurs sont poussés par l’accroissement de la crise économique avec le Covid-19.
La bourgeoisie montre ses griffes une fois de plus avec cette loi, que certains juristes eux-mêmes considèrent comme inconstitutionnelle.
Mais l’attaque idéologique de la bourgeoisie est présente aussi dans le message qui dit qu’aujourd’hui les gouvernements sont en train de faire “tout le nécessaire” pour sauver, non pas “les banques” en premier, comme lors de la “crise financière” de 2008, mais la population d’abord.
On l’entend dans des phrases comme “Pérou d’abord”, “tous contre le coronavirus”, “ensemble, nous le pouvons”, phrases qui sont répétées tous les jours en pleine crise. Nous devons dénoncer ici le nationalisme et la fausse communauté d’intérêts entre exploiteurs et exploités, qui est utilisée comme venin idéologique pour demander des sacrifices et diluer le prolétariat dans des luttes inter-classistes.
Nous l’avons déjà vu lors de révoltes populaires de l’automne dernier au Chili et en Équateur, où le prolétariat fut encadré et dévoyé sur un terrain interclassiste derrière la défense de l’indigénisme, de la démocratie, du gauchisme, des chansons patriotiques à la mode, de la bataille pour une nouvelle Assemblée constituante et autres pièges idéologiques de la bourgeoisie. (5)
Cette pandémie mondiale, qui s’ajoute aux vertigineux cas de malnutrition, tuberculose ou dengue avec d’innombrables morts chaque année, en plus de l’infinité des cas de contamination et de morts dans l’activité minière, est une nouvelle expression du fait que le capitalisme est entré dans une phase terminale, celle de la décomposition sociale qui menace visiblement la survie de l’humanité.
Dans cette situation, il est possible d’affirmer que, quoi qu’il arrive avec le virus Covid-19, cette maladie alerte sur le fait que le capitalisme est devenu un danger pour l’humanité et pour la vie sur cette planète. Les énormes capacités des forces productives, la recherche médicale incluse, pour nous protéger contre les maladies se heurtent à la criminelle recherche de profit, avec l’entassement d’une grande partie de la population humaine dans des mégapoles invivables (rien qu’à Lima il y a presque 9 millions d’habitants) et avec les risques de nouvelles épidémies que tout cela entraîne.
Médecins et infirmières protestent et manifestent
Des médecins et des infirmières de plusieurs hôpitaux de Lima et de quelques provinces ont manifesté et protesté contre le manque de sécurité sanitaire, le manque de matériel et contre la politique sanitaire du gouvernement. Beaucoup de médecins et d’infirmières ont fait des sit-in avec des pancartes et hauts-parleurs pour dénoncer les conditions de travail abominables qu’ils affrontent chaque jour, prenant des risques pour leur santé et celle de leurs familles.
Au Pérou, le gouvernement savait dès janvier ce qui allait arriver et pourtant il a ignoré les avertissements et a sous-estimé la pandémie. Quand le mal était fait, l’Assurance sociale de santé et le Ministère de la santé ont envoyé les ouvriers de la santé, médecins, infirmières, techniciens et même étudiants en médecine, “au front” pour traiter les cas sans aucune protection, comme des soldats réquisitionnés pour la guerre, ce qui a produit des contaminations et des morts à Lima et dans d’autres provinces.
Pour autant les travailleurs ne se sont pas tus. Par exemple, le 7 avril à l’hôpital de Ate-Vitarte, présenté pompeusement par Vizcarra comme “modèle de lutte contre le Covid-19”, les médecins et infirmières ont refusé de travailler et sont restés devant la porte pour protester contre le gouvernement face au manque de masques, de gants, de respirateurs et de normes de sécurité. (6) Beaucoup d’entre eux ont été licenciés, d’autres arrêtés.
De nombreux médecins et infirmières ont mené des actions sur les réseaux sociaux, filmant avec leurs portables les installations des hôpitaux et dénonçant la précarité dans laquelle ils travaillent.
Ceci est en train de se multiplier au niveau national ; et pourtant, les médias de masse à la télé cachent toutes ces informations sur ordre de la bourgeoisie et du gouvernement, pour que la misère dans laquelle les hôpitaux sont plongés ne soit pas révélée.
Dans d’autres parties du monde, on a vu aussi surgir des manifestations de travailleurs de la santé face à la crise de la pandémie, comme en France, Espagne et Italie où il y a eu des protestations contre la précarité au travail, contre le manque de sécurité, de brancards, de respirateurs, de gants et de masques. Partout on trouve le même scénario : la précarité des systèmes de santé publique due aux coupes budgétaires dans la santé.
Expliquer, par tous les moyens possibles, qu’il n’existe pas de sortie ni de solutions dans le capitalisme
La crise économique mondiale se développe de plus en plus, fait sentir ses effets sur la classe ouvrière et s’exprime principalement dans la précarité du travail et l’augmentation du chômage, SITUATION Aggravée MAINTENANT AVEC LA PANDÉMIE DU CORONAVIRUS ET LA CHUTE DE LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE. Cette perspective de nouvelles attaques plus brutales contre la classe ouvrière dans le monde entier ouvre la possibilité d’un développement des luttes du prolétariat sur son terrain de classe. Ce n’est pas le terrain de la rage interclassiste à la manière, par exemple, du mouvement des “gilet jaunes” en France (comme nous le dénonçons dans des articles sur notre site web), mais plutôt le terrain des luttes qui ont eu lieu à la fin de l’année dernière en France avec le mouvement des travailleurs contre la réforme des retraites et où il a été mis sur la table la réflexion sur “comment la classe ouvrière doit lutter et s’organiser contre son ennemi historique”. Même si on a vu beaucoup de faiblesses dans ce mouvement des travailleurs, on doit en tirer des enseignements pour la classe ouvrière mondiale, situation qui démontre l’arrivée de nouvelles luttes avec un certain degré de maturation politique qui devra être développé.
Internacionalismo, section du CCI au Pérou (11 avril 2020).
1 Commentaires d’Oscar Dancourt, ex-président de la Banque centrale de réserve du Pérou, 3 avril 2020.
2 Compensation pour temps de Service, prime cumulable accordée aux travailleurs du secteur privé.
3 Cepal, Commission économique pour l’Amérique latine, une des cinq commissions régionales des Nations Unies, fondée pour contribuer au développement de l’Amérique latine.
4 Journal Diario Perú (4 avril 2020).
5 Voir nos interventions et articles sur le Chili et l’Equateur :
– “Mouvement social au Chili : l’alternative dictature ou démocratie est une impasse”
– “Face à la plongée dans la crise économique mondiale et la misère, les « révoltes populaires » constituent une impasse” et en espagnol :
6 LID (8 avril 2020).