Soumis par CCI le
(D'après Révolution Internationale N°205; octobre 91)
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C'est toujours face aux grands événements historiques que se révèle clairement la frontière séparant les véritables organisations révolutionnaires de celles qui n'ont de révolutionnaire que le nom. Ainsi, avec l'effondrement de l'URSS et du régime stalinien, l'heure est maintenant venue pour les organisations trotskistes de rendre des comptes à la classe ouvrière.
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C'est à cette tâche de déblayage du terrain de classe que les révolutionnaires doivent continuer à s'atteler en rappelant d'abord aux ouvriers ce qu'a été le trotskisme et ce qu'il cherche aujourd'hui à leur faire oublier.
Pendant près de cinquante ans, chiens de garde de la contre-révolution stalinienne
En continuant à se réclamer du fameux "Programme de transition" de la "IVe Internationale" élaboré par Trotski en 1938, les organisations du courant trotskiste n'ont cessé d'inoculer dans les rangs ouvriers l'ignoble mensonge selon lequel l'URSS serait jusqu'à aujourd'hui un "Etat ouvrier", une société "en' transition entre le capitalisme et le communisme" au sein de laquelle n'existerait pas l'exploitation de la classe ouvrière. C'est ainsi que la IVe Internationale, en reprenant à son propre compte cette erreur fatale de Trotski, affirmait toujours, cinquante ans après, par la voix de son "grand théoricien", Ernest Mandel :
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"L'URSS reste, comme au lendemain de la révolution d'Octobre 1917, une société de transition entre le capitalisme et le socialisme. (...) La bureaucratie n'est pas une nouvelle classe dominante (...) Il s'agit d'une couche sociale privilégiée du prolétariat, qui fonde son pouvoir sur les conquêtes de la révolution socialiste d'Octobre : nationalisation des moyens de production, planification économique, monopole étatique du commerce extérieur. (...) En tant que couche sociale, elle reste adversaire d'un rétablissement du capitalisme en URSS." (E. Mandel, "Introduction au marxisme", 1983.)
De même, Pierre Frank, cet autre grand ponte de l'internationale trotskiste, écrivait, dix ans après l'écrasement du prolétariat en Hongrie par l'Armée rouge en 1956 :
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"Nous maintenons sans réserve la conception qui a présidé à l'élaboration du programme de 1938, non par simple attachement au passé et piété envers lui, mais parce que cette conception reste plus valable que jamais, pour toutes les parties du monde. " (P. Frank, introduction au "Programme de transition".)
Mais aujourd'hui que le vent tourne, écoutons ce que nous disent les trotskistes de la IVe Internationale :
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"La Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) a condamné sans réserve dès le 19 août le putsch stalinien dont le but était de rétablir l'ordre bureaucratique. (...) Il faut maintenant aller Jusqu'au bout dans le démantèlement du pouvoir bureaucratique." (Déclaration du comité central de la LCR, dans "Rouge" n° 1461).
Ainsi, après avoir défendu, pendant des décennies, l'idée que la bureaucratie stalinienne était de nature ouvrière, voilà maintenant que ces girouettes cherchent à nous faire oublier leur crime en saluant "sans réserve" la chute de cette bureaucratie avec la même ferveur qu'il mettait naguère à la présenter comme une "couche privilégiée du prolétariat" !
Que les trotskistes, dans le passé, aient été persécutés par Staline et les staliniens, qu'ils aient toujours "dénoncé" la bureaucratie comme une expression de la dégénérescence de I'"Etat Ouvrier", ne change rien à l'affaire. Ce qu'ils ont toujours cherché à faire croire aux ouvriers, c est que cette bureaucratie était malgré tout un moindre mal, voire même un mal "nécessaire", puisqu'elle était la garante de la préservation des "acquis d'Octobre". C'est encore en s'appuyant sur la vision erronée de Trotski selon laquelle “la bureaucratie continue à remplir une fonction nécessaire" puisqu'elle "est la gardienne d'une partie des conquêtes de la classe ouvrière" (Trotski, "La Révolution trahie", 1936) que les trotskistes, pendant toutes ces années, ont cautionné et apporté leur soutien ("critique") à cette clique bourgeoise.
Alors que, dans les mêmes années 30, la Gauche Communiste (dont nous nous revendiquons pleinement) affirmait, elle, qu'il ne subsistait plus en URSS le moindre acquis de la révolution d'Octobre, Trotski, lui, continuait à s'accrocher désespérément à l'espoir illusoire de sauver la révolution russe. C'est cette dangereuse erreur, fondée sur une incompréhension de la période, qui a conduit Trotski à ne pas voir la rupture radicale entre la Russie des soviets de 1917 et l'URSS stalinienne des années 30. Mais ce qui était de la part de Trotski une erreur opportuniste extrêmement grave est devenu de la part de ses épigones de la IVe Internationale une politique ouvertement "contre-révolutionnaire. Malgré son analyse erronée de la nature de l'URSS dans les années 30, et bien qu'il n'ait pas compris que la période n'était pas la même que celle de 1917, Trotski affirmait néanmoins que seule la révolution prolétarienne dans les autres pays, et notamment en Europe occidentale, pourrait sauver la révolution russe. Il affirmait que si le prolétariat européen ne se soulevait pas contre sa propre bourgeoisie dans la deuxième guerre mondiale, alors, cela signifierait que l'URSS redeviendrait un Etat capitaliste.
Cela, les trotskistes de la IVe internationale se sont toujours gardés de le mentionner. Et pour cause ! En tronquant la vision de leur maître à penser, ils pouvaient ainsi utiliser le prestige de 1 ancien chef de l'Armée rouge dans le mouvement ouvrier comme feuille de vigne pour berner les prolétaires et masquer leur propre politique bourgeoise de défense du capital russe dans l'arène impérialiste mondiale.
Une preuve entre toutes les autres qui révèle encore plus clairement la nature bourgeoise de ces chiens de garde du stalinisme réside dans la manière dont ils justifient l'existence d'"acquis ouvriers" en URSS : "planification de l'économie, nationalisation des moyens de production, monopole du commerce extérieur". Une telle vision révèle de toute évidence que ces gens-là ne se situent nullement du point de vue des intérêts de la classe ouvrière, de ses conditions d'existence, mais du point de vue de la gestion de l'économie nationale. Que l'économie soit planifiée ou non, que le commerce extérieur soit un monopole de l'Etat ou qu'il soit entre les mains de capitalistes privés, que les entreprises soient nationalisées ou qu'elles soient privées, cela change-t-il quelque chose pour la classe ouvrière ? Ces apprentis bourgeois ont toujours été bien en peine de répondre à la question, pour la simple raison que les conditions d'exploitation du prolétariat en URSS ont toujours été jusqu'à présent le dernier de leur souci. Et pour cause ! Puisqu'il n'y a pas de bourgeoisie, puisque l'URSS n'est pas un Etat capitaliste, il ne peut y avoir d'exploitation de la force de travail des prolétaires. Quand on sait combien de souffrances et de sacrifices a coûtés à la classe ouvrière cette "économie planifiée" si chère à nos trotskistes (exploitation féroce digne des sociétés esclavagistes, cadences infernales pour réaliser le "plan", misère, pénurie, déportation massive dans les camps de travail), quand on sait que, pendant toute la période stalinienne, les gestionnaires de l'économie planifiée ont glorifié le stakhanovisme comme un exemple de fidélité à la "construction du socialisme", quand on sait que l'URSS a été pendant des décennies un gigantesque camp de concentration, prétendre qu'il s'agit la d'un "Etat ouvrier", ce n'est pas seulement prendre les prolétaires pour des imbéciles, c'est clairement chercher à les enchaîner au char du capital russe et de son effroyable machine d'exploitation et d'oppression.
Quant à l'orientation de l'économie vers la satisfaction croissante des besoins humains qui devrait, pour des marxistes, caractériser une période de transition du capitalisme au socialisme, parlons-en ! Pendant plus d'un demi-siècle, cette fameuse économie planifiée considérée par les trotskistes comme le "nec plus ultra" de la prétendue "société de transition" en URSS s'est essentiellement orientée vers le développement de la production de guerre pour permettre à 'Etat stalinien de se lancer dans la course effrénée aux armements et défendre ses intérêts impérialistes sur la scène mondiale. En absorbant près d'un tiers du PNB de l'URSS, au détriment de l'industrie de biens de consommation, cette économie ("planifiée" !) de guerre n'a fait durant des décennies qu'accentuer toujours plus le degré insupportable de misère et d'exploitation du prolétariat.
Et cette orientation du capital russe vers le développement de la production d'armements a été encore justifiée ainsi par toutes ces sinistres crapules : "Les travailleurs doivent effectivement défendre l'URSS contre toute tentative de l impérialisme d'y rétablir le règne du capitalisme. " (E. Mandel, ouvrage cité.) C'est encore au nom des fameux "acquis d'Octobre" que les trotskistes, pendant toute la période de la "guerre froide", ont appelé les prolétaires à s'entre-tuer pour le succès d'un camp bourgeois contre un autre en avançant le mot d'ordre de "défense inconditionnelle de l'URSS" face à l'impérialisme yankee (ce même impérialisme derrière lequel la IVe Internationale n'avait d'ailleurs pas hésité à se ranger pendant la seconde guerre mondiale lorsqu'elle participait, dans la Résistance, à la lutte contre le fascisme aux côtés de toutes les forces "démocratiques" occidentales dirigées par Roosevelt, Churchill et de Gaulle).
Dans toutes les prétendues "luttes de libération nationale" auxquelles ils ont participé depuis la fin de la guerre, notamment au Vietnam, là non plus, ce ne sont pas les intérêts de la classe ouvrière que défendaient les trotskistes, mais bien ceux de l'impérialisme russe contre le bloc américain.
Quant à la thèse de la prétendue supériorité de l'économie planifiée sur le capitalisme occidental, tant vantée par les trotskistes (qui ont repris l'idée de Trotski d'après laquelle les succès économiques de l'URSS en 1936 seraient "la preuve expérimentale de la viabilité des méthodes socialistes"), elle ne visait qu'un seul objectif : propager le vieux mensonge bourgeois consistant à identifier cette forme monstrueuse de capitalisme d'Etat à du socialisme.