Résolution sur la situation internationale : Le développement des conditions d'un resurgissement de la lutte de classe

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Deux ans et demi après l'effondrement du bloc de l'Est et des régimes staliniens d'Europe, la situation mondiale continue d'être déterminée pour une grande part par cet événement historique considé­rable. En particulier, celui-ci a constitué un facteur d'aggra­vation sans précédent de la décomposition du capitalisme, notamment sur le plan des antagonismes impérialistes de plus en plus marqués par le chaos résultant de celle-ci. Cependant, la crise écono­mique du mode de production capitaliste, en connaissant une très forte aggravation à l'heure actuelle, et en premier lieu dans les métropoles du capital, tend à revenir au centre de cette situation. En détruisant les illusions sur la « supériorité du capitalisme » déversées à profusion lors de la chute du stalinisme, mettant en évidence de façon croissante l'impasse dans laquelle se trouve ce système, obligeant la classe ouvrière à se mobiliser pour la défense de ses intérêts éco­nomiques face aux attaques de plus en plus brutales que la bourgeoisie est conduite à dé­chaîner, elle constitue un puis­sant facteur de dépassement des difficultés rencontrées par la classe ouvrière depuis l'effondrement du bloc de l'Est.

1) L'envahissement de l'ensemble de la vie du capitalisme par le phé­nomène de décomposition est un processus qui remonte au début des années 1980 et même à la fin des années 1970 (par exemple les convulsions en Iran débouchant sur la constitution d'une Répu­blique «islamique» et la perte de contrôle de ce pays par son bloc de tutelle). L'agonie et la mort des ré­gimes staliniens et l'effondrement du bloc impérialiste dominé par l'URSS sont une manifestation de ce processus. Mais, en même temps, ces faits historiques consi­dérables ont provoqué une accélé­ration énorme de celui-ci. C'est pour cela qu'on peut considérer qu'ils révèlent et marquent l'entrée u capitalisme dans une nouvelle phase de sa période de décadence, celle de la décomposition, de la même façon que la première guerre mondiale constituait la première convulsion de grande envergure ré­sultant de l'entrée de ce système dans sa décadence et qui allait en amplifier de façon majeure les dif­férentes manifestations.

Ainsi, l'effondrement des régimes staliniens d'Europe marque l'ouverture d'une période de convulsions catastrophiques dans les pays sur lesquels régnaient ces régimes. Mais c'est encore plus sur le plan des antagonismes impéria­listes à l'échelle mondiale que s'expriment les caractéristiques de la nouvelle période, et notamment, au premier rang d'entre elles, le chaos. En effet, c'est bien le chaos qui permet le mieux de qualifier la situation présente des rapports impérialistes entre Etats.

2) La guerre du Golfe du début 1991 a constitué la première mani­festation de grande ampleur de ce nouvel «état du monde» :

- elle résultait de la disparition du bloc de l'Est et des premières ma­nifestations de son inéluctable conséquence, la disparition du bloc occidental lui-même ;

- elle constituait, de la part de la première puissance mondiale, une action de grande envergure afin de limiter ce dernier phénomène en contraignant les anciens alliés (en premier lieu, l'Allemagne, le Japon et la France) à manifester, sous la direction de cette puis­sance, leur «solidarité» face à la déstabilisation générale du monde ;

- par la barbarie sanglante qu'elle a engendrée, elle donnait un exemple de ce qui attend doréna­vant l'ensemble de l'humanité ;

- malgré l'ampleur des moyens mis en oeuvre, elle n'a pu que ralentir, mais sûrement pas inverser les grandes tendances qui s'affirmaient dès la disparition du bloc russe : la dislocation du bloc occidental, les premiers pas vers la constitution d'un nouveau bloc impérialiste dirigé par l'Allemagne, l'aggravation du chaos dans les relations impérialistes.

3) La barbarie guerrière qui s'est déchaînée en Yougoslavie quelques mois à peine après la fin de la guerre du Golfe constitue une illus­tration particulièrement irréfutable de ce dernier point. En particulier, les événements qui se trouvent à l'origine de cette barbarie, la pro­clamation de l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie, s'ils sont eux-mêmes une manifestation du chaos et de l'exacerbation des na­tionalismes qui caractérisent l'ensemble des zones dirigées aupa­ravant par des régimes staliniens, n'ont pu avoir lieu que parce que ces nations étaient assurées du sou­tien de la première puissance euro­péenne, l'Allemagne. Bien plus en­core que son indiscipline lors de la crise du Golfe (voyage de Brandt à Bagdad avec la bénédiction de Kohl, l'action diplomatique de la bourgeoisie allemande dans les Balkans, qui visait à lui ouvrir un débouché stratégique sur la Médi­terranée via une Croatie «indépendante» sous sa coupe, constitue le premier acte décisif de sa candidature à la direction d'un nouveau bloc impérialiste.

4) L'énorme supériorité militaire des Etats-Unis a l'heure actuelle, dont justement la guerre du Golfe a permis un étalage spectaculaire et meurtrier, contraint évidemment la bourgeoisie allemande à limiter considérablement ses ambitions pour le moment. Encore bridée sur le plan diplomatique et militaire (traités lui interdisant d'intervenir à l'extérieur de ses frontières, pré­sence des troupes américaines sur son territoire), dépourvue notam­ment de l'arme atomique et d'une industrie d'armement de pointe, l'Allemagne ne se trouve qu'au tout début du chemin qui pourrait la conduire à constituer autour d'elle un nouveau bloc impérialiste. Par ailleurs, comme on l'a vu en You­goslavie, la mise en avant par ce pays de ses nouvelles ambitions ne peut conduire qu'à accentuer la dé­stabilisation de la situation en Eu­rope et donc à aggraver le chaos dans cette partie du monde ce qui, compte tenu de sa position géo­graphique constitue, pour eux, plus encore que pour les princi­paux pays occidentaux, une me­nace de première importance (notamment sous la forme d'une immigration massive). C'est no­tamment pour cette raison que l'Allemagne continue de tenir sa place au sein de la structure de 'OTAN. Cette dernière, comme elle l'a annoncé elle-même à son sommet de Rome en automne 1991, n'a plus pour objectif de faire face à une puissance russe en pleine dé­confiture mais de constituer un pa­rapluie contre les convulsions en Europe de l'Est. La nécessaire fi­délité de l'Allemagne envers l'OTAN ne peut que réduire de façon importante la marge de ma­noeuvre de ce pays à l'égard de la puissance américaine qui dirige cette structure.

5) Enfin, la nécessité pour l'Allemagne de se doter d'alliés de premier plan en Europe occiden­tale, et qui est une condition de son accession au rang de puissance mondiale, se heurte, pour le mo­ment, à des difficultés importantes. Ainsi, au sein de la CEE, elle ne peut compter en aucune façon sur a Grande-Bretagne (oui est le meilleur allié des Etats-Unis) ni sur les Pays-Bas (que l'étroitesse des liens économiques avec leur grand voisin incitent justement à se tour­ner vers les Etats-Unis et la Grande-Bretagne pour ne pas de­venir une simple province alle­mande et qui constituent, de ce fait, la tête de pont de ces puis­sances dans le Nord du continent européen). De tous les grands d'Europe, la France est le plus in­téressé à des liens étroits avec l'Allemagne dans la mesure où elle ne peut prendre la place de lieute­nant des Etats-Unis dans la sphère européenne que l'histoire, la com­munauté de langue et surtout la proposition géographique ont attribue de façon définitive à la Grande-Bretagne. Cependant, l'alliance franco-allemande ne saurait avoir la même solidité et stabilité que celle entre les deux puissances anglo-saxonnes dans la mesure où :

- les deux partenaires ne placent pas les mêmes espoirs dans leur alliance (l'Allemagne aspirant à une position dominante alors que la France voudrait conserver un statut d'alter ego, sa détention de l'arme atomique et de positions impérialistes en Afrique devant compenser son infériorité écono­mique) ce qui peut aboutir à des positions diplomatiques diver­gentes, comme on l'a vu à propos de la Yougoslavie ;

- la puissance américaine a d'ores et déjà entrepris de faire payer très cher le manque de fidélité de la France (éviction du Liban, ap­pui à l'entreprise de Hissen Habré au Tchad, soutien du FIS en Algé­rie, affaire Habache, etc.), afin de faire revenir ce pays à de «meilleurs sentiments».

6) Cependant, tant son énorme re­tard militaire actuel, que les em­bûches que la puissance améri­caine ne manquera pas de lui op­poser, que le risque de provoquer une exacerbation du chaos, ne sau­raient détourner l'Allemagne du chemin dans lequel elle s'est, dès à présent, engagée. L'inéluctable aggravation, avec la crise capitaliste elle-même, des antagonismes impérialistes, la tendance de ces antagonismes à déboucher sur le partage du monde en deux blocs impérialistes, la puissance économique et la place en Europe de ce pays, ne peuvent que le pousser toujours plus à poursuivre sa progression sur ce chemin, ce qui constitue un facteur d'instabilité supplémentaire dans le monde d'aujourd'hui.

Plus généralement, même si la me­nace du chaos constitue un facteur pouvant à certains moments refré­ner l'affirmation par les grandes puissances de leurs intérêts impé­rialistes propres, la tendance histo­rique dominante du monde actuel est celle d'une exacerbation de leurs antagonismes, aussi catastro­phique que puisse être cette exa­cerbation. En particulier, la dé­termination des Etats-Unis, affi­chée avec la guerre du Golfe, de jouer pleinement leur rôle de «gendarme du monde» ne pourra s'exprimer, en fin de compte, que par l'emploi croissant de la force militaire et le chantage au chaos, ce qui contribuera à aggraver en­core ce dernier (comme l'illustre, notamment avec le problème Kurde, la situation du Moyen-Orient après cette guerre). Ainsi, quelles que soient les tentatives des grandes puissances pour y remé­dier, c'est bien le chaos qui domi­nera de plus en plus l'ensemble des rapports entre Etats dans le monde d'aujourd'hui, un chaos qui se trouve aussi bien à l'origine qu'à l'aboutissement des conflits mili­taires, un chaos qui ne pourra que se trouver amplifié par l'aggravation inéluctable de la crise du mode de production capi­taliste.

7) La récession ouverte dans la­quelle a plongé depuis deux ans la première puissance mondiale est venue sonner le glas de bien des illusions que s'était faites et avait propagées la bourgeoisie durant la majeure partie des années 1980. Les fameuses «reaganomics», qui avaient permis la plus longue pé­riode depuis les années 1960 de croissance continue des chiffres censés exprimer la richesse des pays (tel le PNB), se révèlent main­tenant comme un échec cinglant qui a fait des Etats-Unis le pays le plus endetté de la terre et qui éprouve des difficultés croissantes à financer ses dettes. L'état de santé de l'économie américaine avec sa dette totale de 10 000 mil­liards de dollars, sa chute de 4,7 % des investissements en 1991 malgré une baisse historique des taux d'intérêt, son déficit budgétaire de 348 milliards de dollars pour 1992, constitue un indice significatif de la situation catastrophique dans laquelle se trouve 1’économie mondiale. Celle-ci, depuis la fin des années 1960, n'a réussi à faire face à la contraction inéluctable des marchés solvables que par une fuite en avant dans l'endettement géné­ralisé. C'est ainsi que la forte récession mondiale de 1974-75 n'avait pu être surmontée que par l'injection massive de crédits dans les pays sous-développés et du bloc de l'Est, leur permettant pour une courte période, de relancer par leurs achats la production des pays industrialisés mais les conduisant rapidement à la cessation de paie­ments. La récession de 1981-82, qui constituait la conséquence inéluc­table de cette situation, n'a pu à son tour être surmontée que par une nouvelle relance de l'endettement, non plus des pays périphériques, mais du premier d'entre eux. Le déficit commercial des Etats-Unis a servi de nouvelle «locomotive» à la production mondiale et la «croissance» interne de ce pays a été stimulée par des déficits budgétaires de plus en plus colossaux. C'est notamment pour cela que l'impasse économique dans laquelle se débat la bourgeoi­sie américaine revêt un tel carac­tère de gravité pour l'ensemble de l'économie mondiale. Désormais, le capitalisme ne peut plus compter sur la moindre «locomotive». Asphyxié par l'endettement, il pourra de moins en moins échapper, globalement et au niveau de chacun des pays, à la conséquence inéluctable de la crise de surpro­duction : une chute croissante de la production, la mise au rebut de secteurs de plus en plus vastes de l'appareil productif, une réduction drastique de la force de travail, des faillites en série, notamment dans le secteur financier, à côté des­quelles celles de ces dernières an­nées apparaîtront comme de pe­tites péripéties.

8) Une telle perspective ne saurait être remise en cause par les boule­versements que vient de connaître l'économie clés pays anciennement autoproclamés «socialistes». Pour ces pays, les mesures de «libéralisation» et de privatisation n'ont fait qu'ajouter la désorgani­sation la plus complète et des chutes massives de la production au délabrement et à l'absence de productivité qui se trouvaient à 'origine de l'effondrement des ré­gimes staliniens. Dès à présent, ou dans un très court terme, c'est la famine qui menace les populations d'un certain nombre d'entre eux. Ce qui attend la plupart de ces pays, et particulièrement ceux issus de la défunte URSS où les affrontements ethniques et nationalistes ne pourront encore qu'aggraver les choses, c'est une plongée dans le tiers-monde. Ainsi, il n’a pas fallu deux ans pour que se dissipent les illusions sur les «marchés» mira­culeux qui étaient censés s'ouvrir à l'Est. Ces pays, déjà endettés jusqu'au cou, ne pourront pas acheter grand chose aux pays les plus développés et ces derniers, déjà confrontés à une crise des li­quidités sans précédent, ne dispen­seront qu'avec la plus extrême par­cimonie leurs crédits à des écono­mies qui apparaissent de plus en {dus comme des gouffres sans fond. Il n'y aura pas de « plan Marshall » pour les pays de l'Est, pas de réelle reconstruction de leur économie leur permettant de relancer un tant soit peu la production des pays les plus industrialisés.

9) L'aggravation considérable de la situation de l'ensemble de l'économie mondiale va se traduire par la poursuite et l'intensification a un niveau sans précédent des attaques capitalistes contre la classe ouvrière de tous les pays. Avec le déchaînement de la guerre com­merciale, de la compétition pour des marchés de plus en plus res­treints, les baisses des salaires réels et l'aggravation des conditions de travail (augmentation des ca­dences, économies sur la sécurité, etc.) vont côtoyer la réduction massive des prestations sociales (éducation, santé, pensions, etc.) et des effectifs au travail. Le chô­mage, dont la courbe a repris bru­talement en 1991 un cours ascen­dant dans les principaux pays avancés (28 millions de chômeurs dans l'OCDE contre 24,6 millions en 1990) est destiné à dépasser de loin ses niveaux les plus élevés du début des années 1980. C'est une misère sordide, intenable, qui at­tend la classe ouvrière, non seule­ ment dans les pays moins dévelop­pés mais aussi dans les plus riches d'entre eux. Le sort qui aujourd'hui accable les ouvriers des ex-pays «socialistes» indique aux ouvriers des métropoles d Occident la di­ rection vers où s'acheminent leurs conditions d'existence. Cepen­dant, il serait totalement faux « de ne voir dans la misère que la misère», comme Marx le repro­chait déjà à Proudhon. Malgré la somme tragique de souffrances qu'elle représente pour la classe ouvrière, et en bonne partie à cause d'elle, l'aggravation présente et à venir de la crise capitaliste porte avec elle la reprise des combats de classe et de la progression de la conscience dans les rangs ouvriers.

10) De façon paradoxale mais parfaitement explicable et prévue par le CCI depuis l'automne 1989, l'effondrement du stalinisme, c'est-à-dire du fer de lance de la contre-révolution qui a suivi la vague ré­volutionnaire du premier après-guerre, a provoque un recul très sensible de la conscience dans la classe ouvrière. Cet effondrement a permis un déchaînement sans pré­cédent des campagnes sur le thème de la «mort du communisme», de la «victoire du capitalisme» et de la «démocratie» qui n'a pu qu'ac­centuer la désorientation de la grande majorité des ouvriers sur la perspective de leurs combats. Cependant, cet événement n'a eu qu’un impact limité, en durée et en profondeur, sur la combativité ouvrière, comme les luttes du prin­temps 1990 dans différents pays l'ont attesté. En revanche, à partir de l'été 1990, la crise et la guerre du Golfe, en développant un fort sen­timent d'impuissance dans les rangs du prolétariat des pays les plus avancés (qui étaient tous im­pliqués, directement ou indirecte­ment, dans l'action de la «coalition») ont constitué un fac­teur très important de paralysie de sa combativité. En même temps, ces derniers événements, en mettant à nu les mensonges sur le «nouvel ordre mondial», en dévoi­lant le comportement criminel des «grandes démocraties» et de tous les défenseurs patentés des «droits de l'homme», ont contribué à sa­per une partie de l'impact sur les consciences ouvrières des cam­pagnes de la période précédente. C'est bien pour cette raison que les principaux secteurs de la bourgeoi­sie ont pris soin d'accompagner leurs «exploits» au Moyen-Orient d'un tel écran de mensonges, de campagnes médiatiques et de nou­velles opérations «humanitaires», notamment en faveur des Kurdes qu'ils avaient eux-mêmes livrés à la répression par le régime de Sad­dam Hussein.

11) Le dernier acte de cet ensemble d'événements affectant les condi­tions de développement de la conscience et de la combativité dans la classe ouvrière s'est joué à partir de l'été 1991 avec :

- le putsch manqué en URSS, la disparition de son parti dirigeant et la dislocation de ce pays ;

- la guerre civile en Yougoslavie.

Ces deux événements ont provoqué un nouveau recul de la classe ou­vrière, tant au plan de sa combati­vité que de la conscience en son sein. S'il n'a pas eu un impact comparable à celui des faits de la seconde partie de 1989, l'effondrement du régime préten­dument «communiste» en URSS et la dislocation du pays qui avait connu la première révolution pro­létarienne victorieuse a attaqué plus en profondeur encore la pers­pective du communisme dans la conscience des masses ouvrières. En même temps, les nouvelles me­naces d'affrontements militaires catastrophiques (y compris avec l'arme nucléaire) surgies de cette dislocation ont participé à accen­tuer le sentiment d'inquiétude im­puissante en leur sein. Ce même sentiment a été amplifié par la guerre civile en  Yougoslavie, à quelques centaines de kilomètres es grandes concentrations ouvrières d'Europe occidentale, dans la mesure où le prolétariat de celles-ci ne pouvait qu'assister en spectateur a des massacres ab­surdes et qu'il était obligé de s'en remettre au bon vouloir des gou­vernements et des institutions in­ternationales (CEE, ONU) pour qu'ils prennent fin. De plus, la conclusion (provisoire) de ce conflit, où les grandes puissances ont envoyé leurs troupes avec une «mission de paix» sous l'égide de l'ONU, n'a pu que redorer le bla­son, terni par la guerre du Golfe, des unes et de l'autre.

12) Les événements de Yougoslavie sont venus mettre en évidence la complexité du lien qui existe entre la guerre et la prise de conscience du prolétariat. Historiquement, la guerre a constitué un puissant fac­teur tant de la mobilisation que de la prise de conscience de la classe ouvrière. Ainsi, la Commune de Paris, la révolution de 1905 en Rus­sie, celle de 1917 dans ce même pays, celle de 1918 en Allemagne étaient des résultats de la guerre. Mais en même temps, comme le CCI l'a mis en avant, la guerre ne crée pas les conditions les plus fa­vorables à l'extension de la révolu­tion à l'échelle mondiale. De même, la seconde guerre mondiale a démontré que, désormais, il était illusoire de miser sur un surgisse- ment du prolétariat au cours d'un conflit impérialiste généralisé et que celui-ci constituait. Au contraire, un facteur d'enfoncement de la classe dans la contre-révolution. Cependant, la guerre impérialiste n'a pas perdu pour autant sa capacité de mettre en relief aux yeux des prolétaires la nature profondément barbare du capitalisme décadent et des me­naces qu'il fait courir à la survie de l'humanité, le comportement de gangsters des «hommes de bonne volonté» qui gouvernent le monde bourgeois et le fait que la classe ouvrière constitue la principale vic­time de ce type d'agissements. C'est pour cela que la guerre du Golfe a pu agir, partiellement, comme antidote au poison idéologique déversé au cours de l'année 989. Mais, aujourd'hui, pour que la guerre puisse avoir un tel impact positif sur la conscience des masses ouvrières, il est nécessaire que ces différents enjeux apparaissent clai­rement aux yeux des prolétaires, ce qui suppose :

- que ces derniers ne soient pas massivement embrigadés derrière les drapeaux nationaux (et c'est pour cette raison que les diffé­rents conflits qui déchirent les ré­gions où régnait le stalinisme ne font qu'accentuer le désarroi des ouvriers qui s'y trouvent) ;

- que la responsabilité, dans la barbarie et les massacres, des Etats des pays avancés soit évi­dente et non masquée par les cir­constances locales (conflits ethniques, haines ancestrales) ou des opérations «humanitaires» (comme les «missions de paix» de l'ONU).

Dans la période qui vient, ce n'est pas des affrontements comme ceux de la Yougoslavie ou du Caucase qu'il faut attendre une impulsion e la prise de conscience clans les masses ouvrières. En revanche, la nécessité pour les grandes puis­sances de s'impliquer de plus en plus de manière directe dans les conflits militaires va constituer un facteur important de prise de conscience dans les rangs ouvriers, particulièrement dans les secteurs décisifs du prolétariat mondial qui justement vivent dans ces pays.

13) Plus généralement, les diffé­rentes conséquences de l'impasse historique dans laquelle se trouve le mode de production capitaliste n'agissent pas dans la même direc­tion du point de vue du processus de prise de conscience dans l'ensemble de la classe ouvrière. Ainsi, les caractéristiques spéci­fiques de la phase de décomposi­tion, notamment le pourrissement  sur pieds de la société et le chaos, constituent pour l'heure un facteur d'accroissement de la confusion dans la classe ouvrière. Il en est ainsi, par exemple, des convulsions dramatiques         qui affectent l'appareil politique de la bourgeoi­sie dans les pays sortant du pré­tendu «socialisme réel» ou dans certain pays musulmans (montée de l’intégrisme). Dans les pays avancés également, les différents soubresauts qui secouent cet appa­reil politique, à une échelle bien moindre évidemment, et sans échapper au contrôle des forces bourgeoises dominantes (montée des mouvements xénophobes en France, en Belgique, dans l'Est de l'Allemagne, succès électoraux des partis régionalistes en Italie, des écologistes en France ou en Bel­gique), sont efficacement utilisés pour attaquer la conscience des ouvriers. En réalité, les seuls élé­ments qui agissent favorablement à la prise de conscience du proléta­riat sont ceux qui appartiennent à la décadence dans son ensemble, et non spécifiquement à la phase de décomposition : la guerre impéria­liste avec une participation directe des métropoles du capitalisme et la crise de l'économie capitaliste.

14) De même qu'il importe de sa­ voir distinguer la contribution des différents aspects de l'impasse tra­gique dans laquelle se trouve la société à la prise de conscience de l'ensemble de la classe ouvrière, il est nécessaire de discerner les diverses façons dont cette situation affecte chacun de ses secteurs. En particulier, il doit être clair, comme le CCI l'a mis en évidence depuis le début des années 1980, que le prolétariat des ex-pays «socialistes» est confronte à d'énormes difficultés dans sa prise de conscience. Malgré les terribles attaques qu'il a déjà subies et qu'il subira encore plus, malgré les combats, même de grande am­pleur, qu'il va encore mener contre ces attaques, ce secteur de la classe ouvrière mondiale se distingue par sa faiblesse politique qui en fait une proie relativement facile pour les manoeuvres démagogiques des politiciens bourgeois. Ce n’est que 'expérience et l’exemple des com­bats des secteurs les plus avancés de la classe, notamment ceux d'Europe occidentale, contre les pièges les plus sophistiqués tendus par la bourgeoisie qui permettra aux ouvriers d'Europe de l'Est d'accomplir des pas décisifs dans le processus de prise de conscience.

15) De même, au sein de l'ensemble de la classe ouvrière mondiale, il importe d'établir éga­lement une claire distinction, pour ce qui concerne la façon dont les bouleversements depuis 1989 ont été perçus, entre les minorités d'avant-garde et les grandes masses du prolétariat. Ainsi, autant ces dernières ont subi de plein fouet la succession des différentes cam­pagnes de la bourgeoisie, et ont été conduites de façon très sensible à se détourner de toute perspective de renversement du capitalisme, autant les mêmes événements et les mêmes campagnes ont provoqué un regain d'intérêt, une mobilisa­tion à l'égard des positions révolu­tionnaires de la part des petites minorités qui ont refusé de se lais­ser entraîner et assourdir par les discours sur la «mort du communisme». C'est une nouvelle illustra­tion du fait que contre le scepti­cisme, le désarroi et le désespoir que les différents aspects de la dé­composition font peser sur l'ensemble de la société, et no­tamment sur la classe ouvrière, le seul antidote est constitué par l'affirmation de la perspective communiste. Cet accroissement récent de l'audience des positions révolutionnaires est également la confirmation de la nature du cours historique tel qu'il s'est développé à partir de la fin des années 1960, un cours aux affrontements de classe et non à la contre-révolu­tion, un cours que les événements des dernières années, aussi néfastes qu'ils aient pu être en majorité pour la conscience du prolétariat, n'ont nullement pu renverser.

16) Et c'est bien parce que le cours historique n'a pas été renversé, parce que la bourgeoisie n'a pas réussi avec ses multiples cam­pagnes et manoeuvres à infliger une défaite décisive au prolétariat des pays avancés et à l'embrigader derrière ses drapeaux, que le recul subi par ce dernier, tant au niveau de sa conscience que de sa comba­tivité, sera nécessairement sur­monté. Déjà, l'aggravation consi­dérable de la crise capitaliste, et particulièrement dans les pays les plus développés, constitue un fac­teur de premier ordre de démenti de tous les mensonges sur le «triomphe» du capitalisme, même en l'absence de luttes ouvertes. De même, l'accumulation du mécon­tentement provoqué par la multi­plication et l'intensification des at­taques résultant de cette aggrava­tion de la crise ouvrira, à terme, le chemin à des mouvements de grande ampleur qui redonneront confiance à la classe ouvrière, lui rappelleront qu'elle constitue, dès à présent, une force considérable dans la société et permettront à une masse croissante d'ouvriers de se tourner de nouveau vers la perspec­tive du renversement du capita­lisme. Il est évidemment encore trop tôt pour prévoir à quel mo­ment prendront place de tels mou­vements. Dans l'immédiat, les luttes ouvrières se situent à un des niveaux les plus bas depuis la der­nière guerre mondiale. Mais ce dont il faut être certain c'est que, dès à présent, se développent en profondeur les conditions de leur surgissement ce qui doit inciter les révolutionnaires à une vigilance croissante afin qu'ils ne soient pas surpris par un tel surgissement et qu'ils soient préparés à intervenir en son sein pour y mettre en avant la perspective communiste.

CCI, 29/3/1992.

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