Soumis par Revue Internationale le
Cet éditorial trace les grandes lignes de l’analyse des événements de l'été 83, au moment de la parution de ce numéro de la Revue Internationale qui est consacré aux rapports et résolutions du Sème Congrès du CCI. Ces événements illustrent sur les menaces de guerre et les campagnes idéologiques de la bourgeoisie les orientations des textes de ce Congrès sur la situation internationale.
L'été 83 a été marqué par un réchauffement des tensions inter-impérialistes sur la scène mondiale:
- Le conflit du Tchad en plein centre de l'Afrique, endémique depuis plusieurs années, est passé à un niveau supérieur, par l'intervention déterminée de forces armées du bloc occidental, et notamment de la France.
- Le conflit du Liban, après plusieurs mois de relative accalmie, s'est brutalement rallumé, et Beyrouth est de nouveau sous les bombes.
- Enfin, la destruction du Bœing 747 sud-coréen par la chasse russe est venu montrer l'hypocrisie du bloc américain, qui n'hésite pas à utiliser les passagers civils comme otages dans une sinistre affaire d'espionnage, tandis que l'URSS n'a pas hésité à les tuer pour la sacro-sainte défense du territoire national et du secret militaire.
Une propagande intense est venue répercuter les bruits de bottes comme un écho amplifié par tous les médias qui assourdit les consciences et rallume la peur d'une troisième guerre mondiale. C'est le rôle de toute propagande de montrer que c'est l'adversaire l'agresseur, le barbare, le fauteur de guerre, et dans cet art, le bloc de l'Ouest est passé maître : si des troupes interviennent au Tchad, c'est pour faire face à l'agression du "fou mégalomane" Kadhafi, l'allié des russes ; si les armées américaines, françaises, italiennes et britanniques campent à Beyrouth, c'est pour "protéger" la liberté et l'indépendance du Liban face à l'impérialisme syrien soutenu par la Russie, etc. Autant d'alibis qui masquent l'essentiel : c'est le bloc de l'Ouest gui est à l'offensive et gui marque sa supériorité en tentant de faire disparaître les vestiges de l'influence du bloc de l'Est en Afrique et au Moyen-Orient.
Alors même que les grandes puissances négocient tous azimuts sur les euromissiles et 1'armement en général, au nom de la "paix" (Madrid, Genève, etc.), jamais l'effort de guerre n'aura été aussi intense depuis la deuxième guerre mondiale. Des armements toujours plus sophistiqués et meurtriers sont mis au point, produits en grande série et implantés partout dans le monde. Pour utiliser cet armement technologique, de plus en plus les grandes puissances sont amenées à intervenir directement dans les opérations militaires : l'URSS en Afghanistan, mais aussi la France au Tchad, La France encore avec les USA, l'Italie, la Grande-Bretagne au Liban, etc., sans compter les nombreuses bases militaires stratégiques installées et entretenues tout autour de la planète.
Les soi-disant divergences au sein du bloc américain, entre la France et les Etats-Unis par exemple, ne sont qu'un rideau de fumée de la propagande qui cherche à masquer l'unité profonde et le partage des tâches entre alliés contre le bloc russe. Cela montre que si les discours, de droite de Reagan, de gauche de Mitterrand, sont différents, les buts et les résultats sont les mêmes : militarisme et impérialisme pour la défense des intérêts du même camp.
Face à cette pression, l'URSS est en position de faiblesse, tant sur le plan économique, que militaire et politique. Incapable de réellement soutenir ses alliés de la périphérie (Libye, Syrie, Angola, etc.), doté d'un armement qui accuse un important retard technologique et empêtré dans le conflit d'Afghanistan, le bloc de l'Est est le plus fragilisé dans la mobilisation de son potentiel militaire, par la faiblesse de son contrôle sur le prolétariat comme l'ont montré les grèves en Pologne en 80-81.
Si le bloc de l'Ouest peut tenter de mettre à profit cette situation, c'est parce qu'il est parvenu jusqu'à présent à enrayer la lutte de classe dans les principaux pays- industrialisés, par une utilisation intensive des mystifications démocratiques et syndicales, et des campagnes forcenées sur la guerre (Malouines, Salvador, Moyen-Orient) qui, en déboussolant la classe ouvrière, renforcent sa passivité. Les différents conflits qui amènent leur lot quotidien de massacres viennent rappeler au prolétariat ses responsabilités historiques. Tenaillée par la crise, la bourgeoisie mondiale intensifie ses préparatifs militaires pour la guerre. Le seul obstacle qu'elle rencontre sur ce chemin, c'est la lutte de classe du prolétariat. Tout le verbiage diplomatique sur la paix n'est que pure propagande ; toutes les guerres sont faites au nom de la paix. Il n'y a pas de paix dans le capitalisme ; seule la révolution communiste, en mettant fin au capital, peut mettre fin à la guerre et aux menaces de guerre.
Cependant, si c'est la passivité présente du prolétariat mondial, notamment dans sa principale concentration en Europe, qui permet l'accentuation des tensions inter-impérialistes, le chemin vers une troisième guerre mondiale n'est pas ouvert. La classe ouvrière est passive, mais elle n'est pas encore embrigadée et elle n'a pas été écrasée. La bourgeoisie de tous les pays en est bien consciente, et le bloc occidental procède avec prudence, n'engageant que ses troupes professionnelles, et développant toute une propagande qui n'a pas pour but immédiat l'embrigadement direct, mais qui vise, en martelant la peur de la guerre, à démoraliser la classe ouvrière et 1'empêcher de développer sa lutte.
A 1'heure où la bourgeoisie s'engage militairement de plus en plus clairement, où les budgets militaires dévorent les budgets sociaux, où le chômage touche des millions d'ouvriers, où la misère imposée par l'austérité est toujours plus dramatique, la réponse du prolétariat occidental est de plus en plus déterminante pour offrir une perspective aux luttes du prolétariat mondial.
De la capacité des fractions centrales de la classe ouvrière à secouer la chape de plomb de l'idéologie de résignation véhiculée par la propagande bourgeoise dépend l'avenir de l'humanité : guerre ou révolution.