Soumis par Revue Internationale le
INTRODUCTION
Dans le n°10 de la Revue Internationale (juin-août 1977) nous avons commencé la publication de textes de la gauche communiste mexicaine. Comme nous l'avons proposé, nous avons continué ce travail, il est vrai avec retard, mais indépendamment de notre seule volonté, en publiant dans le dernier numéro (19) le texte sur "Les nationalisations". Texte dans lequel la gauche mexicaine dénonçait vigoureusement cette mystification, largement utilisée par les partis soi-disant ouvriers pour tromper sans vergogne la classe ouvrière et mieux la rattacher à la défense du capital national. Aujourd'hui comme hier, les nationalisations continuent à être la plate-forme de ces partis, et l'accélération de cette évolution vers le capitalisme d'Etat est toujours présentée par eux comme l'alternative ouvrière à la crise du capitalisme. Et tout comme hier, les trotskystes et autres gauchistes continuent sur cette question comme sur tant d'autres à leur emboîter le pas et leur servir d'auxiliaires très dévoués.
Les deux textes que nous publions aujourd'hui sont à notre connaissance les derniers que ce groupe a publiés dans leur revue "Comunismo" n°2 (octobre-décembre 1938). La violente hostilité de toutes les forces de la bourgeoisie, de droite et de gauche, la campagne de dénonciation publique dans le style stalinien par la section mexicaine de la 4ème Internationale contre les militants et le groupe comme étant des "provocateurs, agents de Hitler et de Staline", la répression (voir leur "Appel" publié dans le n° 10 de la Revue Internationale) du gouvernement de gauche, et surtout la bourrasque de la guerre s'approchant à pas accélérés ont eu raison des faibles forces de la gauche mexicaine, qui vu son extrême jeunesse n'a pas su résister longtemps à une telle coalition des forces ennemies. Le "Groupe des travailleurs marxistes" de Mexico disparaît dans la tourmente de l'année 1939. Mais dans ce court laps de temps (2 ans) de son existence, le groupe communiste de gauche du Mexique a su apporter une contribution effective dans la défense des positions communistes fondamentales. Sa place et sa contribution dans les heures .les plus sombres du mouvement révolutionnaire international ne devraient pas rester méconnues des nouvelles générations.
Le premier texte que nous publions dans cette revue est un exemple vivant de comment les révolutionnaires défendent dans un pays sous-développé les positions de classe et dénoncent tous les mensonges d'une bourgeoisie "progressive". Bon exemple, non seulement contre les trotskystes et leur soutien à Cardenas, mais également contre les bordiguistes d'aujourd'hui qui ne trouvaient rien de mieux que de critiquer ( !) "les faiblesses" du gouvernement de gauche d'Allende au Chili face à Pinochet, de lui reprocher ses hésitations (!) et de lui donner post festum des conseils édifiants sur la "violence révolutionnaire".
On se souvient de l'apologie faite par les bordiguistes de la "terreur révolutionnaire" exemplaire les khmers rouges au Cambodge. C'est aussi à eux lue s'adresse la conclusion de l'article de la gauche mexicaine, quand dénonçant les mensonges de "révolution sociale" dont s'affublait le parti national révolutionnaire (parti gouvernemental) elle s'écrie :
"Quelle vision sociale si magnifique : établir dans le pays la paix de cimetière et décréter qu’elle est "la société sans classe".... comme l’entendent les généraux."
Le deuxième texte est une étude analytique des thèses du 2ème congrès de l'Internationale Communiste sur la question nationale et coloniale. Il est absolument inévitable pour tout groupe communiste, se dégageant du long cours de la dégénérescence et de la trahison finale de la 3ème Internationale de dénoncer non seulement la contre-révolution stalinienne mais encore de soumettre à une critique minutieuse les travaux de l'Internationale Communiste depuis ses premières années au temps glorieux de Lénine. Tout comme les fractions italiennes et belge de la gauche communiste internationale, la gauche mexicaine ne pouvait se contenter d'emboucher simplement les clairons de la plus plate apologie de tout ce qui venait de Lénine, comme le faisaient les trotskystes ou comme le font aujourd'hui les bordiguistes. La gauche mexicaine aurait le plus grand mal à reconnaître dans ces derniers les continuateurs de "Bilan" tant ils ont régressé sur bien des questions pour apparaître comme une variante du trotskysme. Comme les révolutionnaires, lors de l'éclatement de la première guerre mondiale, ne pouvaient se contenter d'un simple constat de la trahison de la 2ème Internationale mais devaient soumettre à un examen critique toute l'involution au cours de son histoire, la gauche communiste ne pouvait et ne devait pas se contenter de stigmatiser le triomphe de la contre-révolution stalinienne mais devait chercher à mettre à nu ses racines dont, non la moindre, se trouve dans l'immaturité de la pensée et l'organisation du mouvement communiste lui-même. Le stalinisme ne tombe pas du ciel et ne surgit pas du néant. Et s'il est absurde de jeter l'enfant avec l'eau sale de la baignoire, de condamner l'Internationale Communiste parce qu'en son sein a pu se développer et triompher le stalinisme (voir par exemple "les modernes" tard venus, et sévères "juges de paix provinciaux" comme le PIC et la Gauche Internationaliste"), il n'est pas moins absurde de prétendre que l'eau de la baignoire a toujours été absolument pure et parfaitement limpide, de présenter l'histoire de "L'Internationale Communiste" divisée en deux périodes bien tranchées, dont l'une, la première serait du cristal pur, révolutionnaire, sans la moindre tâche, sans défaillance aucune et brusquement interrompue par l'explosion de la contre-révolution. Ces imageries d'un paradis bienheureux et d'un horrible enfer sans aucun lien entre eux, n'a rien à voir avec un mouvement réel, telle l'histoire du mouvement communiste où la continuité se fait au travers de profondes ruptures, et où les futures ruptures ont leurs germes dans le processus de la continuité.
Seul l'examen critique inexorable, l'autocritique constante permet au mouvement révolutionnaire de la classe de surmonter ses faiblesses, son immaturité d'hier et de corriger ses erreurs du passé et lui donner la possibilité de se hisser à la hauteur de ses tâches historiques, de mieux ajuster ses positions au travers de l'expérience. Il n'est pas surprenant que la gauche mexicaine ait porté l'examen de la question nationale au centre de ses préoccupations. A côté des questions de la période historique de la décadence et ses implications -la question syndicale, électorale, fascisme et antifascisme, fronts uniques- la question nationale est une de celles qui a laissé le plus d'ambiguïtés permettant des interprétations opportunistes et entrouvrant la porte à ces courants.
Dans la première partie de ce texte, la gauche mexicaine, en rappelant le premier et le deuxième paragraphe de la deuxième thèse du second congres de l'IC, s'efforce de démontrer comment les trotskys-tes et autres "anti-impérialistes" dénaturent sans vergogne la position de principe énoncée dans les thèses du second congrès. Elle revendique ses principes internationalistes comme un acquis du mouvement communiste et dénonce toute altération comme une régression vers des positions nationalistes bourgeoises. C'est par la suite, que la gauche mexicaine se proposait de faire la critique des insuffisances, des ambiguïtés que contenaient encore ces thèses, notamment le troisième paragraphe. Autant les deux premiers paragraphes mettent clairement l'accent sur la séparation nécessaire entre les intérêts de classe des exploités et le concept trompeur bourgeois d'un soi-disant intérêt national commun à toutes les classes, le troisième paragraphe, lui, reste dans le vague, dans la simple description de l'exploitation à outrance de la majorité des pays sous-développés par une minorité de pays où le capital est hautement développé sans tirer d'autre conclusion que le constat que telle est "la situation propre à l'époque du capital financier impérialiste".
Que découlait-il de ce constat ? Pour la majorité centriste de l'Internationale autour de Lénine et le parti bolchevique, il s'en suivait que dans certaines circonstances et plus particulièrement dans une période révolutionnaire, le prolétariat concentré dans les pays de haut développement capitaliste pouvait trouver dans son assaut contre le monde capitaliste un appui dans les pays sous-développés en butte à 1'oppression des grandes puissances. L'erreur d'une telle conclusion réside dans le fait de faire découler mécaniquement d'un constat d'antagonismes existants entre pays dominants et pays dominés une affirmation qui fait de cet antagonisme une opposition historique irréconciliable contre l'ordre existant. La société bour-geoise n'est pas une société harmonieuse mais fondée sur beaucoup d'antagonismes entre pays à capital hautement développé et pays sous-développés, entre des pays développés eux-mêmes, entre un bloc de pays contre un autre bloc, pour la domination du monde. Ce qui aboutit dans la période impérialiste à des guerres généralisées. La question est de savoir si ces antagonismes mettent en question 1'ordre bourgeois, tendent à donner une solution aux contradictions qui déchirent la société, la mènent à des catastrophes, ou bien ces antagonismes ne sont que les manifestations de l'ordre existant, son mode d'existence ?
Pour les marxistes, seul l'antagonisme de classe du prolétariat contre la bourgeoisie présente une dynamique révolutionnaire, non pas seulement parce que c'est la lutte des opprimés contre l'oppression, mais uniquement parce que le prolétariat porte en lui la solution à tous les antagonismes et contradictions dans lesquels la société s'est embourbée et cette solution est l'instauration d'un nouvel ordre social : une société sans classes et sans divisions nationales : le communisme. L'ambiguïté de la position plaçait l'Internationale Communiste sur une pente dangereuse. Les démentis fracassants et les échecs successifs auxquels cette politique a conduit (voir le soutien à Kemal Pacha en Turquie, ou à Tchang Kaï chek en Chine) n'a fait que savonner plus la pente et accélérer la dégénérescence de l'Internationale. D'une "possibilité occasionnelle", la position devenait une règle constante et la possibilité pour le prolétariat de trouver un appui problématique dans les luttes nationales des pays coloniaux s'est transformée en un soutien inconditionnel du prolétariat aux luttes nationales et nationalistes. C'est ainsi que les trotskystes ont fini par participer à la guerre impérialiste et à la défense nationale au nom de 1'antifascisme allemand et que les bordiguistes, tournant le dos à la conception d'une révolution internationale ont construit une théorie d'aires géographiques où dans les unes, (une minorité) serait à Tordre du jour la révolution prolétarienne et dans les autres (groupant l'immense majorité des pays et de la population mondiale) serait à l'ordre du jour "la révolution démocratique bourgeoise anti-impérialiste".
La disparition de sa revue en 1939 a empêché la gauche mexicaine de poursuivre sa critique implacable des positions ambiguës de la 3ème Internationale. Mais déjà cette première partie de leur étude constitue une contribution très importante à ce travail.
Il appartient aux révolutionnaires aujourd'hui de le reprendre et de le continuer.
LE PARTI DE LA REVOLUTION MEXICAINE «RECONNAIT LA LUTTE DE CLASSE» POUR COMBATTRE LA REVOLUTION PROLETARIENNE
Un des traits les plus caractéristiques de la vie politique de nos jours est le fait que la bourgeoisie, pour dévoyer l'attaque des masses affamées et désespérées ,se présente, hypocritement et démagogiquement, comme l'opposé de ce qu'elle est en réalité, c'est à dire, elle se fait passer pour le défenseur des masses contre la bourgeoisie elle-même. Bien entendu, pour réussir un mensonge aussi éhonté et absurde, la bourgeoisie doit se diviser en deux secteurs : l'un "oppresseur" et l'autre "protecteur" et ces deux secteurs, les "mauvais" capitalistes et les "bons" doivent être "en lutte". Dans le cas des pays à dictature masquée qui se dénomment "démocratiques", ce sont les "bons" capitalistes qui détiennent le pouvoir ; dans le cas des pays à dictature ouverte, ce sont les "mauvais". Dans le second cas, les "bons" capitalistes, les "protecteurs des masses" se trouvent en situation "d'opposition irréconciliable" selon leurs propres ternies. Mais dans un cas comme dans l'autre, c'est un secteur capitaliste qui "défend" les masses contre un autre secteur capitaliste. Les ouvriers et les paysans pauvres, pour se libérer du joug capitaliste n'ont plus qu'à offrir leur destinée aux capitalistes eux-mêmes -bien entendu aux "bons", ceux qui se déguisent ennemis". Cet abandon total à l'ennemi de classe qui, naturellement, exige d'énormes sacrifices économiques et politiques et jusqu'à la vie même (comme c'est le cas aujourd'hui en Espagne et en Chine), pour "protéger" les prolétaires et les paysans contre les autres capitalistes, les "réactionnaires", "fascistes", ou "impérialistes", cet abandon de la lutte, donc, se nomme, ironiquement "lutte". Au Mexique, devenu aujourd'hui le jardin tropical de l'exubérance démagogique, cela s'appelle même "lutte de classe"!
Lorsqu'on lit les phrases ci-après de la déclaration du "nouveau" P.R.M., "Parti de la Révolution Mexicaine et authentique représentant des travailleurs", et l'éditorial intitulé "Sur le patriotisme" dans "El Nacional" du 21 avril 1938, on se croirait facilement dans un asile de fous.
"La lutte de classe est reconnue -par le Parti de la Révolution mexicaine et par le consensus de l'opinion ouvrière du pays, comme une réalité insurmontable étant donné que c'est un phénomène inhérent au système de production capitaliste. On ne pourra espérer la paix sociale que lorsque ce régime sera substitué. Nous; les révolutionnaires, concevons la société structurée en deux couches superposées par la force d'une loi économique que le capitalisme impose comme valable, ne fut-ce que de façon transitoire. Le paysan maya est plus frère du pêcheur finlandais, brumeux dans ses eaux polaires, que du propriétaire blanc, maître de la même langue, fils du même sol et protégé par des institutions identiques, qui n'emploie ce qu'il a en commun avec son serf que pour mieux le spolier."
Et qui est-ce qui parle ainsi ? L'authentique représentant de la bourgeoisie, l'authentique représentant du système capitaliste, l'authentique représentant des propriétaires blancs, l'ennemi irréconciliable des [paysans mayas et des pécheurs finlandais, le parti de la soi-disant "révolution mexicaine"!
LES OPPRESSEURS VEULENT DIRIGER LA LUTTE DES OPPRIMES.
Les capitalistes et propriétaires fonciers mexicains "reconnaissent" ainsi la lutte de classe, mais, naturellement, ils ne se réfèrent.pas à la lutte de classe entre eux et les masses opprimées, mais à la lutte entre les opprimés et les exploités et les autres propriétaires fonciers et capitalistes, les "mauvais", les "fascistes". Contre ces derniers, la "bonne" bourgeoisie mexicaine, dirigée par les généraux "démocratiques" lutte à côté des ouvriers et de paysans, et-non seulement elle participe à cette lutte, mais encore elle la dirige! Il est clair qu'une telle "lutte de classe", dirigée par un secteur de la bourgeoisie elle-même, ne signifie pas lutte des opprimés contre les oppresseurs, mais, au contraire, une lutte de ceux-ci contre les opprimés. C'est la lutte de classe de la bourgeoisie et des propriétaires fonciers, "bons" et "mauvais" ensemble, contre les prolétaires et les paysans.
La bourgeoisie mexicaine "reconnaît" la lutte de classe dans le but de dénaturer la lutte des exploités contre les exploiteurs et d'utiliser la combativité aux fins de la lutte des exploiteurs contre les exploités. Voilà la clé de la confusion qui règne aujourd'hui parmi le prolétariat et la paysannerie du pays et l'explication de leurs innombrables défaites.
IL MANQUE UN PARTI DE LA REVOLUTION PROLETARIENNE !
Le triomphe de la démagogie "classiste" de la bourgeoisie mexicaine s'explique par l'absence d'un parti classiste du prolétariat du Mexique. Il n'existe, en dehors de notre organisation, aucun autre groupe, aussi petit soit-i1, qui essaie de combattre à partir des positions du marxisme, le mensonge de la bourgeoisie "révolutionnaire" du pays. Ainsi, la démagogie du P.R.M. et de tous les grands "ouvriéristes" au gouvernement trouve la voie libre et atteint des limites inconnues dans d'autres pays.
"Celui qui accepte seulement la lutte de classe n'est pas encore marxiste et peut rester dans le cadre de la pensée et de la politique bourgeoises.. . Est marxiste seulement celui qui "étend la reconnaissance de la lutte de classes " jusqu'à la DICTATURE DU PROLETARIAT". (Lénine dans l’Etat et la révolution)
Combattre la bourgeoisie et la détruire complètement au moyen de la dictature du prolétariat, c'est cela pour les marxistes, pour les communistes, le seul chemin pour "substituer" au régime actuel un autre qui instaurera enfin la "paix sociale" (pour reprendre les termes de la déclaration du P.R.M.).
Les généraux du P.R.M. et leurs rusés conseillers "ouvriéristes" ont, bien entendu, une conception entièrement différente. D'après eux, SUBSTITUER un régime à un autre, cela signifie simplement CHANGER SON ETIQUETTE, et cela naturellement, ils peuvent et doivent le faire EUX-MEMES. En d'autres termes, il ne s'agit pas seulement d'une soi-disant "lutte de classes", mais d'une "révolution sociale"... sous la direction des généraux !
Quelle magnifique vision "sociale" : établir dans le pays la paix des cimetières et décréter que c'est là la "société sans classes"... telle que l'entendent les généraux !
UNE ANALYSE DES THESES DU 2eme CONGRES DE L INTERNATIONALE COMMUNISTE 1920 (1ière partie).
Sur les questions nationale et coloniale
"Abolissez l’exploitation de l'homme par l'homme et vous aurez aboli l'exploitation d'une nation par une autre".
Le paragraphe 2 des Thèses du Second Congrès de l'Internationale Communiste, sur les questions nationale et coloniale, dit textuellement :
"Conformément à son but essentiel - la lutte contre la démocratie bourgeoise, dont il s'agit de démasquer l'hypocrisie - le Parti Communiste- interprète conscient du prolétariat en lutte contre le joug de la bourgeoisie, doit considérer comme formant la clef de voûte de la question nationale, non des principes abstraits et formels, mais : 1° une notion claire des circonstances historiques et économiques ; 2° la. dissociation précise des intérêts des classes opprimées, des travailleurs, des exploités, par rapport à la conception générale des soi-disant intérêts nationaux, qui signifient en réalité ceux des classes dominantes ; 3° la division tout aussi nette et précise des nations opprimées, dépendantes, protégées, et oppressives et exploiteuses, jouissant de tous les droits, contrairement à l'hypocrisie bourgeoise et démocratique qui dissimule, avec soin, l'asservissement (propre à l'époque du capital financier de l'impérialisme) par la puissance financière et colonisatrice, de l'immense majorité des populations du globe à une minorité de riches pays capitalistes."
Nous allons analyser ce paragraphe avec soin, point par point.
LA LUTTE CONTRE LA DEMOCRATIE.
Le plus significatif dans ce paragraphe est sans aucun doute son début : l’affirmation claire, sans équivoque que la tâche essentielle du Parti Communiste Mondial n'est pas la fameuse "défense de la démocratie" dont nous parlent tant aujourd'hui les prétendus "communistes", mais au contraire la lutte contre elle !
Cette affirmation répétée tant de fois dans d'autres thèses de l'Internationale de l'époque de Lénine, quoiqu'aujourd'hui niée catégoriquement par l'institution qui porte encore ce nom, servait à Lénine et à ses camarades de point de départ précisément pour l'étude des questions nationale et coloniale. Et il n'y a pas d'autre point de départ ! Ceux qui n'acceptent pas la lutte contre la démocratie bourgeoise comme la tâche principale des communistes, ne peuvent jamais donner une solution marxiste à ces questions.
LE MENSONGE DE L'EGALITE DANS LE SYSTEME DANS LE SYSTEME CAPITALISTE.
Le premier paragraphe des thèses explique plus en détail quels sont ces "principes abstraits et formalistes" que le Parti de la Révolution Prolétarienne doit rejeter comme base de sa tactique dans les questions nationale et coloniale.
"La position abstraite et formelle de la question de l'égalité, y compris de l'égalité des nations, est propre à la démocratie bourgeoise sous la forme de l'égalité des personnes en général. La démocratie bourgeoise proclame l'égalité formelle ou juridique du prolétaire, de l'exploiteur et de l'exploité, induisant ainsi les classes opprimées dans la plus profonde erreur. L'idée d'égalité% qui n'était que le reflet des rapports créés par la production pour le négoce, devient, entre les mains de la bourgeoisie, une arme contre l'abolition des classes combattue désormais au nom de l'égalité absolue des personnalités humaines."
La lutte pour l'abolition des classes serait évidemment superflue si, comme l'affirme la bourgeoisie, l'égalité était réellement possible au sein de la société actuelle malgré sa division en classes. La vérité est que non seulement il n'y a pas d'égalité au sein de la société actuelle, mais qu'il ne peut pas y en avoir. Les thèses ajoutent, à la fin du paragraphe cité :
"Quant à la signification véritable de la revendication égalitaire, elle ne réside que dans la volonté d'abolir les classes".
Et encore une fois, au paragraphe 4, on parle de :
"Car ce rapprochement est la seule garantie de notre victoire sur le capitalisme, sans laquelle ne peuvent être abolies ni les oppressions nationales, ni l'inégalité"'.
En d'autres termes : l'affirmation de l'existence de l'égalité ou, au moins dans la société actuelle, de la possibilité de son existence, a comme but de préserver l'exploitation et l'oppression de classes et de nations. La revendication de l'égalité, sur la base de l'abolition des classes poursuit le but opposé : la destruction de la société actuelle et la construction d'une nouvelle société sans classe . La première est l'arme préférée de tous les réformistes au service de la contre-révolution. La deuxième est une revendication du prolétariat conscient de ses intérêts de classe, l'exigence du Parti de la Révolution Prolétarienne Mondiale.
LES PROLETAIRES N'ONT PAS D’INTERETS NATIONAUX".
D'après le second point des thèses citées, le Parti Communiste Mondial doit rejeter le "concept général des soi-disant intérêts nationaux" parce que ces intérêts n'existent pas et ne peuvent pas exister puisque toutes les nations sont divisées en classes aux intérêts opposés et irréconciliables, de sorte que ceux qui parlent d'"intérêts nationaux", consciemment ou inconsciemment, défendent les intérêts des classes dominantes. L'affirmation selon laquelle il pourrait exister des "intérêts nationaux", c'est-à-dire des intérêts communs à tous les membres d'une nation, se fonde justement sur la soi-disant "égalité formelle et juridique de l'exploiteur et de l'exploité" proclamée hypocritement par les classes possédantes et exploiteuses elles-mêmes. Sur les traces de Marx et Engels, nous devons combattre le mensonge qui dit par exemple que "tous les mexicains" seraient égaux et que nous aurions des intérêts communs et donc une "patrie" commune à défendre. La patrie est à eux. Les travailleurs, comme l'a déjà affirmé avec une absolue clarté le Manifeste Communiste il y a presque cent ans, n'ont pas de patrie. Notre futur ne connaîtra pas des patries différentes au nom desquelles les classes possédantes pourront envoyer les dépossédés sur les champs de bataille, mais une seule patrie : l'humanité laborieuse.
LE BON VOISIN DE LA BOURGEOISIE MEXICAINE
Pour combattre efficacement la bourgeoisie et détruire sa société, nous devons rejeter non seulement le mensonge de l'égalité des hommes au sein des nations, mais aussi celui de l'égalité des nations. Nous devons démontrer, comme nous le montre le deuxième point des thèses citées, que "1'asservissement par la puissance financière et colonisatrice de l'immense majorité des populations du globe à une minorité de riches pays capitalistes" (Etats Unis, Angleterre, France, Allemagne, Italie, Japon) est une situation propre à l’époque du capital financier et Impérialiste" et que cet asservissement, par conséquent, ne peut disparaître avec quelques déclarations mensongères contre l'impérialisme pour une soi-disant politique du "bon voisin", mais seulement avec la disparition du capitalisme lui-même, avec sa destruction violente par le prolétariat mondial.
Nous ne devons pas nous lasser de répéter cette vérité fondamentale, non pas sous une forme abstraite, générale mais sous une forme qui démasque concrètement chaque jour l'hypocrisie démocratique dont parlent les thèses. Dans le cas du Mexique, il est nécessaire de démasquer le mensonge selon lequel un pays capitaliste avancé et, par conséquent, impérialiste comme les Etats-Unis, pourrait être le "bon voisin" d'un pays capitaliste arriéré comme le Mexique. Il faut détruire le mensonge selon lequel l'amitié qui se noue en ce moment entre les exploiteurs d'Amérique du Nord et les serviles exploiteurs mexicains équivaudrait à une "amitié entre les peuples d'Amérique du Nord et du Mexique", comme les exploiteurs des deux pays veulent nous faire croire. Il faut au contraire insister sur le fait que nos seuls bons voisins sont les prolétaires et tous les opprimés des Etats Unis et du monde entier, avec lesquels de vrais intérêts communs nous unissent contre les exploiteurs et leurs "patries" respectives.
LE PATRIOTISME CONTRE-REVOLUTIONNAIRE DES STALINIENS ET DES TROTSKYSTES.
Tout cela est admis "théoriquement" par les soi-disant "communistes" de souche stalinienne et trotskyste, mais, dans la pratique, ils font le contraire. Les staliniens du Mexique et des Etats-Unis sont aujourd'hui au premier rang de ceux qui font l'éloge de la "nouvelle politique" de l'impérialisme nord-américain. Les trotskystes ne le font pas aussi ouvertement ; ils utilisent la méthode indirecte qui consiste à n'attaquer que les "mauvais voisins" de la bourgeoisie mexicaine : l'impérialisme anglais, allemand, japonais.
Mais leur lutte contre les positions fondamentales de l'Internationale Communiste du temps de Lénine va plus loin. Utilisant un tour de passe-passe propre aux renégats, les staliniens et les trotskystes "oublient" le point des thèses citées qui parle de "la dissociation précise des intérêts des classes opprimées, des travailleurs, des exploités, par rapport à la conception générale des soi-disant intérêts nationaux, qui signifient en réalité ceux des classes dominantes" et s'accrochent exclusivement à l'autre point qui parle de "la division tout aussi nette et précise des nations opprimées, dépendantes, protégées et des nations oppressives et exploiteuses".
C'est ce que fait par exemple Léon Trotski dans ses attaques contre notre position sur la guerre chinoise (voir le bulletin interne de la Ligue Communiste Internationaliste du Mexique n°1). Avec cette méthode, il arrive exactement à la même position que les staliniens : au lieu de démontrer aux prolétaires chinois que leurs intérêts de classe sont irréconciliables avec les soi-disant "intérêts nationaux" (en réalité les intérêts des exploiteurs chinois) et que, par conséquent, ils doivent lutter autant contre leurs ennemis "compatriotes" que contre l'ennemi envahisseur, au moyen de la fraternisation avec les soldats japonais et du défaitisme révolutionnaire. Au lieu de cela, Trotski s'efforce de convaincre les exploités de Chine que leurs intérêts de classes: coïncident dans une certain mesure, c'est-à-dire sur le point de la défense de la soi-disant "patrie", avec "les intérêts nationaux" de leurs exploiteurs !
Pour Trotski, les prolétaires "en général" n'ont pas de patrie. Il reste par là "théoriquement" fidèle au marxisme. Mais dans le cas concret des prolétaires de Chine, du Mexique, de tous les pays opprimés et dépendants, c'est-à-dire dans le cas de la majorité écrasante des pays du monde, cette règle fondamentale du marxisme n'a pour lui aucune application. "Le patriotisme chinois est légitime et progressif" affirme ce renégat ! Bien entendu, pour lui et ses semblables, il en va de même pour le patriotisme mexicain, guatémaltèque, argentin, cubain, etc.
LES TRAVAILLEURS N'ONT PAS DE PATRIE MEME DANS LES PAYS OPPRIMES !
Pour un marxiste, cela ne fait pas de doute que le plus important des points cités dans les thèses du Second Congrès de TIC est justement le deuxième point, celui qui insiste sur la non-existence d' "intérêts nationaux" et que la distinction qui est faite au troisième point, entre "nations opprimées" et "nations oppressives", doit se comprendre dans ce sens. En d'autres termes, même dans les nations opprimées, il n'existe pas d'autre "intérêt national" que celui des classes dominantes. La conclusion pratique de cette position théorique est que les règles fondamentales de la politique communiste doivent être appliquées à tous les pays, impérialistes, semi-coloniaux et coloniaux. La lutté contre le patriotisme et la fraternisation avec lés opprimés de tous les pays, y compris les prolétaires et paysans en uniforme des armées dés pays impérialistes, est une des règles dé la politique communiste qui n'admet pas d'exception"!
"Il résulte de ce qui précède que la pierre angulaire de la politique de l'Internationale Communiste, dans les questions coloniale et nationale, doit être le rapprochement des prolétaires et des travailleurs de toutes les nations et de tous les pays pour la lutte commune contre les possédants et la bourgeoisie. Car ce rapprochement est la seule garantie de notre victoire sur le capitalisme, sans laquelle ne peuvent être abolies ni les oppressions nationales, ni l'inégalité."
L'application de cette "pierre angulaire" aux situations concrètes exclut clairement tout cas de "patriotisme légitime" et de "'défense nationale". Dans le cas de la guerre en Chine par exemple, quelle autre application peut avoir la règle générale de la "lutte commune des prolétaires et travailleurs de toutes les nations et de tous les pays contre les possesseurs et la bourgeoisie" que celle de la fraternisation entre les soldats chinois et japonais pour la lutte commune contre les possesseurs et les capitalistes chinois et japonais, c'est-à-dire le défaitisme révolutionnaire des deux côtés ? Comment peut-on faire entrer dans cette règle générale, la politique de Trotski de participation dans la lutte militaire sous les ordres de Tchang-Kai-Chek ?
CHANGEMENT DE TACTIQUE, PAS DE PRINCIPE !
Pour nous répondre, Trotski cite le cas de Marx et Engels qui ont soutenu la guerre des Irlandais contre la Grande Bretagne et celle des Polonais contre le Tsar, même si, dans ces deux guerres nationales, les chefs étaient dans la majorité bourgeois et parfois même féodaux. Le problème est que Trotski, malgré ses grandes connaissances, n'a pas compris l'importance primordiale du premier point que les thèses du Second Congrès de TIC qualifient de "clé de voûte de la question nationale" : "une notion claire des circonstances historiques et économiques".
Notre grand historien ex-marxiste ne se souvient-il pas que la tactique communiste ne peut pas être la même dans la phase ascendante du capitalisme (dont il nous cite deux exemples de guerres progressives) et dans sa phase de décomposition, la phase impérialiste, celle que nous vivons actuellement ? Les circonstances historiques et économiques ont changé à un tel point depuis l'époque où Marx et Engels ont soutenu la guerre des Irlandais et des Polonais, que ce serait un suicide pour le prolétariat de suivre aujourd'hui la même tactique qu'à cette époque.
Il est clair que les changements tactiques ne doivent jamais sortir du cadre des principes communistes déjà établis et dont la validité a été vérifiée mille fois par les événements. Loin de sortir de ce cadre, chaque réajustement tactique doit être une application plus correcte, plus rigide de ces principes, parce que ce ne sont pas seulement de nouvelles situations qui nous obligent à effectuer de tels changements mais aussi l'expérience historique c'est-à-dire l'étude de nos erreurs du passé. Ce n'est que comme ça que l'on peut maintenir la continuité de la lutte communiste à travers la décomposition des anciens organismes ouvriers et la création de nouveaux.
LE RENEGAT TROTSKY REVISE LE MANIFESTE COMMUNISTE ET LES THESES DU SECOND CONGRES DE L’IC.
Un des principes fondamentaux qui doit guider toute notre tactique sur la question nationale est l’antipatriotisme. "Les travailleurs n'ont pas" de patrie". Quiconque propose une nouvelle tactique qui aille à rencontre de ce principe abandonne les rangs du marxisme et passe au service de 1'ennemi.
Or, ce qui est intéressant est que le même Trotski qui insiste sur le fait que le prolétariat doit aujourd'hui suivre la même tactique qu'à l'époque de Marx et Engels, abandonne ouvertement le principe déjà affirmé par ces deux hommes dans le Manifeste Communiste ! Dans sa préface à la nouvelle édition du Manifeste Communiste publiée récemment sn Afrique du Sud, ce renégat déclare sans honte : "...Il est bien évident que la "patrie nationale" qui, dans les pays avancés, est devenue le pire "frein historique, reste encore un facteur relativement progressif dans les pays arriérés, ceux qui sont obligés de lutter pour leur existence indépendante".
Ainsi le renégat veut régler sa montré 100 ans en retard ! (Texte inachevé)