Editorial : partout dans le monde, face aux attaques capitalistes, la reprise de la lutte de classe

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La reprise de la lutte internationale de la classe ouvrière se poursuit. Combien de fois au cours de sa longue histoire, les patrons et les gouvernants ont-ils répété à la classe ouvrière qu'elle n'existait plus, que ses luttes pour défendre ses conditions d'existence étaient anachroniques et que son but ultime, renverser le capitalisme et construire le socialisme, était devenu un vestige désuet du passé ? Après 1989, suite à l'effondrement de l'URSS et du bloc de l'Est, ce vieux message sur la non existence du prolétariat a connu un nouveau souffle qui a permis de maintenir la désorientation dans les rangs ouvriers pendant plus d'une décennie. Aujourd'hui, ce rideau de fumée idéologique se dissipe et, à nouveau, on peut voir et reconnaître un développement des luttes prolétariennes.

En fait, depuis 2003, les choses ont commencé à changer. Dans la Revue internationale n°119, du quatrième trimestre de 2004, le CCI a publié une résolution sur la lutte de classe dans laquelle il identifiait un tournant dans les perspectives de la lutte prolétarienne à la suite des luttes significatives contre les attaques sur les retraites en France et en Autriche. Trois ans plus tard, cette analyse semble se confirmer de plus en plus. Mais avant d'en venir aux illustrations les plus récentes de cette perspective, examinons l'une des conditions majeures pour le développement de la lutte de classe.

L'intensification de l'austérité et l'usure des discours "d'accompagnement" des attaques

L'une des explications avancée en 2003 au renouveau de la lutte de classe était constituée par la brutalité renouvelée des sacrifices imposés à la classe ouvrière, une classe ouvrière qu'on prétendait inexistante. "La dernière période, principalement depuis l'entrée dans le 21e siècle, a remis à l'ordre du jour l'évidence de la crise économique du capitalisme, après les illusions des années 1990 sur la "reprise", les "dragons" et sur la "révolution des nouvelles technologies". En même temps, ce nouveau pas franchi par la crise du capitalisme a conduit la classe dominante à intensifier la violence de ses attaques économiques contre la classe ouvrière, à généraliser ces attaques." (Revue internationale n°119)

En 2007, l'accélération et l'extension des attaques contre le niveau de vie de la classe ouvrière n'ont pas ralenti mais se sont, au contraire, amplifiées. Parmi les pays capitalistes avancés, l'expérience britannique en est une illustration parlante et tout à fait significative ; mais elle montre aussi comment l'"emballage" idéologique qui accompagne ces attaques perd de son pouvoir de mystification aux yeux de ceux qui les subissent.

L'ère du gouvernement "New Labour" du premier ministre Tony Blair, entré en fonction en 1997 à un moment où l'optimisme ambiant à propos du capitalisme était au beau fixe, vient juste de se terminer. A l'époque, dans la lignée de l'euphorie des années 1990 qui a suivi l'effondrement du bloc de l'Est, le "New Labour" annonçait qu'il avait rompu avec les traditions du "vieux" Labour ; il ne parlait plus de "socialisme" mais d'une "troisième voie" ; il ne parlait plus de la classe ouvrière mais du peuple, plus non plus de division dans la société mais de participation. De vastes sommes d'argent furent dépensées pour propulser ce message populiste. Il fallait démocratiser la bureaucratie étatique à tous les niveaux. L'Ecosse et le Pays de Galles furent gratifiés de parlements locaux. Une nouvelle mairie fut attribuée à la ville de Londres. Et surtout, toutes les coupes dans le niveau de vie de la classe ouvrière, en particulier dans le secteur public, furent présentées comme des "réformes" de "modernisation". Et les victimes de ces réformes avaient même leur mot à dire sur la façon de les mettre en œuvre.

Ce nouvel emballage pour des mesures d'austérité des plus traditionnelles ne pouvait connaître un certain succès que dans la mesure où la crise économique pouvait être plus ou moins dissimulée. Mais aujourd'hui les contradictions deviennent trop criantes. L'ère Blair, au lieu de réaliser une plus grande égalité, a vu au contraire une augmentation de la richesse à un pôle de la société et de la pauvreté à l'autre. Cela n'affecte pas seulement les secteurs les plus pauvres de la classe ouvrière comme les jeunes, les chômeurs et les retraités qui sont réduits à une pauvreté abjecte, mais également des secteurs un peu plus à l'aise financièrement qui font un travail qualifié et ont accès au crédit. Selon les experts-comptables Ernst & Young, ces derniers ont perdu 17% de leur pouvoir d'achat dans les quatre dernières années comme conséquence notamment de l'augmentation du coût des frais domestiques (alimentation, services, logement, etc.).

Mais au delà de raisons purement économiques, d'autres facteurs poussent la classe ouvrière à réfléchir plus en profondeur sur son identité de classe et ses buts propres. La politique étrangère britannique ne peut plus prétendre revendiquer les valeurs "éthiques" que le "New Labour" proclamait en 1997 puisque, comme les aventures en Afghanistan et en Irak l'ont montré, cette politique se base sur de sordides intérêts typiquement impérialistes, qu'on avait essayé de masquer par des mensonges aujourd'hui avérés. Au coût des aventures militaires supporté par le prolétariat, s'ajoute un nouveau fardeau : c'est sur lui que s'exercent le plus lourdement les effets de la dégradation écologique de la planète.

La semaine du 25 au 29 juin dernier, celle où Gordon Brown a succédé comme premier ministre à Tony Blair, a été tout à fait caractéristique de la situation : la guerre en Irak a fait de nouvelles victimes dans les forces britanniques, 25 000 maisons ont été endommagées par les inondations à la suite de chutes de pluie sans précédent en Grande-Bretagne, et les employés des postes ont commencé, pour la première fois depuis plus d'une décennie, une série de grèves nationales contre la baisse des salaires réels et les menaces de réduction d'effectifs. Ces symptômes des contradictions de la société de classe n'ont été que partiellement obscurcis par une campagne d'unité nationale et de défense de l'Etat capitaliste lancée par ce dernier à la suite d'une offensive terroriste "bâclée".

Gordon Brown a donné le ton de la période à venir : il y aura moins de "poudre aux yeux", plus de "travailler dur" et de "faire son devoir".

Dans les autres principaux pays capitalistes aussi on voit s'élever la facture que la bourgeoisie présente à la classe ouvrière pour payer sa crise économique, même si elle ne suit pas le "modèle" britannique.

En France, le mandat du nouveau président Sarkozy est clair : prendre des mesures d'austérité. Il faut faire des sacrifices pour combler le trou de douze milliards d'euros du budget de la Sécurité sociale. Une stratégie, risiblement appelée "flexisécurité", a pour but de faciliter l'augmentation des heures de travail, la limitation des salaires et le licenciement des ouvriers. De nouvelles attaques visant le service public sont aussi en préparation

Aux Etats-Unis, qui exhibent les meilleurs taux de profit officiels des pays capitalistes avancés, il y avait, en 2005, 37 millions de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté, soit 5 millions de plus qu'en 2001 quand l'économie était officiellement en récession.[1]

Le boom immobilier, alimenté par des facilités d'accès au crédit, a permis jusqu'à présent de masquer la paupérisation croissante de la classe ouvrière américaine. Mais les taux d'intérêt ont augmenté, les crédits non remboursés et les saisies de logement poussent comme des champignons. Le boom immobilier s'est arrêté, le marché des emprunts à garantie minimale s'est effondré en même temps que beaucoup d'illusions sur la sécurité et la prospérité des ouvriers.

Le salaire des ouvriers américains a chuté de 4% entre 2001 et 2006[2]. Les syndicats apportent sans vergogne leur caution à cette situation. Par exemple, le United Auto Workers Union (syndicat des ouvriers de l'automobile) a récemment accepté une réduction de presque 50% du taux horaire et une baisse brutale des indemnités de licenciements pour 17 000 ouvriers de l'usine Delphi à Detroit qui produit des pièces détachées automobiles[3]. (Au début de l'année, était annoncée la fermeture de l'usine de Puerto Real (Cadix, Espagne) de la même entreprise Delphi, avec à la clé 4000 ouvriers à la rue.)

Il ne s'agit pas d'une spécificité américaine. Le syndicat ver.di en Allemagne a récemment négocié une baisse de 6% des salaires et une augmentation du temps de travail de 4 heures pour les employés de Deutsche Telekom et a eu le culot d'annoncer qu'il était parvenu à un accord très valable !

Toujours dans l'automobile, aux Etats-Unis, General Motors projette 30 000 licenciements et Ford 10 000 ; en Allemagne, Volkswagen prévoit 10 000 nouveaux licenciements ; en France 5 000 sont prévus à PSA.

BN Amro, première banque des Pays-Bas, et la britannique Barclays, ont annoncé le 23 avril leur fusion qui va entraîner la suppression de 12 800 emplois, tandis que 10 800 autres seront sous-traités. L'avionneur Airbus a d'ores et déjà annoncé la suppression de 10 000 emplois et l'entreprise de télécommunication Alcatel-Lucent, le même nombre.

L'échelle internationale de la reprise de la lutte de classe est étroitement liée au fait que les ouvriers sont fondamentalement confrontés à la même évolution de leurs conditions économiques sur toute la planète. Aussi les tendances que nous venons de décrire brièvement dans les pays développés se reproduisent-elles sous différentes formes pour les travailleurs des pays capitalistes périphériques. Là, nous assistons à l'application encore plus brutale et meurtrière de l'austérité croissante.

L'expansion de l'économie chinoise, loin de représenter une nouvelle ouverture du système capitaliste, dépend en grande partie du dénuement de la classe ouvrière chinoise, c'est-à-dire la réduction de ses conditions de vie en dessous du niveau où elle peut se reproduire et continuer à vivre en tant que classe ouvrière. Le récent scandale sur les méthodes de "recrutement" dans 8 000 briqueteries et petites mines de charbon dans les provinces du Shanxi et du Henan en est un exemple frappant. Ces manufactures dépendaient du kidnapping d'enfants qu'on mettait au travail comme esclaves dans des conditions infernales et qui ne pouvaient être sauvés que si leurs parents réussissaient à les trouver et à venir les chercher. Il est vrai que l'Etat chinois vient d'introduire des lois sur le travail pour empêcher de tels "abus" du système et apporter plus de protection aux travailleurs migrants. Cependant, il est probable que, comme dans le passé, ces lois ne seront pas appliquées. Ce qui sous-tend de telles pratiques ignobles, c'est de toutes façons la logique du marché mondial. Les compagnies américaines font une forte pression contre ces nouvelles lois du travail malgré leur faible portée. Les entreprises multinationales "disent que ces règles accroîtraient de façon substantielle les coûts du travail et réduiraient la flexibilité et certains hommes d'affaires étrangers ont averti qu'ils n'auraient pas d'autre choix que de transférer leurs opérations hors de Chine si on ne changeait pas ces dispositions."[4]

La situation est la même en substance pour la classe ouvrière des pays périphériques qui ne se sont pas ouverts comme la Chine aux capitaux étrangers. En Iran, par exemple, le mot d'ordre économique du président Ahmadinejad est "khodkafa'j" ou "autosuffisance". Cela n'a pas empêché l'Iran de subir la pire crise économique depuis les années 1970, qui a provoqué une chute drastique du niveau de vie de la classe ouvrière, confrontée aujourd'hui à 30% de chômage et 18% d'inflation. Malgré l'augmentation des revenus issus de la hausse des prix du pétrole, l'essence a récemment dû être rationnée vu que, de son exportation, dépend la capacité d'importer les produits raffinés du pétrole ainsi que la moitié des besoins en nourriture.

La lutte de classe est mondiale

Le développement et l'élargissement des attaques contre la classe ouvrière dans le monde entier constituent l'une des principales raisons pour lesquelles la lutte de classe a continué à se développer ces dernières années. Nous ne pouvons faire ici la liste de toutes les luttes ouvrières qui ont eu lieu depuis 2003 à travers la planète et nous avons parlé de beaucoup d'entre elles dans les précédents numéros de la Revue internationale. Nous nous réfèrerons aux dernières.

D'abord, il nous faut insister sur le fait que nous ne pouvons donner une vue d'ensemble complète puisque la lutte de classe internationale n'est pas officiellement reconnue par la société bourgeoise ni par ses médias comme un force historique et distincte qu'il faut comprendre et analyser, et sur laquelle il faudrait attirer l'attention. Tout au contraire, beaucoup de luttes ne sont pas connues ou sont complètement dénaturées. Ainsi, la lutte extrêmement importante des étudiants en France contre le CPE au printemps 2006 a d'abord été ignorée par les médias internationaux pour n'être présentée ensuite que comme une suite des épisodes de violence aveugle qui avaient eu lieu dans les banlieues françaises à l'automne précédent. En d'autres termes, les médias ont cherché à enterrer les leçons de valeur sur la solidarité ouvrière et l'auto-organisation qu'avait apportées ce mouvement.

De façon typique, l'Organisation internationale du Travail, généreusement fondée par les Nations Unies, ne s'intéresse absolument pas aux événements de la lutte de classe internationale. Elle se propose, à la place, de soulager l'horrible situation des milliards de victimes de la rapacité du système capitaliste en défendant leurs droits humains individuels dans le cadre légal des institutions de ce même système.

Cependant, l'ostracisme officiel auquel la classe ouvrière est soumise, constitue a contrario une expression de son potentiel de lutte et de sa capacité à renverser le capitalisme.

Durant l'année passée, en gros depuis que le mouvement massif des étudiants français a pris fin avec le retrait du CPE par le gouvernement la lutte de classe dans les principaux pays capitalistes a cherché à répondre à la pression accélérée sur les salaires et les conditions de travail. Cela a souvent eu lieu à travers des actions sporadiques, dans beaucoup de différents pays et de différentes industries, et il y a eu aussi des menaces de grève.

En Grande-Bretagne, en juin 2006, les ouvriers de l'usine automobile de Vauxhall ont débrayé spontanément. En avril de cette année, 113 000 fonctionnaires en Irlande du Nord ont fait un jour de grève. En Espagne, le 18 avril, une manifestation réunissait 40 000 personnes, des ouvriers en provenance de toutes les entreprises de la Baie de Cadix, exprimant leur solidarité dans la lutte avec leurs frères de classe licenciés de Delphi. Le premier mai, un mouvement plus ample encore mobilisait des ouvriers en provenance des autres provinces d'Andalousie. Un tel mouvement de solidarité a en réalité été le résultat de la recherche active d'un soutien, à l'initiative des ouvriers de Delphi, de leurs familles et, notamment, de leurs femmes organisées pour la circonstance dans un collectif ayant pour but de gagner la solidarité la plus large possible.

Au même moment, il y a eu des débrayages spontanés en dehors de toute consigne syndicale dans les usines d'Airbus dans plusieurs pays européens pour protester contre le plan d'austérité de la compagnie. Ce sont souvent de jeunes ouvriers, une nouvelle génération de prolétaires qui ont pris la part la plus active dans ces luttes, notamment à Nantes et Saint-Nazaire en France, où s'est avant tout manifestée une réelle et profonde volonté de développer une solidarité active avec les ouvriers de la production de Toulouse qui avaient cessé le travail.

En Allemagne, pendant 6 semaines a eu lieu toute une série de grèves des employés de Deutsche Telekom contre les réductions dont nous avons parlé plus haut. Au moment où nous écrivons, les cheminots allemands sont en lutte pour les salaires. Il y a eu de nombreuses grèves sauvages, notamment des ouvriers des aéroports italiens.

Mais c'est dans les pays périphériques que nous avons assisté dans la période récente à la poursuite d'une remarquable série de luttes ouvrières explosives et étendues malgré le risque d'une répression brutale et sanglante.

Au Chili, les mineurs du cuivre, une des principales activités économiques du pays, se sont mis en grève. Au Pérou au printemps, une grève illimitée à l'échelle nationale des mineurs du charbon a eu lieu - pour la première depuis 20 ans. En Argentine, en mai et juin, les employés du métro de Buenos Aires ont tenu des assemblées générales et organisé une lutte contre l'accord sur les salaires concocté par leur propre syndicat. L'an dernier en mai au Brésil, les ouvriers des usines Volkswagen ont mené des actions à Sao Paulo. Le 30 mars de cette année, face à la dangerosité de l'état du trafic aérien dans le pays et à la menace que 16 des leurs soient emprisonnés pour fait de grève, 120 contrôleurs aériens ont refusé de travailler, paralysant ainsi 49 des 67 aéroports du pays. Cette action est d'autant plus remarquable que ce secteur est essentiellement soumis à une discipline militaire. Les ouvriers ont néanmoins résisté à l'intense pression exercée par l'Etat, aux menaces et aux calomnies contre eux, y compris de celles émanant de ce prétendu ami des ouvriers qu'est le président Lula lui-même. Depuis plusieurs semaines, un mouvement de grèves affectant en particulier la métallurgie, le secteur public et les universités constitue le plus important mouvement de classe depuis 1986 dans ce pays.

Au Moyen-Orient, de plus en plus ravagé par la guerre impérialiste, la classe ouvrière a relevé la tête. Des grèves dans le secteur public ont eu lieu à l'automne dernier en Palestine et en Israël sur une question similaire : les salaires non payés et les retraites. Une vague de grèves a touché de nombreux secteurs en Egypte au début de l'année : dans les usines de ciment, les élevages de volaille, les mines, les secteurs des bus et des chemins de fer, dans le secteur sanitaire et, surtout, dans l'industrie textile, les ouvriers ont déclenché une série de grèves illégales contre la forte baisse des salaires réels et les réductions de primes. Des prises de position particulièrement claires d'ouvriers du textile mettent clairement en évidence la conscience d'appartenir à une même classe, de combattre un même ennemi de même que .la nécessité de la solidarité de classe contre les divisions entre entreprises et celles créées par les syndicats (lire à ce propos notre presse territoriale, Révolution Internationale n° 380, pour nos lecteurs en langue française). En Iran, selon le journal d'affaires, le Wall Street Journal, "une série de grèves a eu lieu à Téhéran et dans au moins 20 grandes villes depuis l'automne dernier. L'an dernier, une grande grève des ouvriers des transports à Téhéran a paralysé cette ville de 15 millions d'habitants pendant plusieurs jours. Actuellement, des dizaines de milliers d'ouvriers d'industries aussi diverses que les raffineries de gaz, les usines de papier et les imprimeries de journaux, l'automobile et les mines de cuivre sont en grève."[5]Le premier mai, les ouvriers iraniens ont manifesté dans différentes villes au cri de "Non à l'esclavage salarié ! Oui à la liberté et à la dignité !".

En Afrique occidentale, un mouvement de grèves en Guinée, contre des salaires de famine et l'inflation du prix de l'alimentation, a embrasé tout le pays en janvier et février, alarmant non seulement le régime de Lansana Conté mais aussi la bourgeoisie de toute la région. La répression sanglante du mouvement a fait 100 morts.

La perspective

Il ne s'agit pas de parler d'une révolution imminente ; ces manifestations de la lutte de classe qui se produisent partout dans le monde ne traduisent pas non plus la conscience des ouvriers que leur lutte procède d'une dynamique internationale. Ces luttes sont essentiellement défensives et, comparées aux luttes ouvrières qui ont eu lieu de mai 68 en France à 1981 en Pologne et au delà, elles apparaissent bien moins marquantes et plus limitées. La longue période de chômage, la décomposition croissante pèsent encore très fort sur le développement de la combativité et de la conscience. Néanmoins, ces événements ont une signification mondiale ; ils sont indicatifs de la perte de confiance des ouvriers partout dans le monde vis-à-vis des politiques catastrophiques poursuivies par la classe dominante au niveau économique, politique et militaire.

En comparaison avec les décennies précédentes, les enjeux de la situation mondiale sont bien plus grands, l'ampleur des attaques bien plus vaste, les dangers contenus dans la situation mondiale bien plus accrus. L'héroïsme des ouvriers qui aujourd'hui défient le pouvoir de la classe dominante et de l'Etat, est de ce fait bien plus impressionnant, même s'il est plus silencieux. La situation actuelle demande des ouvriers une réflexion allant au delà du niveau économique et corporatiste. Par exemple, partout l'attaque contre les retraites met en lumière les intérêts communs des différentes générations d'ouvriers, des vieux et des jeunes. La nécessité de chercher la solidarité a constitué une caractéristique frappante de beaucoup de luttes ouvrières actuelles.

La perspective à long terme de la politisation des luttes ouvrières s'exprime dans le surgissement de minorités infimes mais cependant significatives à plus long terme puisqu'elles cherchent à comprendre et à rejoindre les traditions politiques internationalistes de la classe ouvrière ; un écho croissant de la propagande de la Gauche communiste vient également témoigner de ce processus de politisation en développement.

La grève générale des ouvriers français en mai 1968 a mis fin à la longue période de contre-révolution qui a suivi l'échec de la révolution mondiale dans les années 1920. Cette reprise historique de la classe ouvrière s'est manifestée par plusieurs vagues de luttes prolétariennes internationales qui ont pris fin avec la chute du Mur de Berlin en 1989. Aujourd'hui, un nouvel assaut contre le système capitaliste se profile à l'horizon.

Como (5/07/2007)



[1] New York Times, 17 avril 2007

[2] The Economist, 14 septembre 2006.

[3] International Herald Tribune, 30 juin/1er juillet 2007

[4] ibid.

[5] Wall Street Journal, 10 mai 2007

 

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