Que veut le NPA ? Réforme ou révolution ?

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Nous poursuivons ici notre série d’articles commencée dans le n° 400 de RI sur cette “nouvelle” organisation au sein du paysage politique en France qui se présente comme “Nouveau parti anticapitaliste”. Avant même d’entreprendre un retour vers la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et d’analyser ce qu’a représenté le “mouvement trotskiste”, où la LCR elle-même plonge ses racines, il nous paraît indispensable d’examiner quels sont les liens et les différences entre le NPA et la LCR qui lui a donné naissance.

A qui s’adresse le NPA ?

La crise du capitalisme révèle aujourd’hui de façon criante sa faillite. Face à l’explosion des inégalités sociales, des plans de licenciements, de la précarité, se développent non seulement une colère, une exaspération et une combativité mais aussi une réflexion consciente, notamment parmi les jeunes générations de prolétaires, qui les poussent vers le refus d’un système d’exploitation qui mène l’humanité à sa perte. C’est dans ce contexte qu’émerge ce nouveau parti, le NPA, qui suscite un élan de sympathie et connaît un certain succès dans la mesure où il se présente, surtout auprès des jeunes, comme un “parti de luttes” et délivre un message mettant en accusation le système capitaliste.

Effectivement, le NPA dresse d’abord dans l’exposé de ses “Principes fondateurs” un état des lieux des méfaits du capitalisme où il met en évidence que “le capitalisme met l’humanité et la planète en danger” et déclare que “les ravages de la domination capitaliste donnent toute son actualité à l’alternative ’socialisme ou barbarie’” en reprenant à son compte l’expression d’Engels et de Rosa Luxemburg. Mais est-ce que ce nouveau parti permet de faire fructifier réellement le développement actuel de la lutte des classes et apporte une véritable perspective révolutionnaire capable de sortir la société de l’impasse où la condamne le capitalisme ? Que dit son “programme” ?

Dans les “Principes fondateurs du NPA”, on trouve en préambule cette déclaration : “La seule réponse à la crise globalisée du capitalisme, le combat dont dépend l’avenir de l’humanité, c’est le combat pour un socialisme du xxie siècle démocratique, écologique et féministe.”

Et la suite est un long catalogue de recettes maintes fois avancées (notamment par la LCR) pour réformer le système, mieux le gérer, alignant une longue série de droits démocratiques à défendre et de revendications pour une meilleure gestion économique, sociale et environnementale du capitalisme : nationalisation des services publics et des ressources naturelles, promulgation de décrets pour interdire les licenciements, “appropriation sociale du produit du travail” (c’est à-dire autogestion des entreprises), expropriation sans indemnisation des grands groupes capitalistes sous le contrôle des salariés et de la population, redistribution des richesses sous contrôle de l’Etat mais aussi respect des droits démocratiques des minorités, “lutte contre toute forme de sexisme, de racisme, de discrimination (sexuelle, religieuse ou ethnique) et d’oppression”. Il s’agirait donc, dans son Programme (présenté comme “provisoire”), d’instaurer “plus de démocratie” pour déboucher sur une “meilleure répartition”, “plus équitable”, des richesses. L’urgence ? Ce serait, selon lui, de mettre en avant un... “Programme d’urgences sociales, démocratiques et écologiques”... qui n’a rien de nouveau ni de révolutionnaire mais qui est un “copié-collé” du programme de la LCR, lui-même largement inspiré par les méthodes du “Programme de transition” trotskiste de la IVe Internationale en 1938) (1). Ce programme, conduit à une séparation “tactique” entre d’un côté un “programme minimum” réformiste, à mettre en place immédiatement, et de l’autre un lointain “programme maximum” révolutionnaire. Mais cette séparation, en fait, isole la lutte éco­nomi­que des prolétaires (pour la défense de leurs conditions de vie) de la lutte politique dont ils sont porteurs comme seule force capable de renverser le capitalisme ! Et finalement, la boutique à l’enseigne du NPA nous propose, à la place de faire la révolution, ce cocktail fait de revendications hétéroclites. Bien entendu, le NPA ne déclare jamais renoncer à la révolution, mais il n’évoque cette perspective que dans un seul passage dans ses “Principes”, au milieu de ses recettes pour “lutter efficacement” contre le capitalisme. On trouve ainsi cette affirmation : “Une domination de classe ne peut pas être éliminée par voie de réformes. Les luttes peuvent permettre de la contenir, de lui arracher des mesures progressistes pour les classes populaires, pas la supprimer. En 1789, la domination de classe privilégiée de l’Ancien Régime n’a pas été abolie par des réformes. Il a fallu une révolution pour l’éliminer. Il faudra une révolution sociale pour abattre le capitalisme.

Non seulement la prétendue “révolution sociale” que le NPA évoque pour un lointain avenir est repoussée aux calendes grecques mais, de plus, elle est calquée sur le modèle de la révolution bourgeoise, permettant ainsi de masquer la différence fondamentale de nature de classe entre bourgeoisie et prolétariat.

Alors que la bourgeoisie a déjà conquis le pouvoir économique sous l’Ancien Régime, le prolétariat n’a aucun pouvoir économique dans la société capitaliste où il reste toujours une classe exploitée. Comme nous l’avons maintes fois affirmé : “Alors que la révolution bourgeoise constituait, fondamentalement, le couronnement politique de la domination économique bourgeoise sur la société qui s’était étendue progressivement et fermement sur les vestiges de la société féodale décadente, le prolétariat ne détient aucun pouvoir économique au sein du capitalisme (...) Les seules armes qu’il puisse utiliser sont sa conscience de classe et sa capacité à organiser sa propre activité révolutionnaire.” (Revue internationale no 1, 2e trimestre 1975).

Dans les faits, le NPA ne s’adresse aux éléments en recherche “d’un parti révolutionnaire” que pour les attirer à lui, notamment les plus jeunes, sur le même modèle que la LCR (2) qui ciblait à ses débuts un milieu plus spécifiquement étudiant, nettement moins prolétarisé à l’époque. Le NPA “cherche à organiser massivement des jeunes dans le nouveau parti”. Pour cela, il organise des campagnes intensives de recrutement dans les lycées et à l’université. Cela ne sert qu’à appâter ces jeunes pour obscurcir leur conscience, saper et pourrir la réflexion de ces jeunes générations ouvrières qui veulent changer le monde, en les entraînant dans l’impasse du réformisme. Dans ce cadre, le changement de nom opéré de “LCR” au “NPA” apparaît significatif. Pourquoi ? Il est clair que, même si ce changement d’appellation n’a été approuvé qu’à une courte majorité lors du vote des délégués, l’abandon des termes “communiste” et “révolutionnaire” n’est pas fortuit. Ce quasi-abandon de toute référence au communisme et à la révolution traduit en fait ses objectifs essentiels.

Si le NPA a doublé le nombre de ses adhérents par rapport à la LCR, c’est en raison d’une “ouverture”, et il faut se poser la question : dans quelle direction ? Le NPA cherche à ratisser plus large et, pour cela, il se veut “rassembleur”. Il tend ainsi ouvertement la main à tous ceux qui sont effarouchés ou rebutés par les termes de “communisme” et surtout de “révolution”, à tous ceux qui ne “croient pas à la révolution”. Il cherche par conséquent à intégrer en son sein ceux qui pensent qu’il faut seulement et avant tout lutter pour de “vraies réformes”, qu’il faut “faire quelque chose” et apporter des “propositions concrètes” pour s’opposer aux effets les plus ravageurs du “libéralisme économique”.

Le NPA, c’est “mieux que rien” ?

L’argument le plus courant qui nous est opposé dans les discussions avec des sympathisants du NPA se résume à ce discours : “Vous critiquez ce qu’ils proposent mais eux font au moins quelque chose. Se regrouper pour agir dans le sens d’améliorer le sort des exploités et des opprimés, c’est toujours mieux que rien. Au lieu de se diviser dans des querelles dogmatiques de chapelles ou d’organisations, il faut unir les efforts de tous les ouvriers de bonne volonté. De toutes façons, tout le monde se retrouvera pour lutter ensemble, même au moment de la révolution, parce que, quel que soit le parti auquel on adhère, il faut se rassembler dans la mesure où une même volonté et une même sincérité existent chez chacun pour lutter contre le capitalisme”.

Il faut être clair. Il ne s’agit nullement de mettre en cause la sincérité ou la volonté de lutte des adhérents ou des sympathisants du NPA. Mais la nature de classe d’une organisation n’est pas liée à une adhésion sincère d’une majorité des ouvriers à celle-ci. Les expériences traversées et accumulées par la classe ouvrière ont également démontré la fausseté d’une vision d’union des bonnes volontés qui est chaque fois cruellement démentie par l’histoire du mouvement ouvrier tout au long du xxe siècle.

• Ainsi en 1914, le courant réformiste et le courant révolutionnaire coexistaient certes encore dans le mouvement ouvrier et c’est le courant réformiste qui était largement majoritaire, alors que des millions de travailleurs adhéraient au parti social-démocrate. C’est le réformisme de la social-démocratie qui a ouvert la voie à la trahison des intérêts du prolétariat et à son ralliement à la “défense de la patrie”, qui a permis l’embrigadement de millions d’ouvriers et leur massacre dans la Première Guerre impérialiste mondiale.

• En 1919, c’est cette même majorité de la social-démocratie qui a servi de rempart au maintien de l’ordre capitaliste face à la vague révolutionnaire, et c’est parce qu’elle était auréolée de son étiquette de “parti ouvrier et progressiste” qu’à la tête de l’Etat bourgeois, elle a pu noyer dans le sang l’insurrection ouvrière à Berlin et faire assassiner des centaines de militants révolutionnaires, dont Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht.

• Dans les années 1930, ce sont les partis staliniens qui, au nom de la IIIe Internationale, ont mené une politique systématique d’extermination des anciens bolcheviks et des ouvriers révolutionnaires. Les militants les plus combatifs, les plus sincères et les plus dévoués au sein de ces partis se sont retrouvés dans le camp des victimes ; mais dans cette tragédie, beaucoup de militants sincères, trompés par leur parti, ont également marché derrière les crapules staliniennes, dans le camp des massacreurs et des bourreaux et se sont retrouvés parmi les exécutants involontaires de la contre-révolution.

Le PS et le PC ont été composés d’ouvriers dévoués et combatifs dont l’engagement était totalement sincère alors que ces ex-partis ouvriers perpétraient les pires crimes et étaient à travers leur programme devenus des partis à la solde de la bourgeoisie. Cela démontre du même coup qu’il ne faut pas juger une organisation sur ce qu’elle prétend être mais voir à quels intérêts de classe répond le programme qu’elle défend et la politique qu’elle mène.

Nous pouvons affirmer que le NPA est une simple “excroissance” de la LCR parce que la seule cohérence de son programme n’est pas celle d’organisations qui défendraient les intérêts de classe du prolétariat et qui ne pourraient s’affirmer comme révolutionnaires qu’en combattant fermement les illusions réformistes, mais obéit à la logique des partis bourgeois.

En fait, la création du NPA correspond à un besoin pour la bourgeoisie de sécréter des partis qui se présentent comme des amis ou des défenseurs des ouvriers pour contrôler, enrayer, dévoyer le développement de ses combats de classe et obscurcir sa conscience de la nécessité du renversement révolutionnaire du capitalisme. Ce besoin est d’autant plus nécessaire que les partis sociaux-démocrates et les partis staliniens sont de plus en plus discrédités et sont incapables aujourd’hui de tenir ce rôle, comme le met en évidence le NPA lui-même qui postule à en prendre la relève.

W (20 avril)


1) Nous reviendrons de manière plus détaillée sur ce sujet dans un article ultérieur, quand nous aborderons la partie historique consacrée à la LCR.

2) C’est la JCR (Jeunesse communiste révolutionnaire) fondée au printemps 1966 par des étudiants après leur exclusion de l’Union des étudiants communistes (téléguidée et noyautée par le PCF stalinien) qui est même à l’origine de la LCR.


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