A propos d'un article de l'OCL : la classe ouvrière face aux forces de répression

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L’OCL éprouve une véritable fascination pour la haine et la violence des jeunes des cités qui ont "appris à tendre des guets-apens qu’une police extérieure peine à déjouer, pour ‘danser avec les loups’ en se vengeant de leurs agressions permanentes et pour exprimer leur mal-être global". Mais derrière ces envolées lyriques, cette "danse avec les loups", ce sont en réalité des gamins de 14 ou 15 ans qui sont envoyés droit au casse-pipe. Ni plus ni moins.

Tous ceux qui appellent aujourd’hui, comme l’OCL, aux émeutes et à la vengeance, en se prenant pour des "révolutionnaires, des durs, des vrais" ne font en réalité que renforcer matériellement et idéologiquement les capacités de répression de la classe dominante. Sur le terrain de la violence pour la violence, de la castagne pour la castagne, la classe ouvrière ne peut que se faire écraser. Les étudiants, durant la lutte contre le CPE, ont fait preuve d’une conscience bien plus grande en refusant le piège de l’affrontement stérile et en tentant au contraire d’ébranler la conviction des CRS sur leur rôle de "maintien de l’ordre".

E effet, alors que la Sorbonne était encerclée par les forces de répression et que les étudiants allaient en être violemment expulsés, nous écrivions dans un tract intitulé "Les CRS à la Sorbonne : Non à la répression des enfants de la classe ouvrière !" : "Les étudiants et les jeunes en lutte ne se font aucune illusion sur le rôle des prétendues ‘forces de l’ordre’. Elles sont les ‘milices du capital’ (comme le scandaient les étudiants) […]. Cependant, certains de ceux qui étaient venus prêter main forte à leurs camarades enfermés dans la Sorbonne ont tenté de discuter avec les gardes mobiles : ils n’étaient pas venus pour saccager les locaux, ils n’étaient pas venus pour ‘faire la peau au flics’ ni pour s’amuser et ‘faire la fête’ comme le prétendaient les médias bourgeois. Ils étaient venus apporter des vivres à leurs camarades qui avaient faim et leur manifester leur solidarité ! Ceux qui ont essayé de discuter avec les gardes mobiles ne sont pas des naïfs. Au contraire, ils ont fait preuve de maturité et de conscience. Ils savent que derrière leurs boucliers et leurs matraques, ces hommes armés jusqu’aux dents sont aussi des êtres humains, des pères de famille dont les enfants vont être eux aussi frappés par le CPE. Et c’est ce que ces étudiants ont dit aux gardes mobiles dont certains ont répondu qu’ils n’avaient pas d’autre choix que d’obéir."

Cette attitude n’est pas nouvelle dans l’histoire du mouvement ouvrier. Au contraire, les étudiants se sont ici spontanément et intuitivement emparés du meilleur de la tradition prolétarienne. L’exemple le plus célèbre en ce sens est sans nul doute l’attitude des ouvriers russes en février 1917 à l’égard des Cosaques dont parle Trotski dans l’Histoire de la Révolution russe : "Cependant, les Cosaques attaquaient la foule, quoique sans brutalité (…) ; les manifestants se jetaient de côté et d’autre, puis reformaient des groupes serrés. Point de peur dans la multitude. Un bruit courait de bouche en bouche : ‘Les Cosaques ont promis de ne pas tirer.’ De toute évidence, les ouvriers avaient réussi à s’entendre avec un certain nombre de Cosaques. (…) Les Cosaques se mirent à répondre individuellement aux questions des ouvriers et même eurent avec eux de brefs entretiens."

Une révolution n’est possible que lorsqu’une partie significative des forces de "maintien de l’ordre bourgeois" soit manifeste sa "neutralité", c’est-à-dire qu’elle renonce à défendre les exploiteurs, soit passe carrément du côté de la classe ouvrière. Il est clair qu’un tel processus ne peut aboutir que lorsque sont données les principales conditions de la révolution mais même dans des affrontements sociaux qui ne sont pas révolutionnaires, le danger d’un manque de fiabilité des forces de répression constitue une préoccupation de la bourgeoisie. C’est ainsi qu’en 1968, il est arrivé en plusieurs endroits que les ouvriers et les CRS s’engagent dans une sorte de démarche de "fraternisation". Les CRS qui étaient basés devant l’usine d’aviation de Marignane avaient proposé aux ouvriers qui l’occupaient de venir manger à leur cantine ce qui fut l’occasion de longues discussions. Il va sans dire que cette compagnie de CRS a été déplacée au bout d’une semaine pour être installée à plusieurs centaines de kilomètres de là.

Voilà comment se manifestent la véritable force de la classe ouvrière, son organisation et sa conscience, sa capacité dans la lutte à fédérer une masse toujours plus grande à son combat !

P.


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