Editorial - Licenciements, attaques sur les retraites : les ouvriers ne peuvent compter que sur leurs luttes

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Derrière l'esbroufe des effets d'annonces du gouvernement en France (période pré-électorale oblige !) pour masquer la dégradation accélérée des conditions d'existence des prolétaires  (prétendue baisse des impôts, pseudo-diminution du chômage, soi-disant augmentation du pouvoir d'achat des ménages, "réduction" du déficit de la sécurité sociale), les attaques anti-ouvrières se poursuivent et s'intensifient sans la moindre relâche.

Le cirque électoral masque l'intensification des attaques contre tous les prolétaires

Chaque semaine, de nouveaux plans de licenciements tombent et des milliers de salariés sont impitoyablement jetés sur le pavé dans tous les secteurs d'activité, dans toutes les régions : 832 suppressions d'emploi chez le câblo-opérateur Noos, 123 salariés licenciés à la chocolaterie Suchard à Strasbourg, fermeture du site de Cernay de l'équipementier automobile Dalphimetal avec 191 salariés, 700 emplois sont menacés dans les 2 prochaines années chez Bosch à Rodez, la papeterie Stora-Enso à Corbehem ferme ses portes après l'échec du plan de reprise par les salariés eux-mêmes. On licencie aussi bien chez Conforama que dans le personnel hôtelier. Même la CGT à Montreuil en Seine Saint Denis ne se prive pas de virer ses salariés comme n'importe quel autre patron. Le secteur automobile est particulièrement visé avec l’annonce de suppression de 10 000 emplois chez Peugeot-Citroën, les mises en chômage technique se multiplient à Renault Sandouvillle alors que Citroën ne recrute plus que des intérimaires. Les emplois industriels sont en baisse à un rythme de 2,5 % par an alors que les emplois en intérim explosent (hausse de 8% depuis un an) ; la précarité se généralise.

Dans le secteur public, ce sont 15 000 emplois qui doivent à leur tour disparaître et le gouvernement s'apprête à poursuivre non seulement l'attaque contre les retraites (voir article page 3) mais aussi contre les régimes spéciaux. On nous vante que le déficit de la Sécurité sociale a été ramené à 9 milliards d'euros pour le régime général et à 15 milliards tous régimes confondus. On planque en réserve jusqu'au lendemain des élections le rapport alarmiste de la Cour des comptes qui prévoit 39 milliards de déficit pour 2009 en préparation d'autres mauvais coups accélérant le démantèlement de la protection sociale.

L'ampleur de ces attaques est noyée et masquée par un barouf électoral qui ne va cesser d'enfler au cours des prochains mois. Toute la bourgeoisie française s'efforce déjà aujourd'hui de polariser l'attention sur les prochaines élections présidentielles de mai 2007. Et les projecteurs des médias se braquent alternativement sur les moindres faits, les gestes, les paroles des deux principaux rivaux, favoris des sondages, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. Il n'y a aucune illusion à se faire : quel que soit le vainqueur de ce cirque, il poursuivra de plus en plus férocement les attaques contre les conditions de vie de la classe ouvrière.

Les syndicats sabotent la riposte ouvrière

La classe ouvrière n'a qu'une façon de répondre aux attaques : développer ses luttes. Comment ? Là est toute la question qui se pose ouvertement aux prolétaires. Toute la bourgeoisie exploite les hésitations à entrer en lutte, les interrogations suscitées par les journées d'action stériles proposées par les syndicats malgré l'accumulation d'un ras-le-bol général, d'une colère grandissante qu'exprime épisodiquement tel ou tel secteur : on l'a vu récemment avec la manifestation parisienne du 25 septembre qui a rassemblé environ 5000 pompiers professionnels civils pour protester contre la suppression d'une prime de risque sur leur paie et pour réclamer une revalorisation de leur retraite assujettie à la loi Fillon.

Il est de plus en plus manifeste que, pour résister, les ouvriers ne peuvent pas compter sur les syndicats. L'objectif de ceux-ci n'est nullement de défendre les ouvriers mais au contraire de saboter leurs luttes. Cela s'est illustré une fois de plus dans le secteur de l'enseignement. L'annonce à la veille des vacances de la suppression de 8700 postes dans le seul secteur de l'Education nationale avait suscité une levée de boucliers de la part des syndicats qui s'étaient portés immédiatement en première ligne pour dénoncer le caractère "inacceptable" de ces coupes budgétaires dans ce secteur prioritaire et avaient promis bruyamment une "rentrée chaude". Or, qu'a-t-on vu en réalité ? Il était prévu dès le 6 septembre une forte mobilisation qui a fait long feu, grâce à un vague projet d'une journée de mobilisation élargie à toute la fonction publique le 28 septembre. Finalement, quelques jours avant cette date, on apprend que les syndicats "ont renoncé" à cette large mobilisation sous prétexte de ne pas noyer les revendications propres aux enseignants ou à l'Education nationale. En fait, cela n'a servi qu'à isoler et étouffer les revendications dans un cadre corporatiste et, autant que possible, école par école.

En même temps, ce sabotage a été accompagné d'un "black-out" médiatique quasiment complet, aucune publicité n'a été faite à cette journée de grève. Même dans le secteur de l'enseignement, les syndicats ont fait circuler le minimum de tracts. A la place a été organisé un grand battage sur la carte scolaire qui permettait de mettre en valeur la concurrence entre établissements. Résultat : tous les médias ont pu mettre en avant un "échec" de cette journée avec un taux de grévistes oscillant entre 15 et 30% selon les établissements et une manifestation qui n'a pu rassembler qu'autour de 5000 personnes à Paris, plus quelques milliers en province (alors qu'elle rassemblait les 5 principales fédérations d'enseignants, des parents d'élèves, des étudiants et des lycéens). La bourgeoisie et ses syndicats ont tout intérêt à éviter que ça bouge dans toute la fonction publique et de mettre de l'huile sur le feu. Ils ont ainsi pu exploiter à fond une hésitation à entrer dans la lutte dans l'Education nationale, un secteur déjà éprouvé par une longue bataille en 2003, qui s'est retrouvé totalement isolé et dont la grève n'a débouché que sur une cuisante défaite lors de la lutte contre la "réforme" du régime des retraites. De même prédomine aujourd'hui, là comme dans l'ensemble de la fonction publique, une lassitude face à des journées d'action syndicales vécues comme stériles. Dans ce secteur, comme dans le reste de la classe ouvrière, non seulement un sentiment croissant de "ras-le-bol" et une volonté de se battre demeure, de même que grandit aussi une interrogation sur comment on peut se battre.

Mais dans l'immédiat, ces doutes et ces hésitations à entrer en lutte sont exploités à fond par la bourgeoisie pour accentuer le déboussolement et accroître le climat de confusion au sein de la classe ouvrière afin de la démoraliser, de la décourager, et finalement la pousser à la résignation pour tenter de rabattre un maximum d'ouvriers sur le terrain électoral.

La lutte des étudiants contre le CPE montre la voie pour développer le combat de classe

A la base de ces manœuvres pour anesthésier ou désamorcer la combativité ouvrière, il y a le fait que toute la bourgeoisie s'efforce ainsi d'effacer les traces de la lutte contre le CPE et d'empêcher les ouvriers d'en tirer les leçons essentielles pour l'avenir. Dans les facultés et les lycées, les jeunes générations de prolétaires ou de futurs prolétaires ont déjà démontré au printemps dernier, il y a seulement quelques mois, quelle était la véritable voie à suivre. Elles ont montré à l'ensemble de la classe ouvrière que le seul moyen de se battre, de faire reculer la bourgeoisie et de freiner ses attaques, c'était de ne pas attendre les consignes syndicales, de se mobiliser de façon unie et massive en refusant les manœuvres de division, de chercher à étendre la lutte en allant chercher la solidarité d'autres travailleurs. Pour pouvoir lutter efficacement, il faut, comme l'ont montré les étudiants et lycéens au printemps dernier, prendre nos luttes en mains à travers des assemblées générales massives, souveraines et ouvertes à tous les prolétaires, avec des délégués élus et révocables à tout moment.

C'est justement pour faire oublier cette expérience et ses leçons que la bourgeoisie déploie aujourd'hui des trésors d'énergie pour tenter d'en effacer la mémoire dans la conscience des ouvriers.

Wim (29 septembre)


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