La contribution d'ATTAC aux pièges idéologiques de la bourgeoisie

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Alors que dans le mouvement du printemps, les jeunes générations commençaient à mettre en question la précarité, circulaient des tracts dénonçant le CPE, "symbole du néo-libéralisme", et affirmant que la "suppression du chômage et de la précarité est possible" (tract d’ATTAC diffusé avant la manifestation du 28 mars). Tandis que ce mouvement a bien souvent été présenté à l’étranger comme une expression de l’arriération du peuple français qui refuserait systématiquement toute adaptation aux nouvelles situations, ATTAC, au contraire, saluait la réaction à la "révolution conservatrice en cours depuis maintenant presque 30 ans" et appelait ses "adhérents et plus largement tous les citoyens à participer massivement aux manifestations". De fait, ATTAC a été très présent dans ce mouvement pour répondre aux questionnements et à l’angoisse des travailleurs devant la dégradation de leurs conditions de vie et l’avenir que nous réserve le capitalisme. "Il n’y a aucune fatalité au chômage et à la précarisation. Dans ce bras de fer contre la tyrannie des marchés, tout est question de mobilisation sociale et de volonté politique". (tract d’ATTAC) Evidemment, ces affirmations ne peuvent que susciter la sympathie et l’intérêt des travailleurs.


Que représente ATTAC ?

En 1999, l’Association pour une Taxation des Transactions Financières pour l’Aide aux Citoyens (ATTAC) est créée par un collège comprenant, entre autres, Le Monde Diplomatique, Alternatives économiques, la FSU, la Confédération paysanne, Artisans du Monde, etc. Cette association est présente dans une cinquantaine de pays et va se faire rapidement connaître, en particulier en transformant de grandes Conférences Internationales en tribune pour la défense des pays défavorisés, comme à Seattle en 1999, et en participant à de nombreux forums sociaux qui se sont tenus dans divers pays (Porto Alegre, Gênes, Paris,etc.).

ATTAC veut se présenter comme une force "alternative", différente des partis politiques traditionnels, avec des commissions qui regroupent des scientifiques, des économistes, autour du slogan "un autre monde est possible". Dans un monde ravagé par la crise économique, ATTAC entend présenter, avec le maximum de sérieux, des solutions pour "changer le monde", le rendre plus "juste". De ce fait, ATTAC a attiré beaucoup de gens sincères qui ne veulent plus faire confiance aux partis de gauche. Selon le journal Libération, ATTAC a "tout pour être une des forces politiques qui devaient façonner le monde de l’après-guerre froide" et, en tant que telle, a été très médiatisée. Il est difficile aujourd’hui de se préoccuper des questions sociales sans être confronté immédiatement aux idées "altermondialistes" dont ATTAC constitue le fleuron.

En France, ATTAC s’est plus récemment illustrée en faisant une campagne active pour le "non" au referendum sur la Constitution Européenne et, tout dernièrement, en étant très présente aussi bien dans les Assemblées Générales que dans les manifestations du mouvement des étudiants contre le CPE.


Les propositions d’ATTAC

Voyons donc ce que nous propose ATTAC dans sont tract "Le CPE est un symbole du néolibéralisme". ATTAC nous explique que nous assistons actuellement non pas à une crise du système capitaliste, mais à "une révolution conservatrice" qui serait la cause du chômage et de la précarité. Ce serait, comme le disait ATTAC au moment du referendum, "les orientations politiques ultra-libérales (qui sont) responsables de la dégradation sociale, de la casse des statuts". Ainsi, selon ATTAC, le capitalisme se porte bien ; ce qu’il faut combattre c’est cet "ultralibéralisme" qui pousserait à déréglementer les législations sociales et à abandonner les "acquis ouvriers" alors qu’il "existe des marges de manœuvre importantes pour créer de l’emploi". Autrement dit, il existe d’autres options pour gérer le capitalisme, pour empêcher ce type de dérive et revenir aux jours glorieux d’il y a quelques 30 ans. Il faut donc lutter non pas contre le capitalisme mais contre ce néolibéralisme en proposant des réformes sociales pour "améliorer" un système tout à fait viable.

Dans le tract cité, nous trouvons en condensé une série de mesures préconisées par ATTAC et qui permettraient de combattre efficacement la "fatalité du chômage" :

- la création d’emplois pour répondre aux besoins individuels et collectifs de la population ;

- la réduction du temps de travail, financée par la redistribution des gains de productivité aux salariés ;

- une mise en œuvre de la taxe Tobin pour créer des millions d’emplois à l’échelle européenne.

Que valent ces trois propositions, ces fameuses nouveautés ?

D’abord, on pourrait se demander pourquoi les capitalistes n’avaient pas pensé avant à créer des emplois "pour répondre aux besoins de la population". Mais ATTAC y apporte elle-même sa réponse : alors que "d’immenses besoins existent dans la société, (que) des millions d’emplois peuvent donc être créés pour y répondre (…) les entreprises privées n’embauchent pas en fonction de la nature du contrat de travail mais en fonction des commandes qu’elles ont ou de leurs perspectives". C’est donc bien "la tyrannie des marchés" qu’ATTAC se propose de limiter avec des "politiques budgétaires qui tournent radicalement le dos au carcan néolibéral imposé par l’Europe des Banquiers". En effet, selon ATTAC, "la demande croissante de services collectifs peut être un formidable réservoir d’emplois". Il est surprenant qu’ATTAC ait eu besoin de s’entourer de "penseurs" et d’universitaires pour découvrir qu’avec les politiques "néolibérales", la principale motivation des capitalistes serait de faire du profit… ce qu’ils ont toujours fait depuis que le capitalisme existe ! Le capital a toujours payé sa main d’œuvre le moins cher possible, y compris la partie du salaire gérée en général par l’Etat et qui concerne les aspects de la vie sociale comme l’éducation et la santé. Et aujourd’hui, alors que le monde s’enfonce dans une crise toujours plus profonde, chaque capital national essaie de limiter le nombre de bras dont il a besoin et de les payer encore moins pour résister à la concurrence sur le marché mondial. En appelant à lutter contre les "sirènes néo-libérales", ATTAC passe sous silence la réalité de la société capitaliste, basée sur l’exploitation de la force de travail et la recherche du profit ; c’est la crise de ce système, et non pas de "mauvais" capitalistes envoûtés par les "sirènes néo-libérales", qui révèle de plus en plus l’horreur de l’esclavage salarié.

Quant à "la réduction du temps de travail", c’est une politique de " gauche " que les ouvriers ont expérimentée dans leur chair ! Les 35 heures ont surtout représenté un moyen d’accroître l’exploitation, avec la flexibilité du temps de travail, l’accroissement des cadences et le blocage des salaires.

Enfin, pour ce qui est de la taxe Tobin, elle représente la mystification de prédilection d’ATTAC pour nous faire avaler que dans ce monde dominé par la bourgeoisie, prendre dans la poche des riches pour redonner aux pauvres…"c’est possible !"


ATTAC, défenseur de l’ordre capitaliste

Derrière tout ce discours mystificateur, ATTAC veut nous faire croire qu’il existerait un "bon" et un "mauvais" capitalisme, un bon capitalisme qui, tout en exploitant la classe ouvrière, serait "plus humain", plus soucieux d’améliorer la vie des hommes et leur environnement. Sous ses airs sérieux, loin de la "politique politicienne", ATTAC nous ressert ainsi tout le discours de l’aile gauche du capital qui ne se propose absolument pas de changer la société, mais de faire accepter à la classe ouvrière des mesures qui vont dans le sens de la défense du capitalisme et de son Etat.

ATTAC réclame une répartition plus "équitable" des richesses, comme la gauche dans les années 1970, sous la houlette de l’Etat. "le chômage est une arme aux mains des entreprises multinationales pour dégrader la condition salariale… afin de gonfler les profits". Si l’Etat, dans chaque pays, réduit drastiquement les services sociaux, ce n’est pas, comme veulent le faire croire les partis de gauche et ATTAC parce qu’il est sous la coupe des "multinationales" mais parce que la crise de surproduction ne lui permet plus de garantir des minimums sociaux pour obtenir une certaine paix sociale.

La réalité c’est que l’Etat en personne est le fer de lance de l’attaque contre les conditions de vie des ouvriers lorsqu’il fait des coupes dans les budgets sociaux, supprime des emplois, en particulier dans les secteurs de l’enseignement et de la santé ! L’Etat montre d’ailleurs de plus en plus ce qu’il est réellement : un instrument de préservation de l’ordre social existant et de défense des intérêts de la classe exploiteuse.

ATTAC, en reprenant les thèmes qui avaient fait les beaux jours de la gauche du capital, vole donc au secours de la bourgeoisie. Quand le questionnement dans la classe ouvrière porte de plus en plus sur la réalité de la situation mondiale, ce n’est pas un hasard si ATTAC s’active pour offrir des réponses aux travailleurs en lutte contre cette société, et en particulier, aux jeunes générations. Tout cet éventail de "solutions" aux prétendus "dysfonctionnements" du système n’est là que pour cacher la seule perspective capable de mettre fin à la barbarie et à la misère : le renversement du capitalisme.

C’est justement parce que dans le mouvement contre le CPE, les jeunes générations ont commencé à comprendre que le chômage et la précarité généralisée sont une illustration de l’impasse du capitalisme, du "no future" que leur promet ce système, qu’ATTAC a cherché une fois encore à obscurcir la conscience de la classe ouvrière.


Sandrine

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