Soumis par Révolution Inte... le
Le 29 mai, la classe ouvrière en France n'a rien gagné en participant au cirque électoral du référendum. Au contraire, c'est son ennemi de classe, la bourgeoisie, qui a réussi à détourner une majeure partie des ouvriers vers les isoloirs. Certes, ce vote ne peut parvenir à freiner durablement la colère et la combativité ouvrières face aux attaques redoublées de nos exploiteurs. Mais la mystification électorale et son regain d'illusions démocratiques dans les rangs ouvriers, permettent d'entraver le processus de réflexion et constituent un handicap pour le développement de la conscience de classe qui se fait jour au sein du prolétariat sur la véritable nature du capitalisme aujourd'hui.
La bourgeoisie a réussi à faire accréditer l’idée que la classe ouvrière pouvait utiliser le vote comme moyen d'expression de son mécontentement, de sa colère, de son "ras-le-bol". C'est tout le contraire qui est vrai. Une telle illusion ne peut qu'inhiber la classe ouvrière dans le développement de son combat alors que dominent encore en son sein les doutes, les hésitations, les craintes voire les angoisses envers l’avenir et qui sont liées à un manque de perspectives claires.
Le piège électoral et démocratique
A travers la victoire du Non, la bourgeoisie est parvenue à inoculer insidieusement l’illusion que les prolétaires peuvent retirer quelque chose de positif du bulletin de vote et utiliser les élections démocratiques pour se faire entendre. En particulier, les fractions politiques porteuses du Non de gauche (de la gauche du PS aux trotskistes en passant par les staliniens) ont toutes encouragé les prolétaires à croire qu’ils avaient obtenu une "revanche" et "fait payer la note" à Chirac et à son équipe. Besancenot se félicitait au soir du 29 mai de "la gifle donnée par le peuple à Chirac". Alors que Raffarin avait employé la formule "ce n’est pas la rue qui gouverne" lors des manifestations du printemps 2003 contre la "réforme" des retraites, aujourd’hui ces fractions de gauche flattent le sentiment que le "vote populaire" a réussi à mettre Raffarin dehors. Ainsi, c'est tel ou tel responsable ou telle ou telle fraction qui est commodément désignée à la "vindicte populaire" et qui va jouer le rôle d’un paratonnerre pour cristalliser l'exaspération et décharger la hargne des ouvriers. En répétant que "la droite ne respecte pas la volonté du peuple", la gauche ne va pas cesser de propager l’illusion que, grâce aux urnes, "le peuple peut gouverner". Les prolétaires sont invités à se rallier à une idéologie antilibérale et un maximum de publicité est assuré pour la promotion "d’une autre gauche, à l’écoute du peuple", altermondialiste, citoyenne. Cette pseudo-"troisième gauche" avance une fausse alternative où il s’agirait de "transformer dans les urnes en 2007 la victoire du Non au référendum ". Ce tremplin pour les prochaines campagnes électorales que prépare la bourgeoisie n'a qu'un seul but : mystifier la classe ouvrière, brouiller et obscurcir sa compréhension du monde pour tenter de la priver de toute vision d'ensemble de la société capitaliste, de lui boucher toute perspective et l'empêcher de prendre conscience non seulement d'un futur possible en dehors de cette société d'exploitation mais qu'elle est elle-même la seule force sociale porteuse de cet avenir.
Le même constat existe pour la classe ouvrière en Allemagne. Lors des élections dans la région industrielle la plus concentrée de Rhénanie du Nord- Westphalie, le parti démocrate-chrétien (CDU) a obtenu un triomphe aux dépens de l’équipe social-démocrate au gouvernement alors qu’il défendait ouvertement un programme d’austérité encore plus dur que celui du SPD. Les médias en ont profité pour avancer l’idée que "la population comprend que les sacrifices sont nécessaires". Un sondage est venu apporter un démenti catégorique à cette interprétation : les ouvriers savaient pertinemment que ça n’irait pas mieux pour eux avec la droite mais le vote ouvrier en faveur du CDU traduisait seulement un vote d’humeur, une volonté de porter un coup, de faire payer au SPD sa politique antiouvrière sans ouvrir ni porter aucune perspective d'avenir .
Tant que les prolétaires s'en remettront aux moyens que leur propose la bourgeoisie, ils resteront dans l'impasse et s'enfonceront davantage dans l'enfer d'une exploitation sans limites parce que le capitalisme n'a rien d'autre à leur offrir.
Le capitalisme est dans une impasse
Quelques semaines après la victoire du Non à la Constitution européenne en France et aux Pays-Bas, qu'est-ce qui a changé pour les conditions d'exploitation de la classe ouvrière ? Rien. Aujourd'hui, les attaques anti-ouvrières se poursuivent sans relâche et s'intensifient tous azimuts exactement de la même façon pour ceux qui ont rejeté la Constitution comme en France et ceux dont les gouvernements l'ont adoptée comme en Allemagne. C'est la démonstration évidente que le référendum sur l'Europe était l'affaire de la bourgeoisie et nullement celle de la classe ouvrière. De plus, ces attaques sont portées aussi bien par des équipes de gauche (le gouvernement "rouge-vert" en Allemagne) que de droite. Le nouveau gouvernement Villepin-Sarkozy en France n’a pas tardé à démontrer que la classe ouvrière ne peut rien attendre d’un changement d’équipe gouvernementale. Alors qu’elle a bruyamment promis de s'attaquer en priorité au problème n° 1 du chômage et à la question sociale en "menant une bataille pour l'emploi", ses premières mesures sont une brutale attaque en règle contre toute la classe ouvrière accompagnée d’un discours "musclé" qui ne laisse aucun doute sur le sort réservé aux prolétaires. Pour les ouvriers réduits au chômage, Villepin déclare "il est inacceptable que des gens se permettent de refuser un emploi qui leur est proposé". Il impose aussitôt la mise en place d’une "réforme" (préparée depuis de longs mois) instaurant un lien étroit entre l’agence pour l’emploi et les caisses de versement de l’allocation chômage pour fliquer les chômeurs qui permettra de radier de leurs droits tous ceux qui refuseront une proposition d’emploi. C’est ainsi que le gouvernement pourra proclamer triomphalement dans quelques mois une baisse significative du nombre de chômeurs… Voilà ce que la bourgeoisie appelle le "traitement social du chômage". Il ne peut en être autrement parce qu'elle n'a aucune solution à proposer au problème du chômage qui est une manifestation de la faillite-même du capitalisme. Quant aux "contrats de nouvelle embauche" proposés, il s’agit d’un coup d’accélérateur considérable à la précarité de l’emploi puisqu’il allonge les périodes d’essai de trois mois à deux ans, ce qui va permettre d’abord aux petites et moyennes entreprises (c’est-à-dire à la majorité des employeurs) de mettre à la porte du jour au lendemain des dizaines de milliers de salariés sous contrat à durée indéterminée. Pour compléter la panoplie, d’autres mesures viennent d’être adoptées (notamment des ristournes fiscales incitatives pour les patrons) pour favoriser le licenciement des salariés de plus de 50 ans… La bourgeoisie jette à la rue et précipite dans la misère tous ceux qu'elle n'est plus en mesure d'exploiter au plus bas prix. Parallèlement, le gouvernement met clairement en avant la nécessité d'une « politique de l’immigration qui corresponde aux besoins du marché ». Le résultat de cette logique implacable du capitalisme, c'est que le filtrage des travailleurs immigrés avec des quotas destinés à doubler les reconduites aux frontières des travailleurs clandestins. Tandis qu'au nom de la "sécurité des citoyens", l'appareil répressif de l'Etat montre de plus en plus son vrai visage. Il se renforce et se blinde face à la menace que redoute la bourgeoisie d'explosions d'une véritable colère ouvrière qui ne se laisserait plus dévoyer, canaliser sur le terrain électoral et démocratique mais exprimerait une force de classe collective à travers la mobilisation et le développement de luttes massives sur un terrain de classe. C'est en ce sens que la promesse de Sarkozy de "nettoyer au Karcher" les cités et les banlieues n'est pas seulement la seule réponse que l'Etat peut apporter à des phénomènes liés à la décomposition sociale mais sonne aussi comme un avertissement lancé au prolétariat pour l'intimider et le dissuader d'entrer en lutte.
La classe ouvrière doit en tirer les véritables conclusions : il n'y a rien à attendre de l'Etat bourgeois.
La bourgeoisie cherche avant tout à masquer aux yeux de la classe ouvrière la faillite ouverte du capitalisme. C'est pourquoi elle entretient un épais rideau de fumée idéologique pour empêcher la classe ouvrière de comprendre que les attaques anti-ouvrières ne sont pas le résultat de telle ou telle politique de telle ou telle fraction de la bourgeoisie nationale mais de la survie d'un mode de production en pleine décadence depuis un siècle.
La classe ouvrière ne peut plus entretenir la moindre illusion sur la capacité du système à améliorer son sort. Tout ce que la bourgeoisie baptise du nom de "réforme " (santé, retraites, assurance chômage…) constitue au contraire le moyen pour des attaques plus frontales et massives entraînant la paupérisation absolue des prolétaires et l’incapacité grandissante de la bourgeoisie d’assurer les conditions de survie minimum de ses exploités.
Tout cela témoigne de la crise irréversible du capitalisme au niveau mondial dont les contradictions constituent non seulement une entrave décisive au développement des forces productives mais débouchent sur une impasse pour l'humanité toute entière.
Le véritable enjeu de la situation : révolution prolétarienne ou destruction de l'humanité
C'est le reflet de la décomposition d'un mode de production agonisant qui engendre l'auto-destruction, la mutilation permanente et qui précipite la planète entière dans un océan de misère, de chaos et de barbarie.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, on assiste à une fuite en avant dans la barbarie la plus effroyable révélatrice de la menace d'anéantissement que la survie de ce mode de production fait courir à l'humanité. C'est le même système décadent qui rejette sur le pavé du chômage des millions de prolétaires, qu'il est incapable d'intégrer à sa production que ce soit au cœur du système ou à sa périphérie. C'est encore lui qui, dans les Etats sous-développés, massacre les populations civiles dans des conflits sans fin, comme on le voit tous les jours, en Irak, au Moyen-Orient, sur tout le continent africain, au pourtour de l'Asie centrale anciennement sous domination de l'empire stalinien.
C'est en comprenant qu'elle doit mener le combat contre les racines du mal, l'exploitation capitaliste, face à une crise économique mondiale sans issue et à ses effets dévastateurs que la classe ouvrière pourra s'affirmer sur son propre terrain de classe et résister à la dégradation de ses conditions d'existence. Elle ne doit pas se laisser bercer d'illusions par les flots de propagande idéologique de la bourgeoisie dont les discours sur les bienfaits de la démocratie et de la citoyenneté ne sont que des boulets pour maintenir les prolétaires enchaînés à une exploitation capitaliste toujours plus insupportable. La classe ouvrière doit comprendre que l'enjeu réel posée par l'évolution du capitalisme, c'est : révolution prolétarienne ou enfoncement dans la barbarie.
Elle ne peut pas faire l'économie de la prise de conscience que le développement de ses combats de classe est la seule alternative à la misère et la guerre engendrées par le capitalisme et qu'elle détient le sort de l'humanité entre ses mains. A travers le développement de ses luttes, la classe ouvrière a les moyens de renverser le capitalisme avant qu'il ne détruise la planète. Inversement, la logique de la décadence de ce système ne peut conduire qu’à la destruction et à l’anéantissement de la planète si la classe ouvrière n’avait pas les forces suffisantes ni la conscience nécessaire pour s’y opposer.
Wim (24 juin)