Chine - Miracle économique ou mirage capitaliste

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Depuis des années, les pays développés accumulent les déficits budgétaires les plus pharamineux, leur endettement est en constante augmentation et se généralise de façon quasi-incontrôlable. Ce qui est à l’ordre du jour, c’est le démantèlement de l’Etat-providence et les licenciements massifs dans nombre de régions du monde, tandis que tous les frémissements annonçant une “reprise économique” s’avèrent n’être que feu de paille. Pourtant, dans une telle situation où s’accumulent les nuages les plus sombres pour l’avenir, la bourgeoisie n’a de cesse de nous vanter le “miracle économique chinois”. Economistes patentés à l’appui, le développement économique de la Chine est vanté comme un signe annonciateur d’une nouvelle phase de développement du capitalisme mondial.

Le “triomphe des capitalistes rouges” et le “boom de l’économie chinoise”, seraient donc les porteurs d’une nouvelle phase d’expansion glorieuse du capitalisme.

Une croissance insolente...

La croissance du PIB chinois détient sans conteste des records : 7,8% en 2002, 9,1% en 2003 et des prévisions à deux chiffres pour 2004. Depuis son entrée dans l’OMC en 2001, alors que le commerce mondial était en forte baisse, les échanges entre la Chine et le reste de l’Asie ont connu une forte progression et, en 2003, alors que les échanges mondiaux ne progressent que de 4,5%, l’Asie voit les siens progresser de 10 à 12% avec ceux de la Chine qui explosent littéralement de 40% pour ses importations et 35 % pour ses exportations. Entre 1998 et 2003, les exportations ont augmenté de 122%, la production automobile de 172%, la production "high-tech" de 363%. En 2003, la Chine est devenue la première zone d’accueil des investissements internationaux avec 53,5 milliards de dollars, devant même les Etats-Unis, et la spéculation financière la plus folle règne en maître.
En deux ans, l’Empire du Milieu a acquis le statut de locomotive de l’économie mondiale. Certains économistes projettent qu’il aura rattrapé le Japon dans 15 ans et les Etats-Unis dans 45 ans. Son PIB équivaut d’ores et déjà à celui de la France ou de la Grande-Bretagne.
Japon, Etats-Unis, Europe s’arrachent les produits “made in China” et les nouvelles régions industrielles chinoises qui poussent comme des champignons attirent les investissements comme des aimants. L’Union européenne prévoit ainsi de renforcer son partenariat avec la Chine et d’en faire à terme son premier partenaire commercial. La bourgeoisie d’outre-Atlantique investit de façon massive et grandissante dans le pays, apportant un soutien actif et puissant au développement de l’économie chinoise après l’avoir elle-même fortement impulsé, quitte à se trouver dans une situation de concurrence défavorable vis-à-vis de l’Etat chinois. En 2003, résultat de l’invasion du marché américain par les produits chinois, le déficit commercial américain vis-à-vis de Pékin atteignait 130 milliards de dollars.

... bâtie sur du sable

On a là un tableau idyllique : une croissance insolente qui se joue des crises, de celle de 1997 dans le Sud-Est asiatique et de celle de l’éclatement de la bulle financière de la “nouvelle économie” en 2001, date d’entrée de la Chine dans l’OMC.
Cette entrée à l’OMC ne constitue en fait pas une véritable rupture pour l’économie chinoise, mais une étape dans sa politique de libéralisation commerciale ouverte à la fin des années 1970. Au début, elle a favorisé les industries exportatrices et en a protègé d’autres - automobile, industrie alimentaire, biens de consommation industriels. Ensuite, au cours des dix dernières années, la Chine a mis en place un régime douanier préférentiel visant le développement d’industries d’exportations concentrées sur la façade maritime.
Cependant, malgré l’exhibition des fortunes qui se font aujourd’hui dans le dernier grand bastion du prétendu “communisme”, les forces destructrices du capitalisme en crise sont à l’oeuvre.
Les experts bourgeois eux-mêmes se posent clairement la question : "Jusqu’à quand cela va-t-il durer ? “. Et ils ont appelé au ralentissement des investissements, constatant presque avec “soulagement” que ceux-ci, en capital fixe, n’ont augmenté que de 18% en rythme annuel au mois de mai (pour 43% au 1er trimestre). L’inflation est galopante, signe de cette “surchauffe” que redoutent tant les économistes. En avril, cette dernière était officiellement de 3,8% mais en réalité de plus de 7%, selon des analystes qui connaissent bien le flou des statistiques chinoises. Dans le domaine des produits alimentaires, elle atteint 10%. Mais c’est le marché des matières premières, avec la rapidité et l’avidité de la demande industrielle, qui a connu une violente flambée et la plus brutale augmentation jamais vue depuis trente ans. L’acier, l’aluminium, le zinc, le coton, et surtout le pétrole, sont à la hausse, alimentant une bulle spéculative déjà incontrôlable et explosive.
L’Etat chinois lui-même s’efforce de limiter la progression de la croissance et a tenté de réagir par des gels de crédit et des ordonnances de blocage des prix à la consommation qui croîtraient actuellement à un rythme supérieur à 1% mensuel. Il s’est ainsi satisfait d’avoir pu limiter la croissance à 15,5% pour le mois de juillet.
Cependant, les dangers qui guettent sont légions. La bulle immobilière continue par exemple à donner des sueurs froides aux autorités chinoises ; le secteur bancaire est en réalité en état de quasi-faillite avec au moins 50% des créances qui seraient douteuses. 60% des investissements ne proviennent pas du cycle de la production lui-même mais tout bonnement de capitaux recyclés à Hong-Kong ou dans des paradis fiscaux, c’est-à-dire de la spéculation financière elle-même ou du blanchiment de l’argent.
Les profits astronomiques qui se réalisent aujourd’hui en Chine ne sont en réalité que le résultat d’une spéculation effrénée qui traverse la Chine et le monde et ne découlent pas de la vente réelle des marchandises et de la valorisation du capital productif. Les marchandises qui inondent le marché mondial vont de plus en plus difficilement trouver des acheteurs, malgré le bas prix où elles sont proposées. Aussi, la perspective réelle est-elle à de nouvelles aggravations de la crise historique du capitalisme. Ce qui se passe en Chine n’a rien à voir avec un développement des forces productives comme il a existé au 19e siècle. Alors qu’à cette période les phases de croissance contenaient la promesse d’un développement toujours plus impétueux des forces productives, aujourd’hui elles représentent la certitude de contradictions aggravées pour le système.

La misère aggravée de la population et de la classe ouvrière en Chine

Ce que connaît la population chinoise en est une expression frappante. 20% des plus pauvres du pays reçoivent moins de 6% des revenus, contre plus de 8% en Inde et 9% en Indonésie, pays réputés pour leur extrême pauvreté.
Dans le fameux Delta des Perles, dans la province du Guangdong entre Shenzen et Canton, région de rizières transformée en dix ans en premier centre manufacturier de la planète, les salaires, pourtant considérés parmi les meilleurs de Chine, atteignent 100 euros par mois, et les ouvriers n’ont que 9 jours de congés par an !
Pour ce qui est du chômage, il est devenu massif en Chine. Officiellement de 4,7%, il atteint jusqu’à 35% dans certaines régions comme le Liaoning. Fin 2003, on comptait 27 millions de prolétaires licenciés par les entreprises d’Etat, qui sont en totale faillite. Des millions d’emplois ont été supprimés dans les campagnes où les révoltes se multiplient et sont matées à la trique. Bilan : ce ne sont pas moins de 150 millions de paysans migrants qui s’entassent dans des bidonvilles aux portes des centres urbains de l’Est de la Chine, en quête d’un travail que la majorité d’entre eux n’aura pas.
Le système éducatif est laissé totalement à l’abandon et les conditions sanitaires sont terribles. Sans assurance maladie, avec des hôpitaux qui font prévaloir le régime des services de soins payants pour espérer rester eux-mêmes en activité, c’est une véritable catastrophe qui s’annonce. Les hépatites B et C touchent plus de 200 millions de Chinois ; un à deux millions d’entre eux sont séropositifs et, d’ici 6 ans, il est prévisible que 15 millions le seront. 550 millions de personnes sont infectées par la tuberculose, avec environ 200 000 décès par an.
Au niveau alimentaire, le chaos de la politique économique délirante de l’Etat chinois fait dangereusement baisser les réserves de céréales et désorganise totalement l’agriculture, tandis que les campagnes se vident. L’utilisation intensive des sols menace 80 millions d’hectares (sur 130 millions cultivables) de désertification. Tout cela ne peut que favoriser de futures pénuries aux conséquences catastrophiques.
L’environnement est saccagé par la combustion effrénée de charbon, comme par la construction de barrages gigantesques pour répondre à une demande d’électricité toujours croissante. Ainsi, la Chine est d’ores et déjà le deuxième producteur de gaz à effet de serre de la planète. La pollution urbaine est un fléau : 16 villes chinoises figurent parmi les 20 plus polluées de la planète.
Aussi, c’est un véritable désastre qui se déroule en Chine. Ce désastre ne saurait signifier un nouveau redémarrage du système vers une longue période de développement des forces productives mais est annonciateur d’un nouvel effondrement économique. Depuis l'entrée du capitalisme dans sa crise ouverte, la bourgeoisie nous a d'abord vanté les modèles du Brésil puis de l'Argentine, mais également des "nouveaux pays industrialisés" d'Asie. Elle nous a fait plus récemment miroiter le miracle de la "nouvelle économie" accouchée par l'internet. L'écroulement du dragon chinois ne tardera pas à montrer que l'envers de ces miracles, c'est la sombre réalité d'un capitalisme en pleine faillite.

ES (15 septembre)

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