Soumis par Révolution Inte... le

Le 13 mai dernier, 
          plus d'un million de manifestants étaient dans la rue pour s'opposer 
          à l'attaque du gouvernement Raffarin contre le régime 
          des retraites.
          Les médias ont largement évoqué la comparaison 
          de ce mouvement avec les grèves de novembre-décembre 1995 
          dans le secteur public contre le gouvernement Juppé qui avait 
          donné lieu à des rassemblements comparables. Ils ont même 
          évoqué la date hautement symbolique de la gigantesque 
          manifestation du 13 mai 1968 qui avait lancé le plus grande grève 
          de masse jamais connue dans le pays.
          C'est une évidence, nous ne sommes pas dans la même période 
          qu'en mai 1968 de réaffirmation d'un combat de classe généralisé 
          qui fait irruption sur la scène de l'histoire après un 
          demi-siècle de contre-révolution. Mais nous ne sommes 
          plus dans la même situation qu'en 1995 non plus. 
          Où est la différence ?
          En 1995, l'objectif essentiel du gouvernement était de renforcer 
          et recrédibiliser l'appareil d'encadrement syndical, en gommant 
          toute l'expérience accumulée des luttes ouvrières 
          entre 1968 et les années 1980, notamment sur la question syndicale 
          (voir l'article publié au verso). Une telle entreprise exploitait 
          pleinement le recul de la lutte de classe suite à l'effondrement 
          des régimes staliniens et à la campagne idéologique 
          de toute la bourgeoisie sur la pseudo-faillite du marxisme et du communisme. 
          Même si une partie économique du plan Juppé (consacré 
          à la réforme du financement de la sécurité 
          sociale et à l'institution d'un nouvel impôt appliqué 
          à tous les revenus) est passée en catimini et a été 
          parachevée sous le gouvernement Jospin dans les mois qui ont 
          suivi, le volet consacré précisément à la 
          retraite (suppression des régimes spéciaux du secteur 
          public) n'a pu aboutir et a même été délibérément 
          sacrifiée par la bourgeoisie pour faire passer cela comme une 
          "victoire des syndicats".
L'aggravation de la crise entraîne des attaques toujours plus générales et massives
Aujourd'hui, le 
          niveau de la crise économique n'est plus le même. C'est 
          parce que la crise s'aggrave que la bourgeoisie doit désormais 
          cogner très fort. Ainsi, la remise en cause du régime 
          des retraites n'est qu'une des premières mesures d'une longue 
          série de nouvelles attaques massives et frontales en préparation. 
          Tous les salariés se retrouvent concernés par ces mesures. 
          Pour tous les ouvriers, c'est une attaque qui ne peut les laisser sans 
          réaction alors qu'ils sont déjà confrontés 
          en permanence à des conditions de vie qui empirent de manière 
          dramatique, face à des problèmes quotidiens affrontés 
          plus ou moins isolément dans le cadre de la cellule familiale 
          ou de l'entreprise : chômage, plans de licenciements, suppressions 
          de poste, précarité, perte du pouvoir d'achat, dégradation 
          générale des conditions de travail, du tissu social, augmentation 
          de la productivité, problèmes de santé, d'éducation, 
          de logement, d'environnement, remise en cause de la protection sociale.
          Cette attaque a valeur d'exemple et constitue un verrou essentiel à 
          faire sauter pour la bourgeoisie dans la défense de la logique 
          de son système. On nous présente faussement le facteur 
          démographique (l'augmentation de l'espérance de vie et 
          le vieillissement de la population) comme étant déterminant 
          dans la crise qui menace d'entraîner les caisses de retraite vers 
          la faillite. Cela permet de masquer que le facteur fondamental, celui 
          qui a le plus de poids et qui fait une nécessité absolue 
          pour la bourgeoisie de s'attaquer aux retraites des salariés 
          c'est l'ampleur du chômage : il est évident que lorsque 
          le chômage en augmentation quasi-constante dépasse officiellement 
          les 10 % de la population active, l'assiette des cotisants se trouve 
          singulièrement rétrécie. Cela révèle 
          l'incapacité croissante du système capitaliste d'intégrer 
          la population dans le salariat. En fait, face à sa crise, la 
          bourgeoisie cherche à réduire toujours plus drastiquement 
          la part des dépenses improductives comme le sont, de son point 
          de vue, les retraites, les allocations chômage ou le RMI. La bourgeoisie 
          cherche en fait à masquer une réalité sociale beaucoup 
          plus directement accusatrice du système capitaliste derrière 
          des facteurs purement démographiques.
          Malgré l'ampleur des attaques qu'elle a imposé à 
          la classe ouvrière (en particulier sa loi sur les 35 heures qui 
          a permi d'instaurer une flexibilité généralisé), 
          la Gauche au gouvernement n'a pas pu mener à bien l'attaque sur 
          les retraites. Rocard avait pourtant été le premier, en 
          1989, dans son livre blanc sur les retraites, à préconiser 
          cette attaque en proposant de porter progressivement à 42 ans 
          la durée minimale de cotisations et il avait largement préparé 
          le terrain et ouvert la voie à travers d'autres rapports ou audits 
          sur le sujet. Déjà le candidat Jospin lors des présidentielles 
          de 2002 avait déclaré que la réforme des retraites 
          allait constituer son objectif majeur. 
          C'est pourquoi l'aspect provocateur du gouvernement a priori comparable 
          à 1995, n'a en fait plus du tout le même sens.
La stratégie de la bourgeoisie pour faire passer l'attaque
Aujourd'hui la stratégie 
          de la bourgeoisie n'a plus les mêmes objectifs qu'en 95. Elle 
          savait bien que son attaque actuelle sur les retraites allait provoquer 
          d'inévitables réactions au sein de la classe ouvrière. 
          C'est la raison pour laquelle elle a planifié son attaque en 
          fonction des contraintes d'un calendrier très précis pour 
          pouvoir faire passer ses projets avec force de loi au meilleur moment 
          pour elle : au début des vacances d'été. Elle sait 
          bien aussi qu'elle bénéficie pour l'heure d'un contrôle 
          global des syndicats sur les luttes, que la classe ouvrière est 
          affaiblie. Malgré le mécontentement général 
          que ne manquera pas de susciter l'attaque et que celle-ci est à 
          même d'alimenter une remontée de la combativité 
          ouvrière, elle a aussi conscience de ne prendre qu'un minimum 
          de risques car une large partie des prolétaires sont encore dominés 
          par un sentiment d'impuissance et de résignation. Elle entendait 
          également tirer profit du surcroît de déboussolement 
          et de désorientation dans les rangs ouvriers apporté juste 
          auparavant par sa politique d'union nationale face à "la 
          guerre de Bush" puis par le déroulement de la guerre en 
          Irak elle-même. Face à cette réaction ouvrière 
          inévitable, la stratégie de la bourgeoisie était 
          de faire crever l'abcès, au moment choisi par elle. La méthode 
          de ce passage en force a été déjà largement 
          éprouvée en misant sur un scénario écrit 
          à l'avance.
          C'est pour cela qu'on vient de voir Raffarin casser son image de paternalisme 
          rassurant et se départir de son air patelin déclarer quelques 
          jours avant que "ce n'est pas la rue qui gouverne", ce qui 
          ne pouvait avoir pour effet que de doper la mobilisation. Pas plus que 
          les déclarations provocatrices de Juppé en 1995, il ne 
          s'agit d'une gaffe ni d'une maladresse de Raffarin mais de paroles mûrement 
          pesées dans une interview préparée. Dans le même 
          sens, quand on lui a demandé, à lui qui se présentait 
          volontiers depuis un an comme le tenant de la main tendue vers "la 
          France d'en-bas", si le gouvernement allait faire un effort pour 
          les bas salaires au lieu d'abaisser le seuil des retraites à 
          75 % du SMIC, sa réponse a été catégorique 
          : "il n'en est pas question". Enfin, le gouvernement a délibérément 
          dévoilé son intention de reculer encore davantage l'âge 
          de la retraite jusqu'en 2020 et même au-delà et du même 
          coup il affichait clairement que tous les salariés, et plus seulement 
          les fonctionnaires, étaient impliqués dans l'attaque alors 
          que rien n'obligeait à le faire.
          La méthode est claire : annoncer le pire et afficher sa fermeté 
          et sa détermination afin que le mécontentement s'exprime 
          dans un premeir temps. On se ménage aussi la possibilité 
          de casser le mouvement en laissant une ouverture dans la négociation 
          et à des reculs sur des points mineurs du projet afin que les 
          syndicats les plus "modérés" s'y engouffrent 
          moyennant des concessions mineures (et peu coûteuses pour l'Etat) 
          pour les bas salaires, ou pour ceux qui ont cotisé au maximum 
          en travaillant plus longtemps. C'est ce qui n'a pas manqué de 
          se produire rapidement. Le scénario est d'ailleurs un brin convenu 
          et caricatural, car est-il crédible de voir le syndicat des cadres, 
          la CGC-CFE se laisser convaincre par les concessions gouvernementales 
          pour les smicards dont il ne prétend nullement défendre 
          les intérêts ? Quant à la CFDT qui, depuis le début, 
          s'est fait le porte-parole des seules revendications précisément 
          accordées par le gouvernement, elle s'est chargée pour 
          cette fois encore (comme Notat en 1995) de porter le chapeau de l'impopularité 
          en "pactisant avec la droite". Il faut néanmoins remarquer 
          que ce partage des tâches entre syndicats est purement circonstanciel 
          : dans le passé et notamment au cours des années 1970, 
          ce rôle de "syndicat jaune" était dévolu 
          à FO. Il faut aussi se souvenir qu'en 1968, c'est à l'appareil 
          de la CGT lui-même qu'est revenu le "privilège" 
          de jouer ouvertement les "briseurs de grève" pour casser 
          le mouvement social. On en revient donc aujourd'hui à un schéma 
          beaucoup plus classique dans l'histoire de la lutte de classes : le 
          gouvernement cogne, les syndicats s'y opposent et prônent l'union 
          syndicale dans un premier temps pour embarquer massivement des ouvriers 
          derrière eux et sous leur contrôle. Puis le gouvernement 
          ouvre des négociations et les syndicats se désunissent 
          pour mieux porter la division et la désorientation dans les rangs 
          ouvriers. Cette méthode qui joue sur la division syndicale face 
          à la montée de la lutte de classe est la plus éprouvée 
          par la bourgeoisie pour préserver globalement l'encadrement syndical 
          en concentrant autant que possible le discrédit et la perte de 
          quelques plumes sur l'un ou l'autre appareil désigné d'avance. 
          Cela signifie aussi que les syndicats sont à nouveau soumis à 
          l'épreuve du feu et que le développement inévitable 
          des luttes à venir va reposer le problème de l'usure de 
          l'encadrement syndical pour la bourgeoisie.
          Dans ce contexte, les syndicats qui revendiquent aujourd'hui d'être 
          partie-prenante de la lutte participent en fait étroitement à 
          étouffer consciencieusement toute vie ouvrière en faisant 
          mine de reprendre à leur compte les besoins réels de la 
          lutte. Ainsi, sous prétexte d'en assurer l'extension, ils s'attachent 
          à convaincre les ouvriers qu'il faut d'abord étendre la 
          lutte au sein du secteur ou de la corporation. Et quand ils consentent 
          à aller trouver d'autres entreprises hors de leur secteur, ce 
          n'est jamais avec des délégations massives d'ouvriers, 
          mais toujours à travers des délégations syndicales 
          réduites qui vont, dans la plupart des cas, trouver d'autres 
          syndicalistes.
Des ouvriers se sont laissés embarquer dans la fausse solidarité impulsée par les syndicats dans les services publics et notamment dans les transports (SNCF, RATP, bus urbains) dont les grèves ont paralysé pendant plusieurs jours le trafic des transports en commun. En fait de solidarité celles-ci constituent un obstacle supplémentaire à l'extension du mouvement en limitant la participation aux manifestations autrement qu'en s'y rendant avec les bus affrétés par les syndicats. Elles ont aussi contribué à rendre la grève encore plus impopulaire auprès des non grévistes.
La crise va contraindre la classe ouvrière à reprendre confiance en elle-même
Le secteur de l'éducation nationale est particulièrement 
          attaqué puisque, aux mesures sur les retraites s'ajoute pour 
          des dizaines de milliers de fonctionnaires le démantèlementde 
          leur statut, au nom de la "décentralisation". Il n'est 
          donc pas étonnant que ce secteur se retrouve aujourd'hui à 
          la pointe de la mobilisation. Mais, de plus en plus isolés du 
          reste de leur classe, les salariés de cette branche courent le 
          risque de se retrouver rapidement entraînés dans une lutte 
          jusqu'au-boutiste, encouragée par les gauchistes et syndicalistes 
          "radicaux" de tout poil, et de s'épuiser et se démoraliser, 
          compromettant ainsi pour un temps la possibilité de leur participation 
          aux futures mobilisations. D'ailleurs, à l'heure actuelle, de 
          nombreux établissements scolaires sont déjà en 
          grève depuis plus de trois semaines.
          Cette expérience va inévitablement laisser des traces 
          profondes et le goût amer de la défaite chez des dizaines 
          de milliers de prolétaires. Cela aussi est inévitable. 
          Néanmoins, la période qui s'ouvre est telle que la classe 
          ouvrière sera de plus en plus amenée à comprendre 
          qu'elle n'a pas d'autre choix que de lutter, de retrouver et de réaffirmer 
          son chemin de classe face à l'accélération des 
          attaques massives de la bourgeoisie dirigées contre elle. La 
          crise économique mondiale actuelle du capitalisme atteint un 
          niveau de gravité qui contraint partout la bourgeoisie et son 
          Etat à porter de plus en plus des attaques massives et frontales. 
          Ainsi, par exemple, dès l'automne, la bourgeoisie française 
          a annoncé la couleur : elle prépare une autre attaque 
          générale d'envergure concernant les assurances sociales. 
          Contrairement aux années 90, l'aspect patent de la crise va constituer 
          un puissant révélateur de la faillite du système 
          aux yeux des prolétaires. Aux conséquences de la crise 
          économique s'ajoute pour les prolétaires le prix à 
          payer pour des dépenses de guerre et d'armement en augmentation 
          croissante. 
          Il n'y a aucune illusion à se faire sur ce qui attend les ouvriers 
          : toujours plus de misère et d'exploitation. Mais sous les coups 
          de la crise et des attaques qui en résultent, les prolétaires 
          sont poussés à réagir massivement et ensemble.
          Ainsi se créent les conditions pour que le prolétariat 
          reprenne confiance en lui, retrouve sa véritable identité 
          de classe et s'oppose massivement et unitairement aux attaques de la 
          bourgeoisie comme classe ayant des intérêts propres et 
          distincts à défendre contre ceux de la bourgeoisie. 
L'avenir appartient au prolétariat !
Wim (17 mai)






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