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Le capitalisme est
rentré dans sa sixième phase de récession ouverte
depuis le resurgissement de la crise sur la scène de l'histoire
à la fin des années 60 : 1967, 1970-71, 1974-75, 1980-82,
1991-93, 2001- ?, sans compter l'effondrement des pays du Sud-Est asiatique,
du Brésil, etc., dans les années 1997-1998. Depuis, chaque
décennie se solde par un taux de croissance inférieure
à la précédente : 1962-69 : 5,2% ; 1970-79 : 3,5%
; 1980-89 : 2,8% ; 1990-99 : 2,6% ; 2000-2002 : 2,2%. En 2002, la croissance
de la zone Euro atteint péniblement + 0,7% alors qu'elle se maintenait
encore à 2,4% aux Etats-Unis, chiffre néanmoins moins
élevé que dans les années 1990.
Ce qui caractérise la récession actuelle, aux dires des
commentateurs bourgeois eux-mêmes, c'est la rapidité et
l'intensité de son développement. Les Etats-Unis, la première
économie du monde, ont très rapidement plongé dans
la récession. Le repli du PIB américain est plus rapide
que lors de la récession précédente et l'aggravation
du chômage atteint un record inégalé depuis la crise
de 1974. Le Japon, la deuxième économie du monde, ne se
porte pas mieux. Malgré des plans de relance massifs, l'économie
nippone vient de replonger dans la récession pour la troisième
fois. C'est la plus forte crise depuis 20 ans et, selon le FMI, le Japon
pourrait connaître, pour la première fois depuis l'après-guerre,
deux années consécutives de contraction de l'activité
économique. Avec ces multiples plans de relance successifs, le
Japon rajoute à son endettement bancaire astronomique, un endettement
public qui est devenu le plus élevé de tous les pays industrialisés.
Ce dernier représente aujourd'hui 130% du PIB et devrait atteindre
153% en 2003.
L'intensification des contradictions du capitalisme décadent
Au XIXe siècle, dans la période ascendante du capitalisme,
le solde budgétaire des finances publiques (différence
entre les recettes et les dépenses) de six grands pays (Etats-Unis,
Japon, Canada, France, Grande-Bretagne, Italie) n'est que ponctuellement
en déficit, essentiellement pour cause de guerres, il est par
ailleurs stable et en constante amélioration entre 1870 et 1910.
Le contraste est saisissant avec la période de décadence
dans laquelle le déficit est quasiment permanent, exceptées
4 années à la fin des années 20 et une vingtaine
d'années entre 1950 et 1970 et se creuse tant pour des raisons
guerrières que lors des crises économiques.
Le poids de la dette publique en pourcentage du PIB diminue tout au
long de la période ascendante. En général, ce pourcentage
ne dépasse jamais 50. Il explose lors de l'entrée en période
de décadence pour ne refluer qu'au cours de la période
1950-80, mais sans jamais redescendre au dessous de 50%. Il remonte
ensuite au cours des années 1980-90. Cette montagne de dettes
qui s'accumulent non seulement au Japon mais aussi dans les autres pays
développés constitue un véritable baril de poudre
potentiellement déstabilisateur à terme. Ainsi, une grossière
estimation de l'endettement mondial pour l'ensemble des agents économiques
(Etats, entreprises, ménages et banques) oscille entre 200 et
300% du produit mondial. Concrètement, cela signifie deux choses
: d'une part, que le système a avancé l'équivalent
monétaire de la valeur de deux à trois fois le produit
mondial pour pallier la crise de surproduction rampante et, d'autre
part, qu'il faudrait travailler deux à trois années pour
rien si cette dette devait être remboursée du jour au lendemain.
Si un endettement massif peut aujourd'hui encore être supporté
par les économies développées, il est par contre
en train d'étouffer un à un les pays dits "émergents".
Cet endettement phénoménal au niveau mondial est historiquement
sans précédent et exprime à la fois le niveau d'impasse
dans lequel le système capitaliste s'est enfoncé mais
aussi sa capacité à manipuler la loi de la valeur afin
d'assurer sa pérennité.
La fable du "moins d'Etat"
On essaie de nous faire croire qu'avec la libéralisation et
la mondialisation, les Etats n'ont pratiquement plus rien à dire,
qu'ils ont perdu leur autonomie face aux marchés et aux organismes
supranationaux comme le FMI, l'OMC, etc., mais lorsqu'on consulte les
statistiques, force est de constater que malgré vingt années
de "néo-libéralisme", le poids économique
global de l'Etat (plus précisément du secteur dit "non
marchand" : dépenses de toutes les administrations publiques,
y compris les dépenses de sécurité sociale) n'a
guère reculé. Il continue de croître, même
si c'est à un rythme moins soutenu, pour atteindre une fourchette
de + 45 à 50% pour les 32 pays de l'OCDE avec une valeur basse
autour de 35% pour les Etats-Unis et le Japon et une valeur haute de
60 à 70% pour les pays nordiques.
Oscillant autour de 10% tout au long de la phase ascendante du capitalisme,
la part de l'Etat (dépenses de toutes les administrations publiques,
y compris les dépenses de sécurité sociale) dans
la création de valeur ajoutée grimpe progressivement au
cours de la phase de décadence pour avoisiner 50% en 1995 dans
les pays de l'OCDE (source : Banque Mondiale, rapport sur le développement
dans le monde, 1997).
Quant au poids politique des Etats, il s'est bel et bien accru. Aujourd'hui,
comme tout au long du XXe siècle, le capitalisme d'Etat n'a pas
de couleur politique précise. Aux Etats-Unis, ce sont les républicains
(la "droite") qui prennent l'initiative d'un soutien public
à la relance et qui subventionnent les compagnies aériennes.
La Banque Centrale pour sa part, très étroitement liée
au pouvoir, a baissé ses taux d'intérêt au fur et
à mesure que la récession se précisait afin d'aider
à la relance de la machine économique : de 6,5% à
2% entre le début et la fin 2001. Au Japon, les banques ont été
renflouées à deux reprises par l'Etat et certaines ont
même été nationalisées. En Suisse, c'est
l'Etat qui a organisé la gigantesque opération de renflouement
de la compagnie aérienne nationale Swissair, etc. Même
en Argentine, avec la bénédiction du FMI et de la Banque
Mondiale, le gouvernement a recours à un vaste programme de travaux
publics pour essayer de recréer des emplois. Si, au XIXe siècle,
les partis politiques instrumentalisaient l'Etat pour faire passer prioritairement
leurs intérêts, dans la période de décadence,
ce sont les impératifs économiques et impérialistes
globaux qui dictent la politique à suivre quelle que soit la
couleur du gouvernement en place. Cette analyse fondamentale, dégagée
par la Gauche communiste, a été amplement confirmée
tout au long du XXe siècle et est plus que jamais d'actualité
aujourd'hui que les enjeux sont encore plus exacerbés. "Les
causes directes du renforcement de l'Etat capitaliste à notre
époque traduisent toutes les difficultés dues à
l'inadaptation définitive du cadre des rapports capitalistes
au développement atteint par les forces productives". ("La
décadence du capitalisme", brochure du CCI).
L'avenir reste dans les mains de la classe ouvrière
Ce qui est absolument certain, c'est qu'avec le développement
de la récession au niveau international, la bourgeoisie imposera
une nouvelle et violente dégradation du niveau de vie de la classe
ouvrière. Sous prétexte d'état de guerre et au
nom des intérêts supérieurs de la nation, la bourgeoisie
américaine en profite pour faire passer ses mesures d'austérité
déjà prévues depuis longtemps, car rendues nécessaires
par une récession qui se développait : licenciements massifs,
efforts productifs accrus, mesures d'exception au nom de l'anti-terrorisme
mais qui servent fondamentalement comme terrain d'essai pour le maintien
de l'ordre social. Après l'effondrement du bloc de l'Est, la
course aux armements s'était ralentie pendant quelques années
mais très rapidement, vers le milieu des années 1990,
elle est repartie. Le 11 Septembre a permis de justifier le développement
encore plus énorme des armements. Les dépenses militaires
des Etats-Unis représentent 37% des dépenses militaires
mondiales qui sont en hausse dans tous les pays. Partout dans le monde,
les taux de chômage sont de nouveau fortement orientés
à la hausse alors que la bourgeoisie avait réussi à
camoufler une partie de son ampleur réelle par des politiques
de traitement social - c'est-à-dire des gestions de la précarité
- et par des manipulations grossières des statistiques. Partout
en Europe, les budgets sont révisés à la baisse
et de nouvelles mesures d'austérité sont programmées.
Au nom de la stabilité budgétaire, dont le prolétariat
n'a que faire, la bourgeoisie européenne est en train de revoir
la question des retraites (abaissement des taux et allongement de la
vie active) et de nouvelles mesures sont envisagées pour faire
sauter "les freins au développement de la croissance"
comme disent pudiquement les experts de l'OCDE, à savoir "atténuer
les rigidités" et "favoriser l'offre de travail"
via une précarisation accrue et une réduction de toutes
les indemnisations sociales (chômage, soins de santé, allocations
diverses, etc.). Au Japon, l'Etat a planifié une restructuration
dans 40 % des organismes publics : 17 vont fermer et 45 autres seront
privatisés. Enfin, pendant que ces nouvelles attaques viennent
frapper le prolétariat au cœur du capitalisme mondial, la
pauvreté se développe de façon vertigineuse à
la périphérie du capitalisme. La situation des pays dits
"émergents" est significative à cet égard
avec la situation dans des pays comme l'Argentine, le Venezuela. La
Turquie et la Russie sont toujours sous perfusion et suivies à
la loupe.
A cette situation d'impasse économique, de chaos social et de
misère croissante pour la classe ouvrière, celle-ci n'a
qu'une réponse à apporter : développer massivement
ses luttes sur son propre terrain de classe dans tous les pays. Aucune
"alternance démocratique", aucun changement de gouvernement,
aucune autre politique ne peut apporter un quelconque remède
à la maladie mortelle du capitalisme. La généralisation
et l'unification des combats du prolétariat mondial qui ne peuvent
aller que vers le renversement du capitalisme, sont la seule alternative
capable de sortir la société de cette impasse. Rarement
dans l'histoire, la réalité objective n'avait aussi clairement
mis en évidence que l'on ne peut plus combattre les effets de
la crise capitaliste sans détruire le capitalisme lui-même.
Le degré de décomposition atteint par le système
et la gravité des conséquences de son existence sont tels
que la question de son dépassement par un bouleversement révolutionnaire
apparaît et apparaîtra de plus en plus comme la seule issue
"réaliste" pour les exploités. L'avenir reste
dans les mains de la classe ouvrière.
CCI
Sources
Croissance du PIB (1962-2001) : OCDE
Ratio solde budgétaire/PIB (en % du PIB) : Paul Masson et Michael
Muss : "Long term tendencies in budget deficits and Debts",
document de travail du FMI 95/128 (décembre 1995)
Alternatives Economiques (Hors série) : "L'état de
l'économie 2003".
Maddison : "L 'économie mondiale 1820-1992", OCDE et
"Deux siècles de révolution industrielle", Pluriel
H 8413.