Editorial : menaces de guerre en Irak

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L 'année 2003 commence avec la menace de plus en plus pressante d'un nouveau déluge de feu sur l'Irak, onze ans après la guerre du Golfe. Cette menace est pleinement révélatrice de la gravité des enjeux actuels qui pèsent sur le monde. Déjà, à travers un déploiement stratégique et une occupation militaire qui se traduisent par un quadrillage, un encerclement complet de l'Irak de Saddam Hussein, adversaire désigné, nous assistons à une concentration massive d'armements et au déploiement d'une logistique de destruction des plus impressionnantes, largement du niveau de celles des opérations militaires majeures depuis 1990. Si cette nouvelle entreprise guerrière était déclenchée, elle serait porteuse non seulement d'un enfoncement de la planète dans la barbarie guerrière avec son sinistre lot de nouveaux massacres de population à grande échelle mais aussi d'une accélération considérable des rivalités et des affrontements impérialistes dans le bras-de-fer permanent que se livrent les principales puissances de la planète entre elles depuis l'effondrement des blocs impérialistes.

Ce qui s'annonce sur le seul terrain de la barbarie guerrière est un des signes les plus patents de l'impasse dans lequel le capitalisme entraîne toute l'humanité et dont l'année 2002 offre elle-même un tableau édifiant.

Ce début de millénaire aura été déjà marqué par l'accélération des conflits armés sur la planète comme par une nouvelle aggravation de la crise économique mondiale. Sur le plan impérialiste, des pans entiers de la population civile sont les otages soit de bombardements intensifs, soit sous la menace constante des attentats terroristes qui sont devenus une arme de guerre dans les règlements de compte entre fractions de la bourgeoisie (voir RI n° 329). Ainsi, le 11 septembre 2001 et l'attentat qui a détruit les Tours Jumelles ont été le prétexte à des bombardements massifs de l'Afghanistan et à une contre-offensive américaine avec l'occupation stratégique de l'Asie Centrale sous prétexte d'une traque à Ben Laden, au mollah Omar et leurs séides d'Al Qaida. Au Moyen-Orient, un cycle infernal d'attentats-kamikaze palestiniens et de représailles de l'Etat israélien concrétise le basculement irrémédiable de la région dans le chaos sanglant. La menace de conflit nucléaire entre l'Inde et le Pakistan, désamorcé de justesse l'été dernier, représente désormais un danger permanent tandis que les manoeuvres stratégiques et militaires se développent autour des deux Corées, cernées par leurs puissants voisins, la Chine et le Japon.

La prise d'otages dans un théâtre de Moscou par un commando tchétchène qui s'est achevé en carnage avec l'intervention des troupes d'élite, a permis de relancer les massacres en Tchétchénie. Loin de freiner la multiplication des actes terroristes, la croisade mondiale contre le terrorisme a, de fait, signifié la recrudescence de ceux-ci, de Bali au Kenya. Et pour cause, le terrorisme est aujourd'hui devenu une arme de guerre de tous les Etats, y compris les plus puissants.

Le continent africain se retrouve mis à feu et à sang, de la Côte d'Ivoire à la Corne de l'Afrique et du Nord au Sud, en proie à des tueries interethniques attisées en sous-main par des puissances impérialistes rivales. En même temps, avec les ravages conjugués de la misère et de la décomposition y sévissent partout famine et pandémies comme celle du sida.

Depuis les secousses financières et les plongées boursières de l'été dernier, ce ne sont plus seulement les Etats-Unis qui sont frappés par la récession. Des puissances économiques comme l'Allemagne et le Japon connaissent aujourd'hui les pires difficultés économiques et le niveau de leur croissance est proche de zéro. Tous les Etats s'enfoncent dans une politique de surendettement. L'Argentine a ouvert la voie aux Etats, notamment d'Amérique latine, qui se retrouvent en faillite ouverte sans espoir de remise à flots, alors même que le FMI et la Banque mondiale s'avèrent de plus en plus incapables de colmater les brèches ouvertes. L'effondrement des valeurs spéculatives de la "nouvelle économie" comme la faillite de géants comme Enron ou Worldcom laissent sur la paille des milliers de salariés (et de surcroît parfois actionnaires forcés). Tant dans le secteur de la dite nouvelle économie, que dans celui dit traditionnel, incapables de se relancer dans un marché mondial sursaturé, les entreprises se livrent à des guerres commerciales à mort à coups de mégafusions, d'OPA, d'opérations boursières et spéculatives tous azimuts, débouchant la plupart du temps sur des liquidations brutales et sur des plans de "restructuration" drastiques.

Tout cela démontre la faillite irrémédiable du capitalisme et dévoile l'impasse que ce système représente pour l'humanité entière.

La principale victime du capitalisme, c'est toujours la classe ouvrière. C'est elle qui subit de plein fouet les attaques de plus en plus frontales et massives de la bourgeoisie et de son Etat. C'est elle qui devra payer en définitive la note faramineuse des opérations militaires et guerrières qu'engage sa bourgeoisie nationale. Et cette charge vient encore alourdir considérablement la facture de la crise économique en termes d'exploitation et de "sacrifices" que le capitalisme exige du prolétariat avec les vagues toujours plus massives des licenciements, le poids du chômage dans les familles ouvrières, la dégradation accélérée de son niveau de vie et de ses conditions de travail. Ces attaques aujourd'hui quasiment simultanées réduisent d'ailleurs une partie croissante du prolétariat à la misère au coeur même des pays centraux du capitalisme.

Non seulement la classe ouvrière subit l'insécurité permanente et les effets gangrènants de la décomposition de la société capitaliste dans son ensemble qui affectent toutes les classes de la société, mais elle est aussi la première victime de la loi du profit. Celle-ci qui se trouve être à l'origine de la crise économique, est aussi à l'origine de la multiplication des catastrophes et de l'ampleur inégalée des ravages provoqués par les catastrophes, celles présentées comme "naturelles" (inondations, tremblements de terre, dérèglements climatiques...) comme d'autres telles les marées noires, les explosions dans les pôles chimiques ou le naufrage de vieux rafiots surchargés.

Mais la nature de la classe ouvrière ne se résume pas à celle d'une classe qui concentre sur elle tous les maux de la société.

Malgré toutes les attaques idéologiques qu'elle subit depuis l'effondrement des régimes staliniens, malgré ses difficultés actuelles à reconnaître et affirmer ses intérêts de classe, malgré tout le chemin qu'elle a encore à parcourir pour se réapproprier ses expériences de lutte, la classe ouvrière est en même temps la seule classe porteuse d'une perspective d'avenir pour l'humanité (voir article page 8), capable de balayer ce système en pleine putréfation qui ne peut engendrer que toujours davantage de misère et de barbarie, de guerre et de destruction. D'ailleurs, la bourgeoisie ne s'y trompe pas car elle sait bien que, face à elle et à la défense de son système, elle trouvera la seule classe sociale qui se pose comme son ennemi irréductible et son futur fossoyeur. C'est pour cela qu'elle prend mille précautions pour la mystifier, pour masquer l'ampleur des attaques qu'elle doit porter contre ses conditions de vie, pour dévoyer ses mobilisations à travers une série de manœuvres syndicales. C'est pour cela qu'elle consacre autant de soin et fournit autant d'efforts pour l'empêcher de prendre conscience de la force qu'elle représente dans la société, non seulement pour s'opposer aux attaques capitalistes mais aussi, à plus long terme, pour renverser le capitalisme.

W. 

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