Inde, Pakistan : une nouvelle aggravation des conflits impérialistes

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Depuis la guerre du Golfe, la classe ouvrière mondiale a été confrontée sans cesse à la réalité de la guerre : les innombrables conflits en Afrique et en Yougoslavie, celui du Kosovo, du Kargil (région du Cachemire indien où les affrontements entre l'Inde et le Pakistan ont fait plus de 30.000 morts, pour la plupart des civils, en 1998), l'intervention militaire en Afghanistan et, maintenant, les préparatifs de guerre entre l'Inde et le Pakistan, nations qui possèdent l'arme nucléaire et se livrent un face à face menaçant.
Cette réalité du système capitaliste en décomposition, constamment déchiré par la guerre, est horrifiante. Considérée en dehors du cadre historique du marxisme, elle conduit au désespoir. Seule l'analyse historique et matérialiste de la réalité du capitalisme aujourd'hui, fournit une clef pour comprendre les guerres et les crises qui ravagent le système capitaliste mondial.

Les guerres qui ont ravagé le système capitaliste depuis le début du 20e siècle ne peuvent être comprises que dans le cadre de la décadence de ce système, à partir de 1914. Cependant, le cadre immédiat dans lequel se déroulent les guerres actuelles est défini par l'effondrement des blocs impérialistes à la fin des années 1980 et par la décomposition du capitalisme. Comme nous l'avons montré à maintes reprises, l'effondrement du bloc russe en 1989 a entraîné l'effondrement du bloc occidental. Ceci a éliminé la discipline de bloc qui empêchait que des conflits entre puissances de moindre importance n'éclatent de façon incontrôlée. La réalité, telle qu'elle apparaît depuis lors, se définit le mieux par le règne du "chacun pour soi". Ce sont toutes les puissances, petites ou grandes, qui cherchent à satisfaire leurs appétits impérialistes, quel qu'en soit le coût. De ce fait, les grandes puissances, en particulier la seule superpuissance mondiale, les Etats-Unis, ont de plus en plus de difficultés à contenir les conflits entre les gangsters de moindre importance.
Les guerres auxquelles nous faisons référence ci-dessus ont été le produit de cette tendance au chacun pour soi. Les roulements de tambours annoncent la guerre qui se prépare entre l'Inde et le Pakistan aujourd'hui. Cette guerre, tout en trouvant ses racines dans leur passé, se situe dans ce cadre historique global du chaos généralisé, de la tendance au chacun pour soi.

Les récents préparatifs de guerre entre l'Inde et le Pakistan

Depuis l'attentat terroriste du 13 décembre 2001 contre le Parlement indien, la bourgeoisie indienne réclame à grands cris la guerre contre le Pakistan. A la suite de cet attentat, toutes les fractions de la bourgeoisie indienne se sont réunies au Parlement le 18 décembre et ont déclaré soutenir toute action diplomatique et militaire, y compris la guerre, que leur gouvernement serait amené à entreprendre pour "punir", à l'instar des Américains, les "terroristes et ceux qui leur apportent leur soutien".
Immédiatement après, la bourgeoisie indienne a commencé une campagne de propagande belliciste. Les politiciens ont fait des déclarations visant à développer une hystérie guerrière et les médias ont stimulé cette frénésie chauvine par des reportages patriotiques sur la préparation de la guerre. Ceci a été accompagné par une mobilisation en vue de la guerre tout le long de la frontière. Près d'un demi-million de soldats ont été déplacés vers la frontière entre les deux pays. Réciproquement, les Pakistanais ont fait de même. La machine de guerre de chacun des deux Etats s'est mise en marche vers la frontière.
L'Inde et le Pakistan ont déplacé les populations civiles en-dehors de la zone frontalière et, de chaque côté, les champs de blé ont été transformés en champs de mines.
Ces bruits de bottes ont été accompagnés par une offensive diplomatique de la part de l'Inde, un jeu dans lequel le Pakistan est, pour le moment, en position d'infériorité. La bourgeoisie indienne a rappelé son ambassadeur à Islamabad ; chacun des deux Etats a demandé à l'autre de réduire les membres de son personnel diplomatique de 50% et a restreint leurs déplacements aux seules capitales. Chacun a interdit à l'autre l'utilisation de son espace aérien pour les vols civils et toutes les voies de transport ont été coupées. Il est aussi question d'abroger un vieux traité sur le partage de l'eau de l'Indus. On peut dire que les préparatifs de guerre sont terminés : les deux armées se font face, prêtes à s'entre-tuer à n'importe quel moment.

Une lutte impérialiste sans merci

De façon superficielle, tout ceci n'est que le résultat de l'attentat du 13 décembre contre le Parlement indien. Mais si cette guerre finit par éclater, elle ne sera pas le première entre l'Inde et le Pakistan. Depuis leur naissance, en 1947, les deux Etats ont mené pas moins de quatre guerres ouvertes ( 1948, 1965, 1971 et 1999 ) et s'en sont approchés en maintes autres occasions. Quand ils ne se font pas ouvertement la guerre, ils la font par ethnies interposées, comme au Cachemire, ou bien avant au Pendjab indien (le Pendjab a été séparé en deux provinces portant le même nom, l'une au Pakistan et l'autre en Inde, lors de la partition en 1947 et où les affrontements ont été très violents) et à Karachi (capitale de la province de Sindh au sud-est du Pakistan).
C'est dans la naissance même de ces deux Etats que la guerre prend ses racines. Leurs relations - dans l'esprit de leur bourgeoisie dirigeante - semble se résumer à cette simple équation de leur lutte à mort : "C'est vous ou nous." C'est cette équation qui a caractérisé les relations entre les deux blocs impérialistes durant la "guerre froide" et qui s'est résolue par la destruction du bloc russe. La bourgeoisie du Pakistan parle de "saigner l'Inde par mille plaies" (guerre quotidienne au Cachemire, au Khalistan et ailleurs). En Inde, la bourgeoisie ne cesse d'évoquer la nécessité d'une "guerre terminale" avec le Pakistan, seule façon de ramener la "paix". Ce type de discours, non seulement exprime leur haine mutuelle, mais aussi révèle leurs forces respectives et leurs calculs stratégiques.

Qui est derrière l'attentat du 13 décembre ?

Immédiatement après cet attentat contre le Parlement indien, qui a fait 14 victimes, la bourgeoisie indienne a décidé et déclaré qu'il avait été perpétré par deux groupes terroristes basés au Pakistan, Let et Jaish, avec l'aide des services secrets pakistanais, l'ISI. L'Inde a demandé au Pakistan d'entamer une action contre ces deux groupes et simultanément a commencé sa mobilisation en vue de la guerre. Ceci n'est pas sans rappeler l'attitude de la bourgeoisie américaine après le 11 septembre, concernant Ben Laden et l'Afghanistan.
Ces affirmations de la bourgeoisie indienne sur les deux groupes, Let et Jaish, ont été acceptées par la bourgeoisie mondiale : les Etats américain et britannique les ont interdits peu après les déclarations de l'Inde. Sous leurs pressions, le Pakistan a aussi interdit ces deux groupes et a arrêté leurs dirigeants. Il semble clair que cet attentat n'a pas profité à la bourgeoisie pakistanaise. En fait, l'Inde s'en est servi habilement pour mettre le Pakistan au pied du mur. Cependant, il est possible que Let et Jaish l'aient accompli avec la complicité d'éléments dissidents au sein de l'Etat pakistanais, qui pensaient qu'une guerre pourrait servir leurs intérêts. Il est aussi possible que l'Etat indien l'ait favorisé. Il s'en est servi avec succès pour mettre le Pakistan en accusation. Même avant cela, l'Etat indien avait renforcé son offensive au Cachemire : chaque jour le nombre de morts ne fait que s'accroître.
Mais la tournure qu'ont pris les événements en Afghanistan a représenté un encouragement bien plus concret pour la bourgeoisie indienne lui permettant de passer à l'offensive. Depuis des années, le régime des talibans se comportait comme une extension de l'Etat pakistanais. Celui-ci utilisait l'Afghanistan, sous la coupe des talibans, comme un centre d'entraînement pour les mouvements séparatistes fanatiques au Cachemire, mais aussi en Asie centrale et en Tchétchénie. Pour le Pakistan, comme pour les Etats-Unis, l'Afghanistan représentait un passage obligé pour étendre son influence vers l'Asie centrale. Les stratèges pakistanais disaient que le contrôle sur l'Afghanistan donnerait à leur pays une supériorité stratégique sur l'Inde.
La chute de ces derniers a représenté un coup sévère porté contre le Pakistan. Sa position s'en est trouvé relativement affaiblie, sa bourgeoisie a été plongée dans le désarroi et des divisions sont apparues dans ses rangs.
La bourgeoisie indienne a tiré avantage de cette situation et a accéléré son offensive contre le Pakistan.

La guerre éclatera-t-elle ?

Si on la laissait faire, la bourgeoisie indienne serait déjà en guerre. Mais ceci ne va pas dans le sens des intérêts des Etats-Unis. Ils se sont engagés en Afghanistan dans une "guerre contre le terrorisme". Bien que le régime des talibans ait été détruit, ils ont encore besoin du soutien du Pakistan, que celui-ci le veuille ou non, pour atteindre leurs buts stratégiques : élimination totale des talibans, installation d'un régime sous leur contrôle absolu, utilisation du pays comme base pour pénétrer dans les républiques d'Asie centrale et surveiller tous les territoires qui l'entourent. Dans l'immédiat, une guerre entre le Pakistan et l'Inde pourrait tout compromettre. Les Etats-Unis seraient obligés de choisir leur camp et leurs plans à long terme visant à la domination de cette partie du monde seraient réduits à néant.
Les Etats-Unis ont aussi conscience qu'une guerre entre l'Inde et le Pakistan, compte tenu de leur hostilité, pourrait dégénérer en une conflagration à plus grande échelle, d'autant plus que la bourgeoisie indienne est vraiment poussée à bout. Si une guerre met en danger le Pakistan, le risque est que la Chine soit amenée à faire une démonstration de force, ce qui entraînerait les Etats-Unis à réagir. De fait, la Chine a déjà exprimé son "inquiétude grandissante" concernant les tensions entre l'Inde et le Pakistan et des mouvements de troupes chinoises ont été signalés à la frontière sino-indienne.
Compte tenu de cette situation, les Etats-Unis ont accru leurs pressions à la fois sur l'Inde, pour qu'elle fasse preuve de "retenue", et sur le Pakistan, pour qu'il entreprenne des actions contre les terroristes. Il semble peu probable qu'une guerre soit sur le point d'éclater dans cette partie du monde.
Mais, même si la "paix" qui règne pour le moment et si les intérêts impérialistes des grandes puissances peuvent avec succès obliger l'Inde et le Pakistan à se désengager et à démobiliser, ce ne sera qu'un intermède temporaire. Et cela n'a rien à voir avec le fait que l'Inde et le Pakistan sont des "ennemis héréditaires", c'est uniquement parce que la logique même du capitalisme, c'est la guerre.

Les tâches de la classe ouvrière

Dans ses préparatifs de guerre, la bourgeoisie a essayé d'activer le sentiment de haine nationaliste et la frénésie patriotique. Mais la classe ouvrière n'a rien à gagner de cette guerre, comme elle n'a rien à gagner de tous les conflits impérialistes dans lesquels veulent l'entraîner ses exploiteurs. Les ouvriers doivent refuser de se laisser embrigader par la propagande de la bourgeoisie. La classe ouvrière ne peut mettre en avant ses propres intérêts que par le développement de la lutte de classe contre ses exploiteurs, contre la bourgeoisie, et en affirmant son unité de classe par delà les frontières nationales. La classe ouvrière et son avant-garde révolutionnaire, les communistes, n'ont aucun camp à choisir. L'ennemi de classe est dans tous les camps impérialistes. Face aux menaces de guerre, ils doivent, dans cette région du monde comme partout ailleurs, appeler à l'unité internationale de la classe ouvrière pour la destruction du capitalisme.

Communist Internationalist,
organe du CCI en Inde

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