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REUNION OUVERTE DE LA SECTION DE PARIS
Comme chaque mois, la section de Paris de "Révolution Internationale" a organisé le 10 janvier 1976 une réunion publique sur le thème de "Organisation et regroupement des révolutionnaires". Cette réunion a mis en relief, par l'affluence qu'elle a connue et l'animation des débats, l'intérêt provoqué par ce sujet parmi les éléments proches des positions révolutionnaires. Elle a mis également en évidence la confusion qui persiste encore en ce qui concerne tant la fonction des révolutionnaires qui sont souvent vus comme des "confectionneurs de feuilles de boites” ou comme des individualités allant de cercle d'étude en revue éclectique peur s'adresser "personnellement" à la classe, qu'en ce qui concerne la nécessité de regrouper ceux-ci dans un corps organisé autour d'un programme clair et cohérent. En particulier, la notion fondamentale de frontière de classe sur laquelle l'histoire a tranché de façon définitive et qui établit la distinction entre les organisations de la classe ouvrière et celles de la bourgeoisie est malheureusement trop souvent méconnue ou interprétée comme un artifice sectaire.
Mais le point particulier sur lequel a porté notre insistance a été celui de l'absolue nécessité du regroupement des forces révolutionnaires à l'échelle mondiale avant même que la classe ne s'engage dans ses combats décisifs. En effet, à côté des conceptions qui nient toute nécessité pour la classe de se donner une organisation de ses éléments les plus conscients, à côté de celles qui sont d'accord avec une organisation des révolutionnaires mais à condition qu'elle ne joue aucun rôle, on en trouve de plus subtiles encore, qui veulent bien que les révolutionnaires s'organisent à l'échelle mondiale dans le but d'influencer la lutte de classe mais qui considèrent que "ce n'est pas encore le moment". Souvent ces conceptions considèrent que c'est dans les affrontements révolutionnaires eux-mêmes que se constitue cette organisation et que vouloir regrouper les forces révolutionnaires avant que la classe ne soit confrontée au problème de la prise du pouvoir n'est rien d'autre que du "volontarisme organisationnel". Les expériences sanglantes de la classe et particulièrement celles du prolétariat allemand en 1919 qui se soulève alors que les révolutionnaires viennent juste de se regrouper et qui, faute d'une vision d'ensemble de sa lutte, est écrasé par la bourgeoisie ville après ville, montrent à quel point une telle vision est irresponsable. Une des grandes carences de la grande vague révolutionnaire qui suit la première guerre mondiale est le retard avec lequel se constitue l'organisation mondiale de son avant-garde. Quand l'Internationale Communiste est fondée en mars 1919, les plus grands combats de la classe ont déjà eu lieu et la classe a déjà subi les défaites qui s'avéreront décisives. S'il est une leçon que les révolutionnaires se doivent de méditer, c'est bien celle-ci, afin de s'atteler, dès maintenant, à la tâche du regroupement mondial de leurs forces. Les révolutionnaires ne devront pas s'unifier "le plus tard possible" mais au contraire le plus tôt possible, afin que leur organisation ait eu le temps de se renforcer le plus possible avant d'affronter l'épreuve du feu des combats révolutionnaires.
L'effort actuel vers l'unification mondiale des révolutionnaires affronte toute une série d'entraves qui ont principalement pour origines la rupture organique survenue comme conséquence d'un demi-siècle de contre révolution dans les fractions communistes du passé, et le poids idéologique de la petite bourgeoisie, particulièrement intellectuelle, en pleine décomposition sous les coups de boutoir de la décadence et de la crise aigüe du capitalisme.
Le premier de ces deux phénomènes a eu pour effet de priver les courants révolutionnaires que la reprise présente de la classe a fait surgir, d'une somme d'expériences pratiques que les fractions du passé avaient capitalisé et qui s'est perdue, pour une part importante, avec elles. C'est justement sur la question d'organisation que ces expériences étaient le plus précieuses et que c'est en grande partie à travers leur propre pratique que les révolutionnaires d'aujourd'hui ont été amenés à comprendre ce qui dans le passé avait été acquis depuis longtemps.
Le deuxième de ces phénomènes est un boulet que le mouvement ouvrier traîne à son pied depuis ses débuts dans la mesure où les rangs prolétariens ont reçu à toute époque des éléments venant de la petite bourgeoisie et transmettant avec eux leurs préjugés de classe. Ce phénomène se poursuit aujourd'hui de façon intense, mais c'est surtout de la part des couches de la petite bourgeoisie intellectuelle que le prolétariat subit les assauts idéologiques les plus importants.
Manifestation la plus spectaculaire de la crise de cette couche sociale, le "mouvement étudiant" connaît son apogée au moment du début de la reprise prolétarienne et, de ce fait, ses scories viennent encombrer fortement la conscience des groupes que celle-ci a fait surgir. Ces scories se manifestent essentiellement sous forme des cultes à la "nouveauté", de la "singularité", de la phrase, de l'individu, etc. qui réussissent souvent à transformer ces groupes en de simples sectes plus préoccupées de mettre en relief ce qui les distingue des autres afin de justifier leur existence séparée que d'œuvrer dans le sens d'un rapprochement.
L'ATTITUDE DU PIC
Une illustration éclatante de cet esprit de secte nous a été fournie par l'attitude du PIC par rapport à cette réunion ouverte. Dans la lettre que nous publions à la suite, nous invitions les camarades de cette organisation à venir débattre publiquement de la question inscrite à l'ordre du jour et qui constitue justement la divergence essentielle entre nos deux organisations. Nous pensons en effet que c'est par une confrontation publique que les positions en discussion ont le plus de possibilité de s'éclaircir face aux éléments qui s'approchent d'une orientation révolutionnaire et qui sont désemparés par l'existence de deux organisations se réclamant d'un même programme fondamental. Malheureusement, le PIC n'a pas jugé nécessaire de venir à notre réunion, ni même de donner une réponse à notre lettre d'invitation. Cette réponse, se trouvait en fait, de façon implicite, dans le n° 8 de "Jeune Taupe", l'organe du PIC, qui consacrait deux pages pour signifier à ses lecteurs deux choses fondamentales:
- 1. que "RI est le roi des cons"
- 2. que "... le PIC décide de ne plus entretenir aucun contact (correspondance, réunions, échanges divers...) avec une organisation dont les tendances contre-révolutionnaires et les méthodes appropriées à ces tendances ne feront que s'amplifier".
Pour justifier cette rupture, le PIC donne les arguments suivants:
- "Depuis plusieurs numéros de sa revue, le groupe "Révolution Internationale" s'acharne à vouloir jeter le discrédit sur le P.I.C…"
- "Loin de faire des critiques politiques et de débattre en toute fraternité" de groupe à groupe dans la mesure où ceux-ci pouvaient se placer sur un terrain de classe, R.I. a préféré, dans sa logique de volontarisme organisationnel, de recrutement forcené, de formation de "cadres révolutionnaires", de "lutte pour le pouvoir" au sein de la clarification communiste, répandre une quantité importante de mensonges".
- "devant la teneur des références au P.I.C. dans un article du n° 20 de RI. -...- nous estimons que le seuil de tolérance a été dépassé dans le chapitre des injures et des calomnies."
- "que les attaques telles qu'elles sont adressées à un individu (notre camarade cité dans l'article), relèvent des méthodes staliniennes les plus éculées (souligné par J.T.)
Nous ne suivrons pas le PIC sur son terrain: à l'accusation de mensonge pour motiver une rupture, nous dirons que c'est là la seule chose qu'aient été capable de faire tous les groupes qui ont refusé le débat politique avec nous (à commencer par l'Internationale Situationniste).
Le PIC se plaint de l'acharnement de R.I. contre lui. Que devrions-nous dire pour notre part puisque pratiquement tous les numéros de "Jeune Taupe" contiennent des attaques contre R.I. ou le C.C.I. Le numéro un de cette publication donnait d'ailleurs le ton dans son article : "L'affaire Puig Antich: Certains se démasquent" (page 8):
- "Le groupe R.I. notamment, qui prétend représenter le "pôle" du courant communiste, a révélé un aspect de sa non- activité caractéristique de ses tabous de secte élitiste par rapport au processus du mouvement prolétarien. Ses justifications pour ne pas assurer la défense des emprisonnés (...) sont proprement puantes (souligné par J.T.)
Loin de prendre la mouche, R.I. n'a pas tiré argument de ces termes (que les lecteurs pourront comparer avec ceux incriminés dans le n° 20 de RI) pour rompre toute relation avec le P.I.C. Au contraire, les camarades de ce groupe ont été invités à la même époque à la réunion nationale de R.I., le P.I.C. a été invité à s'associer et signer le tract "Au Portugal, le capital affronte le prolétariat mondial" de juin 74, de même qu'il a été invité, en Janvier-75, à la conférence de notre courant international.
Notre attitude fraternelle à l'égard du P.I.C. est même allée jusqu'à la mise à la disposition de ce groupe, qui ne s'était même pas donné les moyens de sa volonté "d'intervention", de notre propre matériel pour la confection de sa publication. Mais il a bien fallu se rendre à l'évidence: le maintien et même l'accentuation de l'hostilité du P.I.C. à l'égard de R.I. est devenue la preuve que le P.I.C. existait essentiellement contre R.I. A partir de ce moment, il devenait également évident que le P.I.C. n'apportait pas une contribution positive à l'effort des révolutionnaires vers leur regroupement mais constituait un obstacle à cet effort, ce que depuis lors nous avons dénoncé comme tel. La décision du P.I.C. de rompre tout contact avec nous constitue une illustration éclatante de l'esprit de secte qui anime cette organisation. Elle est à rapprocher de celle du "Communist Workers' Organization".
Au même titre que le "Communist Workers’ Organisation" qui, en inventant de nouvelles frontières de classe a placé d'autorité le C.C.I. dans le camp capitaliste, le P.I.C. est donc en train de faire la preuve de l'irresponsabilité de ces groupes qui n'ont entre eux de commun que de cultiver leur singularité. Faudra-t-il que la classe connaisse un autre échec sanglant, bien plus terrible encore que les précédents pour que ces courants comprennent que les intérêts historiques du prolétariat se placent infiniment au-dessus de leurs petits intérêts mesquins.
CG.
"La Secte cherche la justification de son existence et son point d'honneur, non pas dans ce qu'elle a de commun avec le mouvement de la classe, mais dans la silhouette particulière qui l'en distingue".
Marx (Lettre à Weydemeyer)
Paris, 12/12/75
Chers Camarades,
Le samedi 10 janvier 1976, la section de Paris de "Révolution Internationale" organise une réunion ouverte sur le thème du "Regroupement des révolutionnaires" à laquelle nous convions cordialement le PIC à participer et à y défendre publiquement ses positions.
Les réunions de ce type organisées par notre groupe sont en principe ouvertes à toute personne intéressée par les positions révolutionnaires et, les membres du PIC peuvent donc venir à chacune d'elles, mais la raison pour laquelle nous vous transmettons une invitation spéciale à celle du 10 janvier réside dans la nature du sujet traité ce jour-là.
En effet, le problème du regroupement des révolutionnaires autour d'une cohérence principielle fondamentale a toujours été crucial dans le développement pratique et théorique de la lutte de classe. Dès le "Manifeste Communiste", l'unité internationale du prolétariat et de son avant-garde était posée comme une nécessité de la lutte de celui-ci. La fonction essentielle de l'AIT, quant à elle, était, de l'avis même de ses fondateurs, de réaliser l'unification des forces vives du prolétariat mondial, en particulier par le dépassement des sectes de la période antérieure. Par la suite, cette question s'est reposée avec insistance à chaque moment décisif de la lutte de classe, quelque fois de façon tragique si on songe, par exemple, au poids énorme qui a pesé dans l'échec de la Révolution en Allemagne en 1919, l'incapacité des révolutionnaires de ce pays à se regrouper à temps.
Aujourd'hui, au moment où l'effondrement croissant de l'économie capitaliste pousse la classe ouvrière dans la voie d'une reprise de la lutte révolutionnaire, les communistes sont de nouveau placés devant leurs responsabilités historiques dont celle de leur indispensable unité, d'autant plus difficile à assumer que pèse sur eux le poids de la rupture organisationnelle avec les fractions communistes du passé, provoquée par un demi-siècle de contre-révolution.
C'est parce que le PIC et RI défendent les mêmes principes fondamentaux et que leur divergence essentielle porte justement sur ce problème du regroupement, que nous jugeons très importante votre participation à notre réunion ouverte. Nous pensons effectivement que c'est publiquement, face à ceux qui s'intéressent à nos positions communes, et qui bien souvent n'arrivent pas à bien comprendre où se situent nos divergences, que doit se poursuivre le débat existant entre nos deux organisations. Nous sommes sincèrement convaincus qu'un tel débat public, au cours duquel vous disposerez évidemment des mêmes moyens que nous pour défendre votre point de vue, devrait permettre tant à ces éléments proches qu'à nos deux organisations de faire un pas de plus dans la compréhension de ce problème crucial.
En espérant que vous donnerez une suite positive à notre proposition, nous vous transmettons, chers camarades, nos salutations communistes.
Révolution Internationale.