Soumis par Revue Internationale le
La guerre sino-japonaise: l'opportunisme
"Dans ma déclaration à la presse bourgeoise, je disais que c’est un devoir pour toutes les organisations ouvrières en Chine de participer activement et de combattre sur le front dans la guerre contre le Japon, sans renoncer en aucune manière en quoique ce soit à leur programme et à leur autonomie. Mais c’est du ‘patriotisme social’ - crient les Eiffelistes (le Grupo de Trabajodores Marxistas/ Communismo). C’est une capitulation devant Chiang Kaï Chek ! C’est abandonner le principe de la lutte de classe ! "Pendant la guerre impérialiste, le bolchevisme faisait de la propagande pour le défaitisme révolutionnaire. Dans le cas de la guerre civile en Espagne et de la guerre sino-japonaise, nous sommes face à des guerres impérialistes. (…) Sur la guerre chinoise, nous prenons la même position. Le seul salut pour les ouvriers et les paysans en Chine est de combattre en tant que force autonome contre les deux armées, contre l’armée chinoise aussi bien que contre l’armée japonaise"". Ces quelques lignes des documents des Eiffelistes du 1 septembre 1937 nous permettent déjà de conclure : soit ils sont des traîtres, soit des idiots complets… La Chine est un pays semi-colonial qui, - sous nos yeux – est en train d’être transformé en pays colonial par le Japon. Dans le cas du Japon, c’est combattre une guerre impérialiste réactionnaire. Dans le cas de la Chine, c’est se battre dans une guerre progressiste de libération… Le patriotisme japonais est le visage horrible du banditisme international. Le patriotisme chinois est légitime et progressiste." (Lettre à Diego de Rivera, dans Trotsky on China, p. 547, Trotsky, Werke Hambourg 1990) (Notre traduction).
La guerre entre les deux pays allait être une des guerres les plus sanglantes, les plus destructrices et les plus longues du 20ème siècle. Tandis que lors de la Première Guerre mondiale l’Extrême-Orient avait été épargnée une escalade militaire, dans la Deuxième il devient le second plus grand théâtre de guerre.1
Dans la première phase, entre 1937 et 1941, la guerre est plus ou moins "limitée" au combat entre le Japon et la Chine principalement soutenue par la Russie. La deuxième phase commence en 1941, quand un nouveau front s’ouvre entre le Japon et les États-Unis. Quand le Japon commence à occuper la Chine, l’armée espère faire un grand coup et tout avoir sous son contrôle en quelques mois. C’est le contraire qui se produit. En août 1937 le Japon déclenche une bataille massive avec plus d’un demi-million de soldats engagés dans les combats pour la ville de Shanghai. D’autres grandes batailles suivent autour de Wuhan et en décembre 1937 à Nankin. Il est estimé qu’entre août 1937 et novembre 1938 seulement, quelques deux millions de chinois et environ 500 000 soldats japonais tombent au combat.
Malgré leurs lourdes pertes, l’armée japonaise se révèle incapable de mettre à genou les troupes chinoises. Entre octobre 1938 et l’attaque de Pearl Harbour, (le 7 décembre 1941), la guerre en Chine "stagne. Le Japon ne fait que gérer certaines enclaves qui correspondent à 10 % du territoire. De plus, le gouvernement japonais perd le contrôle financier des dépenses (la part de l’armement dans le budget grimpe de 31 % en 1931-32 à 47 % en 1936-37, et à la fin des années 30, les dépenses d’armement montent à 70 % du budget).
Plus la stratégie militaire japonaise devient désespérée, plus elle se sert de la terreur, avec le mot d’ordre : "tuez, brûlez, pillez autant que vous pouvez".
Quand les troupes japonaises entrent dans la ville de Nankin en 1937, elles commettent un des plus affreux massacresde la guerre : dans cette seule ville, environ 300 000 personnes sont tuées, dans un carnage sans pitié. Les troupes chinoises, en retour, mènent des attaques de partisans et la politique de la terre brûlée.
Pendant la guerre avec le Japon, la bourgeoisie chinoise ne réussit à établir qu’un "Front unique" très fragile. Même si, à la suite des attaques japonaises contre la Chine en 1937, elle avait resserré les rangs, en janvier 1941, les troupes nationalistes du KMT et les armées maoïstes s’affrontent de nouveau. Au cours du développement de la guerre, les forces de l’Armée Rouge – après beaucoup d’avancées et de retraites – deviennent dominante, inversant rapport de force existant au début du conflit.
Ainsi, après 1941, suite à des décennies de guerres répétées en Chine, à quatre ans de guerres plus ou moins bilatérales entre la Chine et le Japon, le conflit en Asie connaît alors une escalade dans une confrontation générale dans toute l’Asie. Entre 1941 et 1945, la guerre implique tous les pays d’ Extrême-Orient et aussi l’Australie.
Au début, le Japon gagne rapidement certaines positions – après sa victoire éclatante à Pearl Harbour. En quelques mois, le Japon conquiert de vastes régions du Sud-est asiatique. Ses troupes occupent les colonies britanniques de Hong Kong et de Singapore, de grandes parties des Philippines, débarquent dans les Indes hollandaises (plus tard, l’Indonésie) et pénètrent en Birmanie. En 100 jours, ils atteignent les côtes australiennes et indiennes2.
1Les conquêtes japonaises en Asie du Sud-Est ont exigé un énorme tribut en vies humaines. La bataille aux Philippines a été une des plus sanglantes. Par exemple, quelques 80 000 soldats japonais moururent dans la bataille pour l’île de Leyte, 190 000 dans la bataille pour Luzon, , la défense d’Okinawa a coûté la vie à 110 000 soldats japonais, l’armée US a perdu quelques 50 000 soldats dans la seule conquête d’Okinawa.
2Dans beaucoup de pays, le Japon a essayé d’attirer dans son orbite les défenseurs locaux de "l’indépendance nationale" au sein des colonies britanniques et hollandaises. Ainsi, en Inde, le Japon obtient le soutien des nationalistes indiens qui voulaient se séparer de leur puissance coloniale britannique. Le régime nazi allemand était parvenu à recruter des nationalistes au Moyen Orient pour son offensive, l’impérialisme japonais se présentait comme une force de "libération" du colonialisme anglais.