Soumis par Revue Internationale le
Dans l’article précédent sur le mouvement ouvrier en Afrique du Sud (Publié dans la Revue internationale n° 154), nous avons abordé l’histoire de l’Afrique du Sud en évoquant successivement la naissance du capitalisme, celle de la classe ouvrière, le système d’apartheid et les premiers mouvements de lutte ouvrière. Et nous avons terminé l’article en montrant que, suite à l’écrasement des luttes ouvrières des années 1920, la bourgeoisie (représentée alors par le Parti Travailliste et le Parti National afrikaner) parvint à paralyser durablement toutes les expressions de lutte de classe prolétarienne et qu’il fallut attendre la veille de la Seconde Guerre mondiale pour voir la classe ouvrière sortir de son profond sommeil. En clair, après l'écrasement de la grève insurrectionnelle de 1922 dans un terrible bain de sang et jusqu’à la fin des années 1930, le prolétariat sud-africain fut tétanisé et, de ce fait, laissa le terrain de la lutte aux partis et groupes nationalistes blancs et noirs.
Le présent article met en évidence l’efficacité redoutable contre la lutte de classe du système d’apartheid combiné à l’action des syndicats et des partis de la bourgeoisie et cela jusqu’à la fin des années 1960 où, face au développement inédit de la lutte de classe, la bourgeoisie dut "moderniser" son dispositif politique et remiser ce système. En d’autres termes, elle dut faire face au prolétariat sud-africain qui finit par reprendre ses luttes massivement en s’inscrivant ainsi dans les vagues de lutte qui marquèrent au niveau mondial la fin des années 1960 et le début des années 1970.
Pour évoquer cette période de luttes de la classe ouvrière, nous nous appuyons largement sur l’ouvrage Luttes ouvrières et libération en Afrique du Sud, de Brigitte Lachartre 1, membre du Collectif de recherche et d’information sur l’Afrique australe - C.R.I.A.A.- le seul (à notre connaissance) qui se consacre véritablement à l’histoire des luttes sociales en Afrique du Sud.
Reprise éphémère de la lutte de classe durant la seconde boucherie de 1939-45
En fait, les préparatifs guerriers en Europe se traduisirent pour l’Afrique du Sud par l’accélération inattendue du processus de son industrialisation, les grands pays industriels constituant alors les principaux soutiens de l’économie sud-africaine: "(…) La période 1937-1945 fut marquée par une accélération brutale du processus industriel. L’Afrique du Sud, à l’époque, fut contrainte de développer ses propres industries de transformation étant donné la paralysie économique de l’Europe en guerre et ses exportations à travers le monde". (Brigitte Lachartre, Luttes ouvrières et libération en Afrique du Sud)
Cela eut comme conséquence le recrutement massif d’ouvriers et l’augmentation des cadences de la production. Contre les cadences et la dégradation de ses conditions de vie, la classe ouvrière dut se réveiller brutalement en se lançant dans la lutte : "Pour les masses africaines, cette phase d’intensification industrielle se traduisit par une prolétarisation accélérée, encore accrue du fait qu’un quart de la population active blanche s’enrôlait alors dans le service militaire volontaire aux côtés des Alliés. Pendant cette période, les luttes ouvrières et les grèves aboutirent à des augmentations de salaires notables (13 % par an entre 1941 et 1944) et à une recrudescence du mouvement syndical africain. (…) Entre 1934 et 1945, on releva le chiffre record de 304 grèves dans lesquelles prirent part 58 000 Africains, métis et Indiens et 6 000 Blancs. En 1946, le syndicat des mineurs africains, organisation non reconnue légalement, déclencha une très importante vague de grèves à travers le pays qui fut réprimée dans le sang. Elle n’en avait pas moins réussi à mobiliser quelque 74 000 travailleurs noirs". (Brigitte Lachartre, Ibid.)
Dès lors, le régime sud-africain fut contraint de développer ses propres industries de transformation, étant entendu également qu’il devait remplacer une grande partie de la main-d’œuvre mobilisée dans la boucherie impérialiste. Cela signifie que l’Afrique du Sud avait déjà atteint, à ce moment-là, un certain niveau de développement technologique lui permettant de se passer (momentanément) de ses fournisseurs européens, ce qui fut un cas unique sur le continent noir.
Pour sa part, et de façon inattendue, la classe ouvrière put reprendre assez massivement son combat en réaction à la surexploitation liée à l’accélération des cadences. A travers un mouvement héroïque (dans un contexte de guerre où s’appliquait la loi martiale), elle put arracher des augmentations de salaire avant de se faire massacrer dans un bain de sang. Cette lutte défensive était cependant largement insuffisante pour influer positivement sur la dynamique de la lutte de classe, encore largement contenue par l’État bourgeois. En effet, celui-ci ne tarda pas à profiter du contexte guerrier pour renforcer son dispositif répressif et parvint finalement à infliger une lourde défaite à l’ensemble du prolétariat sud-africain. Cette défaite (comme celles subies précédemment) traumatisa pour longtemps la classe ouvrière et la plongea durablement dans l’inertie permettant ainsi à la bourgeoisie sud-africaine de consolider sa victoire sur le plan politique à travers en particulier l’officialisation du système d’apartheid. En clair, l’État sud-africain, qui était jusqu'alors dirigé par les Afrikaners après leur victoire aux élections législatives de 1948, décida de renforcer toutes les anciennes lois et mesures répressives 2 contre la masse prolétarienne en général. Ainsi, l’apartheid devint officiellement un système de gouvernance permettant de justifier et d’assumer ouvertement les actes les plus barbares contre la classe ouvrière dans ses diverses composantes ethniques et plus particulièrement à l’encontre des africains. Cela allait des "petites" vexations jusqu’aux pratiques les plus abjectes : toilettes séparées, cantines séparées, zones d’habitation séparées, bancs publics séparés, bus/taxis séparés, écoles séparées, hôpitaux séparés, etc. Et le tout se conclut par un article de loi visant à réprimer par l’emprisonnement quiconque se risquait à enfreindre ces monstrueuses lois. Et, effectivement, chaque année, plus de 300 000 personnes étaient arrêtées pour infraction aux lois abjectes. Ainsi, un ouvrier d’origine européenne risquait d’aller en prison s’il était surpris en train de boire un verre avec un noir ou un métis. Dans ce contexte où tout le monde risquait la prison, inutile d’envisager une discussion politique entre prolétaires d’ethnies différentes. 3
Cette situation pesa terriblement sur les capacités de lutte de la classe ouvrière dans son ensemble au point de la plonger à nouveau dans une période de "sommeil" (après celle des années 20) qui dura des années 1950 jusqu’au début des années 1970. Durant cette période, la lutte de classe était dévoyée principalement par les tenants de la lutte de "libération nationale" à savoir les partisans de l’ANC/PC, cause derrière laquelle ils entraîneront tant bien que mal les ouvriers sud-africains noirs jusqu’à la fin de l’apartheid.
Partis et syndicats détournent les luttes sur le terrain nationaliste
Partis et syndicats jouèrent un rôle de premier plan pour détourner systématiquement les luttes ouvrières sur le terrain du nationalisme blanc et noir. Il n’est pas nécessaire de faire un long développement sur le rôle qu‘a joué le Parti Travailliste contre la classe ouvrière, ceci étant évident du fait que, dès le lendemain de sa participation active à la boucherie mondiale de 1914-18, il se trouva au pouvoir pour mener ouvertement des violentes attaques contre le prolétariat sud-africain. D’ailleurs, à partir de ce moment-là, il cessa de revendiquer officiellement son appartenance "au mouvement ouvrier", ce qui ne l’empêchait pas de préserver ses liens avec les syndicats dont il était proche comme TUCSA. (Trade Union Confederation of South Africa). En outre, entre 1914 et la fin de l’apartheid, avant de se disloquer, il passait du gouvernement à l’opposition, et inversement, comme tout parti bourgeois "classique".
Pour plus de détail par rapport à l’ANC, nous renvoyons les lecteurs à l’article précédent de la série publié dans la Revue internationale n° 154. En fait, si nous l’évoquons ici, c’est surtout du fait de son alliance avec le PC et les syndicats qui lui permirent de jouer un double rôle d’encadrement et d’oppresseur de la classe ouvrière.
Quant au Parti Communiste, nous allons y revenir à propos d’une certaine opposition prolétarienne qu’il a dû rencontrer à ses débuts dans sa dérive nationaliste noire, en application des orientations de Staline et de la Troisième internationale en dégénérescence. Certes les informations en notre possession ne nous indiquent pas l’importance numérique ou politique de cette opposition prolétarienne au Parti communiste sud-africain, mais elle fut suffisamment forte pour attirer l’attention de Léon Trotski qui tenta de la soutenir.
Le rôle contre-révolutionnaire du Parti Communiste sud-africain sous l’impulsion de Staline
Le Parti Communiste sud-africain, en tant que "parti stalinisé", joua un rôle contre-révolutionnaire néfaste dans les luttes ouvrières dès le début des années 1930, alors que cet ancien parti internationaliste était déjà en proie à un processus de profonde dégénérescence. Après avoir participé aux combats pour la révolution prolétarienne au début de sa constitution dans les années 1920, le PC sud-africain fut très vite instrumentalisé par le pouvoir stalinien et, dès 1928, il exécuta docilement ses orientations contre-révolutionnaires notamment celles consistant à faire alliance avec la bourgeoisie noire. La théorie stalinienne du "socialisme en seul pays" s’accompagnait de l’idée suivant laquelle les pays sous-développés devaient obligatoirement passer par "une révolution bourgeoise" et que, dans cette optique, le prolétariat pouvait toujours lutter contre l’oppression coloniale mais pas question pour autant de lutter pour le renversement du capitalisme en vue d’instaurer un quelconque pouvoir prolétarien dans les colonies. Cette politique se traduisit concrètement, dès la fin des années 1920, par une "collaboration de classe" où le PC sud-africain fut d’abord la "caution prolétarienne" de la politique nationaliste de l’ANC avant de devenir définitivement son complice actif et ce jusqu’aujourd’hui. Ce qu’illustrent ces terribles paroles d’un secrétaire général du PC en s’adressant à Mandela : "Nelson(…) nous combattons le même ennemi (…), nous travaillons dans le contexte du nationalisme africain". 4
Une minorité internationaliste s’oppose à l’orientation nationaliste du PC sud-africain
Cette politique du PC sud-africain fut contestée par une minorité dont Trotski en personne tenta de soutenir l’effort mais, malheureusement, de façon erronée. En effet, au lieu de combattre résolument l’orientation nationaliste et contre-révolutionnaire préconisée par Staline en Afrique du Sud, Léon Trotski préconise en 1935 l’attitude suivante que les militants révolutionnaires doivent avoir vis-à-vis de l’ANC 5:
1. Les bolcheviks léninistes sont pour la défense du congrès (l’ANC), tel qu’il est, dans tous les cas où il reçoit des coups des oppresseurs blancs et de leurs agents chauvins dans les rangs des organisations ouvrières.
2. Les bolcheviks opposent, dans le programme du congrès, les progressistes et les tendances réactionnaires.
3. Les bolcheviks démasquent aux yeux des masses indigènes l’incapacité du congrès à obtenir la réalisation même de ses propres revendications, du fait de sa politique superficielle, conciliatrice, et lancent, en opposition au congrès, un programme de lutte de classe révolutionnaire.
4. S’ils sont imposés par la situation, des accords temporaires avec le congrès ne peuvent être admis que dans le cadre de tâches pratiques strictement définies, en maintenant la complète indépendance de notre organisation et notre totale liberté de critique politique.
C’est déconcertant de savoir que, malgré l’évidence du caractère contre-révolutionnaire de cette orientation stalinienne appliquée par le PC sud-africain vis-à-vis de l’ANC, Trotski chercha quand même à s’en accommoder par des détours tactiques. D’un côté il affirmait : "Les bolcheviks-léninistes sont pour la défense de l’ANC" et de l’autre : "Les bolcheviks démasquent aux yeux des masses indigènes l’incapacité du congrès à obtenir la réalisation même de ses propres revendications…".
Cela n’était rien d’autre que l’expression d’une politique d’accommodement et de conciliation avec une fraction de la bourgeoisie car, à ce moment-là, rien ne permettait d’entrevoir la moindre évolution possible de l’ANC vers une position de classe prolétarienne. Mais surtout, Trotski était incapable de voir le retournement du cours de la lutte de classe vers la contrerévolution qu’exprimait l’avènement du stalinisme.
On ne s'étonnera plus d'entendre le groupe trotskiste Lutte Ouvrière tenter (80 ans après), après avoir constaté le caractère erroné de l’orientation de Trotski, justifier cette orientation avec des contorsions typiquement trotskistes en disant, d’un côté : "La politique de Trotski n’a pas eu l’influence décisive mais il faut l’avoir à l’esprit …". D’autre côté, Lutte Ouvrière affirme que le PC sud-africain : "s’est mis entièrement au service de l’ANC et a continuellement cherché à en masquer le caractère bourgeois".
En effet, au lieu de dire simplement que la politique de Trotski en la matière était erronée et que le PC est devenu un parti bourgeois au même titre que l’ANC, LO fait des acrobaties hypocrites en cherchant à masquer la nature du parti stalinien sud-africain. Ce faisant LO tente de masquer son propre caractère bourgeois et des liens sentimentaux avec le stalinisme.
Le rôle de saboteurs des luttes des syndicats et la tentative d’un "syndicalisme révolutionnaire"
Il convient d’abord de dire que, de par leur rôle naturel de "négociateurs professionnels" et de "pacificateurs" des conflits entre la bourgeoisie et le prolétariat, les syndicats ne peuvent véritablement constituer des organes de lutte pour la révolution prolétarienne (marxiste), en particulier en période de décadence du capitalisme, comme l’illustre l’histoire de la lutte de classe depuis 1914.
Cependant, soulignons le fait que, avec la boucherie de 1914-18, des éléments ouvriers se réclamant de l’internationalisme prolétarien tentèrent de créer des syndicats révolutionnaires à l’instar des IWA (Industrial Workers of Africa), sur le modèle des IWW américains, ou encore de l’ICU (l’Industrial and Commercial Workers Union) : "(…) En 1917, une affiche fleurit sur les murs de Johannesburg, convoquant une réunion pour le 19 juillet : "Venez discuter des points d’intérêt commun entre les ouvriers blancs et les indigènes". Ce texte est publié par l’International Socialist League, une organisation syndicaliste révolutionnaire influencée par les IWW américains (…) et formée en 1915 en opposition à la Première Guerre mondiale et aux politiques racistes et conservatrices du Parti Travailliste sud-africain et des syndicats de métiers." 6 Comptant, au début, surtout des militants blancs, l’ISL s’oriente très vite vers les ouvriers noirs, appelant dans son journal hebdomadaire l’Internationale, à "construire un nouveau syndicat qui surmonte les limites des métiers, des couleurs de peau, des races et du sexe pour détruire le capitalisme par un blocage de la classe capitaliste".
Comme le montre la citation ci-après, des minorités véritablement révolutionnaires ont bien tenté de créer des syndicats "révolutionnaires" dans le but de détruire le capitalisme et sa classe dominante. Signalons que L’ICU naquit en 1919 suite à une fusion avec les IWA et connut un développement fulgurant. Mais, malheureusement, ce syndicat abandonna rapidement le terrain de l’internationalisme prolétarien : "Ce syndicat grossit énormément à partir de 1924 et connait un pic de 100 000 membres en 1927, ce qui en fait la plus grosse organisation d’Africains jusqu’à l’ANC des années 1950. Dans les années 1930, l’ICU établit même des sections en Namibie, en Zambie et au Zimbabwe avant de décliner progressivement. L’ICU n’est pas officiellement une organisation syndicaliste révolutionnaire. Elle est plus influencée par des idéologies nationalistes et traditionalistes que l’anticapitalisme, et elle développe une certaine forme de bureaucratie" 7.
Comme on le voit, le syndicalisme "révolutionnaire" ne put se développer longtemps en Afrique du Sud comme le prétendent ses partisans. En fait L’ICU était un syndicat certes "radical" et combatif qui, dans un premier temps, put préconiser l’unité de la classe ouvrière. Mais, avant même la fin des années 1920, il s’orienta vers la défense exclusive de la "cause noire" sous prétexte que les syndicats officiels (blancs), eux, ne défendaient pas les ouvriers indigènes. Et d’ailleurs, dans le même sens, un des dirigeants les plus influents de l’ICU, Clements Kadalie 8, rejeta catégoriquement la notion de "lutte de classe" et cessa d’intégrer les ouvriers blancs (dont des membres du PC sud-africain) dans son syndicat. Finalement l’ICU périt au début des années 1930 sous les coups de boutoir du pouvoir en place et par ses propres contradictions. Cependant, par la suite, nombre de ses dirigeants purent poursuivre leurs actions syndicales dans d’autres groupements connus pour leur nationalisme syndical africain, tandis que les autres éléments optant pour l’internationalisme furent marginalisés ou se dispersèrent dans la nature.
Les syndicats conçus selon les lois du régime d’apartheid
Comme tous les États, le régime d’apartheid éprouva le besoin de syndicats face à la classe ouvrière mais, dans ce cas, ceux-ci devaient être modelés selon les principes du système ségrégationniste : "(…) La population syndiquée sud-africaine est organisée dans des syndicats cloisonnés entre eux en fonction de la race de leurs membres. Une première distinction est officiellement imposée entre les syndicats reconnus, c'est-à-dire enregistrés au ministère du Travail, et les organisations ouvrières non reconnues par le gouvernement, c'est-à-dire qui ne jouissent pas du statut officiel de syndicat ouvrier. Ce premier clivage est issu, d’une part, de la loi sur le règlement des conflits du travail bantou (…), qui maintenant les Africains hors du statut d’"employé" ne leur reconnaît pas le droit de former des syndicats à part entière ; d’autre part, de la loi sur la réconciliation dans l’industrie (…) qui autorise blancs, métis et indiens à se syndiquer mais interdit cependant la création de nouveaux syndicats mixtes." (Brigitte Lachartre, Ibid.)
Au premier abord, on peut voir dans la conception du syndicalisme de l’État sud-africain un cynisme certain et un racisme très primaire. Mais, au fond, le but caché était d’éviter à tout prix la prise de conscience chez les ouvriers (de toutes origines) que les luttes de résistance de la classe ouvrière relevaient fondamentalement des affrontements entre la bourgeoisie et le prolétariat, c'est-à-dire, les deux véritables classes antagoniques de la société. Quel est justement le meilleur instrument de cette politique bourgeoise sur le terrain ? C’est évidemment le syndicalisme. De là, toutes ces lois et réglementations sur les syndicats décidées par le pouvoir de l’époque en vue d’une meilleure efficacité de son dispositif anti-prolétarien. Reste que la fraction africaine du prolétariat fut la principale cible du régime oppresseur car plus nombreuse et plus combative, d’où l’acharnement dont le pouvoir bourgeois fit preuve à son égard : "Depuis 1950, les syndicats africains ont vécu sous la menace de la loi sur la répression du communisme, qui donne au gouvernement le pouvoir de déclarer toute organisation, y compris un syndicat africain (mais non les autres syndicats) "illégale" pour le motif qu’elle se livre à des activités propres à favoriser les objectifs du communisme. (…) La définition du communisme inclut, entre autres, les activités visant à provoquer un "changement industriel, social ou économique". Ainsi, une grève, ou toute action organisée par un syndicat pour mettre un terme au système des emplois réservés ou obtenir des augmentations de salaires et de meilleures conditions de travail, peut fort bien être déclarée favorable au "communisme" et servir d’excuse pour mettre le syndicat hors la loi". 9
En fait, pour le pouvoir sud-africain, derrière les luttes ouvrières il y a le spectre de la remise en cause de son système, qu'il identifie à la lutte pour le communisme. Une telle perspective est, on le sait, loin de correspondre aux possibilités de cette période de contre-révolution défavorable aux luttes de la classe ouvrière sur son propre terrain de classe et où la lutte pour le communisme est identifiée à celle pour la mise en place de régimes de type stalinien. Cela n'empêche que, même dans ces conditions, les régimes en place, quels qu'ils soient, sont confrontés à la nécessité de faire obstacle à la tendance spontanée des ouvriers à lutter pour la défense de leurs conditions de vie et de travail. Le système d'apartheid étendu aux syndicats constituant alors le meilleur moyen d'y faire face, tout syndicat ne se pliant pas à ses règles courrait le risque d'être mis hors la loi.
Les principaux syndicats existants jusqu’aux années 1970
Ils sont les suivants :
- les syndicats d’origine européenne : ils ont toujours suivi les orientations du pouvoir colonial, et en particulier ont soutenu les efforts de guerre en 1914-18 comme en 1939/45. De même qu’ils assumèrent, jusqu’à la fin du système d’apartheid et au-delà, leur rôle de "défenseurs" des intérêts exclusifs des ouvriers blancs, y compris lors qu’ils comptaient des ouvriers de couleur dans leurs rangs. Il s’agit, d’une part, de la Confédération Sud-africaine du Travail (South African Confederation of Labor), considérée comme la centrale ouvrière la plus raciste et la plus conservatrice du pays (proche du régime d’apartheid) et, d’autre part, Le Conseil des Syndicats Sud-Africain (Trade Union Confederation of South Africa) dont les liens de complicité avec le Parti Travailliste sont très anciens. La plupart des travailleurs de couleur (des indiens ou des métis comme définis par le régime mais ni des blancs ni des noirs) se trouvent pour leur part tantôt dans les syndicats mixtes (surtout des blancs mais aussi quelques métis) tantôt dans les syndicats de "couleur".
- les syndicats africains : ils sont plus ou moins fortement liés au PC et à l’ANC, se proclamant défenseurs des ouvriers africains ainsi que pour la libération nationale. Il s’agit du Congrès des Syndicats Sud-Africain (SACTU - South African Congress of Trade Unions), la Fédération des Syndicats Libres d’Afrique du Sud (FOFATSA) et le Syndicat National des Mineurs (NUM - National Union of Miners).
En 1974, on comptait 1 673 000 syndiqués organisés d’une part en 85 syndicats exclusivement blancs et d’autre part en 41 syndicats mixtes lesquels regroupaient au total 45 188 membres blancs et 130 350 de couleur. Mais, bien que minoritaires par rapport aux syndiqués de couleur, les syndiqués blancs étaient bien entendu plus avantagés et mieux considérés que ces derniers : "(…) Les syndicats de travailleurs blancs sont concentrés dans des secteurs économiques protégés de longue date par le gouvernement et réservés en priorité à la main-d’œuvre afrikaner, base électorale du parti au pouvoir. En effet, les six syndicats blancs les plus importants numériquement (…), sont implantés dans les services publics et municipaux, l’industrie du fer et de l’acier, l’industrie automobile et la construction mécanique, les chemins de fer et les services portuaires". (Brigitte Lachartre, Ibid.)
Avec ce type de dispositif syndical, on comprend mieux les difficultés de la classe ouvrière blanche à se sentir proche des autres fractions sœurs (noire, métisse et indienne) car les barrières d’acier mises en place par le système de séparation furent visiblement insurmontables pour envisager la moindre action commune entre prolétaires face au même exploiteur.
On recensait (en 1974) 1 015 000 syndiqués organisés, d’une part, en syndicats exclusivement de couleur et, d’autre part, en syndicats mixtes (c'est-à-dire tous les syndiqués à l'exclusion des noirs africains). "En effet, les syndicats blancs sont racialement homogènes, tandis que les syndicats de métis ou d’Asiatiques le sont véritablement devenus sous la contrainte du gouvernement nationaliste" (Brigitte Lachartre, Ibid.).
Dans la même période de référence (1974), les noirs africains représentaient 70 % de la population active et quelque 6 300 000 d’entre eux étaient affiliés à des syndicats non reconnus officiellement, tout en n’ayant pas le droit de s’organiser. Voilà encore une aberration du système d’apartheid avec sa bureaucratie d’un autre âge où l’État et les employeurs pouvaient se permettre d’employer des gens tout en leur refusant le statut d’employé mais en les laissant cependant créer leurs propres syndicats. Quel pouvait être donc le but de la manœuvre du pouvoir dans cette situation ?
Il est clair que la tolérance des organisations syndicales africaines en milieu ouvrier par le pouvoir n’était nullement en contradiction avec son objectif visant à contrôler et à diviser la classe ouvrière sur une base ethnique ou nationaliste. En effet il est plus facile de contrôler une grève encadrée par des organisations syndicales "responsables" (même si pas reconnues) que d’avoir affaire à un mouvement de lutte "sauvage" sans dirigeants identifiés d’avance. D’ailleurs, sur ce plan, le régime sud-africain ne faisait que suivre une "recette" qu’appliquent tous les États face au prolétariat combatif.
La lutte de libération nationale contre la lutte de classe
En réaction à l’instauration officielle de l’apartheid (1948), qui se traduisit par l’interdiction formelle des organisations africaines, le PC et l’ANC mobilisèrent leurs militants, y compris syndicaux, et se lancèrent dans la lutte armée. Dès lors, la terreur fut employée de part et d’autre, la classe ouvrière en subit les conséquences et, en particulier, ne put éviter d’être enrôlée par les uns et les autres. En clair, voilà la classe ouvrière dans son ensemble prise durablement en otage par les nationalistes de tous bords. "Entre 1956 et 1964, les principaux leaders de l’ANC, du PAC 10, du Parti communiste sud-africain avaient été arrêtés. Les interminables procès auxquels ils furent soumis se soldèrent par la détention à vie ou le bannissement renouvelé des principaux chefs historiques (N. Mandela, W. Sisulu, R. Fischer…) tandis que des peines de prison très lourdes frappaient l’ensemble des militants. Ceux qui purent échapper à la répression, se refugièrent au Lesotho, au Ghana, en Zambie, en Tanzanie, au Botswana. (…) Par ailleurs, des camps militaires regroupent dans les pays frontaliers de l’Afrique du Sud les réfugiés ou "combattants de la liberté" qui suivent un entraînement militaire et se tiennent prêts à intervenir. A l’intérieur du pays, la décennie 1960-1970 est celle du silence : la répression a fait taire l’opposition et seules les protestations de quelques organisations confessionnelles et étudiantes se font entendre. Les grèves se comptent sur les doigts de la main et pendant que les travailleurs noirs courbent l’échine, les chefs noirs fantoches, désignés par le gouvernement nationaliste, collaborent à la politique de divisions du pays". (Brigitte Lachartre, Ibid.)
À travers ce propos il apparait clairement que le prolétariat sud-africain fut enchaîné, coincé entre la répression du pouvoir en place et l’impasse de la lutte armée lancée par les nationalistes africains. Cela justifie amplement la passivité dont la classe ouvrière fit preuve durant cette longue période allant globalement des années 1940 jusqu'à1970 (mis à part l’épisode des luttes éphémères durant la Seconde boucherie mondiale). Mais surtout, cette situation fut l’occasion pour les partis et les syndicats d’occuper intégralement le terrain idéologique en vue d’empoisonner la conscience de classe en s’efforçant de transformer systématiquement toute lutte de la classe ouvrière en une lutte de "libération" chez les uns et en défense des intérêts des "ouvriers blancs" chez les autres. Evidemment tout cela ne pouvait que satisfaire les objectifs de l’ennemi de la classe ouvrière à savoir le capital national sud-africain.
Reprise véritable de la lutte de classe: vagues de grève entre 1972 et 1975
Après une longue période d’apathie où elle fut silencieuse et prise en tenaille par le pouvoir d’apartheid et les tenants de la lutte de libération, la classe ouvrière finit fort heureusement par reprendre ses luttes (cf. Brigitte Lachartre) en Namibie (colonie d’alors de l’Afrique du Sud) en s’inscrivant ainsi dans le processus des vagues de lutte au niveau mondial marquant la fin des années 1960 et les années 1970.
L’exemple namibien
Comme en Afrique du Sud, la classe ouvrière en Namibie se trouva, d’un côté, sous la coupe sanglante du régime policier sud-africain, et de l’autre côté, bien encadrée par les partisans de la lutte de libération nationale (SWAPO - South-West African People's Organisation). Mais, contrairement à la classe ouvrière en Afrique du Sud bénéficiant d’une longue expérience de lutte, ce fut celle de Namibie qui n’en avait pas (à notre connaissance) qui ouvrit le "bal" des luttes des années 1970 : "Onze ans s’étaient écoulés depuis les derniers mouvements de masse africains. Le pouvoir blanc avait mis ce répit à profit pour consolider son plan de développement séparé. Sur le front social, le calme et la stabilité pouvaient être proclamés bien haut à travers le monde. Deux séries d’événements vinrent cependant troubler la "paix blanche" de l’Afrique du Sud et réveiller les inquiétudes : la première se produisit à la fin de 1971 en Namibie, territoire illégalement occupé par l’Afrique du Sud et qui est, depuis 1965, agité par la résistance de l’Organisation du peuple du Sud-Ouest africain (S.W.A.P.O.) au gouvernement central de Pretoria. La seconde se déroula dans le courant de 1972 en Afrique du Sud même, sous forme de grèves spectaculaires lancées par les conducteurs de bus de Johannesburg. On attribue généralement à ces deux vagues de troubles un rôle détonateur par rapport aux événements qui se déclenchèrent dès les premiers jours de janvier 1973". (Brigitte Lachartre, ibid.)
La première grève démarra donc en Namibie, à Windhoek (la capitale) et dans sa banlieue proche, à Katutura, où 6 000 travailleurs décidèrent de partir en lutte contre l’oppression politique et économique exercée sur eux par le pouvoir sud-africain. Et 12 000 autres travailleurs répartis sur une douzaine de centres industriels ne tardèrent pas à suivre le même mot d’ordre de grève de leurs camarades de Katutura. Voilà donc 18 000 grévistes croisant les bras plusieurs jours après le début du mouvement, soit un tiers de la population active estimée alors à 50 000. Et, malgré les menaces de répression de l’État et le violent chantage du patronat, la combattivité ouvrière resta intacte : "Deux semaines après le début de la grève presque tous les grévistes furent renvoyés dans les réserves. Les employeurs leur firent savoir qu’ils réembaucheraient les Ovambos (nom ethnique des grévistes) disciplinés, mais chercheraient leur main-d’œuvre ailleurs si ceux-ci n’acceptaient pas les conditions posées. Devant la fermeté des travailleurs, le patronat lança de larges campagnes de recrutement dans les autres réserves du pays ainsi qu’au Lesotho et en République d’Afrique du Sud : il ne parvint pas à recruter plus de 1 000 nouveaux travailleurs et fut contraint de s’adresser aux ouvriers ovambos". (Brigitte Lachartre, Ibid.)
En clair, devant la pugnacité des ouvriers, le patronat se mit à la manœuvre en cherchant à diviser les grévistes, mais il fut contraint de céder : "Les contrats de travail contre lesquels s’était organisée la grève, firent l’objet de quelques modifications ; l’agence de recrutement (la SWANLA - South-West African Native Labour Association) fut démantelée et ses fonctions dévolues aux autorités bantoues avec l’obligation de créer des bureaux de recrutement dans chaque Bantoustan ; les termes de "maîtres" et de "serviteurs" furent remplacés dans les contrats par ceux "d’employeurs" et "d’employés". (B. Lachartre, Ibid.)
Evidemment, vu tout ce qui restait dans l’arsenal du système d’apartheid appliqué au monde du travail, on peut dire que la victoire des grévistes ne fut pas décisive. Soit, mais une victoire hautement symbolique et prometteuse eut égard au contexte dans lequel se déroula le mouvement de grève : "L’ampleur des grèves fut telle qu’elle rendit impossible toute action punitive de style traditionnel de la part du gouvernement". (Brigitte Lachartre, Ibid.)
Cela signifie que le rapport de forces commençait à évoluer en faveur de la classe ouvrière qui sut montrer avec détermination sa combativité et son courage face au pouvoir répressif. D’ailleurs l’expérience exemplaire du mouvement de lutte des ouvriers namibiens ne manqua pas de se répandre en Afrique du Sud même en s’y exprimant plus massivement encore.
Grèves et émeutes en Afrique du Sud entre 1972 et 1975
Après la Namibie, la classe ouvrière reprit sa lutte en Afrique du Sud courant 1972 où 300 conducteurs de bus à Johannesburg se mirent en grève, 350 à Pretoria, 2 000 dockers à Durban et 2 000 au Cap. Toutes ces grèves portèrent sur des revendications de salaire ou d’amélioration des conditions de travail. Et leur importance pouvait se mesurer à l’inquiétude de la bourgeoisie qui ne tarda pas à employer des moyens énormes pour venir à bout des mouvements : "La réaction du pouvoir et du patronat fut brutale et expéditive. Les 300 grévistes de Johannesburg furent arrêtés. Parmi ceux de Durban, 15 furent licenciés. Dans d’autres secteurs, à la Ferro Plastic Rubber Industries, ils furent pénalisés de 100 rands ou de 50 jours de prison pour arrêt de travail illégal. A Colgate-Palmolive (Boksburg) tout le personnel africain fut licencié. Dans une mine de diamants, les mineurs en grève furent condamnés à 80 jours de prison, leurs contrats annulés et ils furent renvoyés dans leurs réserves". (Brigitte Lachartre, Ibid.)
Cette réaction très dure exprime très clairement l’inquiétude palpable de la classe dominante. Cependant la brutalité dont la bourgeoisie sud-africaine fit preuve s’accompagna d’une dose de réalisme car des augmentations de salaire furent accordées à certains secteurs grévistes en vue d’y favoriser la reprise du travail. Et comme le dit Brigitte Lachartre : "Mi-victoire, mi- défaite, les grèves de 1972 eurent principalement pour effet de surprendre les pouvoirs publics, qui plantèrent brutalement le décor, en refusant de négocier avec les travailleurs noirs, en faisant intervenir la police et en licenciant les grévistes. Quelques indications chiffrées permettent de mesurer l’ampleur des événements qui secouèrent le pays au cours des années suivantes : de sources différentes, elles ne concordent pas exactement et sont plutôt sous-estimées. Selon le ministère du Travail, il y eut 246 grèves en 1973, qui touchèrent 75 843 travailleurs noirs. De son côté, le ministère de la Police déclare avoir fait intervenir les forces de police sur le lieu de 261 grèves pour la même année. Pour leur part, les militants syndicalistes de Durban estiment à 100 000 le nombre des travailleurs noirs qui firent grève dans le Natal au cours des trois premiers mois de 1973. Pour 1974, le chiffre de 374 grèves est donné pour le seul secteur industriel et celui des grévistes aurait été de 57 656. La seule province du Natal connut officiellement, de juin 1972 à juin 1974, 222 arrêts de travail ayant affecté 78 216 travailleurs. À la mi-juin 1974, l’on avait dénombré 39 grèves dans la métallurgie, 30 dans le textile, 22 dans le vêtement, 18 dans la construction, 15 dans le commerce et la distribution. (…) Les grèves sauvages se multiplient. Durban compte 30 000 grévistes à la mi-février 73, et le mouvement se répand à travers tout le pays".
Comme on peut le voir, l’Afrique du Sud fut pleinement entraînée dans les vagues successives de lutte qui intervinrent à partir de la fin des années 1960 et qui signaient ainsi l’ouverture d’un cours au développement des affrontements de classe au niveau mondial. Nombre de ces mouvements de grève durent se heurter à la dure répression du pouvoir et des milices patronales et se soldèrent par des centaines de morts et de blessés dans les rangs ouvriers. C’est dire la hargne et l’acharnement des forces de l’ordre du capital sur les grévistes ne faisant que réclamer des dignes conditions d’existence. De ce fait, il faut souligner ici le courage et la combativité de la classe ouvrière sud-africaine (en particulier noire) qui partit généralement en lutte en étant solidaire et en s’appuyant sur sa propre conscience, comme l’illustre l’exemple suivant :
"La première manifestation de colère eut lieu dans une usine de matériel de construction (briques et tuiles) : la Coronation Brick and Tile Co, située dans la banlieue industrielle de Durban. 2 000 travailleurs, soit tout le personnel africain de l’entreprise, se mirent en grève le 9 janvier 1973 au matin. Ils demandent qu’on double leur salaire (qui s’élevait alors à 9 rands par semaine) puis qu’on le triple. Une augmentation avait été promise l’année précédente mais n’était pas encore intervenue."
"Les ouvriers de la première usine racontent comment débuta la grève : Ils furent réveillés par un groupe de camarades, vers trois heures du matin, qui leur dit de se réunir sur le terrain de football au lieu d’aller pointer au travail. Une sorte de délégation partit alors en direction des entrepôts des environs d’Avoca afin de demander aux autres ouvriers de les rejoindre au stade. C’est dans la bonne humeur que se déroula cette première phase de la grève et le mot d’ordre fut accueilli très favorablement. Personne ne passa outre. La main-d’œuvre d’Avoca se rendit au stade à travers la ville en deux colonnes et sans se soucier de la circulation très dense dans les rues de la ville à cette heure-là, ni des interdictions qu’elles étaient en train d’enfreindre. En franchissant les grilles du stade, tous chantaient : "Filumuntu ufesadikiza", qui signifie "l’homme est mort, mais son esprit est toujours vivant". (The Durban Strikes, cité par Brigitte Lachartre, Ibid.)
Nous assistons ici à une forme de lutte très différente dont la classe ouvrière fit preuve en se prenant ainsi en charge sans consulter personne, c'est-à-dire ni les syndicats ni d’autres "médiateurs sociaux", ce qui ne put que dérouter les employeurs. En effet, comme attendu, le PDG de l’entreprise déclara ne pas vouloir discuter avec les grévistes dans un stade de football mais qu’il serait prêt à négocier seulement avec une "délégation". Mais puisqu’un comité d’entreprise existait déjà, les ouvriers refusèrent tout net la formation d’une délégation en scandant "nos demandes sont claires, nous ne voulons pas de comité, nous voulons 30 rands par semaine". Dès lors le gouvernement sud-africain se mit à la manœuvre en envoyant les autorités zouloues (sinistres fantoches) "dialoguer" avec les grévistes alors que la police se tenait prête à tirer. Au final, les grévistes durent reprendre le travail sous la pression multiple et combinée des diverses forces du pouvoir en acceptant ainsi une augmentation de 2,077 rands après avoir refusé précédemment une de 1,50. Les ouvriers reprirent le travail avec un fort mécontentement car insatisfaits de la faible augmentation de salaire obtenue. Cependant, la presse ayant fait largement écho du mouvement, d’autres secteurs prirent immédiatement le relais en se lançant dans la lutte. "Deux jours plus tard, 150 ouvriers d’une petite entreprise de conditionnement de thé (T.W. Beckett) cessèrent le travail en réclamant une augmentation de salaire de 3 rands par semaine. La réaction de la direction fut d’appeler la police et de licencier ceux qui refusaient de reprendre le travail. Il n’y eut pas de négociations. L’un des employés déclara : "On nous donna 10 minutes pour nous décider". Une centaine d’ouvriers refusèrent de reprendre le travail. Quelques jours plus tard, la direction fit savoir qu’elle réembaucherait les ouvriers licenciés, mais au salaire précédent. Presque personne ne reprit son poste. Ce ne fut que trois semaines après le début de la grève que l’entreprise annonça qu’une augmentation de 3 rands était accordée à tous. La quasi-totalité des ouvriers fut réembauchés. (…) En même temps que cette grève se déroulait chez Beckett, les ouvriers africains de plusieurs entreprises d’entretien et de réfection de bateaux (J.H. Skitt and Co. Et James Brown and Hamer) cessèrent également le travail. (…) La grève dura plusieurs jours et une augmentation de 2 à 3 rands par semaine fut finalement accordée". (Propos tirés de The Durban Strike, cité par Brigitte Lachartre, Ibid.)
Un phénomène nouveau se produisait : une série de grèves qui se terminent par des vraies victoires car, devant le rapport de force imposé par les grévistes, le patronat (en compagnie de l’État) était contraint de céder aux revendications salariales des ouvriers. En ce sens, le plus illustratif de cette situation fut le cas de l’entreprise Beckett qui accorda une augmentation de 3 rands par semaine, c’est à dire la même somme que réclamaient ses employés, tout en étant contrainte de reprendre la quasi-totalité des ouvriers qu’elle venait de licencier. Un autre fait très remarquable fut la solidarité consciente dans la lutte entre ouvriers d’ethnies différentes, en l’occurrence Africains et Indiens. Ce magnifique geste illustre la capacité de la classe ouvrière à s’unir dans la lutte en dépit des multiples divisions institutionnalisées par la bourgeoisie sud-africaine et sciemment cautionnées et appliquées par les syndicats et les partis nationalistes. Par conséquent, au bout du compte, on peut parler d’une glorieuse victoire ouvrière sur les forces du capital. En effet, ce fut un succès apprécié comme tel par les ouvriers eux-mêmes, ce qui par ailleurs encouragea d’autres secteurs à se lancer dans la grève, par exemple le service public : "Le 5 février, fut engagée l’action la plus spectaculaire, mais aussi la plus grosse de tensions : 3 000 employés de la municipalité de Durban se mirent en grève dans les secteurs de la voirie, des égouts, de l’électricité, des abattoirs. Le salaire hebdomadaire de ce personnel s’élevait alors à 13 rands ; les revendications portaient sur le doublement de ce salaire. La contestation fit tache d’huile et bientôt ce furent 16 000 ouvriers qui refusèrent l’augmentation de 2 rands faite par le conseil municipal. A noter qu’Africains et Indiens agirent le plus souvent en étroite solidarité, bien que la municipalité ait renvoyé chez eux un grand nombre d’employés indiens, afin, fut-il déclaré qu’ils ne soient pas molestés et forcés à la grève par les Africains ! S’il est vrai qu’Africains et Indiens ont des échelles de salaires différentes, les écarts de salaires entre eux ne sont pas très importants et varient le plus souvent entre très bas et bas. D’autre part, si les Indiens ont le droit de grève – ce que les Africains n’ont pas - ce droit ne s’applique pas qu’à certains secteurs d’activités et qu’en de certaines circonstances. Or, dans les services publics, considérés comme "essentiels", la grève est interdite à tous de la même manière". (Brigitte Lachartre, Ibid.)
Cette grève, qui voit une jonction dans la lutte entre les secteurs privé et public, constitue aussi un élément majeur exprimant très clairement le haut niveau atteint par la combativité et la conscience de classe du prolétariat sud-africain en ce début des années 1970. Ce d’autant plus que ces mouvements se déroulèrent comme toujours dans le même contexte de répression sanglante comme réponse automatique du régime ségrégationniste, notamment face à ceux considérés comme "illégaux". Et pourtant, en dépit de tout cela, la combativité restait intacte et même se développait : "La situation demeurait explosive : les travailleurs municipaux avaient refusé une augmentation de salaire de 15 % ; le nombre d’usines touchées par la grève augmentait encore et la plupart des ouvriers du textile n’avaient pas encore repris le travail. S’adressant aux grévistes de la municipalité, un des fonctionnaires les menaça de la force dont il était en droit d’user, puisque leur grève était illégale. (…) La foule se mit alors à lui lancer des quolibets et à lui enjoindre de descendre de son estrade. Tentant d’expliquer que le conseil municipal avait déjà accordé une augmentation de 15 %, il fut de nouveau interrompu par les ouvriers qui lui crièrent qu’ils voulaient 10 rands de plus. (…) L’atmosphère de ces meetings semble avoir été le plus souvent euphorique et les commentaires de la foule des grévistes plus cocasses que furieux. Les travailleurs donnaient l’impression de se soulager d’un poids qui les oppressait depuis longtemps. (…) Quant aux revendications formulées lors de ces manifestations, elles révèlent également cette excitation euphorique, car elles portaient sur des augmentations de salaires bien plus élevées que ce qui pouvait réellement être obtenu, allant parfois de 50 à 100 %".
On peut ici parler d’une classe ouvrière qui retrouve grandement sa conscience de classe et ne se contente plus d’augmentations de salaire mais devient plus exigeante par rapport au respect de sa dignité. Mais surtout, elle fait preuve de confiance en elle-même comme le montre l'épisode rapporté ci-dessus où les grèvistes se moquent ouvertement du représentant des forces de l’ordre venu les menacer. Bref, comme le dit l’auteur de cette citation, les ouvriers étaient bien euphoriques et loin d’être ébranlés par la répression policière de l’État. Au contraire, cette situation où le prolétariat sud-africain démontre sa confiance en lui-même, sa conscience de classe finit par semer désordre et panique au sein de la classe dominante.
La bourgeoisie réagit de façon désordonnée face aux grèves ouvrières
Evidemment, face à une vague de luttes d’une telle vigueur, la classe dominante ne put rester bras croisés. Mais visiblement les dirigeants du pays furent surpris par l’ampleur de la combativité et de la détermination des grévistes, d’où la dispersion et les incohérences des réactions des acteurs de la bourgeoisie.
En témoignent des déclarations de ceux-ci :
Le président de la république : "Des organisations subversives persistent dans leur volonté d’inciter des secteurs de la population à l’agitation. Leurs effets sont résolument contrés par la vigilance constante de la police sud-africaine. Les grèves sporadiques et les campagnes de protestation qui, à en croire certaines publications - organes du Parti communiste - sont organisées ou moralement soutenues par elles, n’ont abouti à aucun résultat significatif".
Le ministre du Travail : "Les grèves du Natal montrent, dans leur déroulement, qu’il ne s’agit pas d’un problème de salaires. (…) Tout indique qu’une action a été organisée et que les grévistes sont utilisés pour obtenir autre chose qu’une simple augmentation de salaire. L’action des ouvriers et leur mauvaise volonté à négocier montrent à l’évidence que l’agitation pour les droits syndicaux n’est pas la solution et que ce n’est qu’un écran de fumée qui cache bien autre chose…".
Un représentant du patronat : "Je ne sais pas qui le premier a eu l’idée de remplacer les grévistes par des détenus, mais cette solution mérite qu’on l’étudie. L’autre solution serait d’employer des Blancs, mais ils utilisent des pistolets à peinture, ce qui n’est guère praticable avec le vent qu’il fait. Quant aux prisonniers, on les utilise bien pour nettoyer le port et ses alentours…"
Un observateur à propos de l’attitude des syndicats face aux grèves : "Un autre aspect important de la situation sociale dans le pays fut particulièrement mis en lumière au cours de ces grèves : à savoir la perte d’influence considérable des syndicats officiels. Bien que des membres de tels syndicats se soient trouvés impliqués dans certaines de ces grèves, la plupart des organisations syndicales étaient conscientes que l’initiative était entièrement du côté des travailleurs africains non syndiqués et qu’il ne servait à rien de vouloir intervenir".
Cette série de réactions montre à l’évidence un sentiment de panique à tous les étages de l’État sud-africain et le phénomène est d’autant plus préoccupant pour la bourgeoisie que ces mouvements de grève furent déclenchés et souvent gérés par les ouvriers eux-mêmes, c'est-à-dire sans initiatives syndicales. Cette tentative d’autonomisation des luttes ouvrières explique très largement les divisions qui se manifestèrent ouvertement chez les tenants du pouvoir par rapport aux moyens à mettre en œuvre pour contrecarrer la dynamique de la classe ouvrière, comme l’illustre la citation suivante : "Les secteurs anglophones et internationaux du capital n’ont pas le même attachement aux doctrines racistes et conservatrices que les administrateurs de l’État. Pour eux, les concepts de productivité et de rentabilité priment – du moins au niveau du discours - sur l’idéologie officielle et les encombrantes législations sur la barrière de couleur (…). Les portes-parole les plus avancés du patronat dont Harry Oppenheimer - président de l’Anglo-Américan Corporation - est le chef de file, prône ainsi l’intégration progressive de la main-d’œuvre africaine dans les emplois qualifiés mieux rémunérés, l’amélioration des conditions de vie et de travail des ouvriers et mineurs noirs, ainsi que l’introduction, contrôlée et par étape, du syndicalisme africain". (Brigitte Lachartre, Ibid.)
Et, tirant les leçons des luttes ouvrières, ce grand patron (Oppenheimer) d’une des plus grandes sociétés diamantaires fut à l’initiative (avec d’autres) de la légalisation des syndicats africains afin de leur donner les moyens de mieux encadrer la classe ouvrière. Dans le même sens voici l’argumentaire d’un porte-parole du "Parti progressiste" allié proche du grand patron cité : "Les syndicats jouent un rôle important en ce qu’ils préviennent les désordres politiques, (…) qui, l’histoire le démontre suffisamment, succèdent la plupart du temps aux revendications d’ordre économique. Si l’on peut éviter ces désordres par le biais du syndicalisme et celui de négociations sur les salaires et les conditions de travail, l’on diminue d’autant les autres risques. Et ce n’est pas le syndicalisme qui risque d’aggraver la situation". Contrairement aux tenants de la "ligne dure" de l’apartheid, ce porte-parole de la bourgeoisie (qu’on peut qualifier d’"éclairé") voit bien l’importance du rôle que jouent les syndicats en faveur de la classe dominante en tant que forces d’encadrement de la classe ouvrière et de prévention des "risques" et des "désordres politiques".
La combativité ouvrière contraint la bourgeoisie à changer son dispositif législatif
Comme il fallait s’y attendre, en tirant les enseignements des vagues de lutte qui secouèrent le pays durant les premières années de 1970, la bourgeoisie sud-africaine ("éclairée") se devait de réagir en prenant une série de mesures en vue de faire face à la combativité montante d’une classe ouvrière prenant de plus en plus conscience de sa force et confiance en elle. "Les grèves de 1973 éclatèrent alors que les députés ouvraient la session parlementaire au Cap. Comme nous le rapportent les syndicalistes de Durban, des représentants des organisations d’employeurs et de Chambres de commerce se rendirent en délégation pour rencontrer le ministre du Travail afin de mettre en place les premiers pare-feu à l’agitation ouvrière. A cette occasion, les consultations État- patronat furent nombreuses et suivies ; les erreurs du passé ne furent pas répétées". (Brigitte Lachartre. Ibid)
En effet à l’issue d’une série de consultations entre l’État, les parlementaires et le patronat il fut décidé "d'assouplir" nombre de dispositifs répressifs en vue de prévenir les "grèves sauvages" en donnant ainsi plus de place aux syndicats africains afin qu'ils puissent assumer le "travail de contrôle" sur les ouvriers. Ce faisant la bourgeoisie sud-africaine devint plus "raisonnable" en tenant compte de l’évolution du rapport de forces imposée par la classe ouvrière à travers ses luttes massives.
Pour conclure provisoirement sur ces grandes vagues de grève, nous exposons les points de vue de Brigitte Lachartre (Ibid.) sur ces mouvements et celui d’un groupe de chercheurs de Durban, dont nous partageons pleinement l'essentiel concernant le bilan politique à tirer : "Le développement de la solidarité des travailleurs noirs au cours de l’action et la prise de conscience de leur unité de classe ont été soulignés par de nombreux observateurs. Cet acquis, non quantifiable, des luttes est considéré par eux comme le plus positif pour la poursuite de l’organisation du mouvement ouvrier noir."
Et selon l’analyse du groupe de chercheurs 11 cité par Brigitte Lachartre :
"Notons, par ailleurs, que la spontanéité des grèves fut une des raisons majeures de leur succès, comparée notamment avec les échecs relatifs des actions de masse menées par les Africains dans les années 50, dans une période d’activité politique pourtant intense. Il suffisait alors que les grèves soient visiblement organisées (…) pour que la police ait tôt fait de se saisir des responsables. A l’époque, les grèves telles qu’elles étaient organisées, constituaient une menace beaucoup plus grande pour le pouvoir blanc ; leurs exigences n’étaient pas négligeables et, du point de vue des Blancs, le recours à la violence apparaissait comme la seule issue possible.
Mais ce spontanéisme des grèves n’empêche pas que leurs revendications aient dépassé le cadre purement économique. Ces grèves étaient également politiques : le fait que les travailleurs demandaient le doublement de leur salaire n’est pas le signe de la naïveté ou de la stupidité des Africains. Il indique plutôt l’expression du rejet de leur situation et leur désir d’une société totalement différente. Les ouvriers retournèrent au travail avec quelques acquis modestes, mais ils ne sont pas plus satisfaits maintenant qu’ils l’étaient avant les grèves…"
Nous partageons plus particulièrement le dernier paragraphe de cette citation qui donne une conclusion cohérente à l’analyse globale du déroulement des luttes. En effet, comme le montrent ses diverses expériences, la classe ouvrière peut passer allègrement de la lutte économique à la lutte politique et vice versa. Mais retenons surtout l’idée suivant laquelle les grèves furent aussi très politiques. En effet, derrière les revendications économiques, la conscience politique de la classe ouvrière sud-africaine se développait et cela fut une source d’inquiétude pour la bourgeoisie sud-africaine. En d’autres termes, le caractère politique des vagues de grève des années 1972-1975 finit par provoquer des fissures sérieuses dans le système d’apartheid en obligeant les appareils politiques et industriels du capital à revoir leur dispositif d’encadrement de la classe ouvrière. Cela donna lieu à un vaste débat au sommet de l’État sud-africain sur la question de l’assouplissement des dispositifs répressifs et plus généralement sur la démocratisation de la vie sociale visant notamment la légalisation des syndicats noirs. Et de fait, dès 1973 (l’année de puissants mouvements de grève), dix-sept nouveaux syndicats noirs furent créés ou légalisés venant s’ajouter aux treize qui existaient auparavant. Autrement dit, ce fut ce débat déclenché par les luttes ouvrières qui aboutit au processus de démantèlement progressif de l’apartheid mais toujours sous la pression des luttes ouvrières. En clair en créant ou renforçant les forces syndicales, la bourgeoisie voulut en faire des "pompiers sociaux" aptes à éteindre le feu des luttes ouvrières. Par exemple, tout en conservant le mode de canalisation classique des mouvements sociaux (le nationalisme, le racisme et le corporatisme), la bourgeoisie y ajouta un nouveau volet de type "démocratique" en accordant ou élargissant les "droits politiques" (droits associatifs sous contrôle) aux populations noires. Ce fut ce même processus qui permit l’arrivée de l’ANC au pouvoir. Pour autant, comme on le verra par la suite, le pouvoir sud-africain ne pourra jamais abandonner ses autres moyens répressifs les plus traditionnels contre la classe ouvrière, à savoir ses forces armées policières et militaires. Ceci sera illustré dans l’article suivant notamment à travers le grand mouvement de lutte de Soweto en 1976.
Lassou, juin 2015
1 Editions Syros, Paris 1977. Nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que la simple lecture de l’ouvrage ne nous a pas permis de connaître réellement son auteur, ses influences politiques même si, au moment de la sortie de son livre, elle semble proche du milieu intellectuel de la gauche (voire l’extrême gauche) française, comme le suppose le propos suivant de son introduction : "(…) Qu’en dire à l’individu inquiet et conscient de la partie qui se joue en Afrique australe, au militant politique, syndicaliste, étudiant ? Lui parler des luttes qui s’y mènent, c’est, sans doute, ce qu’il attend. C’est aussi un moyen d’autant plus sûr d’attirer son attention qu’il lui sera démontré à quel point ces luttes sont proches de lui et combien leur issue dépend de la société à laquelle il appartient. C’est le choix qui a été fait ici : parler des luttes menées par le prolétariat noir au cours des dernières années. Non pas qu’il ne s’en produise pas d’autres à d’autres niveaux, et il en coûte de les passer sous silence (celles des intellectuelles de toutes races, des chrétiens progressistes…)."
Il se trouve que parmi les auteurs (chercheurs ou autres) que nous avons pu rencontrer dans nos recherches sur l’histoire du mouvement ouvrier en Afrique du Sud, Brigitte Lachartre est la seule qui propose de se centrer sur la question des luttes ouvrières dans cette région en décrivant leur déroulement avec conviction et analyses détaillées. Au bout du compte, c’est pour cette raison que nous nous appuyons sur elle comme principale source documentaire. Bien entendu, le cas échéant, nous nous réservons le droit d’exprimer nos désaccords avec tel ou tel élément de ses points de vue.
2. Lois de 1924, promulguées par les Travaillistes et les Afrikaners alors au pouvoir.
3. Sur les difficultés "spécifiques" de la classe ouvrière blanche voir Revue internationale n° 154, chapitre "L’apartheid contre la lutte de classe", ou encore dans cet article, chapitre "La lutte de libération nationale contre la lutte de classe".
4. Voir Revue internationale n° 154.
5. Cercle Léon Trotski, Exposé du 29/01/2010, site Internet www.lutte-ouvrirère.org
6. Lucien van der Walt. Site Internet https://www.zabalaza.net
7. Lucien van der Walt, Ibid.
9. Hepple A. Les travailleurs livrés à l’apartheid, cité par B. Lachartre, Ibid
10. Pan-Africanist Congress, une scission de l’ANC.
11. Auteurs de Durban Strikes 1973.