Editorial de la Revue internationale n°155 (été 2015)

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En ce mi-2015, le centenaire de la Grande Guerre – comme on l’appelle toujours – est derrière nous. Les gerbes de fleurs devant les monuments aux morts se sont fanées depuis bien longtemps, les expositions temporaires dans les mairies sont consignées aux oubliettes, les politiciens ont fait leurs beaux discours hypocrites, et la vie peut reprendre son cours qui passe pour être “normale”.

Mais en 1915, la guerre est tout sauf terminé, au contraire. Plus personne n’a la moindre illusion que les soldats seront rentrés chez eux “avant Noël”. Depuis que l’avance de l’armée allemande a été stoppée sur la Marne en septembre 1914, le conflit s’est enlisé dans une guerre de tranchées. Lors de la deuxième bataille d’Ypres, en avril 1915, les allemands pour la première fois ont lâché des gaz de guerre qui seront bientôt utilisés par les armées des deux côtés. Les morts se comptent déjà par centaines de milliers.

La guerre sera longue, ses souffrances terribles, son coût ruineux. Comment faire accepter l’horreur aux populations qui le subissent ? C’est à cette tâche cynique que s’attèle les bureaux de propagande des différents Etats, et c’est le sujet de notre premier article. En ceci, comme en tant d’autres domaines, 1914 marque l’entrée dans une période charnière qui verra l’installation progressive d’un capitalisme d’Etat omniprésent, comme seule réponse possible à la décadence de sa forme sociale.

Avec 1915 nous commençons à voir aussi les premières signes d’une résistance ouvrière, notamment en Allemagne où la fraction parlementaire du parti socialiste, le SPD, ne vote plus unanimement les crédits de guerre comme il avait fait en août de l’année précédent. Les révolutionnaires Otto Rühle et Karl Liebknecht, qui les premiers ont rompu les rangs pour s’opposer à la guerre, sont rejoints par d’autres. Ce mouvement d’opposition à la guerre, regroupant une poignée de militants des différents pays belligérants, donnera lieu en septembre 1915 à la première conférence de Zimmerwald.

Les groupes qui se réunissaient dans le village suisse de Zimmer
wald étaient loin de présenter un front uni. A côté des bolcheviques révolutionnaires de Lénine, pour qui seule la guerre civile pour le renversement du capitalisme pouvait répondre à la guerre impérialiste, se trouvait un courant – bien plus nombreux – qui espérait encore trouver un terrain d’entente avec les partis socialistes passé à l’ennemi. On appelait ce courant “centriste”, et il allait jouer un rôle important dans les difficultés et dans la défaite de la révolution allemande de 1919. C’est justement le thème d’un texte interne écrit par Marc Chirik en décembre 1984 dont nous publions ici de larges extraits. L’USPD centriste n’est plus, mais on aurait tort de penser que le centrisme comme type de comportement politique n’ait disparu pour autant ; bien au contraire, comme le montre ce texte, il est même particulièrement caractéristique de la décadence du capitalisme.

Pour conclure, nous publions également dans la Revue Internationale n° 155 un nouvel article dans notre série sur la lutte des classes en Afrique, en particulier ici en Afrique du Sud. Celui-ci traite de la période sombre qui va de la Deuxième Guerre mondiale à la reprise mondiale des luttes à la fin des années 1960 ; malgré la division imposée par le régime d’apartheid, il montre que la lutte ouvrière a bien survécu, et qu’elle est très loin de se résumer à un soutien accessoire au mouvement nationaliste dirigé par l’ANC de Nelson Mandela.

CCI, juillet 2015