Face à l’impasse du capitalisme, seul le prolétariat porte un avenir

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Un panorama de la situation internationale montre l’accentuation de la barbarie et du chaos mondial. La série impressionnante d’attentats durant cet été, frappant de nouveau le cœur du monde capitaliste, ajoutée à la guerre au Moyen-Orient, en sont des illustrations tragiques.

L’impasse d’un mode de production barbare

Quelles que soient les cliques au pouvoir et leurs mesures sécuritaires, elles étalent leur impuissance et la vacuité de leurs promesses lorsqu’elles prétendent vouloir améliorer notre quotidien et notre sécurité. En réalité, leurs conduites sont totalement dictées par des objectifs inverses : assurer l’exploitation maximale du travail salarié en temps de crise et défendre des intérêts impérialistes où les civils sont otages de quadrillages militaires et policiers. Tout ceci confirme l’impasse historique d’une classe dominante bourgeoise à bout de course, soufflant la peste et le choléra pour maintenir ses privilèges et son mode de production obsolète. Au quotidien, la corruption, l’aggravation des tensions entre fractions et cliques bourgeoises, la spirale de la violence, le chômage massif et la paupérisation sont les œuvres majeures d’une crise économique chronique, expression d’un mode de production capitaliste dont l’agonie prolongée menace aujourd’hui l’espèce humaine. Malgré les tentatives désespérées de la part de la classe dominante pour faire émerger des fractions plus lucides, responsables et présentables, comme ce fut le cas en France avec la tentative cependant réussie de mettre au pouvoir un Macron, le discrédit politique des partis traditionnels et les personnalités en panne d’inspiration conduisent le plus souvent les moins aptes à la “gouvernance” pour défendre les intérêts supérieurs du capital : incapacité d’entreprendre de réelles politiques globales et cohérentes, d’avoir une vision en profondeur sur le long terme (autre que celle du profit et de la rentabilité immédiate). Ce phénomène est alimenté par le “populisme”, un produit de la décomposition capitaliste qui s’est enkysté insidieusement dans la société. Dans plusieurs pays, la classe dominante en vient de ce fait à perdre graduellement le contrôle des rouages politiques qu’elle a durant des décennies utilisé pour tenter de freiner les effets politiques les plus néfastes et délétères du capitalisme en faillite. L’État et les fractions les plus conscientes de la bourgeoisie tentent bien de réagir, ponctuellement avec quelques succès, comme on vient de le souligner pour le cas Macron, mais ceci ne fait que retarder ou ralentir ce processus, sans vraiment pouvoir l’enrayer définitivement. Ce dernier s’aggrave au contraire en détériorant la situation. Et en effet, depuis le Brexit et l’élection de Trump, les incertitudes, les revirements et l’imprévisibilité la plus totale n’ont fait que donner un coup de fouet à la dynamique du “chacun pour soi” et à la barbarie croissante. Un peu partout dans le monde, les hommes politiques, au centre des grandes décisions, tendent à exprimer la part la plus sombre de leur personnalité. On observe un Poutine manipulateur et paranoïaque, tout comme Érdogan en Turquie est adepte du culte de la personnalité, un Maduro jusqu’au-boutiste prêt à tout “brûler” au Venezuela, s’agrippant coûte que coûte au pouvoir, un Duterte dirigeant les “escadrons de la mort” et prêt à tuer n’importe quel opposant et à s’en vanter ouvertement, un Kim-Jong-Un, colérique et provocateur, véritable psychopathe..., la liste est trop longue pour continuer. Le plus frappant, c’est surtout qu’au cœur même de grandes nations, notamment de la première puissance mondiale, les États-Unis, on trouve des personnalités comme par exemple un Trump, totalement narcissique, pétri lui aussi de brutalité et d’imprévisibilité. En Grande-Bretagne, les volte-face de Theresa May rendent l’avenir de l’UE très incertain. Comment expliquer la simultanéité de ces profils, aussi multiples que tristement semblables, auparavant l’apanage de quelques “républiques bananières”   ?

Tout cela n’est pas le fruit, selon nous, d’un simple hasard, mais un produit de la période historique actuelle. La phase ultime de décomposition du mode de production capitaliste marque l’histoire et la personnalité des hommes de son empreinte. Elle exprime leurs limites en dictant presque leurs actes, ceux de l’impuissance marquée par le sceau de l’aveuglement, de l’irresponsabilité, de l’immoralité et quasiment une soif de répression et de terreur, en se déclarant prêts à faire couler le sang... Parmi les réflexions les plus remarquables du mouvement ouvrier sur la question des portraits politiques, on peut se remémorer les écrits de Trotski : “certains traits de ressemblance sont, naturellement, dus au hasard et n’ont, dans l’histoire, qu’un intérêt anecdotique. Infiniment plus importants sont les traits greffés ou directement imposés par de toutes puissantes circonstances, qui jettent une vive lumière sur les rapports réciproques de l’individu et des facteurs objectifs de l’histoire.1 Exprimant tout en finesse par un cadre théorique les portraits et les destins croisés du tsar Nicolas II de Russie et du roi Louis XVI en France, Trotski a su parfaitement dépeindre les marques du déclin historique sur ces célèbres figures de l’aristocratie : “Louis et Nicolas étaient les derniers rejetons de dynasties dont la vie fut orageuse. En l’un et l’autre, un certain équilibre, du calme, de la “gaieté” aux minutes difficiles exprimaient l’indigence de leurs forces intimes de gens bien éduqués, la faiblesse de leur détente nerveuse, la misère de leurs ressources spirituelles. Moralement castrats, tous deux, absolument dénués d’imagination et de faculté créatrice, n’eurent que tout juste assez d’intelligence pour sentir leur trivialité et ils nourrissaient une hostilité jalouse à l’égard de tout ce qui est talentueux et considérable. Tous deux se défendirent contre l’invasion d’idées nouvelles et la montée de forces ennemies. L’irrésolution, l’hypocrisie, la fausseté furent en tous deux l’expression non point tant d’une faiblesse personnelle que d’une complète impossibilité de se maintenir sur des positions héritées.2 Et il ajoute ceci : “les déboires de Nicolas comme ceux de Louis provenaient, non de leur horoscope personnel, mais de l’horoscope historique d’une monarchie de caste bureaucratique. Tous deux étaient, avant tout, les rejetons de l’absolutisme.” Avec la phase de décomposition du capitalisme, on atteint une dimension supplémentaire car les deux dernières classes fondamentales de l’histoire : la bourgeoisie et le prolétariat, dans leur confrontation réciproque, ne parviennent pas pour l’instant à affirmer une perspective ouverte au sein de la société, à donner un sens visible pour notre futur. Notre époque trouve aussi ses “rejetons”, des Louis XVI et des Nicolas II à foison presque plus caricaturaux... Porteurs d’idéologies de plus en plus marquées par la décomposition et du fait de l’absence d’une alternative révolutionnaire pour l’instant, les dirigeants bourgeois ne nous offrent que l’odeur de la terre brûlée. La société est comme bloquée, enfermant l’humanité dans la prison tragique de l’immédiat, plongeant ainsi le monde dans la le chacun pour soi, la rapine, le chaos et la barbarie croissante.

La politique populiste aggrave la situation mondiale

Depuis l’élection de Trump, la situation mondiale s’est fortement dégradée. De par le contexte historique particulier, les actes d’un tel personnage, inspirés par ses vues étriquées de dirigeant d’entreprise despote et mégalomane, animé par une sorte de révolte sournoise, obscurantiste et paradoxalement “anti-élite” qui s’était déjà installée comme référent au sein de la société civile, le pousse à rompre avec les traditions et les codes d’un ordre établi de plus en plus rejeté.

On peut en illustrer les conséquences. On a vu la politique américaine de Trump mettre de l’huile sur le feu en entrant dans le jeu des surenchères militaires avec la Corée du Nord, soulignant en arrière-plan un réel bras de fer de plus en plus tendu et dangereux avec la Chine et d’autres puissances asiatiques. Autre exemple significatif parmi tant d’autres, la conduite de Trump au Moyen-Orient, remettant en cause la politique traditionnelle des États-Unis par des revirements diplomatiques brutaux, notamment contre l’Iran, jetant aussi de l’huile sur le feu de cette poudrière. Du coup, les États-Unis, puissance déclinante, apparaissent encore moins “fiables”, d’autant qu’ils sont eux-mêmes aspirés par la dynamique des tensions militaires, poussés à faire usage des armes sans pouvoir freiner la spirale de guerre. Il en est ainsi à Mossoul, où la guerre entre la coalition et Daesh se soldent par 40000 morts civils, annoncés en catimini par les média, sans qu’une alternative visible au chaos et aux cendres n’apparaisse pour cette région. Alors que le but affiché était de “lutter contre le terrorisme”, le résultat a été contraire : une vague d’attentats accrue, ponctuée par exemple par les tragiques événements de Barcelone et par la recrudescence d’un flux de réfugiés tentant de fuir la guerre et la misère au péril de leur vie. Ces derniers sont, soit refoulés vers des camps, soit livrés à la mort en Méditerranée. L’absence totale de vision politique, l’enlisement dans une logique de guerre ne font que généraliser la violence et les mécanismes de vengeances, diffuser les métastases du terrorisme, diluer et généraliser l’influence de l’idéologie djihadiste vers des zones géographiques plus larges et étendues, comme en Afghanistan.

Ces tensions au Moyen-Orient, porteuses de guerre, ne sont pas uniques. Dans le même sens, les annonces de Trump d’une possible intervention militaire américaine au Venezuela n’ont fait que durcir la position de Maduro au lieu d’apaiser la situation, ce dernier instrumentalisant cette menace américaine pour justifier sa politique. Sur le plan de la politique intérieure aux États-Unis, les déclarations et les actes politiques de Trump n’ont fait que s’accumuler, là aussi, aiguisant les tensions et le discrédit gouvernemental, par exemple les sympathies affichées par le président envers les activistes les plus racistes de l’extrême-droite après les récents incidents de Charlottesville, en Virginie. Tout ceci n’a fait qu’exacerber les tensions au sein même de l’État, ce qui affaiblit d’autant l’image des États-Unis et surtout de son chef dans le monde.

Mais ces tensions politiques et militaires aggravées ne sont pas les seules expressions de l’impasse historique dans laquelle nous plongent le capital et ses dirigeants corrompus. Les décisions prises alimentent aussi la guerre commerciale. Le renforcement du protectionnisme et du “chacun pour soi” économique, malgré une sonnette d’alarme comme celle de la crise financière de 2008, la politique de fermeture exclusive “America First”, ne peut que plonger davantage le monde dans la crise globale, le chômage massif et la misère sociale. La guerre commerciale exacerbée génère en plus des désastres écologiques. Les déclarations de Trump, dépassant les plus audacieuses revendications des lobbies du pétrole, révélant sa froide désinvolture vis-à-vis du réchauffement climatique, ironisant sur les accords de Paris (COP 21) qui avaient pourtant permis à la bourgeoisie de s’acheter une bonne conscience, traduisent bien la folie du capital. Malgré les beaux discours “green washing” dont nous ont abreuvés les média, la réalité du système capitaliste plonge le monde dans un environnement de plus en plus dégradé.

Bref, ce que nous pouvons observer, c’est que les superstructures idéologiques de la société bourgeoise, qui sont affectées par la réalité et l’impasse du mode de production capitaliste en décomposition, agissent elles-mêmes comme forces matérielles de destruction. L’absence de perspective qui affecte la société constitue une lourde entrave pour la seule classe potentiellement capable d’opposer une véritable alternative révolutionnaire, le prolétariat. Le fait de sa perte d’identité de classe et de la propagande cherchant à dénaturer et attaquer son combat révolutionnaire, oblige le milieu politique prolétarien et une organisation révolutionnaire comme le CCI à un très grand esprit de responsabilité. Parce qu’elle est porteuse d’un programme et dotée d’une expérience liée à celle de toute l’histoire du mouvement ouvrier, l’organisation révolutionnaire est indispensable pour favoriser la réflexion et permettre à la classe ouvrière de renouer avec son passé, en particulier celui de la vague de luttes internationales des années 1920, notamment le combat des bolcheviks qui a permis la victoire de l’Octobre rouge. Au moment du centenaire de la Révolution de 1917 en Russie, il s’agit de renouer avec les leçons fondamentales de cette expérience irremplaçable. C’est en s’appropriant ce passé de façon critique, avec un esprit de combat, que le prolétariat pourra préparer à nouveau un futur digne de la communauté humaine mondiale. C’est en combattant pour cette perspective que les révolutionnaires doivent se donner les moyens de défendre les principes du communisme : une société sans classe et sans exploitation.

WH, 28 août 2017

1 Léon Trotski, Histoire de la Révolution russe, Tome 1.

2Idem.

 

 

Rubrique: 

Situation internationale