Enlèvement de lycéennes au Nigeria: cinq ans de carnages sur fond d’hypocrisie capitaliste

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Voilà cinq ans que la population du nord du Nigeria vit dans l’horreur et la terreur. Depuis 2009 et son appel au djihad, Boko Haram n’a de cesse de commettre les pires exactions. Ce groupe terroriste massacre tous ceux qui semblent s’écarter de sa doctrine islamiste : villageois, écoliers… Rien que depuis le début de cette année, l’ONG Amnesty International estime que leurs crimes ont fait mille cinq cents victimes. L’objectif est simple : faire appliquer la charia, la loi islamique. Ce groupe et son idéologie barbare sont incontestablement une expression caricaturale de la décomposition du capitalisme. Il s’agit en particulier d’écarter tout ce qui relève de la culture et de l’éducation dite “moderne” ou “occidentale”, “Boko Haram” signifiant littéralement “l’éducation occidentale (ou moderne) est interdite”. Leur dernier exploit macabre vient d’ailleurs de faire la Une des médias de toute la planète : le 14 avril, ces terroristes ont enlevé deux cent soixante-seize lycéennes dans leur dortoir à Chibok. Ils ont ensuite fanfaronné devant les caméras pour annoncer leur mise en vente comme esclaves. Si cinquante-trois d’entre elles sont parvenues à s’échapper, un mois après, personne ne sait ce que sont devenues les deux cent vingt-trois autres jeunes filles.

De l’indignation légitime des prolétaires…

L’indignation face à une telle barbarie a secoué immédiatement les réseaux sociaux dans tous les pays. Le 23 avril est ainsi apparu sur le Web le mot clef #Bring Back Our Girls (Rapportez nos filles), mot d’ordre relayé spontanément en quelques jours par des millions d’internautes. Il s’agit là d’une réaction saine, d’un refus de rester indifférent, d’un refus de s’habituer aux pires atrocités commises chaque jour dans ce monde barbare. La classe laborieuse, comme en grande partie les couches non-exploiteuses, qui subissent partout les mêmes conditions indignes, sont ainsi souvent bouleversées par le sort d’autres êtres humains qui leur sont inconnus mais avec qui elles se sentent pourtant liées. Dans ce sentiment instinctif d’appartenir à une seule et même humanité, à se solidariser, voire à s’unir pour lutter, recèle l’une des clefs de l’avenir.

… au cynisme de la bourgeoisie

La grande bourgeoisie, par la bouche de ses dirigeants politiques, son intelligentsia, ses figures médiatiques… s’est elle aussi fendue de déclarations afin de manifester tout son émoi et sa solidarité. Ainsi, entre autres exemples, Michelle Obama, la Première dame des États-Unis, posant ci-contre pour la photo.

Cette image a fait le tour du monde comme symbole de la mobilisation des puissants pour ces 223 jeunes filles en danger. Quel cynisme ! Quelle hypocrisie sans borne ! Si Boko Haram est un rassemblement de fous fanatiques meurtriers, la grande bourgeoisie est tout aussi barbare. Cette classe dirige un système d’exploitation inhumain et ne recule devant rien pour défendre ses intérêts. C’est froidement et en toute conscience qu’elle commet des massacres de masse, à grande échelle : les deux guerres mondiales, le Vietnam ou la Corée, la guerre du Golfe en 1991, celles d’Afghanistan ou d’Irak dans les années 2000… la liste des boucheries impérialistes est sans fin. A ses yeux, la vie des esclaves n’a aucune valeur. D’ailleurs, concrètement, derrière le paravent médiatique, dans le monde réel, au Nigeria, ce sont les parents qui sont partis à la recherche de leurs propres filles, se cotisant pour payer l’essence.

Tout ce cirque médiatique ne visait en réalité qu’une seule chose, redorer à peu de frais le vernis des dirigeants politiques des grands pays démocratiques. Quelques belles photos, quelques déclarations, quelques clics sur les réseaux sociaux et pourquoi pas quelques larmes de crocodiles devant les caméras, voilà comment tous ces bouchers veulent nous faire oublier leurs propres croisades sanguinaires.

Cette grande propagande internationale n’est une fois de plus qu’une immense opération de marketing destinée à régénérer l’idéologie démocratique en profitant de la barbarie. La guerre menée par Boko Haram, même si elle ne semble pas directement affecter l’économie du pays, une des premières du continent africain, le pétrole, les grandes villes, les zones de production étant toutes au sud quand le groupuscule terroriste décapite et éviscère à tour de bras dans le nord, apparaît comme une opportunité pour orchestrer une campagne médiatique efficace, une campagne qui laisse dans l’ombre le véritable mobile de son agitation. Même si l’intérêt purement économique et immédiat pour les grandes puissances d’intervenir directement paraît a priori assez limité, nul doute que les requins impérialistes tournant autour de cette région géostratégique voient par contre une occasion pour essayer de s’implanter militairement face à leurs rivaux. Ainsi, le 6 mai, les États-Unis ont annoncé l’envoi de forces armées ; puis la France leur a emboîté le pas en annonçant, le 7 mai, l’envoi d’une “équipe spécialisée” et le Royaume-Uni mobilisera bientôt lui aussi des “conseillers spéciaux” et des forces spéciales de son armée de l’air. Tous ces gens cyniques se moquent et se fichent totalement des lycéennes ! L’expérience nous montre la signification de ces élans humanitaires des représentants de la grande bourgeoisie : un même alibi pour avancer, encore une fois, leurs pions respectifs dans la guerre impérialiste sans merci que les nations se livrent continuellement.

DG, 15 mai 2014

 

Rubrique: 

Décomposition du capitalisme