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LES DROITS DEMOCRATIQUES CONTRE LA LUTTE DE CLASSE
■ Pour les idéologues bourgeois, l'Etat est l'émanation de la souveraineté populaire. La démocratie est la forme suprême de l'Etat, l'achèvement et la perfection de son être. Le marxisme y voit cependant tout autre chose. Dévoilant la division de la société en classes, il démontre qu'il ne saurait y avoir communauté d'intérêts entre exploités et exploiteurs. Par conséquent, l'Etat, loin de gérer un prétendu bien commun, n'est jamais qu'une trique aux mains de la classe exploiteuse. Cela reste vrai même si la démocratie étend son voile hypocrite sur les rapports de classe et ne laisse paraître que les "citoyens égaux et libres". Derrière la liberté et l'égalité formelles, descend l'ombre du bâton dont la classe oppresseuse se sert pour assujettir la classe opprimée.
Pour comprendre la fonction première de la démocratie, on peut méditer ces mots d'Engels : "...au moment de la révolution, elle aura son importance en tant que PARTI BOURGEOIS EXTREME... A ce point, toute la masse des réactionnaires s'aligne dans sa foulée et la renforce, tout ce qui est réactionnaire se donne des allures démocratiques... (ce qui fait que) notre seule ennemi au moment et au lendemain de la crise sera l’ENSEMBLE DE LA REACTION REGROUPEE AUTOUR DE LA DEMOCRATIE PURE" (Engels, 1884, lettre à Bebel).
C'est vrai lorsque la crise révolutionnaire frappe à la porte, mais tend également à se réaliser dès que les affrontements de classe se durcissent. Les luttes prolétariennes trouvent alors sur leur chemin le mirage démocratique et parlementaire, destiné à les égarer, à ramollir ou écarter les assauts qu'elles portent à l'Etat bourgeois, à freiner ou disloquer leur élan, à les emporter sans force loin de leur but. Car si "l'appareil exécutif, militaire et politique de l'Etat bourgeois organise l'action directe contre la révolution prolétarienne, la démocratie représente pour lui un moyen de défense indirecte en répandant dans les masses l'illusion qu'elles peuvent réaliser leur émancipation par un processus pacifique" (thèses de la Gauche italienne, 1920). De ce moyen de défense indirecte, aucun Etat de la classe dominante ne peut durablement se passer sans chauffer à blanc les antagonismes sociaux.
démocratie et état fort sont complémentaires
Nous avons établi que la démocratie servait principalement de tampon entre la machine étatique et la classe ouvrière ; au détriment non de la première, mais de la seconde. Dans le cours au renforcement de l'Etat, la légalité "démocratique" est d'ailleurs la plus avantageuse pour la bourgeoisie. Elle n'a nul besoin de liquider son arsenal démocratique pour augmenter ses capacités de répression brutale. C'est au contraire sous la démocratie que l'Etat bourgeois se renforce LE MIEUX : il gagne en puissance matérielle, sans pour autant rien perdre en puissance idéologique. Il faut apprécier avec réalisme cette tendance de la démocratie â se blinder "contre la subversion", à se doter des capacités de répression les plus modernes pour faire face à la lutte de classe (comme l'indique la campagne anti-terroriste de la bourgeoisie, prétexte au déploiement, béni par la gauche, de ses forces policières). Voir dans le blindage de la démocratie une tendance qui ne peut être inversée, mais que seule la révolution prolétarienne pourra briser par la destruction de l'Etat bourgeois, n'est nullement propager le pessimisme dans la classe ouvrière. A moins de croire réellement que la bourgeoisie ne se préparé pas pour le moment crucial et renoncera à se défendre si les codes démocratiques sont suffisamment exprimés dans un texte de loi. Une fatale illusion qui a creusé la tombe de plus d'une révolution quand la bourgeoisie, acculée, s'est mise à violer tous les chapitres de sa propre légalité.
que signifient aujourd’hui les «droits démocratiques» ?
Au siècle dernier, lorsque le capitalisme était un mode de production progressif, il existait la possibilité pour la classe ouvrière d'obtenir un certain nombre d'améliorations et de garanties au sein du système. A cette époque, malgré les illusions qu'elles pouvaient déjà favoriser, et que les révolutionnaires dénonçaient, les luttes pour certains de ces "droits" avaient un sens. C'est notamment vrai pour le suffrage universel qui permettait, d'une part, l'utilisation du parlement comme tribune de laquelle les partis ouvriers pouvaient mettre en avant ce qui distinguait le prolétariat des autres classes de la société; d'autre part, d'apporter un soutien aux secteurs les plus dynamiques de la classe dominante contre les vestiges de la féodalité afin de hâter le développement du capitalisme et donc des conditions de sa disparition. Mais, aujourd'hui, alors que le capitalisme est un système décadent, qui ne peut accorder de réelles améliorations à la classe ouvrière, au sein duquel tous les secteurs de la classe dominante sont réactionnaires au même titre que le système lui-même, on peut se demander ce que valent ces "droits démocratiques" dont parle l’extrême-gauche. Effectivement, ces droits, quels sont-ils ?
C'est le droit pour le prolétaire, après avoir sué tant et plus pour le capital, de coucher sur papier son mécontentement, de le faire publiquement et même de se rassembler avec d'autres pour en parler... dans la mesure bien sûr où aucune lutte n'en découle, sinon la police intervient et rappelle très vite que la "démocratie a aussi ses devoirs".
C'est le droit, après avoir trimé durement dans les bagnes industriels, de se faire arnaquer par les syndicats pour tenter de récupérer une partie de ce que le capital nous vole, et pour finalement ne pas même récupérer des miettes parce que les syndicats ne sont là que pour protéger les profits du capital.
C'est la liberté de croire que si tel ou tel parti accédait à l'exécutif de l'Etat, la société changerait, de telle sorte que nous devrions nous échiner à élire parti sur parti dans l'espoir de voir leurs promesses se réaliser. Bref, les "libertés démocratiques" sont la consolation offerte par la bourgeoisie à ses esclaves salariés et elles culminent dans la liberté... d'être humble et soumis à l'ordre établi. Qui nous fera croire après ça qu'une autre classe que la bourgeoisie a intérêt à la démocratie politique ?
Dans la propagande des gauchistes, les "libertés constitutionnelles" sont pour le prolétariat la première chose à acquérir. Dans leur vision de la lutte de classe, le prolétariat apparaît comme un ver rampant, la classe opprimée la plus lâche et la plus insensée de l'histoire. Car si les esclaves du passé avaient d'emblée leurs propres révoltes, les serfs les jacqueries, la bourgeoisie les grandes révolutions anti-féodales ; le prolétariat n'a qu'un itinéraire absurde : d'abord lutter avec les méthodes bourgeoises pour des objectifs bourgeois (par exemple, avec les syndicats pour la mystification de "droit de grève"), ensuite seulement envisager la révolution. Comme si après avoir fait siens des buts et des moyens opposés à ses propres buts et moyens, on pouvait songer sérieusement à renverser l'ennemi de classe !
Mais, ici, le gauchisme sursaute et se colore d'indignation. Il crie au scandale, tablant sur le sens commun et l'opinion courante : "Quoi ! Pour ces misérables pourfendeurs de démocratie, la lutte contre l'arbitraire, pour la liberté d'association, d'expression, etc. n'est pas valable en tous temps et de n'importe quelle manière ?" Bien sûr que non, faux dévêts, elle ne Test pas. Les révolutionnaires ne sont nullement favorables aux libertés EN GENERAL qui toujours cachent la dictature bourgeoise. D'abord parce qu'ils sont partisans de la dictature du prolétariat comme transition nécessaire vers le communisme, c'est-à-di- dire d'un pouvoir qui SUPPRIMERA pour les classes exploiteuses ces fameuses libertés politiques dont on parle tant. Ensuite, parce qu'il vaut mieux faire grève pour les intérêts réels de la classe ouvrière, plutôt que pour obtenir... le "droit de grève" accordé par la bourgeoisie, qui ne sera jamais que la garantie verbale de ne pas réprimer la grève, en d'autres termes, du vent. Qui serait assez naïf pour croire que si la grève menaçait véritablement ses intérêts, la bourgeoisie resterait inactive parce qu'elle a promis de le rester ? Seuls ceux qui ont orienté tous leurs espoirs sur l’obtention de cette promesse, en la prenant pour argent comptant, seront surpris lorsque la classe dominante leur cassera l'échine.
L'extrême-gauche, quant à elle, s'affirme partisane de la "liberté de grève": elle montre par-là que la classe ouvrière dont elle rêve, n'est que la classe qui SE SOUMETTRA TOUJOURS ! Tant que les prolétaires feront la grève pour se voir garantir le droit de grève, écriront pour avoir le droit d'écrire, parleront pour avoir le droit de parler, la bourgeoisie ne sera jamais menacée.
Mais quand la classe ouvrière fera grève sans concessions, exprimera ses intérêts généraux antagoniques au capital, écrira et parlera d'insurrection avec la ferme intention de la mettre eri pratique, les fusils de la classe bourgeoise tonneront, quel que soit le "degré de la démocratie". Le gauchisme voudrait établir un "statu quo" entre les deux classes antagoniques. Et pour cela il propose aux prolétaires, ni plus ni moins... de ne pas lutter, de prendre des airs courtisans à l'affût de phrases onctueuses et de caresses empoisonnées. Encore les courtisans savaient-ils s'y prendre. Les prolétaires n'en retireraient qu'une honte sans avantage. En somme, le programme du gauchisme revient à dire que le plus sûr moyen d'empêcher la répression de s'abattre sur la révolution est encore de supprimer la révolution ; et en lieu et place de lutter pour elle, de dévoyer les combats prolétariens en leur donnant comme objectifs des "droits" vides de sens qui ne renforcent que les illusions propagées par la société bourgeoise.
la Position des révolutionnaires sur la démocratie
Toutes ces constatations ne nous empêchent évidemment pas d'affirmer pour le prolétariat le "droit" de combattre la domination bourgeoise. Faut-il beaucoup discuter pour comprendre la différence entre ce "droit" et celui que l'extrême-gauche revendique pour la classe ouvrière ? Le marxisme est partisan de la COALITION des ouvriers pour limiter les empiétements du capital, de l'EXPRESSION par la parole et l'écrit de leurs revendications de classe, et même plus, de leur ORGANISATION comme CLASSE REVOLUTIONNAIRE pour renverser l'Etat bourgeois et le capitalisme.
Jamais la classe dominante ne pourra admettre le "droit", historique du prolétariat à la balayer, elle et toute sa société d'oppression et d'exploitation.
Ce "droit", le prolétariat le tire non d'une constitution stalinienne qui le proclame, ni de principes moraux, mais de sa seule FORCE. Quant à ses possibilités d'association, de réunion, de diffusion d'une presse, etc. -exigences pratiques de sa vie-, il doit les IMPOSER par la lutte contre l'Etat bourgeois, non pour se maintenir dans des positions défensives, mais pour se préparer â l'assaut final.
Rien de commun, on le voit, avec la démocratie bourgeoise et ses prétendues garanties. Mais, au contraire, la plus ferme détermination d'affronter la terreur bourgeoise, démocratie ou fascisme, sur un terrain de classe : par la préparation, l'organisation de la lutte révolutionnaire. Lorsque la classe ouvrière s'émancipera de ses illusions dans la démocratie, elle n'exigera pas un nouveau "droit", un "droit prolétarien" à la révolution ; mais concrétisera son devoir historique de renverser le vieux monde par la destruction de tout l'appareil politique, économique, juridique du capitalisme.
(D'après Internationalisme n°23).