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ICConline - septembre 2014

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La falsification de l'histoire dans les programmes scolaires

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Dans les sociétés de classe, l'éducation est un outil de domination. La société capitaliste n'échappe guère à cette logique et amplifie même le phénomène en le rationalisant. Le système scolaire a pour fonction de former de futurs travailleurs dociles et utiles aux intérêts de la bourgeoisie. Pour ce faire, les établissements scolaires cherchent à formater idéologiquement les esprits des jeunes écoliers mais aussi à dresser les jeunes corps pour qu'ils soient adaptés aux exigences du travail salarié. L'école est donc un établissement disciplinaire à tous points de vue. En aucun cas, elle ne permet l'épanouissement personnel et le développement de l'esprit critique.1 L'enseignement de l'histoire-géographie-éducation civique dans le cycle secondaire montre par exemple à quel point le système éducatif bourgeois fait partie intégrante de l'idéologie dominante. Les programmes d'histoire ont toujours été construits pour et par la propagande d'État.2 Leur structure vise à ancrer la "réalité" de l'ordre social bourgeois. De fait, l'enseignement de cette discipline participe à la falsification du véritable passé des sociétés humaines. Ainsi, les jeunes générations d'ouvriers sont maintenues dans un climat d'ignorance favorable à la perte de l'esprit critique. Il s'agit donc de dénoncer la propagande appliquée par l'État bourgeois dans la formation des futurs ouvriers.

A la recherche du communisme primitif

En tant que savoir académique, l'histoire débute avec l'apparition de l'écriture vers le milieu du IVe millénaire avant notre ère. En concordance avec cela, les savoirs sur les sociétés passées dans les programmes commencent approximativement à la même période puisque le premier chapitre d'histoire en classe de 6e porte sur les civilisations égyptienne et mésopotamienne. Ces sociétés ont déjà atteint un niveau de développement particulier :

- Elles sont inégalitaires et divisées en classes sociales.

- L’État a atteint un niveau de sophistication important.

- La prépondérance du roi et des prêtres en tant que symboles politiques et idéologiques est fortement ancrée.

Si l'on suit la logique des programmes, les sociétés humaines sont originellement organisées de cette façon. Sans raison apparente, ils offrent à penser à un jeune collégien que l'Égypte des pyramides ou les cités d'Ur ou de Babylone sont les premières traces de la vie des Hommes en société. Or, notre espèce est vieille de plusieurs centaines de millier d'années et le choix d'en rogner la quasi-totalité n'est en rien arbitraire. En prenant comme point de départ l'Égypte des pharaons et les cités de Mésopotamie, la bourgeoisie souhaite marteler le caractère déterministe des inégalités sociales. Il s'agit d'ancrer l'idée que les sociétés sont depuis "la nuit des temps" divisées entre dominants et dominés. Cette vision profondément conservatrice a pour fonction de légitimer l'ordre social capitaliste et de l'ancrer dans les esprits des jeunes collégiens. En simplifiant, voici le message que l’État demande au professeur de transmettre aux élèves : "les inégalités, la domination, l'État, les chefs ont toujours existé et il ne peut en être autrement dans le futur. Autrement dit, les hommes sont naturellement portés à se dominer les uns les autres."

Pourtant, les acquis de la science et du marxisme offrent une vision tout à fait différente des premiers temps de l'humanité. En effet, "durant la plus grande part de son histoire, pendant des centaines de milliers, peut-être des millions d'années, l'humanité a vécu dans une société sans classe, formée de communautés où l'essentiel des richesses était partagé, sans que n'interviennent ni échange, ni argent ; une société organisée non par les rois ou les prêtres, les nobles ou la machine étatique mais par l'assemblée tribale. C'est à un tel type de société que se réfèrent les marxistes, lorsqu'ils parlent de "communisme primitif."3 Cette vision est profondément déconcertante pour l'idéologie bourgeoise. Ainsi, à l'école comme ailleurs, le communisme primitif est nié ou minimisé dans le but d'affirmer que le communisme reste un idéal inatteignable dans la réalité. Sans les magnifier,4 ces sociétés nous donnent des indications inverses. A savoir que les hommes sont capables de mettre la solidarité, l'entraide et le partage au centre de l'organisation sociale.

Dans sa quête de vérité, le marxisme a permis de comprendre que l'émergence de l'exploitation est le résultat d'un processus historique. En niant le mouvement de l'histoire, la bourgeoisie falsifie l'évolution de l'humanité. Elle n'incite pas les jeunes générations à se questionner sur les origines de notre espèce. La classe dominante a bien conscience que sans comprendre notre passé il est très difficile d'entrevoir les possibilités d'une société future. Ainsi, elle fait tout pour brimer la curiosité et l'esprit critique des élèves sur ces questions.

La dissolution de la lutte des classes

Pour les marxistes, "l'histoire de toute société jusqu'à nos jours est l'histoire de la lutte des classes."5 En effet, depuis plusieurs millénaires, les antagonismes de classes forment le "moteur de l'histoire", sa dynamique, son mouvement. Opprimeurs et opprimés mènent "une lutte ininterrompue, qui finit toujours soit par une transformation révolutionnaire de la société toute entière, soit par la ruine commune des classes en lutte."6 Bien évidemment, le système scolaire bourgeois rejette totalement ce point de vue. Pour preuve, la place faite aux révoltes ou aux mouvements de renversement de l'ordre social au cours du temps est quasiment inexistante dans les programmes et les manuels scolaires. Les révoltes d'esclaves dans la société antique, les mouvements hérétiques ou les révoltes paysannes au sein de la société féodale, les luttes du mouvement ouvrier depuis le XIXe siècle sont loin de former le cœur des chapitres abordés au cours de l'année. Ou alors, ces événements sont traités par le biais d'une problématique qui en dévoie totalement la signification. Prenons l'exemple de la Commune de Paris de 1871. Cette question est abordée en classe de 4e dans le cadre du chapitre "L'évolution politique de la France (1815-1914)". L'objectif est de montrer la façon dont la République s'impose en France à partir de 1870. Premièrement, la place accordée à la Commune de Paris est infime. Deuxièmement, les causes de l'événement sont présentées comme une réaction à l'ordre ancien bonapartiste. Voici la façon dont un manuel (coll. Belin) présente les faits : "La République proclamée à Paris le 4 septembre 1870 apparaît bien incertaine car l'Assemblée nationale élue en 1871 est majoritairement royaliste. Le peuple de Paris, qui craint une restauration de la monarchie et veut continuer à se battre contre la Prusse, se révolte lors de la Commune de Paris : elle est réprimée dans le sang." Traduisez, les ouvriers parisiens se sont seulement révoltés contre la monarchie et l'envahisseur prussien (pour défendre la République et la Patrie) mais devant l'ampleur et les perspectives révolutionnaires qu'elle portait "elle est réprimée dans le sang". Si la bourgeoisie ne peut pas cacher cet épisode du mouvement révolutionnaire ainsi que sa terrible répression, elle peut en outre en détourner sa signification. Dans les programmes, la Commune est détachée du mouvement révolutionnaire international. Les documents mettent en avant les avancées sociales et démocratiques sécrétées par ce mouvement. Elle est présentée comme un laboratoire utile à la construction de la République. Mais la Commune de Paris ne se réduit ni à un mouvement patriotique, ni une lutte pour les libertés républicaines. C'est surtout la manifestation du rôle du prolétariat comme seule force capable de renverser le capitalisme.7 La bourgeoisie a bien conscience de cela et s'efforce de le cacher aux futurs ouvriers.

Même chose pour la vague révolutionnaire des années 1920 abordée en classe de 3ème. La révolution d'Octobre 1917 apparaît dans le programme et figure même dans la liste de repères historiques que le collégien doit retenir au cours de son cursus. Mais que retient-il en réalité ? Que cet événement est "un coup d'État organisé par Lénine, le chef du parti bolchévique"8 ou une "révolution bolchevik conduite par Lénine."9 Là encore, la bourgeoisie nie la force révolutionnaire des masses ouvrières et présente la révolution d'Octobre comme l’œuvre d'un Parti et d'un homme alors qu'elle fut la réalisation des masses ouvrières.

De plus, les programmes entretiennent le grand mensonge qui assimile le stalinisme au communisme. Jusqu'en 2013, cette falsification était clairement explicitée dans les directives officielles. L'URSS était présentée comme "un régime communiste, fondé par Lénine, qui veut créer une société sans classe et exporter la révolution (IIIe Internationale)." 10 Avec l'aménagement du programme de 3e à la rentrée 2013, cette directive n'est plus écrite "noir sur blanc" mais l'assimilation reste très présente en particulier dans les manuels scolaires : "Après la mort de Lénine en 1924, Joseph Staline se présente comme son unique héritier. Seul au pouvoir à partir de 1929, il décide d'accélérer la mise en œuvre du communisme en URSS et la transformation de l'économie."11 Or, les caractéristiques de la société stalinienne n'ont rien à voir avec la perspective (encore à l'ordre du jour) énoncée par le Manifeste communiste en 1848. Le vrai visage de l'URSS fut le capitalisme d'État dans lequel une nouvelle bourgeoisie poursuivit l'exploitation du prolétariat russe. Les moyens de production ne furent en aucun cas mis en commun et l'État ne fut en rien abolit mais au contraire utilisé jusqu'à son summum.

Présenter le communisme comme une société déjà advenue au cours du XXe siècle en URSS, à Cuba ou en Chine est une mystification encore très efficace même si la bourgeoisie juge utile de ne pas en faire son cheval de bataille. Ce mensonge insupportable, provoquant une grande confusion au sein de la classe ouvrière, doit être condamné et dénoncé, au nom même du but ultime du prolétariat : la réunification de la société humaine.

Mais l'arme la plus efficace contre la lutte de classe reste la propagande démocratique et citoyenne. Les programmes d'éducation civique du collège et du lycée sont destinés à marteler les "vertus" de la démocratie : "l'égalité républicaine est déterminante pour compenser et corriger les inégalités. Les lois protègent les biens et les personnes et fixent les cadres de la vie en société."12 Ou encore la nécessité d'être un citoyen responsable respectant ses droits et ses devoirs pour assurer l'harmonie sociale. Le rôle de l'État est dévoyé puisque on le présente comme une entité qui "organise la protection contre les risques majeurs et assure la sécurité sur le territoire."13 Ce que l'on cache aux élèves, c'est que l'État est un outil de conservation sociale qui permet à la classe dominante d'assurer ses intérêts. En classe de 4e, un chapitre est consacré à "l'exercice des libertés en France". Là encore, la bourgeoisie montre tout son cynisme et son hypocrisie puisque le programme se focalise sur la liberté d'opinion et de conscience (religion, laïcité...) mais l'exploitation de la classe ouvrière et son aliénation sont évidemment passées sous silence. Autant de mystifications qui formatent les élèves et broient leur esprit critique. Pour Jules Ferry, l'enseignement de l'éducation civique se devait d'assurer l'encadrement idéologique des fils d'ouvriers : "Non, certes, l’État n’est point docteur en mathématiques, docteur en lettres ni en chimie. […] S’il lui convient de rétribuer des professeurs, ce n’est pas pour créer ni répandre des vérités scientifiques ; ce n’est pas pour cela qu’il s’occupe de l’éducation : il s’en occupe pour y maintenir une certaine morale d’État, une certaine doctrine d’État, indispensable à sa conservation. […] Alors ne craignez pas d’exercer cet apostolat de la science, de la droiture et de la vérité, qu’il faut opposer résolument, de toutes parts, à cet autre apostolat, à cette rhétorique violente et mensongère, […] cette utopie criminelle et rétrograde qu’ils appellent la guerre de classe !" La bourgeoisie actuelle est beaucoup moins explicite lorsque qu'elle énonce officiellement ses projets en matière d'éducation. Pour autant, les mystifications démocratiques et citoyennes sont beaucoup plus complètes et beaucoup plus perfectionnées qu'au temps de Jules Ferry. Les programmes d'éducation civique sont élaborés afin que l'élève puisse ingurgiter tous les artifices qui masquent la lutte de classe. La complémentarité des programmes d'éducation civique et d'histoire vise à nier la nature de la bourgeoisie comme classe exploiteuse. Pour elle, le capitalisme s'est imposé et la démocratie représentative forme le plus parfait mode d'organisation sociale. En définitive, l'histoire est finie et c'est bien cela qu'il faut inculquer aux élèves. Pas besoin d'entrevoir d'autres perspectives, la société capitaliste et démocratique est la plus parfaite que l'homme soit capable de construire. Face à ces mensonges, l'expérience et les acquis théoriques du mouvement ouvrier permettent de dire la vérité. Non ! La société ne s'organise pas en une somme d'individus "libres et égaux" mais bien en classes antagonistes aux intérêts divergents. Partout dans le monde, y compris dans les pays démocratiques, les ouvriers sont exploités et brimés. Un profond sentiment de dégoût les assaille à la vue des passes droits et des malversations des patrons ou des hommes politiques. Et d'ailleurs, comme j'ai pu en faire l'expérience, les élèves ne sont pas dupes. Certains d'entre eux n'hésitent pas à dénoncer les corruptions et les inégalités quand on leur expose la société idéale dans laquelle nous sommes censés vivre. A croire que la réalité ne trompe pas ces jeunes esprits.

La propagande patriotique

Dès les premiers temps de l'école républicaine, le patriotisme et le "roman national" prirent une place centrale dans les programmes. La Commune de Paris avait ébranlé la bourgeoisie qui réagit en amplifiant la chape de plomb idéologique sur la classe ouvrière. Elle souhaite briser l'internationalisme que le prolétariat français avait déployé en 1871. Pour le ministre de l'instruction Jules Simon, une des leçons de l' "épreuve" que la France vient de subir est qu'il faut que "la France connaisse la France aussi bien que peuvent la connaître les étrangers."14 Peut-être plus que les autres disciplines, l'histoire et géographie possède un rôle idéologique essentiel dans le système scolaire. A l'aube du XXe siècle, l'enseignement de l'histoire est dispensé à tous les niveaux de scolarité. Le chauvinisme, le nationalisme et le militarisme empoisonnent les esprits des futurs ouvriers. Entre 1871 et 1914, l'enseignement de l'histoire est conditionné par un esprit revanchard envers la Prusse après la défaite de Sedan en septembre 1870. Sur les cartes de France affichées dans les classes, les territoires de l'Alsace et la Lorraine (perdus en 1870 au profit de la Prusse) sont délimités par des pointillés afin de les exclure mais coloriés en violet de telle sorte que l'on retrouve l'hexagone. Progressivement, la bourgeoisie utilise l'école pour embrigader la classe ouvrière dans un conflit mondial inévitable et la diviser sur le plan international. Elle imprègne donc les esprits d'un idéal national mélangeant l'ardeur guerrière et la religion comme le dénonce Emile Zola dans son roman Vérité en 1903 lorsqu'il met en scène un instituteur et sa classe : "Quatre tableaux, violemment enluminés, accrochés au mur, l'irritaient : sainte Geneviève délivrant Paris, Jeanne d'Arc écoutant ses voix, Saint Louis guérissant des malades, Napoléon passant à cheval sur un champ de bataille. Toujours le miracle et la force, toujours le mensonge religieux et la violence militaire donnés en exemple, jetés en semence dans le cerveau des enfants."

Pour les pays de l'Entente, la victoire de 1918 permettra de contenir l'élan révolutionnaire de leur classe ouvrière. Et pour cela, la bourgeoisie va déployer tout son cynisme pour "souder la nation" en mêlant la compassion envers les morts, la fierté d'avoir défendu la patrie et la promotion de la coexistence pacifique. Très tôt, l'État instaure la commémoration obligatoire des élèves aux monuments aux morts. Dans le manuel Lavisse de 1934, la guerre est présentée comme une fatalité qui s'est imposée à la bourgeoisie : "de 1914 à 1918, les Français ont encore été forcés de faire la guerre à l'Allemagne comme en 1870." Le patriotisme n'a pas disparu des programmes jusqu'à aujourd'hui mais il a pris une dimension plus insidieuse puisque le sentiment patriotique n'apparaît pas en tant que tel. Désormais, les programmes du collège et du lycée présentent l'histoire de France au XIXe et XXe siècle comme l'avènement et la consécration de la démocratie et des "libertés" depuis 1789. C'est omettre que dans la société capitaliste, la seule liberté de la classe ouvrière est de vendre sa force de travail. D'autre part, pour légitimer le "bienfait" des nouvelles institutions mondiales (Union Européenne, ONU), l'État a inventé la notion de citoyenneté européenne voire de citoyenneté mondiale. Là encore, il s'agit de dévoyer le véritable rôle de ses institutions qui n'existent que pour apporter un semblant d'ordre dans un chaos généralisé. Par exemple, les élèves sont censés adhérer à l'idée selon laquelle la "création de l'ONU répond à une aspiration au maintien de la paix."15 Si la bourgeoisie adapte son idéologie, il n'en demeure pas moins que le patriotisme reste un puissant vaccin face à la progression de l'internationalisme dans les rangs de la classe ouvrière.

Le développement de la conscience de classe pour répondre à l'idéologie de la bourgeoisie

La mise en place des programmes ouvre la porte à l'idéalisme et à la disparition de l'esprit critique. Leur architecture se caractérise par un empilement d'événements ou de périodes abordés de façon thématique sans en expliquer les relations de cause à effet. On raconte l'histoire mais on n’analyse jamais la signification des faits ce qui occasionne une perte d'esprit critique. Les programmes encouragent à faire le récit du passé et non pas à le comprendre et à en tirer les leçons. La bourgeoisie a perdu toute vision cohérente et objective de l'histoire et cela se traduit par l'idéalisme des enseignements. Par exemple, prenons la façon d'enseigner l'histoire des religions. Seules les trois grandes religions monothéistes sont étudiées en détails et les directives imposent de s'appuyer sur les "récits sacrés" détachés de tout contexte. Au nom de la laïcité, il est impossible d'expliquer dans un cadre matérialiste l'apparition et la véritable nature des croyances divines.

L'école est un outil essentiel de la diffusion de l'idéologie dominante dans les rangs de la classe ouvrière. Au fond, son rôle est de voiler la réalité de la société capitaliste. Quelle peut être la réponse de la classe ouvrière face à cela ? Le développement de la solidarité et de l'unité dans les luttes. C'est par la pratique que les ouvriers découvrent qu'ils sont exploités par le capital. C'est par les humiliations subies au quotidien qu'ils découvrent que la vision du monde que la bourgeoisie leur présente ne correspond aucunement à la réalité. Comme l'a écrit Lénine, "seule l'action éduque la classe exploitée, seule elle lui donne la mesure de ses forces, élargit son horizon, accroît ses capacités, éclaire son intelligence et trempe sa volonté." (Lénine. Rapport sur 1905. 22 janvier 1917). La lutte "la contraint à comprendre la structure du système économique, à connaître ce qu'est la société, où se trouvent ses ennemis et ses alliés."16 C'est donc le développement de la conscience de classe qui immunise contre l'idéologie bourgeoisie et permet de prendre conscience de son identité et du rôle que l'on doit jouer pour dépasser la société actuelle. "C'est une conscience de soi. Et cette prise de conscience est toujours synonyme d'une lutte de classe. La conscience de classe c'est donc tout simplement l'affirmation du prolétariat comme classe révolutionnaire, l'être conscient."17

Dans sa prise de conscience, le prolétariat n'a pas besoin des falsifications historiques de l'école bourgeoise. Son éducation passe par la transmission de génération en génération d'une histoire, d'une expérience, d'une théorie, d'une morale, d'une identité qui appartiennent uniquement à la classe ouvrière. Car ne l'oublions pas, "l'émancipation des travailleurs est l'œuvre des travailleurs eux-mêmes".

Venceslas

 

1 "La suppression de l'histoire-géographie en Terminale S est une attaque économique et idéologique", Révolution Internationale, n° 408.

2 Ibid.

3 "Le communisme n'est pas un bel idéal mais une nécessité matérielle", Revue Internationale, n°68.

4 Ibid.

5 F. Engels, K. Marx, Manifeste du parti communiste, chap. 1. A l'époque où fut écrit ce texte en 1847, les connaissances sur les sociétés préhistoriques étaient infimes. L'organisation sociale antérieure, basée sur la propriété commune de la terre, était inconnue.

6 Ibid.

7 Pour une analyse plus approfondie de la signification de la Commune de Paris voir : "La Commune de Paris, premier assaut révolutionnaire du prolétariat" in Internationalisme, n° 351.

8 Manuel Nathan du programme de 3e.

9 Manuel Magnard du programme de 3e.

10 Programme de 3e, Bulletin officiel spécial n° 6 du 28 août 2008.

11 Manuel d'histoire, géographie, éducation-civique, Nathan 2014.

12 Présentation du programme d'éducation civique de 5e. Bulletin Officiel Spécial n°6 du 28 aout 2008.

13 Bulletin Officiel Spécial n°6 du 28 août 2008.

14 Patrick Garcia, Jean Leduc, L'enseignement de l'histoire en France de l'Ancien Régime à nos jours, Armand Colin, 2003.

15Aménagement au programme d'histoire-géographique-éducation civique, septembre 2013.

16 "Idéologie et conscience de classe", brochure Organisation communiste et conscience de classe.

17Idem.

 

 

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Contributions et témoignages

Manifestations "pro-Gaza": la bourgeoisie canalise l'indignation ouvrière vers l'impasse du nationalisme

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Tout au long du mois d’août, tandis que les roquettes du Hamas tombaient au gré des vents et des trêves de façades sur les populations terrifiées des villes israéliennes, le gouvernement meurtrier de Netanyahou a déversé sans aucun scrupule un tapis de bombes sur la bande de Gaza, suscitant une indignation légitime dans le monde entier. Les victimes innocentes de cet épouvantable massacre perpétré par un État démocratique sont innombrables : au plus fort de la crise, les morts s'entassaient officiellement par centaines chaque jour. Les blessés et les réfugiés ne se comptent plus, le chaos est indescriptible !

Comment ne pas être écœuré devant ces mères pleurant leurs enfants ensevelis sous les décombres, devant ces générations n'ayant connu, comme tant d'autres, que la guerre, la misère et la peur, devant toutes ces personnes piégées sur une petite bande de terre entre la fureur des armes de Tsahal et la terreur quotidienne imposée par une clique de terroristes fanatiques aussi anachronique que mafieuse ? Mais l'hypocrisie sans limite des brigands locaux, massacrant au nom de la "sécurité des civils" ou de la "libération du peuple opprimé", n'a d'égale que la comédie des grandes puissances impérialistes s'offusquant, côté pile, des "débordements scandaleux" et distribuant, côté face, les armes mêmes du carnage qu'elles n'hésitent bien entendu jamais à utiliser pour la défense de leurs propres et sordides intérêts impérialistes. Alors que la "communauté internationale" pleure toutes les larmes de crocodile de son corps, elle encourage dans le même temps les hécatombes ou organise directement les massacres en Ukraine, en Libye, en Syrie, en Centre Afrique, en Irak...1

L'impasse nationaliste

En mobilisant très tôt ses réseaux gauchistes, la bourgeoisie a su canaliser l'indignation mondiale vers l'impasse du nationalisme. En France2, notamment, les manifestations ouvertement "pro-Gaza," c'est-à-dire pro-Hamas, se sont multipliées autour de la défense d'un camp impérialiste armé dans l'ombre par de grandes puissances, en particulier l'Iran, la Chine, la Russie et peut-être même la dernière "patrie du socialisme", la Corée du Nord. C'est cela la réalité d'une guerre que Besancenot nous vend sur tous les journaux télévisés comme un conflit entre un État riche et une population pauvre, soi-disant défendue par la Hamas transformé en héroïque "organisation de la résistance palestinienne."3

C'est d'ailleurs au nom de la défense des nations "opprimées" que la gauche de l'appareil politique bourgeois s'est toujours efforcée de désarmer le prolétariat face à la guerre : Algérie, Vietnam, Kosovo, Tchétchénie… et bien d'autres pays connus pour la tempérance bienveillante de leur bourgeoisie "opprimée". Cette théorie mensongère de la lutte entre nations impérialistes et nations opprimées, c'est-à-dire la défense d'un camp impérialiste contre un autre, n'a pas d'autres conséquences que de légitimer le chauvinisme belliqueux et la barbarie militaire. Lutte Ouvrière pousse même la logique jusqu'à l'absurde en défendant le droit des nations "résistantes" à disposer… de l'arme atomique ! "Notre refus de condamner par principe tout usage de l'arme nucléaire, ose Lutte Ouvrière, ne concerne d'ailleurs pas seulement le cas, pour le moment purement théorique, d'une révolution prolétarienne ayant à se défendre contre une intervention impérialiste. Cette question se pose aussi dans le monde tel qu'il est aujourd'hui, où quelques grandes puissances impérialistes dictent leur loi à tous les peuples des pays sous-développés. Ces peuples ont bien évidemment le droit, s'ils veulent s'émanciper de cette dépendance, d'utiliser tous les moyens militaires qui sont à leur disposition."4 Si le capitalisme ne parvient pas à détruire la planète, il ne faut désespérer de rien car le "communisme" à la sauce trotskiste s'en chargera volontiers !

Derrière les mensonges et les pitreries théoriques du gauchisme, c'est bien la pesante idéologie nationaliste qui est à l'œuvre, celle qui ligote la classe ouvrière aux intérêts du capital national, celle qui la fait marcher au pas sous les drapeaux des régiments et, en d'autres termes, celle qui étouffe le combat des prolétaires de tous les pays pour le communisme.

Le gouvernement socialiste de Hollande n'a d'ailleurs pas hésité a faire monter la pression en interdisant certaines manifestations organisées par les partis va-t'en-guerre de "gauche" afin de renforcer la désorientation nationaliste des esprits, déplaçant la colère légitime contre la barbarie sur le terrain du soutien à la clique des brigands du Hamas. LO, le NPA et le Front de Gauche, tous auréolés de leur prétendue "résistance" aux mesures administratives du gouvernement et des échauffourées avec la police, ont ainsi pu matraquer leurs slogans nationalistes, poser le problème sur un terrain pourri d'avance : Pour la Palestine ou Pour Israël.

En fait, avec l'entrée du capitalisme dans sa période de décadence, tous les États, petits ou grands et toutes les fractions politiques de la bourgeoisie sont devenus impérialistes et réactionnaires. A l'heure où l'alternative est soit la barbarie capitaliste, soit le développement de la lutte pour le socialisme, toute tentative de conciliation et de collaboration avec la classe dominante n'est rien d'autre qu'un piège, un abandon des buts historiques du prolétariat.

La bourgeoisie est parfaitement consciente que le développement de la conscience de classe est un danger mortel pour sa domination. C'est pourquoi elle met un zèle tout particulier à désorienter idéologiquement le prolétariat, en particulier au moyen du nationalisme, qui lui permet aujourd'hui de déchaîner toute sa violence militaire sans rencontrer de résistance sérieuse au nom de la défense des intérêts du "peuple" en général et de la "communauté nationale" rassemblée autour d'un État démocratique prétendument "au-dessus des classes".

L'idéologie pernicieuse du pacifisme

Mais, objectera-t-on, il y a parmi les politiciens et les intellectuels des pacifistes qui ne désirent que la paix ! En fait, le pacifisme, cette doctrine aussi vieille que la guerre, a toujours fait le lit des pires boucheries. A chaque conflit impérialiste, les pacifistes en appellent au bon vouloir de la bourgeoisie en réclamant le désarmement, des traités de paix et la création de tribunaux d'arbitrage internationaux. Mais ce qu'ignore l'utopie pacifiste, c'est que l'impérialisme n'a rien de contingent, il est au contraire une tare congénitale du capitalisme décadent, un impératif pour l'ordre social existant. Que signifie le désarmement sinon exiger des nations qu'elles renoncent librement à l'essence même de leur politique extérieure, au moyen de subsistance de tout État, petit ou grand, dans l'arène de la concurrence mondiale ? En d'autres termes, le pacifisme consiste à solliciter poliment l’État pour qu'il consente à bien vouloir ne plus exister en tant qu’État sur le plan international.

A ce contexte historique de décadence du capitalisme se superpose celle de sa phase ultime de décomposition.5 Avec l'effondrement du bloc de l'Est et l'évaporation de facto de la discipline des blocs militaires, les appétits et les tensions impérialistes se sont fortement aiguisés, tout comme se sont multipliés les conflits locaux. Aucune superpuissance n'est désormais en mesure de modérer les ambitions de vassaux redevables d'une protection militaire face au péril "rouge" ou "impérialiste". Dans un contexte où les contradictions croissantes du capitalisme contraignent chaque nation à toujours plus d'agressivité impérialiste, la fin de la discipline de bloc n'a fait que renforcer la politique du "chacun pour soi" et le chaos généralisé. Les tensions au Proche-Orient, avec leurs enchevêtrements inextricables d'alliances de circonstance et de trahisons, ne font que confirmer cette analyse.

Comme la guerre est désormais une nécessité vitale pour chaque État et pour le capitalisme en général, la combattre sur le terrain de l'ordre social capitaliste est non seulement utopique mais également réactionnaire : la paix mais sans remettre en cause l'ordre social qui produit nécessairement les guerres ! Manifester contre la guerre mais sans opposer de véritable résistance à l’État qui l'organise ! Exiger la paix à la classe dominante mais lui laisser les mains libres pour préparer de nouveaux conflits !

Chercher une solution partielle ou provisoire à la guerre, comme le proposent les pacifistes, revient en définitive, et l'histoire l'a prouvé à d'innombrables reprises, à diluer le prolétariat dans la "communauté des citoyens", à assommer la conscience de la seule force sociale en mesure de mettre un terme, par son combat de classe, aux conflits guerriers, et, finalement, à pactiser avec telle ou telle fraction de la bourgeoisie au nom du "moindre mal", de la démocratie et de... la paix ! C'est pourquoi la lutte contre l'impérialisme doit nécessairement prendre la forme d'une lutte contre l'ordre capitaliste.

Comment lutter contre la guerre ?

En Palestine, comme partout dans le monde, il n'y a strictement rien à espérer des "trêves humanitaires", des "accords" et des "traités de paix". Mais que faire, ici et maintenant, pour empêcher le massacre ? Nous sommes parfaitement conscients des faiblesses du prolétariat dans le monde entier, de son incapacité actuelle à s'élever à la hauteur des enjeux historiques. Il est évident que la classe ouvrière en Israël et en Palestine n'est pas en mesure de brandir l’étendard de la solidarité internationale des travailleurs par la grève de masse contre la barbarie militaire, pas plus que le prolétariat des pays centraux, en Europe ou aux États-Unis, n'est aujourd'hui capable d'apporter une solidarité autre que platonique aux populations victimes de la guerre.

Faut-il alors attendre patiemment, en spectateur, la prochaine vague de lutte ouvrière ? Pas du tout ! Partout où les ouvriers sont prêts à débattre pour comprendre les ressorts véritables des conflits impérialistes, la nature du capitalisme, de sa crise historique ou de la perspective du communisme, il faut débattre ! Une discussion n’arrêtera évidement ni les conflits au Proche-Orient, ni les massacres au quatre coins du monde. Mais elle participe à renforcer notre confiance et notre conscience de classe, condition absolument indispensable pour que se développe la seule alternative réaliste à la barbarie : la solidarité internationale des travailleurs et le combat résolu sur le seul terrain qui vaille, celui d'une société où jeter au profit d'une poignée de maîtres des masses d'êtres humains dans une abjecte danse de la mort ne serait pas seulement un crime mais une absurdité.

Truth Martini, 19 août 2014

1 D'ailleurs, loin d'être un conflit local, cette nouvelle vague de violence s'inscrit dans un contexte géostratégique en Orient relevant de la foire d'empoigne où s’enchevêtrent les intérêts impérialistes et les retournements de veste des puissances tant régionales que mondiales. Pour de plus amples explications, voir l'éditorial de Révolution internationale n°417

2 Si des manifestations ont été organisées partout dans le monde, c'est en France qu'elles ont visiblement rencontré le plus grand succès.

3 Gaza : Plutôt mourir que revenir à la situation antérieure, sur le site internet du NPA.

4 Contre les essais nucléaires français... et contre le pacifisme !, dans Lutte de Classe n°15 (Septembre-octobre 1995)

5 Cf. La décomposition, phase ultime de la décadence du capitalisme, dans la Revue Internationale n°62 (3e trimestre 1990), également disponible sur le site Internet du CCI.

 

Géographique: 

  • Palestine [1]

Rubrique: 

Situation sociale

URL source:https://fr.internationalism.org/icconline/201409/9136/icconline-septembre-2014

Liens
[1] https://fr.internationalism.org/tag/5/58/palestine