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Révolution Internationale n°446 - mai juin 2014

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Accident minier en Turquie: le capitalisme sème la mort, solidarité avec nos frères de classe !

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Plus de 300 morts et des dizaines de blessés graves, parfois des gamins d’à peine 16 ans, ensevelis dans les décombres ! L’explosion qui a ravagé la mine de Soma, à l’Ouest de la Turquie, est la catastrophe industrielle la plus meurtrière de l’histoire du pays. Il ne s’agit nullement d’un “accident”, d’un caprice du hasard ou d’une triste fatalité devant laquelle, impuissants, nous ne pourrions que nous incliner avec résignation. Il s’agit d’un crime ! Un crime du capital !

Parmi les morts, il y avait de nombreux réfugiés de la guerre civile en Syrie et la grande majorité de ces victimes avait entre 16 et 20 ans.

Après l’effondrement de la mine, par milliers, les travailleurs et leurs enfants étudiants sont spontanément sortis dans la rue non seulement à Soma et Izmir (ville portuaire proche de Soma) mais aussi dans les grandes villes turques, Ankara et Istanbul, et dans les régions kurdes. Depuis, bravant la répression féroce, les grenades lacrymogènes et les coups de matraques, les manifestants descendent sur le pavé chaque jour plus nombreux, près d’un an après le grand mouvement social de défense du parc Gezi d’Istanbul.

Cette colère, la bourgeoisie turque et ses médias aux ordres l’occultent totalement. Sur toutes les chaînes de télévision, les seules images qui défilent en boucle, ce sont celles des familles en deuil pleurant et priant pour leurs morts, alternant avec les discours de Ergdogan et du ministre de l’Energie qui promettent de les indemniser (comme si cette aumône pouvaient soulager leur douleur ou ranimer les morts !). Et pour calmer la tension sociale, désamorcer la colère des mineurs, on leur promet aussi de leur donner un autre emploi après la fermeture de la mine.

Le black-out des médias sur les manifestations de rue et les assemblées d’étudiants occupant les universités s’accompagne d’un quadrillage policier de toute la population. Aucune information ne filtre de ce qui se passe à Soma, mises à part les prières et les pleurs des familles. Le gouvernement a mobilisé tous ses imams et ses curés pour tenter d’intoxiquer la colère des ouvriers dans l’opium de la mystification religieuse afin de leur faire courber l’échine, les enfoncer dans un sentiment d’impuissance, de résignation et de docilité à l’ordre capitaliste.

Dans les manifestations, la solidarité avec les familles des victimes et l’indignation face à l’incurie du gouvernement et du patronat se heurtent à la répression brutale de l’État policier.

La photographie de cette jeune femme brandissant une pancarte où est écrit : “Ceci n’est pas un accident, c’est un meurtre. Le gouvernement est responsable” est très significative de la profondeur de la colère et du mécontentement social.

A l’heure où nous écrivons cet article, des assemblées générales ouvertes à tous s’organisent entre étudiant et travailleurs dans les universités d’Istambul et d’Ankara, suite à la répression des manifestions de rue.

Les élections sont un piège pour la classe ouvrière !

A côté des curés et des imams, la bourgeoisie turque mobilise également toutes ses forces démocratiques d’“opposition” pour endiguer tout risque d’explosion sociale. Derrière la focalisation sur la responsabilité du gouvernement se dissimule le slogan démocratique qui s’est répandu dans tous les cortèges : “Gouvernement démission !”. Les forces du “progrès” démocratiques (partis de gauche, d’extrême gauche et syndicats) jouent donc leur propre partition pour le maintien de l’ordre capitaliste et de l’union nationale, de l’union sacrée des prolétaires avec leurs propres exploiteurs. Leurs discours “radicaux” contre le gouvernement Erdogan ne visent qu’un seul objectif : désamorcer la bombe sociale en dévoyant la colère des travailleurs et des étudiants dans le piège électoral. Les curés appellent les prolétaires à s’agenouiller et à prier, les forces d’opposition les appellent à se disperser dans les isoloirs électoraux, c’est-à-dire à revendiquer une meilleure gestion du capital national par une clique bourgeoise plus “compétente” !

En effet, l’élection présidentielle aura lieu en août prochain, pour la première fois au suffrage universel. D’ici là, toutes les trompettes démocratiques vont retentir pour transformer les exploités en simples “citoyens”. Ce n’est pas par hasard si les opposants d’Erdogan insistent à ce point sur “la carence du contrôle des lieux de travail par les pouvoirs publics”, en parti­culier dans les mines. Et ce n’est pas une coïncidence non plus si les syndicats ont proclamé une journée de grève générale afin de “protester contre les négligences et le laxisme des autorités”. Les syndicats et l’opposition marchent main dans la main pour focaliser l’attention sur M. Erdogan, c’est-à-dire pour semer l’illusion qu’un autre dirigeant, qu’une autre clique d’exploiteurs au gouvernement, pourrait gérer plus “humainement” l’exploitation des prolétaires et donc pour empêcher toute réflexion sur les causes réelles et le vrai responsable de cette catastrophe : le système capitaliste comme un tout !

Évidemment, les déclarations provocatrices du Premier ministre ne peuvent que contribuer à renforcer ce sentiment de rejet de ce triste sire au cynisme sans borne. Quand M. Erdogan déclare froidement que “les accidents sont dans la nature même des mines” devant les familles, les voisins, les amis, les frères de classe des victimes, il ne peut que susciter encore plus d’indignation et de colère. Et quand on le voit gifler des manifestants tenus par des flics et qu’un de ses assistants assène des coups de pieds à un autre manifestant à terre, cela frise la provocation !

L’arrogance, la brutalité et le cynisme d’Erdogan montrent le vrai visage de toute la classe bourgeoise, une classe mondiale d’exploiteurs et d’assassins. Le capitalisme à “visage humain” est une pure mystification car la bourgeoisie, quelle que soit la clique au gouvernement, de droite comme de gauche, se moque royalement des vies humaines. Sa seule préoccupation, c’est le profit. Et qu’il soit laïc ou pas, l’État bourgeois, c’est toujours l’État policier, comme on le voit dans les pays démocratiques les plus développés où les manifestations sont toujours bien encadrées d’un côté par les partis d’opposition, les syndicats (et leur “service d’ordre”), de l’autre par les forces de répression.

Le capitalisme : un système d’exploitation qui sème la mort

Akin Celik, le directeur d’exploitation de Soma Kömür Isletmeleri, avait déclaré en 2012, dans un entretien à un journal turc, être parvenu à réduire les coûts de production à 24 dollars la tonne contre 130 dollars avant la privatisation de la mine. Comment a-t-il réalisé un tel prodige ? Évidemment en rognant partout où il le pouvait, en particulier sur la sécurité et avec la bénédiction de ces syndicats qui aujourd’hui dénoncent l’incurie gouvernementale. “Il n’y a aucune sécurité dans cette mine. Les syndicats ne sont que des pantins et la direction ne pense qu’à l’argent”, on ne pourrait être plus clair que ce mineur de Soma ().

Mais l’avidité et la cupidité patronale n’est pas la cause fondamentale des catastrophes industrielles et “accidents” de travail. Si les coûts doivent être sans cesse rognés, c’est afin de préserver la productivité de l’entreprise, sa compétitivité. Autrement dit, la nature même du fonctionnement du mode de production capitaliste, basé sur la concurrence, sur le marché mondial, la production pour le profit, poussent inexorablement les patrons, même les moins “inhumains”, à mettre en danger la vie de ceux qu’ils exploitent. Pour la classe bourgeoise, le prolétaire, le travailleur salarié, n’est rien d’autre qu’une marchandise à qui elle achète la force de travail au plus bas prix. Et pour faire baisser les coûts de production, la bourgeoisie rogne de plus en plus et fait des économies sur les conditions de sécurité sur les lieux de travail. Les exploiteurs n’ont que faire de la vie, de la santé, de la sécurité des exploités. La seule chose qui compte, c’est le chiffre d’affaire, le taux de plus-value, les carnets de commande de leurs clients, etc.

Selon le rapport publié en 2003 par l’Organisation internationale du travail (OIT), chaque année dans le monde, 270 millions de salariés sont victimes d’accidents du travail et 160 millions contractent des maladies professionnelles. L’étude révèle que le nombre de travailleurs morts dans l’exercice de leur métier dépasse, par an, les deux millions... Chaque jour, donc, le travail tue 5000 personnes !

Et cette horreur n’est pas l’apanage du tiers-monde. En France, chaque année, selon la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM), 780 salariés sont également tués par leur travail (plus de 2 par jour !). Il y a 1 350 000 accidents du travail environ, ce qui correspond à 3700 victimes par jour, soit, pour une journée de huit heures, à 8 blessés par minute...

Que l’on traverse les frontières ou les âges, l’exploitation capitaliste sème partout et toujours la mort. Comme le mettait déjà en évidence Engels en 1845 dans son étude sur La situation de la classe laborieuse en Angleterre :

“La mine est le théâtre d’une foule d’accidents horribles et précisément ceux-là doivent être portés directement au compte de l’égoïsme de la bourgeoisie. L’hydrogène carburé, qui s’y dégage si souvent, forme en se mélangeant à l’air atmosphérique un composé gazeux explosif qui s’enflamme facilement au contact d’une flamme et tue quiconque se trouve à proximité. Des explosions de ce genre surviennent presque chaque jour ici ou là ; le 28 septembre 1844, il y en eut une à Haswell Colliery (Durham) qui causa la mort de 96 personnes. L’oxyde de carbone qui s’y dégage aussi en grandes quantités se dépose dans les parties profondes de la mine en une couche qui dépasse parfois la taille d’un homme, asphyxiant quiconque y pénètre. (…) On pourrait éviter parfaitement les effets funestes de ces deux gaz à condition d’assurer une bonne ventilation des mines au moyen de puits d’aération, mais le bourgeois ne veut pas y consacrer son argent et il préfère ordonner à ses ouvriers de se servir simplement de la lampe Davy, celle-ci leur est souvent tout à fait inutile en raison de la pâle lueur qu’elle diffuse ; et c’est pourquoi ils préfèrent la remplacer par une simple bougie. Si une explosion se produit alors, c’est la négligence des ouvriers qui en est cause, alors que si le bourgeois avait installé une bonne ventilation, toute explosion aurait été presque impossible. De plus, à chaque instant une portion de galerie ou une galerie entière s’effondre, ensevelissant ou écrasant des ouvriers ; la bourgeoisie a intérêt à ce que les veines de charbon soient exploitées au maximum, d’où ce genre d’accidents.”

Le capitalisme, voilà le meurtrier ! Voilà l’ennemi !

Une seule solidarité avec les victimes de Soma : lutter partout contre nos propres exploiteurs !

Les morts de Soma, ce sont nos morts ! Ce sont nos frères de classe qui ont été tués par le capitalisme. Ce sont nos frères de classe qui sont réprimés et matraqués aujourd’hui dans les manifestations en Turquie ! Les exploités de tous les pays doivent se sentir concernés par cette catastrophe. Car la vraie catastrophe, c’est le système capitaliste !

Face à la barbarie de ce système qui sème la mort non seulement dans les conflits guerriers mais de plus en plus en temps de “paix” sur les lieux de travail, les exploités de tous les pays doivent refuser de faire cause commune avec leurs exploiteurs. La seule solidarité qu’ils doivent manifester aux familles endeuillées de Soma, c’est la lutte sur leur propre terrain de classe. Partout sur les lieux de travail, dans les lycées et universités, dans les assemblées, il faut discuter des causes véritables de cette tragédie. Il faut déjouer les pièges de tous les réformistes et chiens de garde de l’ordre bourgeois qui agitent l’épouvantail Erdogan pour masquer le vrai coupable : le capitalisme mondial.

Aux mots d’ordre des curés “Ne luttez pas, priez !”, aux mots d’ordre des forces d’opposition démocratiques “Ne luttez pas, votez !”, il faut riposter :

“Solidarité avec nos frères de classe en Turquie. A bas le capitalisme ! Engageons le combat contre tous les exploiteurs de tous les pays !”.

RI,16 mai 2014

() Source : www.france24.com/fr/20140514-turquie-explosion-mine-charbon-morts-prisonniers-accident-erdogan [3]

 

 

Communiqué à nos lecteurs: le CCI attaqué par une nouvelle officine de l’État bourgeois

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En octobre 2013, un nouveau “groupe politique” est né et s’est donné le nom pompeux de “Groupe international de la Gauche communiste” (GIGC). Ce nouveau groupe décline son identité : il est constitué de la fusion entre 2 éléments du groupe Klasbatalo de Montréal et d’éléments de l’ex-prétendue “Fraction interne” du CCI (FICCI) qui ont été exclus du CCI en 2003 pour leurs comportements indignes de militants communistes : en plus du vol, de la calomnie, du chantage, ces éléments ont franchi le Rubicon par leurs comportements délibérés de mouchards, notamment en publiant à l’avance sur Internet la date de la Conférence de notre section au Mexique et en affichant de façon insistante les véritables initiales d’un de nos camarades présenté comme le “chef du CCI”. Nous renvoyons nos lecteurs non avertis aux articles publiés à l’époque dans notre presse ().

Dans un de ces articles, “Les méthodes policières de la FICCI”, nous avions clairement mis en évidence que ces éléments offrent à titre gracieux leurs bons et loyaux services à l’État bourgeois. Ils passent le plus clair de leur temps à une activité de surveillance assidue du site Internet du CCI, cherchant à s’informer de tout ce qui se passe dans notre organisation, se nourrissant et colportant les ragots les plus nauséabonds ramassés dans les égouts (et notamment sur le couple Louise-Peter, deux militants du CCI, qui les obsède et les excite au plus haut point depuis plus de dix ans !). Ultérieurement à cet article, ils avaient encore aggravé leur cas en publiant un document de 114 pages, reproduisant de nombreux extraits des réunions de notre organe central international, qui se proposait de faire la démonstration de leurs accusations contre le CCI. Ce que ce document démontrait en réalité, c’est que ces éléments ont un cerveau malade, totalement aveuglé par la haine contre notre organisation, et que c’est consciemment qu’ils livrent à la police des informations sensibles afin de favoriser le travail de celle-ci.

A peine né, ce petit avorton dénommé “Groupe international de la Gauche communiste” lance son cri primal en déchaînant une propagande hystérique contre le CCI, comme en témoigne le placard publicitaire affiché sur son site Web : “Une nouvelle (ultime ?) crise interne dans le CCI !” accompagné bien sûr d’un “Appel au camp prolétarien et aux militants du CCI”.

Depuis plusieurs jours, ce “groupe international” (composé de 4 individus) mène une activité frénétique, adressant lettre sur lettre à tout le “milieu prolétarien” ainsi qu’à nos militants et à certains de nos sympathisants (dont ils ont récupéré les adresses) afin de les sauver des “griffes” d’une prétendue “faction liquidationniste” (un clan Louise, Peter, Baruch).

Les membres fondateurs de ce nouveau groupe, deux mouchards de l’ex-FICCI, viennent de franchir un pas supplémentaire dans l’ignominie en dévoilant clairement leurs méthodes policières visant à la destruction du CCI. Ce prétendu “Groupe international de la Gauche communiste” sonne le tocsin et crie à tue-tête qu’il est en possession des Bulletins internes du CCI. En exhibant leur trophée de guerre et en faisant un tel tintamarre, le message que ces mouchards patentés cherchent à faire passer est très clair : il y a une “taupe” dans le CCI qui travaille main dans la main avec l’ex-FICCI ! C’est clairement un travail policier n’ayant pas d’autre objectif que de semer la suspicion généralisée, le trouble et la zizanie au sein de notre organisation. Ce sont les mêmes méthodes qu’avait utilisées le Guépéou, la police politique de Staline, pour détruire de l’intérieur le mouvement trotskiste des années 1930. Ce sont ces mêmes méthodes qu’avaient déjà utilisées les membres de l’ex-FICCI (et notamment deux d’entre eux, Juan et Jonas, membres fondateurs du “GIGC”) lorsqu’ils ont fait des voyages “spéciaux” dans plusieurs sections du CCI en 2001 pour organiser des réunions secrètes et faire circuler des rumeurs suivant lesquelles l’une de nos camarades (la “femme du chef du CCI”, suivant leur expression) serait un “flic”. Aujourd’hui, le même procédé pour tenter de semer la panique et détruire le CCI de l’intérieur est encore plus abject : sous le prétexte hypocrite de vouloir “tendre la main” aux militants du CCI et les sauver de la “démoralisation”, ces indicateurs professionnels adressent en réalité le message suivant à tous les militants du CCI : “Il y a un (ou plusieurs) traîtres parmi vous qui nous donne vos Bulletins internes, mais on ne vous donnera pas son nom car c’est à vous de chercher par vous-même !”. Voilà le véritable objectif de toute cette agitation fébrile de ce nouveau “groupe international” : introduire une fois encore le poison du soupçon et de la méfiance au sein du CCI pour chercher à le détruire de l’intérieur. Il s’agit bien d’une véritable entreprise de destruction dont le degré de perversion n’a rien à envier aux méthodes de la police politique de Staline ou de la Stasi.

Comme nous l’avions rappelé à plusieurs reprises dans notre presse, Victor Serge dans son livre bien connu et qui est une référence dans le mouvement ouvrier, Ce que tout révolutionnaire doit savoir de la répression, met clairement en évidence que la diffusion du soupçon et de la calomnie est l’arme privilégié de l’État bourgeois pour détruire les organisations révolutionnaires : “la confiance en le parti est le ciment de toute force révolutionnaire (…) Les ennemis de l’action, les lâches, les bien installés, les opportunistes ramassent volontiers leurs armes dans les égouts ! Le soupçon et la calomnie leur servent à discréditer les révolutionnaires (…) Ce mal – le soupçon entre nous – ne peut être circonscrit que par un grand effort de volonté. Il faut – et c’est d’ailleurs la condition préalable de toute lutte victorieuse contre la provocation véritable dont chaque accusation calomnieuse portée contre un militant fait le jeu – que jamais un homme ne soit accusé à la légère, et que jamais une accusation formulée contre un révolutionnaire ne soit classée. Chaque fois qu’un homme aura été effleuré d’un pareil soupçon, un jury de camarades doit statuer et se prononcer sur l’accusation ou sur la calomnie. Règles simples à observer si l’on veut préserver la santé morale des organisations révolutionnaires.” Le CCI est la seule organisation révolutionnaire qui soit restée fidèle à cette tradition du mouvement ouvrier en défendant le principe des Jurys d’Honneur face à la calomnie : seuls des aventuriers, des éléments troubles et des lâches ne veulent pas faire la clarté devant un Jury d’Honneur ().

Victor Serge affirme également que les motivations qui conduisent certains militants à offrir leurs services aux forces de répression de l’État bourgeois ne sont pas forcément la misère matérielle ou la lâcheté : “il y a beaucoup plus dangereux, les dilettanti, aventuriers qui ne croient en rien, blasés sur l’idéal qu’ils ont naguère servi, épris du danger, de l’intrigue, de la conspiration, d’un jeu compliqué où ils dupent tout le monde. Ceux-là peuvent avoir du talent, jouer un rôle à peu près indéchiffrable”. Et parmi le profil du mouchard ou de l’agent provocateur, on trouve, selon Victor Serge, d’ex-militants “blessés par le parti”. De simples blessures d’orgueil, des griefs personnels (jalousie, frustration, déception…), peuvent conduire des militants à développer une haine incontrôlable contre le parti (ou contre certains de ses membres qu’ils considèrent comme des rivaux) et à offrir leurs services aux forces de répression de l’État bourgeois.

Tous les “Appels” tapageurs de cette agence officieuse de l’État bourgeois qu’est le “GIGC” ne sont que des appels au pogrom contre certains de nos camarades (nous avions déjà dénoncé dans notre presse les menaces proférées par un membre de l’ex-­FICCI qui avait dit à l’un de nos militants “toi, je vais te trancher la gorge !”). Ce n’est nullement un hasard si ce nouvel “Appel” des mouchards de l’ex-FICCI a été immédiatement relayé par l’un de leurs complices et “ami”, un certain Pierre Hempel (qui publie une feuille de chou, du genre “presse people”, aussi indigeste que délirante) intitulé Le Prolétariat universel [4] dans lequel on peut lire des propos du style “Peter et sa pouffiasse”. La “pouffiasse” en question étant bien entendu notre camarade harcelée depuis plus de 10 ans par les mouchards et potentiels tueurs de l’ex-FICCI et leurs complices. Voilà par quel genre de littérature (très “prolétarienne”) est relayée aujourd’hui l’“appel” de ce prétendu “Groupe international de la Gauche communiste” qui attise la curiosité (et le voyeurisme) de tous les charognards du petit “milieu” soi-disant “prolétarien”. On a les amis qu’on mérite !

Mais ce n’est pas tout. En consultant les liens qui figurent en note (), nos lecteurs qui appartiennent vraiment au camp de la Gauche communiste, pourront se faire une idée un peu plus précise du pedigree de ce nouveau “Groupe international de la Gauche communiste” : il est sponsorisé depuis plusieurs années par une tendance au sein d’une autre officine de l’État bourgeois, le NPA (parti d’Olivier Besancenot qui se présente aux élections et qui est invité régulièrement sur les plateaux de la télévision). Cette tendance du NPA lui fait régulièrement une publicité tapageuse, à la Une de son site Internet ! Si un groupe de l’extrême gauche du Capital fait autant de publicité pour la FICCI et son déguisement (le “GIGC”), c’est bien la preuve que la bourgeoisie sait reconnaître ses fidèles serviteurs : elle sait sur qui elle peut compter pour tenter de détruire le CCI. Ainsi, les mouchards du “GIGC” seraient en droit de réclamer une décoration à l’État (remise par le ministre de l’Intérieur, évidemment !) à qui ils ont rendu des services bien plus éminents que ceux de la plupart des récipiendaires de breloques.

Le CCI fera toute la clarté et informera ses lecteurs des suites de cette affaire. Il est tout à fait possible que nous soyons infiltrés par un (ou plusieurs) élément troubles. Ce ne serait pas la première fois et nous avons une longue expérience de ce type de problème au moins depuis l’affaire Chénier, un élément exclu du CCI en 1981 et qui, quelques mois plus tard, travaillait officiellement pour le Parti socialiste alors au gouvernement. Si tel est le cas, bien évidemment, nous appliquerons nos Statuts comme nous l’avons toujours fait.

Mais nous ne pouvons pas écarter une autre hypothèse : l’un de nos ordinateurs a pu être piraté par les services de la police (qui surveille nos activités depuis plus de 40 ans). Et il n’est pas à exclure que ce soit la police elle-même (en se faisant passer pour une “taupe”, militant anonyme du CCI) qui ait transmis à la FICCI certains de nos Bulletins internes sachant pertinemment que ces mouchards (et notamment les deux membres fondateurs de ce prétendu “GIGC”) en feraient immédiatement bon usage. Cela n’aurait d’ailleurs rien de surprenant puisque les cow-boys de la FICCI (qui tirent toujours plus vite que leur ombre !) se sont déjà fait avoir en 2004 en flirtant avec un “inconnu” d’une officine stalinienne en Argentine, le “citoyen B” qui se cachait derrière un prétendu “Circulo de comunistas internacionalistas”. Ce “Circulo” purement virtuel présentait le grand avantage de publier des mensonges ignobles et grossiers contre notre organisation, mensonges qui ont été complaisamment relayés par la FICCI. Dès que ces mensonges ont été démontés, le “citoyen B” a disparu de la circulation, laissant la FICCI dans la consternation et le plus grand désarroi.

La FICCI prétend que “Le prolétariat a besoin de ses organisations politiques plus que jamais afin de s’orienter vers la révolution prolétarienne. Un affaiblissement du CCI reste toujours un affaiblissement du camp prolétarien dans son ensemble. Et un affaiblissement du camp prolétarien implique nécessairement un affaiblissement du prolétariat dans la lutte de classe.” C’est d’une immonde hypocrisie. Les partis staliniens se proclamaient des défenseurs de la révolution communiste alors qu’ils en étaient les plus féroces ennemis. Personne ne doit être dupe : quel que soit le scénario, présence en nos rangs d’une “taupe” de la FICCI ou manipulation par les services officiels de l’État, le dernier “coup d’éclat” de la FICCI-GIGC démontre clairement que sa vocation n’est absolument pas de défendre les positions de la Gauche communiste et d’œuvrer à la révolution prolétarienne mais de détruire la principale organisation actuelle de la Gauche communiste. C’est une agence policière de l’État capitaliste, qu’elle soit rétribuée ou non.

Le CCI s’est toujours défendu contre les attaques de ses ennemis, notamment contre ceux qui veulent le détruire par des campagnes de calomnies et de mensonges. Cette fois non plus il ne se laissera pas faire. Il ne sera ni déstabilisé, ni intimidé par cette attaque de l’ennemi de classe. Toutes les organisations prolétariennes du passé ont dû faire face aux attaques de l’État bourgeois en vue de les détruire. Elles se sont défendues farouchement et, bien souvent, ces attaques, loin de les affaiblir, ont au contraire renforcé leur unité et la solidarité entre militants. C’est de cette façon que le CCI et ses militants ont toujours réagi face aux attaques et aux mouchardages de la FICCI. C’est ainsi que, dès qu’a été connu l’“appel” ignoble du “GIGC”, toutes les sections, tous les militants du CCI, se sont immédiatement mobilisés pour défendre avec la plus grande détermination notre organisation et nos camarades ciblés dans cet “appel”.

CCI, 4 mai 2014

() “Défense de l’organisation : les méthodes policières de la “FICCI [5]””, “Les réunions publiques du CCI interdites aux mouchards [6]”, et “Calomnie et mouchardage, les deux mamelles de la politique de la FICCI envers le CCI [7]”.

() Voir notamment notre communiqué du 21 février 2002, “Le combat des organisations révolutionnaires contre la provocation et la calomnie – Communiqué à nos lecteurs [8]”.

() tendanceclaire.org/breve.php?id=655 [9]

tendanceclaire.org/breve.php?id=2058 [10]

tendanceclaire.org/breve.php?id=7197 [11]

 

 

Vie du CCI: 

  • Prises de position du CCI [12]

Enlèvement de lycéennes au Nigeria: cinq ans de carnages sur fond d’hypocrisie capitaliste

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Voilà cinq ans que la population du nord du Nigeria vit dans l’horreur et la terreur. Depuis 2009 et son appel au djihad, Boko Haram n’a de cesse de commettre les pires exactions. Ce groupe terroriste massacre tous ceux qui semblent s’écarter de sa doctrine islamiste : villageois, écoliers… Rien que depuis le début de cette année, l’ONG Amnesty International estime que leurs crimes ont fait mille cinq cents victimes. L’objectif est simple : faire appliquer la charia, la loi islamique. Ce groupe et son idéologie barbare sont incontestablement une expression caricaturale de la décomposition du capitalisme. Il s’agit en particulier d’écarter tout ce qui relève de la culture et de l’éducation dite “moderne” ou “occidentale”, “Boko Haram” signifiant littéralement “l’éducation occidentale (ou moderne) est interdite”. Leur dernier exploit macabre vient d’ailleurs de faire la Une des médias de toute la planète : le 14 avril, ces terroristes ont enlevé deux cent soixante-seize lycéennes dans leur dortoir à Chibok. Ils ont ensuite fanfaronné devant les caméras pour annoncer leur mise en vente comme esclaves. Si cinquante-trois d’entre elles sont parvenues à s’échapper, un mois après, personne ne sait ce que sont devenues les deux cent vingt-trois autres jeunes filles.

De l’indignation légitime des prolétaires…

L’indignation face à une telle barbarie a secoué immédiatement les réseaux sociaux dans tous les pays. Le 23 avril est ainsi apparu sur le Web le mot clef #Bring Back Our Girls (Rapportez nos filles), mot d’ordre relayé spontanément en quelques jours par des millions d’internautes. Il s’agit là d’une réaction saine, d’un refus de rester indifférent, d’un refus de s’habituer aux pires atrocités commises chaque jour dans ce monde barbare. La classe laborieuse, comme en grande partie les couches non-exploiteuses, qui subissent partout les mêmes conditions indignes, sont ainsi souvent bouleversées par le sort d’autres êtres humains qui leur sont inconnus mais avec qui elles se sentent pourtant liées. Dans ce sentiment instinctif d’appartenir à une seule et même humanité, à se solidariser, voire à s’unir pour lutter, recèle l’une des clefs de l’avenir.

… au cynisme de la bourgeoisie

La grande bourgeoisie, par la bouche de ses dirigeants politiques, son intelligentsia, ses figures médiatiques… s’est elle aussi fendue de déclarations afin de manifester tout son émoi et sa solidarité. Ainsi, entre autres exemples, Michelle Obama, la Première dame des États-Unis, posant ci-contre pour la photo.

Cette image a fait le tour du monde comme symbole de la mobilisation des puissants pour ces 223 jeunes filles en danger. Quel cynisme ! Quelle hypocrisie sans borne ! Si Boko Haram est un rassemblement de fous fanatiques meurtriers, la grande bourgeoisie est tout aussi barbare. Cette classe dirige un système d’exploitation inhumain et ne recule devant rien pour défendre ses intérêts. C’est froidement et en toute conscience qu’elle commet des massacres de masse, à grande échelle : les deux guerres mondiales, le Vietnam ou la Corée, la guerre du Golfe en 1991, celles d’Afghanistan ou d’Irak dans les années 2000… la liste des boucheries impérialistes est sans fin. A ses yeux, la vie des esclaves n’a aucune valeur. D’ailleurs, concrètement, derrière le paravent médiatique, dans le monde réel, au Nigeria, ce sont les parents qui sont partis à la recherche de leurs propres filles, se cotisant pour payer l’essence.

Tout ce cirque médiatique ne visait en réalité qu’une seule chose, redorer à peu de frais le vernis des dirigeants politiques des grands pays démocratiques. Quelques belles photos, quelques déclarations, quelques clics sur les réseaux sociaux et pourquoi pas quelques larmes de crocodiles devant les caméras, voilà comment tous ces bouchers veulent nous faire oublier leurs propres croisades sanguinaires.

Cette grande propagande internationale n’est une fois de plus qu’une immense opération de marketing destinée à régénérer l’idéologie démocratique en profitant de la barbarie. La guerre menée par Boko Haram, même si elle ne semble pas directement affecter l’économie du pays, une des premières du continent africain, le pétrole, les grandes villes, les zones de production étant toutes au sud quand le groupuscule terroriste décapite et éviscère à tour de bras dans le nord, apparaît comme une opportunité pour orchestrer une campagne médiatique efficace, une campagne qui laisse dans l’ombre le véritable mobile de son agitation. Même si l’intérêt purement économique et immédiat pour les grandes puissances d’intervenir directement paraît a priori assez limité, nul doute que les requins impérialistes tournant autour de cette région géostratégique voient par contre une occasion pour essayer de s’implanter militairement face à leurs rivaux. Ainsi, le 6 mai, les États-Unis ont annoncé l’envoi de forces armées ; puis la France leur a emboîté le pas en annonçant, le 7 mai, l’envoi d’une “équipe spécialisée” et le Royaume-Uni mobilisera bientôt lui aussi des “conseillers spéciaux” et des forces spéciales de son armée de l’air. Tous ces gens cyniques se moquent et se fichent totalement des lycéennes ! L’expérience nous montre la signification de ces élans humanitaires des représentants de la grande bourgeoisie : un même alibi pour avancer, encore une fois, leurs pions respectifs dans la guerre impérialiste sans merci que les nations se livrent continuellement.

DG, 15 mai 2014

 

Rubrique: 

Décomposition du capitalisme

Ukraine: contre l’impérialisme, l’internationalisme de la classe ouvrière!

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Les accrochages meurtriers dans la région de Donetsk, les tensions et nouvelles provocations dans l’Est de Ukraine, comme le référendum pro-russe bidon et les divers petits coups de force des troupes spéciales russes, les manifestations et actions diverses tendant à échapper à tout contrôle, les réactions sporadiques de l’armée ukrainienne, tout cela ne relève pas d’une “réalité du xixe siècle” ou d’un “autre âge” comme veulent le faire croire bon nombre d’observateurs, mais bel et bien de la logique interne du système capitaliste, d’un système en décomposition, toujours bien présent et toujours meurtrier.

Cet article, rédigé en mars, revient spécifiquement sur l’hypocrisie de la classe dominante, notamment occidentale, qui persiste à se parer d’une image “pacifiste”, garante des “droits”, se donnant bonne conscience en enfumant les esprits par l’annonce de “sanctions” à l’égard des dirigeants russes.

L’article ci-dessous nous invite à aller au-delà de la simple dénonciation et indignation pour revenir sur la nécessité d’aller à la racine du problème : le fait que chaque Etat, petit ou grand, est impérialiste et donc que le prolétariat ne doit en aucun cas soutenir l’un ou l’autre des camps belligérants. Dans un prochain article nous reviendrons en profondeur sur l’analyse des événements qui se déroulent en Ukraine.

Quand les troupes russes s’emparèrent des bâtiments stratégiques en Crimée, le secrétaire d’État américain John Kerry prononça cette condamnation sans concession : “Au xxie siècle, il est inconcevable de se comporter comme au xixe siècle, en envahissant un autre pays, sous un prétexte totalement fallacieux.”

Poutine, cependant, empruntant une expression à Tony Blair, insista sur le fait que la demi-invasion de l’Ukraine était une “intervention humanitaire” et que, de toutes façons, les forces qui ont pris possession du Parlement de Crimée étaient de simples “unités d’auto-défense” qui ont acheté leurs uniformes russes dans un magasin d’occasions.

Il n’est pas difficile de voir la vacuité et l’hypocrisie de ces représentants du capital. La déclaration de Kerry a été accueillie par un torrent de protestations à gauche : celle-ci a fait remarquer que le fait d’inventer des prétextes pour justifier l’invasion d’autres pays correspond exactement au comportement des États-Unis depuis les vingt dernières années et plus : il suffit de rappeler l’invasion en 2003 de l’Irak, justifiée par la suspicion de présence d’armes de destruction massive, ou le comportement des États-Unis au xixe siècle. De même, l’appel de Poutine pour des motifs humanitaires porte le monde entier à se moquer de lui lorsqu’on pense à ­Grozny réduite à des décombres dans les années 1990 quand l’armée russe a réprimé sans ménagement les tentatives des Tchétchènes voulant rompre avec la Fédération de Russie.

Le comportement des États du xixe siècle est une référence pour l’impérialisme. A cette époque de l’histoire du capitalisme, les grandes puissances ont construit des empires énormes en envahissant des pans entiers de l’espace pré-capitaliste, à la recherche de marchés. Les efforts désespérés pour s’emparer des espaces restants, s’y accrocher ou se les partager, furent un facteur décisif dans le déclenchement de la Première Guerre mondiale.

De tous les marxistes et aussi de notre point de vue, Rosa Luxemburg avait la vision la plus clairvoyante des origines et de la nature de l’impérialisme. Elle a ainsi analysé la signification de cette transition de l’impérialisme du xixe au xxe siècle : “Avec le degré d’évolution élevé atteint par les pays capitalistes et l’exaspération de la concurrence des pays capitalistes pour la conquête des territoires non capitalistes, la poussée impérialiste, aussi bien dans son agression contre le monde non capitaliste que dans les conflits plus aigus entre les pays capitalistes concurrents, augmente d’énergie et de violence. Mais plus s’accroissent la violence et l’énergie avec lesquelles le capital procède à la destruction des civilisations non capitalistes, plus il rétrécit sa base d’accumulation. L’impérialisme est à la fois une méthode historique pour prolonger les jours du capital et le moyen le plus sûr et le plus rapide d’y mettre objectivement un terme. Cela ne signifie pas que le point final ait besoin à la lettre d’être atteint. La seule tendance vers ce but de l’évolution capitaliste se manifeste déjà par des phénomènes qui font de la phase finale du capitalisme une période de catastrophes” ().

Ces mots ont été écrits un an avant l’éclatement de la Première Guerre mondiale. Et nous sommes toujours en train de vivre cette “période de catastrophes”, marquée par une crise économique globale, deux guerres mondiales, des guerres par procuration meurtrières (souvent menées au nom de la décolonisation) au cours de la guerre froide, puis les conflits exprimant le chaos qui a envahi le globe après la chute du vieux système des blocs Est-Ouest.

Dans ce conflit, l’impérialisme peut avoir changé de forme – le fait de garder des colonies, par exemple, comme dans le cas de la Grande-Bretagne et de la France, devenait le signe d’un déclin impérialiste plutôt que d’une force, et la nation capitaliste la plus puissante, les États-Unis, a supplanté les vieux empires en utilisant son immense force économique pour asseoir sa domination sur de larges pans de la planète. Mais, même les États-Unis ont été obligés encore et encore d’utiliser leur force militaire pour soutenir leur influence économique, y compris par l’invasion d’autres pays, de la Corée à Grenade et du Vietnam à l’Irak. De même leur principal rival durant la guerre froide, l’URSS, qui, du fait de sa faiblesse économique, utilisait un contrôle militaire brutal, seule façon de tenir la cohésion de son bloc : comme nous avons pu le voir avec les invasions de la Hongrie et de la Tchécoslovaquie. Et bien que l’URSS n’existe plus, la Russie de Poutine ne lâche rien sur l’option militaire pour défendre ses intérêts nationaux.

En bref : l’impérialisme, loin d’être un phénomène du xix siècle, dirige toujours le monde. Et comme Rosa Luxemburg l’écrivait de la prison où elle était détenue pour s’être opposée au bain de sang de 1914 : “La politique impérialiste n’est pas l’œuvre d’un pays ou d’un groupe de pays. Elle est le produit de l’évolution mondiale du capitalisme à un moment donné de sa maturation. C’est un phénomène international par nature, un tout inséparable qu’on ne peut comprendre que dans ses rapports réciproques et auquel aucun État ne saurait se soustraire” ().

En d’autres termes, toutes les nations sont impérialistes aujourd’hui, de la plus grande à la plus petite, toutes sont poussées par les exigences impérieuses de l’accumulation capitaliste à s’étendre aux dépens de leurs rivaux, à utiliser la guerre, le massacre et le terrorisme pour défendre leurs intérêts économiques et diplomatiques. De même, la phrase nationaliste “ne sert plus qu’à masquer tant bien que mal les aspirations impérialistes, à moins qu’elle ne soit utilisée comme cri de guerre, dans les conflits impérialistes, seul et ultime moyen idéologique de capter l’adhésion des masses populaires et de leur faire jouer leur rôle de chair à canon dans les guerres impérialistes” ().

R. Luxemburg, comme Lénine, Trotski, Pannekoek, Rosmer et les autres, était une internationaliste. Elle ne considérait pas la société du point de vue de “son pays” mais de “sa classe”, la classe ouvrière, qui est la seule classe réellement internationale parce qu’elle est exploitée et attaquée par le capitalisme dans tous les pays. Elle savait que le nationalisme avait toujours été une façon de cacher la réalité fondamentale selon laquelle la société capitaliste est divisée en classes – une qui possède l’économie nationale et qui contrôle l’État national, et l’autre qui ne possède rien d’autre que sa force de travail. Dans le passé, alors que le capitalisme venait d’émerger de la vieille société féodale, l’idéal de la libération nationale pouvait servir les intérêts de la révolution bourgeoise progressiste, mais, dans la période du déclin du capitalisme, rien de positif ne reste du nationalisme, si ce n’est d’entraîner les exploités dans la guerre, pour la survie de leurs exploiteurs.

C’est pourquoi les internationalistes, en 1914, ont défendu la poursuite et l’approfondissement de la lutte de classe contre leur propre classe dominante ; pour la solidarité avec les ouvriers des autres pays luttant contre leur classe dominante ; pour l’unification éventuelle des ouvriers du monde entier en une révolution contre la loi capitaliste en tout lieu. C’est pourquoi ils ont adopté la même position au moment de la Seconde Guerre mondiale, guerre de procuration entre les États-Unis et l’URSS, et c’est pourquoi nous adoptons la même position contre les guerres d’aujourd’hui. Nous ne cautionnons pas la politique “du moindre mal” contre “l’ennemi numéro un”, nous ne défendons pas les “petites nations” contre les nations plus fortes. Nous ne soutenons pas non plus qu’il existe un “nationalisme des opprimés” qui serait moralement supérieur au “nationalisme de l’oppresseur”. Toutes les formes de nationalisme aujourd’hui sont également réactionnaires et meurtrières.

Dans le conflit actuel en Ukraine, nous ne défendons pas la “souveraineté” de l’Ukraine, soutenue par l’impérialisme américain, pas plus que nous ne défendons le militarisme russe mobilisé contre les États-Unis ou l’influence européenne sur leur flanc sud. Nous ne sommes pas non plus “neutres” ou pacifistes. Nous sommes partisans de la lutte de classes dans tous les pays, même si, comme en Ukraine ou en Russie aujourd’hui, la lutte de classes est noyée dans les combats de fractions concurrentes de la classe dominante.

Contre les barricades des drapeaux nationaux, divisant les ouvriers d’Ukraine et de Russie, contre la menace que constitue l’intoxication patriotique, qui risque de les entraîner dans un massacre terrible, les internationalistes ne doivent pas perdre de vue le mot d’ordre du mouvement ouvrier :

“La classe ouvrière n’a pas de patrie ! Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !”

CCI, mars 2014

() R. Luxemburg, L’Accumulation du capital, 1913, “III – Les conditions historiques de l’accumulation”, 31 : “Le protectionnisme et l’accumulation”.

() Brochure de Junius, éd. Spartacus, 1994, p. 127.

() Idem, page 128.

 

 

Géographique: 

  • Russie, Caucase, Asie Centrale [14]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [15]

Quand la bourgeoisie fait croire au prolétariat qu'il n'existe pas (I)

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Cet article tente de mieux comprendre la situation sociale ambiante dominée par l’abattement qui règne en France depuis 2010. Mais parce que, comme il est dit dans l’article, “Le prolétariat n’a pas de patrie, il mène partout le même combat, il forme dans tous les pays une seule et même classe ; les défaites ou les victoires d’une partie du prolétariat dans un coin quelconque du globe sont les défaites ou les victoires du prolétariat comme un tout à l’échelle mondiale, chaque lutte portant atteinte à la confiance ou au contraire soulevant l’enthousiasme selon son issue”, la dynamique de la lutte de classe y est étudiée dans sa dimension historique et internationale, avec toutes les interdépendances que cela engendre. L’impact des mouvements sociaux en France influe sur le prolétariat de tous les pays, comme les mouvements à travers le monde influent sur la situation en France. Comme nous le verrons, cette dimension internationale de la lutte prolétarienne est bien connue de la bourgeoisie qui est capable face à son ennemi mortel, le prolétariat, de dépasser ses divisions nationales pour se concerter et s’entraider.

Depuis le mouvement social contre la réforme des retraites en 2010, voilà bientôt quatre ans, il n’y a plus eu une seule manifestation d’envergure en France. Pourtant, les raisons de lutter ne manquent pas. Prises sous le feu croisé de la crise économique et des attaques gouvernementales, les conditions de vie ne cessent de se dégrader. Les licenciements, les plans sociaux et les fermetures d’usines atteignent des sommets (63 100 entreprises ont déposé le bilan en 2013, égalant ainsi le record de 2009) ; chaque fonctionnaire doit réaliser toujours plus de tâches avec toujours moins de collègues, des moyens matériels déplorables et une immense pression morale culpabilisante, souvent proche du harcèlement, les aides sociales fondent comme neige au soleil. Des milliers de chômeurs se font radier chaque mois de Pôle emploi au moindre prétexte, perdant ainsi toutes indemnités ; les impôts et taxes en tout genre explosent… Plus encore que les attaques qui touchent le prolétariat dans sa chair, le mépris de la bourgeoisie pour les travailleurs, simples bêtes de somme à ses yeux, est insupportable. La situation est donc révoltante et devrait soulever massivement bien plus que de la colère : de l’indignation ! Alors pourquoi y a-t-il actuellement si peu de réactions ? Pourquoi cette morne plaine sociale ? Pire. Depuis plusieurs mois, les quelques manifestations qui font la Une des journaux sont celles de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie, qui prônent le repli communautaire ou régionaliste et déversent toute leur haine contre les homosexuels, les Juifs, les femmes qui avortent…

Essayer de comprendre cette situation, sans se bercer de douces illusions ni sombrer dans le désespoir, en affrontant les difficultés réelles du développement de la lutte contre le capitalisme, telle doit être l’attitude de tous ceux qui souhaitent contribuer au mieux à l’avènement d’un autre monde. Ces mots de Rosa Luxemburg prononcés en janvier 1919 devant les ouvriers de Berlin en pleine insurrection, doivent être pour tous une source d’inspiration : “Je crois qu’il est sain pour nous d’avoir en pleine clarté devant les yeux toutes les difficultés et les complications de cette révolution. Car j’espère bien que, pas plus que sur moi, cette description des grandes difficultés des tâches qui s’accumulent n’a pas sur vous un effet paralysant ; au contraire : plus la tâche est grande, plus nous rassemblerons toutes nos forces” ().

Le second coup de poignard du stalinisme

Le stalinisme est le fossoyeur de la révolution prolétarienne de 1917. Après que le gouvernement allemand ait écrasé dans le sang les insurrections de 1919, 1921 et 1923, le prolétariat de Russie s’est retrouvé totalement isolé ; la contre-révolution a alors inexorablement gagné du terrain jusqu’à sa victoire totale. Seulement, ce triomphe de la bourgeoisie ne s’est pas réalisé par la victoire guerrière de l’armée blanche, comme les Versaillais ont en 1871 écrasé la Commune de Paris, mais de “l’intérieur” sous le masque rouge du Parti bolchevik qui a peu à peu dégénéré puis trahi la classe ouvrière ().

Ce fut là un véritable drame historique, non seulement parce que la victoire de la contre-révolution a signifié la déportation ou le massacre par millions des combattants restés fidèles au combat de 1917, mais aussi parce que ces crimes purent être commis au nom du communisme. Le plus grand mensonge de l’histoire “communisme = stalinisme” fut un terrible poison idéologique inoculé dans les veines ouvrières. Il a permis de déformer de façon monstrueuse ce qu’était réellement le combat prolétarien pour l’émancipation de l’humanité. Pour tous les dupes de ce mensonge honteux, quel choix reste-t-il ? Soit continuer à se revendiquer du communisme en défendant, de façon aveugle ou “critique”, “la patrie du socialisme”, c’est-à-dire l’URSS et tous ses crimes ; soit rejeter sans distinction l’URSS, la révolution russe et toute l’histoire du mouvement ouvrier. Tel fut le premier coup de poignard du stalinisme.

Et le second ? Il fut donné à l’occasion de l’effondrement de l’URSS. Une immense campagne idéologique fut orchestrée au début des années 1990 ; la mort du communisme et même “la fin de l’histoire” furent décrétées1. Le même message a été matraqué et matraqué encore sur toutes les têtes : le combat révolutionnaire de la classe ouvrière mène à la pire barbarie. “A la poubelle Marx, Engels et Lénine puisqu’ils ne sont finalement que les pères de Staline ! A la poubelle les leçons des luttes ouvrières de l’histoire puisqu’elles ne peuvent engendrer qu’un monstre ! Vive le capitalisme éternel !” Les sociologues et autres spécialistes en tout genre sont venus apporter ici leur petite contribution en ajoutant que, de toutes façons, la classe ouvrière n’existait plus en Europe ou aux États-Unis puisque l’industrie avait presque disparu ; le bleu de chauffe et Le Manifeste de 1848 étaient donc des reliques.

Il ne faut surtout pas sous-estimer la puissance destructrice phénoménale de cette idéologie. Les travailleurs de telle ou telle branche, les chômeurs, les retraités, les jeunes précaires… se sont retrouvés dans les années 1990 atomisés puisqu’ils n’avaient plus de classe visible à laquelle se rattacher, sans avenir puisque la lutte pour un monde meilleur était officiellement impossible et sans passé puisque la lecture des livres et les leçons du mouvement ouvrier avaient prétendument abouti à l’horreur stalinienne. Le désespoir, le no future, la solitude ont ainsi fait un bond énorme, tout comme les sentiments de solidarité et la combativité ont reculé. Sans perspective, le tissu social s’est décomposé et se décompose encore ().

C’est ainsi que la dynamique de luttes née avec le tremblement de terre prolétarien de Mai 1968 en France et qui ne cessait de parcourir le monde, s’est brisée en 1990 et 1991. La bourgeoisie est parvenue à faire croire au prolétariat qu’il n’existait plus, que sa révolution n’avait jamais été, n’est pas et ne sera jamais ().

Le machiavélisme de la classe dominante

La bourgeoisie est la classe dominante la plus machiavélique et manœuvrière de l’histoire. Et si la Commune de Paris de 1871 et surtout la Révolution russe de 1917 lui ont bien fait comprendre une chose c’est que ses capacités, elle doit les employer à tout mettre en œuvre pour empêcher le prolétariat d’affirmer sa perspective historique. Un bref résumé des manœuvres et pièges tendus par la bourgeoisie depuis le début des années 1990 aux travailleurs vivant en France est à ce titre très éclairant sur la façon dont cette classe a constamment eu pour préoccupation d’endiguer le développement de la conscience du prolétariat en exploitant sans relâche la principale faiblesse de son ennemi mortel, celle de ne plus savoir qui il est, d’avoir perdu son identité :

En 1995, la bourgeoisie française a profité du déboussolement des travailleurs pour redorer à peu de frais le blason de ses plus fidèles chiens de garde, les syndicats. Comme elle savait parfaitement qu’une prise en mains des luttes par les travailleurs eux-mêmes était alors impossible compte tenu de l’état de faiblesse de la conscience prolétarienne, la bourgeoisie française s’est permise de créer artificiellement un mouvement massif en lançant simultanément deux attaques, l’une de grande ampleur et touchant tout le monde (le plan Juppé sur la Sécurité sociale) et une spécifique (contre les “privilèges” des cheminots), ce qui était à l’évidence une provocation. Il s’agissait d’un calcul permettant aux syndicats d’apparaître pour l’occasion “unis, combatifs et radicaux”. Dans quel but ? Face à l’usure accélérée des syndicats et à la défiance des travailleurs suscitée par trente-cinq ans de sabotage des mouvements sociaux (depuis mai 1968 et les luttes qui s’en suivirent dans les années 1970 et 1980), il était important pour la bourgeoisie d’imprimer une nouvelle image positive de ses officines d’encadrement de la classe ouvrière et de pousser les ouvriers à leur faire confiance. C’est pourquoi face à ce mouvement en carton-pâte, le gouvernement Juppé a fait mine de trembler et a retiré officiellement ses attaques. Les syndicats pouvaient triompher, le message selon lequel “la lutte paye si et seulement si vous suivez comme des moutons vos syndicats” était passé (). Car il n’y a rien pour la bourgeoisie de plus dangereux que des prolétaires qui commencent à penser et à s’organiser par eux-mêmes.

En 2003, l’ambiance sociale a changé. Alors la bourgeoisie a sorti la même partition : deux attaques simultanées, la première générale (une énième réforme des retraites) et une particulière (suppression de milliers de postes dans l’Éducation nationale). Mais le gouvernement l’a joué différemment. La manœuvre était simple : masquer l’attaque sur les retraites qui touchait toute la classe ouvrière, en harcelant un secteur spécifique avec une mesure spécifique. Et c’est ici que les syndicats, recrédibilisés par la manœuvre de 1995, sont entrés en scène. Refoulant la question des retraites au second plan, ces officines ont mis en avant la revendication particulière des travailleurs de l’Éducation nationale. Ainsi, le secteur de la classe ouvrière le plus touché, au lieu de devenir la locomotive d’un mouvement plus large et global, s’est englué dans le piège du corporatisme. Les enseignants se sont retrouvés isolés et impuissants. Les syndicats finiront d’épuiser les éléments les plus combatifs en les entraînant dans des actions désespérées et stériles comme le blocage des examens de fin d’année. Et afin de parachever le travail de sape, la bourgeoisie pris un malin plaisir à annoncer à grand renfort de publicité que pas un seul jour de grève ne serait payé. Le Premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin, pouvait ainsi, en guise de conclusion, ressortir son message adressé à toute la classe ouvrière : “Ce n’est pas la rue qui gouverne.”

En 2006, le mouvement contre le CPE n’a pas été voulu et programmé par la bourgeoise. Au contraire, il va la surprendre. A l’origine, l’attaque semble bénigne : il s’agit d’instaurer un nouveau contrat précarisant encore un peu plus le travail des moins de vingt-cinq ans. Seulement, une large partie des jeunes futurs prolétaires vont réagir de façon inattendue en prenant en mains la lutte à travers de vraies assemblées générales et en refusant de se laisser enfermer dans un mouvement de “jeunes”, en en appelant au contraire à la solidarité des autres secteurs, des retraités, des chômeurs. Cela ne se fait d’ailleurs pas sans heurts avec les syndicats étudiants qui tentent partout de saboter cette auto-organisation et cette volonté d’extension du mouvement. Et la mayonnaise prend. Manifestation après manifestation, toujours plus nombreux sont les membres de la classe ouvrière à venir grossir les rangs, de façon totalement désintéressée (puisque la réforme prévue ne les touche pas directement) ; ils sont portés par ce qui est le ciment de notre classe : le sentiment de solidarité. La bourgeoisie a l’intelligence de sentir clairement le danger et retire immédiatement le projet pour mettre un terme à cette dynamique menaçante.

L’année suivante, en 2007, le vent enthousiasmant de cette expérience souffle encore un peu. Les cheminots d’un côté, les lycéens et étudiants de l’autre sont attaqués séparément et de façon ciblés. Nombreux sont les lycéens à se joindre au mouvement de lutte des cheminots et les manifestations rassemblent de façon relativement plus large des travailleurs des autres secteurs, des retraités et des chômeurs. Lors d’assemblées générales, des dirigeants syndicaux sont conspués et chassés (). Cela dit, cette fois, parce que l’élan de solidarité au sein de la classe est tout de même moindre qu’en 2006 et que les assemblées générales demeurent au main des syndicats, le gouvernement ne cède pas ; les attaques passent et la lutte finit par s’épuiser. Le prix à payer pour la bourgeoisie pour faire passer le message selon lequel “lutter ne paie pas” est un discrédit important des syndicats. Mais la défaite n’est pas suffisamment amère pour le prolétariat au goût de la bourgeoisie, elle ne pouvait donc en rester là.

En 2008 et 2009, en Guadeloupe, face à la cherté de la vie, la colère est immense. La bourgeoisie française va alors utiliser ce prolétariat combatif mais isolé, manquant d’expérience et empoisonné par la division raciale entre les blancs et les noirs, comme des cobayes dans un laboratoire grandeur nature pour tester ses manœuvres. S’en suit la plus grande mobilisation ouvrière de l’histoire de l’île, quantitativement impressionnante, mais totalement encadrée de bout en bout par le syndicat local (le LKP). Ce mouvement s’achèvera avec quelques promesses de contrôle des prix et quelques aides ponctuelles et surtout un immense épuisement de la combativité. La manœuvre était rodée et pouvait donc être appliquée à plus grande échelle à la métropole.

2010 va ainsi connaître tout au long de l’année une série de manifestations massives. Là encore, la colère est immense face à une forte dégradation des conditions d’accès à la retraite, symbole d’un avenir de plus en plus noir. Mais d’emblée les syndicats prennent les affaires en mains. En fait, ils s’étaient entretenus déjà préventivement de nombreuses fois à l’Élysée, leur riposte était donc déjà planifiée et décidée collectivement avec le gouvernement. Mois après mois d’abord, puis semaine après semaine ensuite, ils mobilisent largement et font défiler des millions de travailleurs lors de “journées d’action” toutes aussi stériles les une que les autres. Une toute petite minorité réagira d’ailleurs en prônant dans des assemblées générales organisées en dehors du contrôle syndical et rassemblant quelques dizaines de personnes, la prise en mains de la lutte par les travailleurs eux-mêmes. Mais cet appel, profondément juste pour l’avenir, ne pouvait être qu’un vœu pieux dans la situation immédiate marquée par un encadrement syndical absolu. Au fil de ces journées d’action, où les discussions sont interdites par la kermesse syndicale, où les rencontres entre les différents secteurs de la classe des exploités est impossible du fait du “parcage” syndical, chacun restant bien en rang sous “sa” banderole, aux côtés de “ses” collègues, où les assemblées générales sont organisées en catimini pour les syndiqués et selon une savante règle de division proche du saucissonnage (secteur par secteur, boîte par boîte, corporation par corporation et parfois même étage par étage…), le résultat est un épuisement, un découragement et surtout un sentiment d’impuissance croissant. Pour parachever ce travail de sape et alors que le mouvement commence à décliner, les syndicats finissent par se radicaliser en prônant le blocage de l’économie par l’occupation du secteur prétendument stratégique des raffineries. Les ouvriers les plus combatifs se retrouvent donc isolés à devoir défendre seuls le blocage de “leur” unité de production pétrolière. Cette manœuvre, il faut en avoir conscience, fut d’une redoutable efficacité pour la bourgeoisie car, quatre années plus tard, le sentiment d’impuissance ressenti à l’époque fut tel que la situation sociale est encore marquée aujourd’hui par le sceau de l’abattement.

Le timing de cette manœuvre doit aussi interroger. Pourquoi cette volonté d’épuiser la combativité ouvrière en France précisément à ce moment là ? A l’été 2007, avec la crise des subprimes et surtout à l’automne 2008 avec la faillite de la banque Lehman Brothers, la crise économique mondiale connaît une brusque aggravation. En Europe, la Grèce, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne sont touchés de plein fouet alors que la France est relativement épargnée, notamment par l’explosion massive du chômage et la baisse des salaires des fonctionnaires. Pourtant, c’est bien en France que va avoir lieu en premier la “riposte” syndicale. Pourquoi ? Par le mouvement artificiel de 2010 qui va durer jusqu’à épuisement, il est tout à fait possible que la bourgeoisie ait ici réalisée une sorte de contre-feu : sentant la colère et la réflexion se développer dans les pays les plus gravement atteints par la crise, en particulier en Espagne (pays qui a lui aussi une longue expérience de luttes ouvrières), il fallait préventivement épuiser la colère et décourager à la lutte en France. Voir s’étendre une seule et même lutte entre ces deux prolétariats voisins serait dangereux pour la bourgeoisie et donc inacceptable. Quoi qu’il en soit, cette manœuvre syndicale de la bourgeoisie française a eu effectivement comme résultat de démoraliser les travailleurs de l’hexagone juste avant que ne se développe un mouvement social porteur de l’autre côté des Pyrénées. En 2011, en effet, quand le mouvement des Indignados (les indignés) va naître sur la place de La Puerta del Sol à Madrid et se propager aux quatre coins du monde, même en Israël ou aux États-Unis sous le nom des ­Occupy, il viendra s’échouer lamentablement en France sur la résignation de prolétaires épuisés et abattus. L’extension géographique du mouvement des Indignados vers ses plus proches voisins et frères de classe a ainsi été brisée et les Indignés se sont finalement retrouvés isolés… ce qui explique en partie qu’en Espagne aussi la situation sociale est depuis lors très morne malgré les coups de boutoirs puissants et incessants de la crise économique. Le prolétariat n’a pas de patrie, il mène partout le même combat, il forme dans tous les pays une seule et même classe ; les défaites ou les victoires d’une partie du prolétariat dans un coin quelconque du globe sont les défaites ou les victoires du prolétariat comme un tout à l’échelle mondiale, chaque lutte portant atteinte à la confiance ou au contraire soulevant l’enthousiasme selon son issue. C’est pourquoi cette réussite de la bourgeoisie dans la prévention de la convergence des mouvements en France et en Espagne, explique le recul des luttes depuis la fin 2011 bien au-delà des frontières de ces deux seuls pays, le contre-coup de l’isolement des Indignados s’est répercuté à l’échelle internationale. L’autre raison de cette dynamique négative, qui doit toujours être inscrite dans le cadre de la décomposition et de la perte d’identité de classe du prolétariat depuis 1990, est le tour sinistre qu’a pris le “Printemps arabe”. En effet, les mouvements sociaux initiaux de Tunisie et d’Égypte, avec le symbole de l’occupation de la place Tahrir, même s’ils étaient d’emblée marqués par la faiblesse de l’interclassisme, étaient aussi animés par une vague d’indignation et concrètement de grèves de la classe ouvrière. Le mouvement des Indignados y avait d’ailleurs vu une source d’inspiration et de courage, clamant aux premiers jours de lutte à Madrid ce slogan internationaliste : “De la place Tahrir à la Puerta del Sol !”. Seulement, en Libye puis en Syrie, le prolétariat trop faible historiquement n’a pu apporter son souffle ; ce sont au contraire la guerre civile et les enjeux impérialistes tant régionaux qu’internationaux qui ont fini par dominer totalement la situation, engendrant toutes les horreurs imaginables de la guerre capitaliste. L’Égypte a alors basculé aussi à son tour, dans une moindre mesure évidemment, dans cette barbarie faite d’affrontements meurtriers dans le seul intérêt des bandes bourgeoises rivales. Le message apparent qui ressort de cet enchaînement, et relayé abondamment par les médias généreux en images horribles, est que la lutte sociale, l’aspiration à la dignité et à la liberté, sont des impasses qui mènent à toujours plus de chaos. Et les derniers événements en Ukraine confirment encore un peu plus ce sentiment. Il faudra un véritable effort de réflexion au sein de la classe ouvrière pour comprendre les raisons réelles de cette dégénérescence vers la guerre civile :

– le prolétariat n’a rien à gagner à se battre pour plus de démocratie bourgeoise ou un “capitalisme plus humain” car cela revient à se battre pour maintenir ce système d’exploitation qui ne peut être que barbare ;

– il à tout à perdre à se laisser entraîner derrière la confrontation des différentes cliques et bandes de la bourgeoise ;

– il n’a aucun intérêt local, régional, national, communautaire, ethnique, religieux à défendre ;

– sa lutte est celle de l’abolition de l’exploitation, des classes et des frontières à l’échelle du monde ;

– sa force est celle du développement de sa conscience et de sa moralité, de son auto-organisation et de sa solidarité internationale !

Les manœuvres idéologiques de la bourgeoisie

La bourgeoisie distille en permanence quantités de mensonges et autres subterfuges qui pourrissent insidieusement la réflexion. Toutes les manœuvres de la bourgeoisie française depuis les années 1990 renvoient ainsi à cette autre grande arme de la classe dominante face à son ennemi : son intelligence et la force de sa propagande idéologique :

Les années qui ont suivi l’effondrement de l’URSS furent dominées par cette offensive idéologique impitoyable sur la mort du communisme et “la fin de l’histoire” ; années durant lesquelles le mensonge “stalinisme = communisme” fut répété jusqu’à satiété. Ce fut là un coup porté terrible à la confiance des ouvriers à lutter pour un monde meilleur, comme nous l’avons déjà vu précédemment.

Les manifestations de 2003 montraient, nous l’avons dit aussi, un léger timide changement du climat social par rapport au désespoir ambiant des années 1990 ; non seulement la colère et la combativité étaient très grandes mais surtout une réflexion commençait à se développer depuis le début des années 2000 sur l’évolution de la situation mondiale. La marchandisation de toute activité humaine, la destruction de la planète et la précarité galopante étaient autant de sujets d’inquiétude. L’antimondialisme des années 1990, qui prônait fondamentalement le repli nationaliste et exprimait ainsi la peur face à l’avenir, s’est alors mué en altermondialisme, animé d’une volonté de lutte contre l’uniformisation et la standardisation, volonté symbolisée par ce slogan : “un autre monde est possible”. Cette évolution est intéressante car elle révèle un changement d’état d’esprit au sein de la classe ouvrière. En effet, la bourgeoisie a dû s’adapter, faire évoluer sa propagande pour attirer dans ses filets idéologiques les ouvriers et détourner ainsi leur réflexion des racines profondes du mal de l’humanité : le capitalisme, l’exploitation de l’homme par l’homme, la société de classes. Car l’antimondialisme comme l’altermondialisme sont des pièges idéologiques tendus par la bourgeoisie pour diluer les ouvriers dans l’interclassisme, les éloigner de toutes pensées révolutionnaires et les rabattre vers les “combats” pour “plus de démocratie”, “une politique moins libérale et plus humaine”, un “commerce équitable”, etc. ().

Quelques années plus tard, à partir de l’été 2007, l’aggravation considérable de la crise va pousser la bourgeoisie à adapter une nouvelle fois son discours. Traditionnellement, le discours dominant sur la situation économique mondiale est de nier la gravité de la situation. Lors de la faillite de la banque Lehman Brothers, à l’automne 2008, au contraire, tous les médias, tous les politiciens et tous les intellectuels vont agiter les bras et crier à la catastrophe : le monde était menacé de s’arrêter de tourner, l’économie mondiale pouvait sombrer dans le gouffre des dettes et l’apocalypse nous attendait tous. Pourquoi ce changement radical de ton ? Pourquoi arrêter de cacher la gravité réelle de la situation économique mondiale pour, à l’inverse, la dramatiser de façon outrancière ? La crise économique ne pouvant plus être cachée, la bourgeoisie a décidé d’en parler à longueur de journée pour mieux la déformer et éviter toute réflexion libre. Surtout, ce discours alarmant est venu justifier les “nécessaires sacrifices”. Là aussi, il faut réfléchir à une éventualité : le gouvernement américain et sa banque centrale, la FED, avaient parfaitement les moyens financiers de sauver Lehman Brothers, ils ont pourtant choisi de la laisser se déclarer en faillite. Il n’est pas exclu qu’il s’agissait de trouver une raison pour déclencher une panique médiatique et justifier les “nécessaires sacrifices”. Augmenter la rentabilité des économies nationales américaines et européennes était devenu en effet une nécessité vitale face à la concurrence croissante des “pays émergents”, de la Chine tout particulièrement. Au nom de la “lutte contre les déficits”, nombreux sont les pays menant encore des politiques de réductions drastiques des aides sociales, des salaires, du nombre de fonctionnaires, etc. () Par exemple, aujourd’hui, l’Espagne a effectivement restauré la compétitivité de son économie nationale et exporte à nouveau ().

La bourgeoisie française a elle aussi joué cette carte. De nombreux fonctionnaires partant en retraite n’ont pas été remplacés, les salaires ont été gelés, les aides sociales réduites, les impôts augmentés… Mais il n’y a pas eu comme chez d’autres pays voisins d’attaques de grande ampleur : les réformes structurelles promises de la Sécurité sociale, de l’assurance- chômage, des régimes des retraites, du statut des fonctionnaires… ne cessent d’être reportées.

Il s’agit encore d’une preuve de l’intelligence de la bourgeoisie. Le prolétariat vivant en France est, comme partout ailleurs, atomisé et ne sait plus qu’il existe. Cela dit, et le mouvement de 2006 en a été une nouvelle preuve, il s’agit d’un prolétariat expérimenté et historiquement combatif. Ainsi, même terriblement affaiblie dans la conscience que la classe ouvrière a d’elle-même, une attaque frontale et massive du Capital français risquerait de déclencher un mouvement social tout aussi frontal et massif. Non seulement la bourgeoisie française ne veut pas de cela, mais les bourgeoisies voisines le craignent aussi.

Donc, depuis 2010 et la manœuvre qui a démoralisé les travailleurs, la classe dominante s’emploie à faire perdurer ce calme plat social : elle attaque de façon incessante les conditions de vie et de travail mais par petites touches, de-ci, de-là. Si le lion, sûr de sa force, se jette d’un bond sur la gazelle, les hyènes qui privilégient l’intelligence et la stratégie, harcèlent, mordillent et usent leur proie, avec patience et précision. En l’occurrence, la bourgeoisie française, même si chaque président élu se rêve en lion (), agit en véritable hyène contre les travailleurs. Elle attaque tel secteur ou tel autre, réduit de quelques euros telle aide ou augmente telle taxe, selon le vieil adage “diviser pour mieux régner”. La bourgeoisie appuie volontairement là où cela fait mal : puisque depuis les années 1990, la classe ouvrière a perdu son identité de classe, que règne la décomposition du tissu social et l’atomisation, elle s’abat sur les travailleurs petits paquets par petits paquets, voire individu par individu.

La gauche, au pouvoir depuis la victoire du socialiste François Hollande en 2012, s’avère une nouvelle fois particulièrement douée à ce petit jeu fait d’hypocrisie, de sournoiserie et d’instrumentalisation de la décomposition. En effet, non seulement elle a l’art et la manière d’enrober ses attaques, de les faire passer incognito mais elle sait aussi se dépenser sans compter pour lever un épais brouillard idéologique. En mettant en avant sa loi légalisant le mariage pour tous, en combattant avec forte publicité l’antisémitisme de “l’humoriste” Dieudonné ou encore en créant une taxe touchant particulièrement les petits industriels, paysans, commerçants et artisans, elle savait parfaitement qu’elle ferait se lever la frange la plus nauséabonde de la société. Et cela n’a pas loupé. Manifestations anti-homos, anti-Juifs, pour la “défense des régions” qui se vantaient de rassembler main dans la main petits patrons et ouvriers sous un même “bonnet-rouge” (), etc., rien n’a manqué à ce tableau affligeant.

Ce piège idéologique est redoutable. D’abord, il diffuse dans la société, soit ces idées putréfiées, soit une peur face à cette dynamique décrite comme fascisante. Ensuite, il crée l’illusion que la gauche est progressiste puisque se dressent face à elle les éléments les plus ouvertement réactionnaires. Dans les deux cas, cela renforce le déboussolement de la classe ouvrière, la perte de vue de qui elle est et de la force sociale qu’elle représente en diluant les ouvriers dans ces mouvements interclassistes (pro- ou anti-gouvernementaux).

La seconde partie de cet article, d’ores et déjà disponible sur notre site internet, sera publiée dans le prochain numéro de ce journal et aura pour chapitres : “La solidarité internationale de la bourgeoisie face au prolétariat en France” et “L’avenir appartient à la lutte de classe”.

Pawel, 6 mars 2014

() Citée par Paul Frölich, in Rosa Luxemburg, éd. L’Harmattan, p. 347.

() Lire nos brochures sur la Révolution russe et le stalinisme.

1) Le philosophe et économiste américain Francis Fukuyama eu ainsi un succès retentissant en pronostiquant en 1989 “la fin de l’histoire” (c’est à dire la fin de la lutte des classe) la victoire absolue du “monde libéral” (c’est à dire du capitalisme) et la chute brutale du nombre de guerres. La guerre du Golfe en 1990, quelques mois seulement après cette déclaration triomphante, révèle la profondeur et la véracité de la thèse de ce grand visionnaire de la bourgeoisie (sic !).

() Lire nos “Thèses sur la décomposition”, disponibles sur notre site web.

() Rosa Luxemburg, parlant de la révolution, et cela quelques jours avant de mourir elle-même assassinée par la soldatesque aux ordres de la social-démocratie nouvellement au pouvoir, finit son dernier texte, L’ordre règne à Berlin, par ces quelques mots soulignant l’importance pour le prolétariat de l’Histoire (du lien entre le passé, le présent et le futur), ainsi que sa confiance dans l’avenir : “J’étais, je suis et je serai”.

() En réalité, le plan Juppé est passé intégralement, petit bout par petit bout, les années suivantes.

() Lire nos articles sur le web “Intervention des militants du CCI dans deux AG de travailleurs de la SNCF : les cheminots démasquent les syndicats [16]” et “Un exemple de solidarité des lycéens avec les cheminots [17]”.

() Lire notre article sur le web : “L’altermondialisme : un piège idéologique contre le prolétariat”.

() Alors que, par ailleurs, les banques centrales et tous les États continuent de creuser les déficits en soutenant artificiellement l’économie à coups de dettes.

() Il s’agit d’un exemple illustrant les contradictions qui traversent le capitalisme. La compétitivité de l’économie espagnole est importante pour la santé économique de ce pays mais aussi pour que cesse la crise financière qui travers l’Union européenne. Néanmoins, les exportations de l’Espagne participent également à la saturation du marché et mettent à mal les économies voisines, comme celles de la France.

() Churchill avait, lui, pour surnom “Le dernier lion”.

() Les manifestants portaient le bonnet rouge breton comme signe de ralliement.

 

 

Situations territoriales: 

  • Situation sociale en France [18]

Courrier de lecteur: Lutte de classe en Chine

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[19]
 
 
 

Le 14 avril 2014, ce qui semble être la plus grande grève de mémoire récente en Chine commença dans l’une des usines de Yue Yuen à Duongguan, au sud du pays. Selon les estimations, le nombre de grévistes variait de trente à quarante mille, le South China Morning Post du 18 avril avançant le nombre de cinquante mille grévistes. La grève a démarré dans l’une des sept usines de la Yue Yuen Industrial Holding Company installée à Taiwan, le plus gros fabricant de chaussures de marque du monde, produisant des chaussures pour Nike, Adidas, Convers, Reebok, Timberland et des douzaines d’autres encore. Une femme qui avait travaillé dans une de ces usines venait juste de se mettre en retraite et avait constaté que la pension versée était bien inférieure à ce qu’elle croyait toucher. Une grève a éclaté à l’usine et quelques centaines d’ouvriers sont sortis, immédiatement suivis de milliers d’autres dans les six autres sites, les jours suivants. Quelques jours plus tard, environ deux à six mille ouvriers (selon les estimations) sont sortis du site de Yue Yuen dans la province voisine de Jiangxi sur la même revendication concernant l’insuffisance du salaire social.

L’insuffisance de financement pour la protection des ouvriers (les pensions, les assurances accidents, les indemnités de licenciement, les prestations maladie et chômage) est en train de devenir un réel problème pour la classe ouvrière en Chine, particulièrement quand les usines ferment, sont relocalisées dans des endroits moins chers, comme au Vietnam par exemple, ou ailleurs dans le pays comme ici dans la province turbulente de Shenzhen vers la province du Huizhou qui est (pour le moment) plus calme. Cette pénurie chronique est certainement un phénomène lié aux entreprises étrangères, comme l’ont suggéré certaines fractions de la bourgeoisie chinoise (comme ils l’ont fait dans le passé en relation avec les affaires liées aux intérêts japonais) mais c’est néanmoins la pratique courante du capitalisme chinois de même que celle de tous les États capitalistes occidentaux, consistant à rogner encore et toujours sur les pensions, les indemnités de chômage et les prestations sociales des ouvriers. Il est également significatif que la classe ouvrière en Chine soit en train de commencer à se poser la question du budget pour les pensions et les autres prestations à long terme. Cela montre, tout comme pour les ouvriers à l’Ouest, le grand intérêt et le malaise qui existent pour l’avenir et la future génération d’ouvriers. Leurs actions sont sur la même ligne que la lutte contre les coupes dans les retraites en France en 2010 qui ont mobilisé des ouvriers de tous âges dans les rues en une immense manifestation de colère et de protestation. C’est la même question qui a provoqué la grève du métro à New York en décembre 2005 quand les patrons ont essayé de réduire les futurs paiements de pensions et de restreindre les remboursements médicaux, amenant quelque trente-cinq mille ouvriers à débrayer. Un intérêt similaire pour l’avenir a contribué à mobiliser les ouvriers et les jeunes dans des manifestations de masse en Espagne et en Grèce, amenant des dizaines de milliers de personnes dans les rues. Il a fallu toutes la rouerie des syndicats britanniques pour étouffer le questionnement et la colère des ouvriers en Grande-­Bretagne, contre une attaque brutale sur les retraites dans les secteurs public et privé ; les syndicats ont aidé les patrons à faire passer les coupes, diminuant les retraites des ouvriers directement employés par eux d’un côté et augmentant les contributions de l’autre.

Un autre problème a surgi pour le prolétariat chinois : les coupes dans les prestations sociales et l’augmentation du nombre de fermetures d’usines ont entraîné le fait que de nombreux emplois sont maintenant classés par l’État comme “temporaires”. Cela génère une grande difficulté pour inscrire les enfants à l’école, obtenir des soins médicaux et toutes les prestations citées plus haut, particulièrement en l’absence de permis de résidence permanente. Là, les ouvriers ne sont pas seulement en train de lutter pour une coupe plus faible dans le “salaire social” mais ils font grève également pour obtenir une augmentation de salaire de 30 %. L’entreprise a fait des propositions aux ouvriers mais, selon toute vraisemblance, ils ne les ont pas acceptées ; la “People’s Republic” a oublié de parler du piège tendu par l’appareil syndical dans les négociations arrangées. Comme le dit le porte-parole et directeur exécutif de Yue Yuen, George Lui, le 22 avril : “Nous ne savons pas trop avec qui négocier”. C’est un vrai problème pour la classe dominante chinoise et cela l’amène à réagir au coup par coup par la répression violente à l’inverse de la tactique à long terme du sabotage subtil opéré par les syndicats à l’Ouest par exemple.

Malgré l’esprit combatif et la solidarité exprimés par la classe ouvrière en Chine, ou à cause d’eux, il y a également des problèmes et des obstacles auxquels les ouvriers doivent se confronter, tout comme leurs frères de classe à l’Ouest. Le nombre de grèves en Chine était cette année trois fois plus important que l’an dernier à la même période. Il y a également eu une augmentation de l’agitation sociale et il faut se souvenir que 99 % des grèves en Chine sont illégales et sauvages. Cette année, les chercheurs parlent d’“une augmentation notable du nombre de grèves et de protestations d’ouvriers depuis la Luna New Year Holiday en février… le mouvement des ouvriers (les grèves et protestations) continue sur une très large base dans toute une série d’industries dans le pays.” Soulignant la réponse répressive de l’État chinois, l’étude poursuit en disant qu’il y a “une nette augmentation de l’intervention de la police et des arrestations d’ouvriers en colère”. Avec un appareil syndical faible et dédaigné, il n’est pas étonnant que la police anti-émeute ait été généreusement déployée ici au Dongguan, dans la mesure où elle est de plus en plus contre la lutte de classe en Chine. On ne dispose pas encore d’une information claire au sujet de la conduite et de l’organisation de cette grève par les ouvriers pour des raisons évidentes mais il est certain que les ouvriers ressentent le besoin d’organiser des assemblées et d’élire leurs propres délégués (il y a eu un appel des ouvriers à se rendre dans une usine de Dongguan pour l’élection de leurs propres délégués et cette grève a certainement des “dirigeants”). Cependant, nous n’en connaissons pas les détails. Ce qui est sûr, c’est que peu de temps après le début de la grève, alors qu’environ un millier d’ouvriers du site de Yue Yuen avaient entamé une marche (peut-être vers une autre usine), la police anti-émeute est intervenue avec des chiens et les “dirigeants” ont été arrêtés, certains ont dû être hospitalisés. La police anti-­émeute a également effectué des raids, arrêtant quelques ouvriers dans et autour de l’usine. Il est tout-à-fait possible que certains militants aient été dénoncés par les gorilles de l’omniprésente All China Federation of Trade Unions (ACFTU) ; cette fédération compte 900 000 adhérents, la plupart membres du Parti, et existe dans tout le pays.

Les grèves des ouvriers de Yue Yuen sont monnaie courante (comme l’a été la vague de grève générale en Chine pendant quelque temps) mais des problèmes similaires ont émergé des grèves précédentes cette année : à l’usine IBM de Shenzhen et aux magasins Walmart en mars dernier. L’ACFTU a joué un rôle décisif dans l’installation de 400 magasins Walmart en Chine en 2006-2007 dans un contexte de volonté gouvernementale d’implanter des syndicats dans les ­sociétés privées. Une partie du marché consistait en ce que tous les employés du Walmart verraient leur cotisation syndicale directement prélevée sur leur salaire. Cela est maintenant légitime pour l’industrie chinoise et c’est un marché très lucratif pour l’ACFTU avec ses 260 millions d’adhérents. Les syndicats britanniques (et généralement les syndicats occidentaux) ont pratiqué la même arnaque depuis des décennies, s’enrichissant directement sur la masse salariale avec la bénédiction des patrons et de la loi.

La protestation des ouvriers contre les indemnités de licenciement minables offertes par Walmart au moment de la fermeture de leur magasin dans la ville de Changde, province du Hunan, est intéressante par la tentative de radicaliser des éléments de l’ACFTU. Le meneur du mouvement est un certain Huang Xingguo, secrétaire de branche et président du syndicat. Il apparaît que Huang, comme beaucoup de dirigeants syndicaux chinois, vient de la gestion administrative et qu’il semble maintenant apparemment dévoué à la cause des ouvriers. Les ouvriers à l’Ouest connaissent la collusion entre administration et syndicats, même s’il y a davantage de flou idéologique là-bas. Huang a fait un pas supplémentaire dans l’imitation des syndicats occidentaux en impliquant des groupes de conseillers juridiques et en prenant la voie toute tracée par les syndicats britanniques consistant à rechercher l’harmonie du travail par les tribunaux. C’est une tendance qui tend à se développer en Chine dans la mesure où cette fraction de la bourgeoisie chinoise recherche la paix sociale à travers la négociation dans le cadre de la loi. D’autre militants, qui ont été impliqués dans la grève initiale ont été arrêtés, mais, à la différence de Huang, qui a des accointances avec la clique des avocats, ils n’ont pas été soutenus par le syndicat américain AFL-CIO. A l’inverse de celui-ci, un certain Wu Guijun, véritable représentant des ouvriers pendant leur grève de trois semaines à l’usine Diweixin (fabrique de meubles) située à Shenzhen province de Hong-kong, faisait partie des 200 ouvriers arrêtés et détenus. Il est toujours en prison et a fait l’expérience malheureuse d’avoir été soutenu par des hommes de lettres libéraux occidentaux, des penseurs, des représentants syndicaux, des défenseurs des droits de l’homme et même (sans doute pour défendre ses propres intérêts impérialistes) la Commission exécutive du Congrès américain, tous réclamant le droit de grève et de protester qui n’existe même pas dans leur propre pays.

Les grèves en cours dans le Dongguan, la vague de grèves qui continue en Chine, montrent le courage militant de larges masses du prolétariat. Mais, comme leurs camarades à l’Ouest, la classe ouvrière en Chine doit affronter et surmonter des obstacles importants. La grève montre aussi le rôle des syndicats qui sont mandatés partout pour protéger l’intérêt national dans tous les pays où ils travaillent. La fonction des syndicats, et cela se voit clairement en Chine, est de surveiller les ouvriers, de concert avec la police anti-émeute, de faciliter les attaques contre eux et de protéger l’État. C’est ce qui arrive en ce moment en Chine, avec ses particularités, mais ce travail anti-­ouvrier est une caractéristique des syndicats partout.

Baboon, un sympathisant du CCI, 24 avril 2014

 

Géographique: 

  • Chine [20]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [15]

L’utopie ne mène pas à la lutte, la recherche de la vérité offre une perspective

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Ces dernières années, de plus en plus nombreuses sont les voix qui s’élèvent pour mettre en avant des revendications encore plus radicales et rechercher une solution pour une transformation plus fondamentale de la société. Les mouvements de lutte de ces dernières années (Occupy, Indignés, etc.) ont mis en évidence que des revendications partielles en tant que telles, des revendications sur des terrains particuliers de la société, bien qu’elles peuvent constituer un point de départ pour la lutte, sans suite et sans extension dans et par la lutte, se brisent tôt ou tard. Un texte signé Sander du KSU (1), tente de formuler une réponse à cette question.

”Viser les réformes semble, à première vue, plus réaliste, mais il vaut la peine de lutter pour une société qui est entièrement comme tu l’imagines. En revendiquant des réformes, on risque d’affaiblir la lutte une fois que les revendications ont été satisfaites. (…) Des causes sous-jacentes (…) sont faciles à reprendre à leur compte par des parties modérées qui ensuite récupèrent la résistance. Quand par contre, on lutte pour une toute autre société (…) alors il est possible sur cette base de davantage développer, parce que le but final dès le début est une société totalement différente et ainsi on peut continuer vers ce qu’on vise véritablement” ().

Et Sander n’est pas le seul qui constate que poser des “revendications réalistes” ne favorise pas le combat. D’autres voix également font un plaidoyer pour radicaliser les revendications :

”Celui qui soumet l’art aux lois du marché, après tout, abolit la promesse sur l’avenir. Car du véritable art est hors normes, un sens du possible et de l’imagination et c’est là que le changement commence. Aussi l’artiste et les amoureux de la culture doivent, en ce qui concerne la gestion de la culture, oser réfléchir sur un changement radical” ().

“Les dernières années m’ont appris que beaucoup de gens entre temps savent qu’un changement radical est inévitable. Les crises sociales, écologiques et économiques ne peuvent pas être résolues par un ‘business as usual’. Les conceptions existantes ont mené vers les crises et ne peuvent être employées pour les résoudre” ().

Mais comment mettre en avant des revendications encore plus radicales si on a déjà lutté pour l’abolition du capitalisme ? Quelque part désorientés, mais non découragés et battus, les camarades combatifs du KSU se retirent pour soigner leurs blessures et tirer les leçons, à la recherche d’une autre façon d’enfoncer une plus grande brèche dans le mur de l’État capitaliste. Plusieurs articles sont parus sur le site web du KSU, qui essayent de donner un élan à un nouveau concept stratégique pour la lutte à venir.

Toutes sortes de groupes, surtout anarchistes, ont depuis des années pris ces mêmes chemins battus. Le KSU est un des rares groupes dans le milieu politique qui montre encore une vraie vie et garde la capacité de prendre un autre chemin, dans une tentative de sortir de l’impasse dans laquelle il est arrivé, en partie suite à son propre activisme. C’est un regroupement qui existe depuis plusieurs années mais qui n’est pas un groupe d’action classique. Même si rien n’indique que de nombreuses discussions ont lieu au sein du groupe, les participants sont néanmoins intéressés par la théorie. Régulièrement des textes sont publiés, surtout des reprises, qui approfondissent l’un ou l’autre thème.

Le groupe est assez hétérogène, n’a pas de concept idéologique fixe (anarchiste, situationniste, moderniste, etc.)et développe surtout des activités dans le cadre de l’enseignement supérieur et de la science. Même si le noyau est resté pratiquement le même depuis plusieurs années, le groupe attire encore régulièrement des nouveaux, jeunes gens qui, avec des nouvelles idées, ravivent le groupe. Récemment encore par la publication de quelques contributions sur une stratégie utopique, qui pourrait éventuellement redonner une perspective à la lutte anticapitaliste :

Prenons par exemple l’article titré : “Ecotopia”, dans lequel on tend à présenter une alternative utopique d’une société où la nature est au centre, face à la dérive d’une croissance continue et de la consommation infinie, produits logiques du mode de production capitaliste ;

Un deuxième article sur le site, intitulé : “Réalité au-dessus des rêves et de l’imagination ?”, écrit : “les rêves sur un meilleur monde. Irréaliste ! pas pratique ! gaspillage de temps ! dangereux ! Nous avons oublié la valeur de l’idéalisme” ;

Dans un troisième article sur le site du KSU, nommé : “La pensée non pratique comme solution pratique, on lit : “… des autres font immédiatement le choix du but ultime et avancent des revendications utopiques (…) en élargissant le but, plus nombreux seront ceux qui peuvent s’y retrouver (…) cela parait utopique, mais c’est peut-être le façon la plus pratique de s’y prendre”.

Que ces trois articles cités expriment non seulement les besoins d’un groupe quelconque mais répondent aussi à un besoin plus large parmi les couches non exploiteuses, est confirmé par le fait qu’au cours de l’année passée, plusieurs livres sont parus sur le thème de l’utopie :

– La nouvelle coopération entre la réalité et l’utopie (Walter Lotens) ;

– De la crise vers l’utopie réalisable (Jan Bossuy) ;

– La nouvelle démocratie et autres formes de politique (Willem Schinkel).

S’y ajoutent d’autres initiatives :

– Konfrontatie a consacré un numéro de sa revue pour une grande partie à la question de l’utopie ;

– une série de trois émissions de radio, il y a un an, traitait de l’idée utopiste ;

– dernièrement, a eu lieu une discussion de forum à Leiden sur le même sujet.

L’anticapitalisme donc, ne suffit pas. Cela entre-temps, les camarades du KSU l’ont probablement également bien compris. Cela avait, en passant, déjà été souligné lors d’une contribution précédente sur le site du KSU . Il doit y avoir également une perspective, une perspective réelle d’une autre société. Celle-ci représente un autre avenir, constitue une attirance qui peut donner une orientation et une inspiration à la lutte actuelle. Selon Willem Schinkel, on aurait justement besoin de plus d’imagination utopique, car cela constitue un moyen de dépasser la “politique d’une simple gestion des problèmes”.

Afin de dépasser la nature purement anticapitaliste de la lutte, certains soulignent l’importance des rêves. Parce que la pensée utopique est l’art de rêver d’une alternative. Pour transcender notre réalité, nous devons en effet apprendre à regarder au-delà de l’horizon du capitalisme et donner un contenu à une vision d’un monde alternatif et meilleur. Pour donner une forme dans nos têtes à un tel avenir, nous avons besoin de nous inscrire à un certain idéal, même s’il reste fondé sur une base matérielle. Libéré de la nécessité de rechercher une solution pratique à la misère quotidienne du capitalisme, un espace est libéré pour créer dans nos pensées une représentation idéale.

“L’imagination au pouvoir !”, a été le célèbre slogan de la révolte de mai 1968. Non pas que l’imagination suffise pour réaliser une autre société. Mais l’imagination peut avoir une fonction importante. “Nous devons à nouveau oser rêver. Parce que les rêves d’un monde meilleur signifient une réflexion critique sur le monde actuel. Car si on réfléchit à des choses qui semblent impossibles, on est en mesure de penser en dehors du cadre, peu importe que notre idée soit oui ou non “réaliste”” (“Réalité au-delà des rêves et de l’imagination ?”)

Le volet culturel de la lutte contre le capitalisme

La lutte contre le capitalisme se compose de trois éléments :

– la lutte contre les attaques sur nos conditions matérielles de vie : notre revenu et sur l’éducation, sur la santé... ;

– la lutte pour le pouvoir politique : le remplacement du système de la propriété privée par la propriété collective ;

– la lutte contre l’aliénation, contre le rétrécissement de la conscience, contre l’abrutissement par un mode de vie comme une machine, comme des aspects importants du volet culturel de la lutte.

Ce troisième volet culturel de la lutte se caractérise par des caractéristiques fondamentales de l’homme, telles que l’engagement moral (la voix de l’intérieur) et les sentiments artistiques (le sens de la beauté), mais aussi par des aspects tels que l’imagination, la créativité, l’intuition. “L’imagination a tout. Elle décide de la beauté, de la justice et du bonheur, qui signifient tout dans le monde” (Blaise Pascal). La lutte “pour le socialisme n’est pas seulement une question de pain et de beurre, mais un mouvement culturel...” (Rosa Luxemburg).

Dans les yeux de Henriette Roland Holst la lutte obtient toute son importance seulement quand la raison et l’intuition coulent conjointement. Il s’agissait pour elle “d’écouter la voix intérieure”, où “la véracité et l’empathie sont les deux principales puissances psychiques”. Selon Henriette Roland Holst, le monde n’est pas connu dans son intégralité que par la raison. L’intuition, le sentiment, la perception et leur synthèse dans l’imagination sont les autres composants indispensables (“Le communisme et la morale”).

”En élargissant l’objectif, plus de gens se reconnaîtront dans le but (....) Cela parait utopique...”. En fait, dans la période actuelle, l’établissement d’une utopie dans le cadre de la lutte revendicative n’a jamais conduit à une forme de mobilisation générale des travailleurs, des étudiants, des chômeurs. La revendication “utopique” : un revenu de base pour tous, qui depuis plusieurs décennies est mise en avant par les gauchistes, mène à l’opposé de l’unification dans la lutte. La revendication comparable de “gratuité de l’enseignement”, qu’entre autre le KSU récemment avait mis en avant comme une revendication “utopique”, n’a pas fonctionné. C’est parce que l’“utopie” ne se définit pas au niveau de la lutte matérielle, mais est une expression typique de la lutte “spirituelle”.

Bien sûr, la lutte pour la défense des conditions matérielles de vie est et reste dans les circonstances actuelles, la première préoccupation dans la lutte de la classe. Parce que sans un minimum vital, la vie de toute façon n’est pas digne d’être vécue. Cependant la lutte contre le capitalisme et son idéologie étroite ne s’arrête pas là. Car la poursuite d’une véritable conscience, de la vérité, est motivée non seulement par des intérêts matériels, comme un revenu décent pour tous, mais aussi par l’idée d’une sorte d’“idéal”.

”Nous avons oublié la valeur de l’idéalisme.” Non ! Mais sans nous considérer comme des idéalistes, la valeur la plus élevée de la lutte pour une autre société finalement ne se trouve pas sur le plan matériel, mais sur le plan de la conscience, de la lutte spirituelle. Et nous ne pouvons l’utiliser que si nous comprenons que l’idée créative en constitue un élément indispensable. Dépasser dans la tête – la représentation idéale donc – des limites du système actuel n’est pas possible sans faire appel à l’inspiration de l’imagination. Des structures idéales dans nos esprits sont capables de faire monter à la surface une force intérieure profonde, qui peut fournir un stimulus majeur à la lutte.

Il doit être clair qu’il serait myope de nous limiter aux sources d’inspiration, développées par les utopistes socialistes ci-dessus et Kropotkine. Nous devons considérer dans un contexte plus large la valeur de l’imagination, la pensée créative qui tout au long de l’histoire de l’humanité a toujours été une force majeure dans son progrès. En effet, les gens vivent également dans un monde d’idées et d’idéaux, dont la poursuite à certains moments peut être plus puissante que l’instinct de préserver le niveau des conditions matérielles immédiates. Ainsi, les révolutionnaires sociaux-démocrates en 1905, lors de la montée révolutionnaire en Russie, par exemple, ont été “surpris, rattrapés et dépassés par la turbulence du mouvement, ses nouvelles formes d’apparence, son imagination créatrice...”.

Un exemple d’un effort, conduit par l’imagination et l’inspiration, est la vie de Léon Tolstoï. La source de sa force venait des profondeurs de sa grande personnalité qui lui a donné le courage de rechercher sans préjudice la vérité. Comme a écrit Rosa Luxemburg dans le Leipziger Volkszeitung (1908) “tout au long de sa vie et de son œuvre, c’était en même temps une contemplation agitée de la vérité dans la vie humaine”. Il était un chercheur et un combattant, mais était loin d’être un socialiste révolutionnaire. “Avec son art, il a embrassé toute la passion humaine, toutes les faiblesses et les humeurs” qui lui ont permis, jusqu’à son dernier souffle, de lutter pour faire face aux problèmes sociaux les yeux ouverts.

Zyart, 15 janvier 2014

() Sander van Lanen ; KSU.

() L’imagination au pouvoir ! Egalement dans le domaine de la gestion de la culture ; 20-09-2013, DeWereldMorgen.

() Martijn Jeroen van der Linden, économe d’entreprise, Hoogeveen.

 

 

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