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Révolution Internationale n° 307 - Décembre 2000

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Ni Israël ni Palestine, les ouvriers n'ont pas de patrie!

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Jour après jour, la liste des morts et des blessés s'allonge en Israël et dans les territoires occupés.

Dans cette partie du monde qui a déjà connu cinq guerres ouvertes depuis la fin de la seconde boucherie mondiale (sans compter toutes les opérations militaires en temps de "paix"), une nouvelle guerre est en train de couver et qui, sans qu'elle ait commencé officiellement, a déjà tué des centaines de personnes, particulièrement des jeunes et des adolescents.

Officiellement, tout le monde parle de "paix", aussi bien les dirigeants israéliens que ceux de l'Autorité palestinienne de même que tous les gouvernements des pays les plus développés, qu'ils soient européens ou américains.

Dans les faits, malgré toutes les conférences qu'on a vues se succéder depuis l'été dernier (conférence de Camp David, dans la résidence de vacances de Clinton, au mois de juillet, rencontre de Paris le 4 octobre, conférence de Charm El-Cheikh à la mi-octobre), la situation n'a cessé d'empirer depuis la fin septembre : pierres, attentats à la bombe, lynchages de Palestiniens contre des Israéliens, balles réelles de ces derniers contre les manifestants palestiniens, roquettes et tirs d'artillerie contre les populations civiles.

Suivant les pays et la couleur des gouvernements, on nous engage à prendre fait et cause pour l'un ou l'autre camp en présence :

- "Il faut défendre Israël contre la menace de tous ces arabes fanatiques qui encerclent ce pays."

- "Il faut soutenir la juste cause palestinienne contre les exactions israéliennes."

Mais à aucun moment, personne ne pose la véritable question : où se trouvent les intérêts de la classe ouvrière, celle d'Israël, juive ou arabe, celle de Palestine, celle des autres pays du monde ?

Au Moyen-Orient, la guerre n'a pas de fin

Le 20e siècle a ét&ea;cle a été un siècle de guerres, les guerres les plus atroces de l'histoire humaine, et jamais aucune d'entre elles n'a servi les intérêts des ouvriers. Toujours ces derniers ont été appelés à aller se faire tuer par millions pour les intérêts de leurs exploiteurs, au nom de la défense de "la patrie", de "la civilisation", de "la démocratie", voire de "la patrie socialiste" (comme certains présentaient l'URSS de Staline et du goulag).

Et après ces guerres terribles, particulièrement après la Seconde Guerre mondiale, on a encore demandé à ceux qui avaient survécu d'accepter de nouveaux sacrifices pour reconstruire l'économie "nationale" c'est-à-dire capitaliste.

Aujourd'hui, il y a une nouvelle guerre au Moyen-Orient, même si elle n'est pas officiellement déclarée.

De chaque côté, les cliques dirigeantes appellent les ouvriers à "défendre la patrie", qu'elle soit juive ou palestinienne. Ces ouvriers juifs qui en Israël sont exploités par des capitalistes juifs, ces ouvriers palestiniens qui sont exploités par des capitalistes juifs ou par des capitalistes arabes (et souvent de façon bien plus féroce que par les capitalistes juifs puisque, dans les entreprises palestiniennes, le droit du travail est encore celui de l'ancien empire ottoman).

Les ouvriers juifs ont déjà payé un lourd tribu à la folie guerrière de la bourgeoisie au cours des cinq guerres qu'ils ont subies depuis 1948. Sitôt sortis des camps de concentration et des ghettos d'une Europe ravagée par la guerre mondiale, les grand-parents de ceux qui aujourd'hui portent l'uniforme de Tsahal avaient été entraînés dans la guerre entre Israël et les pays arabes. Puis leurs parents avaient payé le prix du sang dans les guerres de 67, 73 et 82. Ces soldats ne sont pas d'affreuses brutes qui ne pensent qu'à tuer des enfants palestiniens. Ce sont de jeunes appel&eacut jeunes appelés, ouvriers pour la plupart, crevant de trouille et de dégoût qu'on oblige à faire la police et dont on bourre le crâne sur la "barbarie" des Arabes.

Les ouvriers palestiniens aussi ont déjà payé de façon horrible le prix du sang. Chassés de chez eux en 1948 par la guerre voulue par leurs dirigeants, ils ont passé la plus grande partie de leur vie dans des camps de concentration, enrôlés de gré ou de force à l'adolescence dans les milices du Fatah et autres FPLP ou Hamas. Leurs plus grands massacreurs ne sont d'ailleurs pas les armées d'Israël mais celles des pays où ils étaient parqués, comme la Jordanie et le Liban : en septembre 1970 (le "septembre noir"), le "petit roi" Hussein les extermine en masse, au point que certains d'entre eux vont se réfugier en Israël pour échapper à la mort ; en septembre 1982, ce sont des milices arabes (certes chrétiennes et alliées à Israël) qui les massacrent dans les camps de Sabra et Chatila, à Beyrouth.

Nationalisme et religion, des poisons pour les exploités

Aujourd'hui, au nom de la "Patrie palestinienne", on veut mobiliser à nouveau les ouvriers arabes contre les Israéliens, c'est-à-dire, en majorité, des ouvriers israéliens, de même qu'on demande à ces derniers de se faire tuer pour la défense de la "terre promise", Eretz Israël.

Des deux côtés coulent de façon répugnante les flots de propagande nationaliste, une propagande abrutissante destinée à transformer des êtres humains en bêtes féroces. Les bourgeoisies israélienne et arabes n'ont cessé de l'attiser depuis plus d'un demi-siècle. Aux ouvriers israéliens et arabes, on n'a cess&eacs, on n'a cessé de répéter qu'ils devaient défendre la terre de leurs ancêtres. Chez les premiers on a développé, à travers une militarisation systématique de la société, une psychose d'encerclement afin d'en faire de "bons soldats". Chez les seconds on a ancré le désir d'en découdre avec Israël afin de retrouver un foyer. Et pour ce faire, les dirigeants des pays arabes dans lesquels ils étaient réfugiés les ont maintenus pendant des dizaines d'années dans des camps de concentration, avec des conditions de vie insupportables, au lieu de les laisser s'intégrer dans la société de ces pays.

Le nationalisme est une des pires idéologies que la bourgeoisie ait inventées. C'est l'idéologie qui lui permet de masquer l'antagonisme entre exploiteurs et exploités, de les rassembler tous derrière un même drapeau pour lequel les exploités vont se faire tuer au service des exploiteurs, pour la défense des intérêts de classe et des privilèges de ces derniers.

Et pour couronner le tout, il s'y ajoute dans cette guerre le poison de la propagande religieuse, celle qui permet de créer les fanatismes les plus déments. Les juifs sont appelés à défendre avec leur sang le mur des lamentations du Temple de Salomon. Les musulmans doivent donner leur vie pour la mosquée d'Omar et les lieux saints de l'Islam. A ceux qui en refusent l'idée, ce qui se passe aujourd'hui en Israël et en Palestine confirme bien que la religion est "l'opium du peuple" comme le disaient les révolutionnaires au siècle dernier. La religion a pour but de consoler les exploités et les opprimés. A ceux pour qui la vie sur terre est un enfer, on raconte qu'ils seront heureux après leur mort à condition qu'ils sachent gagner leur salut. Et ce salut, on leur échange contre les sacrifices, la soumission, voire contre l'abandon de leur vie au service de la "guerre sainte".

Qu'à la fin du vingtième siècle, les idéologies et les superstitions remontant à l'antiquité ou au Moyen-Age soient e Moyen-Age soient encore abondamment agitées pour entraîner des êtres humains au sacrifice de leur vie en dit long sur l'état de barbarie dans lequel replonge le Moyen-Orient, en même temps que beaucoup d'autres parties du monde.

Les grandes puissances responsables de la guerre

Quant aux pays "développés", aux "grandes démocraties" qui aujourd'hui se penchent avec une compassion affectée sur un Moyen-Orient emporté par la fièvre guerrière, les Etats-Unis et les pays de l'Union européenne notamment, il faut dénoncer leur hypocrisie répugnante.

Ce sont les dirigeants de ces mêmes puissances qui ont créé la situation infernale dans laquelle meurent aus laquelle meurent aujourd'hui par centaines, et demain, peut-être par milliers, les exploités de cette région.

Ce sont les bourgeoisies européennes, et particulièrement la bourgeoisie anglaise avec sa "déclaration Balfour" de 1917 qui, afin de diviser pour mieux régner, ont permis la constitution d'un "foyer juif" en Palestine, favorisant ainsi les utopies chauvines du sionisme. Ce sont ces mêmes bourgeoisies qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale qu'elles venaient de remporter, se sont arrangées pour acheminer vers la Palestine des centaines de milliers de juifs d'Europe centrale sortis des camps ou errant loin de leur région d'origine. Cela leur permettait de n'avoir pas à les recueillir dans leur pays.

Ce sont ces mêmes bourgeoisies, anglaise et française d'abord, puis la bourgeoisie américaine qui ont armé jusqu'aux dents l'Etat d'Israël afin de lui attribuer le rôle de fer de lance du bloc occidental dans cette région lors de la guerre froide, alors que l'URSSde, alors que l'URSS, de son côté, armait le plus possible ses alliés arabes. Sans ces grands "parrains", les guerres de 1956, 67, 73 et 82 n'auraient pas pu avoir lieu.

Avec l'effondrement de l'URSS et du bloc russe on nous avait promis une nouvelle "ère de paix". Ce mensonge avait été immédiatement démenti par la guerre du Golfe en 1991. Mais à la suite de celle-ci, l'illusion d'une paix possible avait été déversée par les discours des hommes politiques et avait fait la une des journaux. C'était le temps de la conférence de Madrid en octobre 1991 et de la "paix d'Oslo" signé à la Maison Blanche en septembre 1993.

Mais il n'y a pas de paix possible dans le capitalisme. Déjà, les horribles massacres en Yougoslavie nous le démontraient au même moment. Quant au Moyen-Orient, la paix voulait dire une "Pax americana", une présence encore plus pesante de la puissance américaine dans la région, ce que ne voulaient ce que ne voulaient pas d'autres bourgeoisies que la fin de la menace soviétique incitait à affirmer leurs propres ambitions impérialistes.

Aujourd'hui, toutes ces bourgeoisies affirment vouloir la paix. Ce qu'elles veulent surtout c'est mettre un pied ou renforcer leur position au Moyen-Orient, une des zones les plus convoitées du monde de par son importance économique et stratégique.

Pour mettre fin à la guerre, il faut renverser le capitalisme

C'est pour cela que dans le conflit entre Israël et la Palestine, on retrouve les Etats-Unis comme parrain du premier pays alors que d'autres puissances, telle la France (comme on l'a vu lors de la rencontre de Paris au début octobre), se rangent derrière les positions palestinie positions palestiniennes.

Aujourd'hui encore, même avec la disparition de l'URSS, les grandes puissances viennent mettre de l'huile sur le feu, comme elles l'ont fait abondamment pendant près de 10 ans en Yougoslavie.

C'est pour cela que les ouvriers de ces pays, des "grandes démocraties", dont les dirigeants n'ont à la bouche que les mots "paix" et "droits de l'homme" doivent refuser de prendre partie pour un camp bourgeois ou pour l'autre. En particulier, ils doivent refuser de se laisser berner par les discours des partis qui se réclament de la classe ouvrière, les partis de gauche et d'extrême gauche qui leurs demandent de manifester leur "solidarité avec les masses palestiniennes" en quête de leur droit à une "patrie". La patrie palestinienne ne sera jamais qu'un Etat bourgeois au service de la classe exploiteuse et opprimant ces mêmes masses, avec des flics et des prisons. La solidarité des ouvriers des pays capitalistes les plus avancées ne va pas aux "palestiniensx "palestiniens" comme elle ne va pas aux "israéliens", parmi lesquels on trouve des exploiteurs et des exploités. Elle va aux ouvriers et chômeurs d'Israël et de Palestine, qui d'ailleurs mènent des luttes contre leurs exploiteurs malgré tout le bourrage de crâne dont ils sont victimes, comme elle va aux ouvriers de tous les autres pays du monde. Et la meilleure solidarité qu'ils puissent leur apporter ne consiste certainement pas à encourager leurs illusions nationalistes.

Cette solidarité passe avant tout par le développement de leur combat contre le système capitaliste responsable de toutes les guerres, un combat contre leur propre bourgeoisie.

Au Moyen-Orient, comme dans beaucoup d'autres régions du monde ravagées aujourd'hui pas la guerre, il n'y a pas de "juste paix" possible sous le capitalisme. Même si la crise actuelle ne débouche pas sur une guerre ouverte, même si les différents protagonistes arrivent à s'entendre cette fois-ci, cette régci, cette région restera une poudrière toujours prête à exploser.

La paix, la classe ouvrière devra la conquérir en renversant le capitalisme à l'échelle mondiale ce qui passe aujourd'hui même par un développement de ses luttes sur son terrain de classe, contre les attaques économiques de plus en plus dures que lui assène un système plongé dans une crise insurmontable.

Contre le nationalisme, contre les guerres dans lesquelles veulent vous entraîner vos exploiteurs,

Prolétaires de tous les pays, unissez vous !

Géographique: 

  • Israel [1]
  • Palestine [2]

Questions théoriques: 

  • Guerre [3]

Vache folle: c'est la folie du capitalisme qui tue

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Il y a encore deux ou trois mois, la "vache folle" passait pour un épisode presque oublié au milieu d'une série de scandales alimentaires, épisode dont le danger avait parait-il été quasiment éradiqué, au moins en France. C'était, nous a-t-on dit, un produit d'importation britannique qui, grâce aux bons offices du gouvernement français, ne menaçait désormais plus d'envahir les assiettes des prolétaires vivant de ce côté-ci de la Manche. Les mesures dites de "précaution" de l'Etat, allant des lois interdisant théoriquement l'utilisation des farines carnées dans l'alimentation des ruminants à l'embargo prolongé sur le boeuf anglais contre l'avis de la commission européenne, nous garantissait contre tout risque de développement sur le territoire français de la maladie bovine et, partant, de la maladie humaine : cette terrifiante variante atypique de la maladie de Creutzfeld-Jacob, qui lorsqu'elle se déclare après une longue incubation, condamne ses victimes à une mort certaine en moins d'un an. Entre temps, d'autres affaires touchant à notre nourriture quotidienne avaient eu le temps de voler la vedette à la vache folle, qu'il s'agisse du poulet à la dioxine, des fromages à la listeriose, des animaux d'élevage bourrés d'antibiotiques ou du Coca-Cola enrichi aux raticides, sans parler des campagnes régulières sur les OGM. Au mois de septembre, la publication de chiffres sur une nouvelle recrudescence des cas d'ESB en France a remis la question au premier plan des médias. En quelques jours, les mensonges hypocrites de la bourgeoisie française sur une prétendue meilleure sécurité alimentaire en France ont volé en éclats, au point que c'est maintenant le boeuf français qui a pris, chez les Etats concurrents de la France en Europe, la place du boeuf britannique comme synonyme de poison mortel.

A travers l'océan d'informations contradictoires, de chiffres et d'hypothèses plus ou moins "scientifiques" dont nous avons été abreuvés depuis lors, sans parler de l'évidente exploitation politicienne du scandale dans les règlements de compte entre l'Elysée et Matignon qui viennent encore ajouter à la confusion et aux doutes, il est quasiment impossible de se faire une idée très claire. Il y a cependant un fait qui s'impose : nous assistons au développement d'une épidémie bovine qui a commencé à se transmettre à l'homme et aucun expert n'est aujourd'hui en mesure d'affirmer qu'elle puisse être éradiquée ni de prédire l'ampleur que peut prendre le phénomène dans les années à venir. Les épidémiologistes britanniques avouent eux-mêmes ne pas savoir s'il y aura 100, 1000 ou 100 000 victimes en Grande-Bretagne.

Le vent de panique déclenché en quelques jours a pris une telle ampleur qu'elle a entraîné un effondrement brutal de la fili&e brutal de la filière de viande bovine, mis des centaines d'exploitations d'élevage au bord de la faillite et que des menaces sérieuses de licenciements dans les abattoirs et les industries de transformation de la viande pointent leur nez. Du coup, le gouvernement s'est empressé d'édicter une nouvelle loi, une de plus, concernant les farines animales, tandis que la machine médiatique, changeant de ton, s'escrimait à fustiger la "psychose collective irrationnelle" de la population et à "rassurer les consommateurs", ce qui, il faut le dire, est tout sauf ...rassurant.

Le capitalisme empoisonneur

Psychose ou pas, derrière la peur engendrée par ce nouveau scandale, il existe une réalité, qui a toujours été ressentie par des générations ouvrières,ons ouvrières, même si c'est plus ou moins confusément selon les époques : la classe capitaliste a toujours eu un mépris souverain pour les conditions alimentaires et sanitaires de ceux qu'elle exploite. Elle leur a toujours réservé les produits alimentaires de plus basse qualité, telle que la viande dite "de réforme", issue de l'élevage laitier ou les poulets de batterie, tous nourris aux fameuses farines, qui alimentent les supermarchés. Les scandales qui éclatent aujourd'hui révélant des empoisonnements alimentaires sciemment mis en oeuvre pour satisfaire la course au profit capitaliste, renvoient aujourd'hui directement à ce que dénonçait Engels dans son livre "La situation de la classe laborieuse en Angleterre" en 1845. Il montrait alors, dans des descriptions effrayantes, comment les prolétaires de Manchester et de Londres ne pouvaient accéder qu'à des aliments misérables, non seulement de faible qualité nutritive, mais carrément impropres à la consommation et mettant en danger leur santé: viandes avariées, farines mêlées de craie et de plâtre, par exemple.

Même s'il y a eu indéniablement depuis 150 ans, une amélioration globale de la situation alimentaire des prolétaires sur le plan sanitaire au moins, cette réalité d'une production et d'une distribution alimentaire de classe n'a jamais cessé d'être un fondement essentiel du capitalisme. La différence entre aujourd'hui et ce qui se passait en Angleterre dans la première moitié du 19e siècle, c'est que, depuis lors, c'est de manière bien plus systématique que le capital a développé une production alimentaire industrialisée qui, sciemment et scientifiquement, produit des aliments de basse qualité et de moindre coût pour les prolétaires et des produits de bonne qualité pour la classe bourgeoise.

En 1845, les empoisonneurs qui vendaient des aliments trafiqués aux ouvriers anglais étaient des petits épiciers de quartier sans scrupule et les bourgeois dule et les bourgeois d'alors, occupés à vanter les vertus du développement de l'industrie capitaliste, faisaient semblant d'ignorer leurs pratiques, alors qu'elles n'étaient qu'un maillon nécessaire de la logique impitoyable de l'exploitation salariée. Aujourd'hui ces petits épiciers ont depuis longtemps disparu. Ils ont laissé la place à une filière alimentaire industrielle moderne qui, de la production des matières premières agricoles à la grande distribution, en passant par la production et l'utilisation des fameuses farines animales, garantit à l'ensemble du capital qu'il y aura sur le marché de quoi entretenir, au coût le plus bas possible, la force de travail des prolétaires. Et quand ces mêmes filières se lancent, pour baisser encore les coûts, dans des pratiques scandaleuses, comme celles consistant à mêler des boues d'épuration aux aliments pour bétail, lorsque, pour augmenter la production dans l'industrie laitière à moindre coût, elles rendent les vaches carnivores et cannibales sans se préoccuper de vérifier d'abord les conséquences sanitaires de cette manipulation, quand, une fois ces conséquences mises au jour, elles continuent de le faire frinuent de le faire frauduleusement, les Etats bourgeois et leurs gouvernements font mine d'avoir ignoré tout cela comme le faisaient déjà les bourgeois anglais du 19e siècle. Ils font semblant de se poser en garants de la santé publique en dénonçant ici et là les abus trop voyants, comme les juges fustigés par Engels qui faisaient de temps en temps, pour la forme, des procès publics aux épiciers empoisonneurs.

Une logique inscrite dans les lois du capital

La production agro-alimentaire est depuis longtemps une industrie, n'en déplaise à la mythologie bucolique de la "bonne bouffe artisanale", et, dans certains pays comme la France ou les Etats-Unis, qui sont parmi les plus grands exportateurs agricoles, elle constitue un des champs de bataille les plus importants de la guerrimportants de la guerre commerciale qui se joue entre les Etats. C'est bien pourquoi, toutes les pratiques -frauduleuses ou légales-, qui sont mises en oeuvre en matière d'agro-alimentaire pour produire au moindre coût sur le marché mondial, face à une concurrence toujours plus violente, ne pourraient avoir lieu sans la complicité des Etats. La généralisation des farines animales en Europe ne s’est faite que pour éviter d’acheter les protéines nécessaires à l’alimentation du bétail aux Etats-Unis ou à d'autres pays. Et, d'ailleurs, les Etats ne se préoccupent finalement de la santé des populations que dans la mesure où celle-ci devient à son tour une arme de la guerre commerciale. Les contrôles, les lois protectionnistes, les "mesures de précaution" et autres balivernes de ceux qui voient dans l'Etat bourgeois le moyen de corriger les "abus du marché", ne servent qu’à renforcer la compétitivité des uns par rapport aux autres. Ainsi les études sur la malignité, vraie ou fausse, des hormones de croissance données aux bovins, tout comme les soupçons sur les OGM., sont une arme de la concurrence européenne vis-à-vis des Etatà-vis des Etats-Unis, de la même façon que le danger des farines animales ou de la listériose sont autant de défenses américaines contre les produits européens. Ce qui montre que ce n'est probablement qu'une petite partie de la réalité des scandales alimentaires qui est rendue publique dans les médias, cachant l'iceberg de pratiques qu'aucun concurrent n'a encore eu intérêt à dévoiler.

Mais l'aiguillon de la concurrence sur le marché mondial, exacerbée par la crise de surproduction, est également valable pour toutes les autres marchandises, qu'il s'agisse non plus de lait, de viande ou de céréales, mais de machines-outils, d'acier ou de produits pétroliers. Dans le cas des biens destinés à la consommation immédiate des prolétaires, il existe en outre un autre phénomène, profondément inscrit dans les rapports capitalistes. C'est un impératif pour le capital, pris globalement, de réduire toujours plus les coûts de leur production, et cela fondamentalement parce ndamentalement parce que le prix de ces biens de consommation sur le marché intervient de manière essentielle dans la détermination du coût de la force de travail. Moins chers sont les aliments destinés aux prolétaires sur le marché et plus bas peuvent être maintenus les salaires (c'est-à-dire la part des salaires dans le revenu global), tout en satisfaisant les besoins vitaux nécessaires à l'entretien de la force de travail.

Les justifications bourgeoises habituelles nous diront bien sûr que les bonds spectaculaires de productivité obtenus dans l'agriculture et l'industrie alimentaire ont été motivés par l'augmentation des besoins alimentaires des populations en général. Ils nous diront qu'il vaut mieux du lait et de la viande en abondance produits grâce à l'utilisation d'aliments pour animaux modernes même s'ils sont "quelquefois un peu trafiqués", que la famine et la disette qu'a pu connaître la société à d'autres époques. Ce qu'ils ne disent pas, c'est que ce ne sont pa que ce ne sont pas les besoins alimentaires humains en soi qui ont motivé et qui motivent la recherche d'une productivité maximale avec des coûts de production les plus bas possible, mais le seul "besoin" que connaisse en dernière instance le capital : le maintien du profit extorqué sur le travail humain. Ce qu'ils ne disent pas, c'est qu'il ne faut pas chercher ailleurs le recours aux rebuts de l'équarrissage et aux boues d'épuration comme matière première à la production d'une denrée aussi basique et vitale que les produits laitiers. Ce qu'ils ne disent pas, c'est pourquoi, là où il n'est pas rentable ou pas possible, pour des raisons d'absence de marchés suffisants, d'intégrer la population dans les rapports d'exploitation salariée, le capital laisse tout simplement se développer la famine. Des régions entières de l'Afrique y sont ainsi régulièrement confrontées. Et, tandis que les surplus de la surproduction alimentaire de masse des pays développés dorment dans les hangars et les frigos, on expédie très "charitablement" aux crève la faim du tiers-monde les rebuts inexploitables par le capital, les viandes avariées, les médicaments pérdicaments périmés et autres laits pour bébés irradiés.

Les scandales alimentaires qui éclatent les uns après les autres aujourd'hui, révèlent simplement que cette logique implacable atteint maintenant un degré dément, qui vient s'ajouter à toutes les menaces que fait peser le maintien du système capitaliste sur l'existence même de l'humanité, au même titre que les menaces écologiques et guerrières.

De leur côté les diverses propagandes écologistes et "citoyennes" à la mode fustigent le "productivisme industriel", comme si c'était de l'industrialisation de la production de moyens de consommation, et des progrès dans la productivité du travail qui l'ont accompagné, que venait, en soi, le problème. Au contraire, ces progrès de la productivité du travail font partie du développement social historique et une soci&eace et une société communiste sera capable d'améliorer celle-ci bien au-delà encore que n'a pu le faire le capitalisme, dans le but tant de libérer les êtres humains des tâches les plus pénibles que de satisfaire pleinement leurs besoins, non seulement tels qu'on peut les percevoir aujourd'hui, mais qui seront ceux, toujours plus grands, d'une humanité enfin épanouie.

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