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Révolution Internationale n° 357 - Mai 2005

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Référendum sur la Constitution européenne - La lutte de classe ne passe pas par le bulletin de vote

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Malgré la polarisation qu'entretient la bourgeoisie autour du référendum sur la Constitution européenne, le mécontentement social est toujours présent.

Une confirmation de la combativité ouvrière

Le ras-le-bol continue à s'accumuler et à se manifester à travers une multitude de luttes sporadiques, bien qu'encore très isolées les unes des autres. Au cœur du maintien de cette effervescence se retrouvent les mêmes revendications d'augmentation de salaires, les mêmes refus de détérioration des conditions de travail, de cadences infernales, de réductions d'effectifs, de suppressions de postes, de fermetures d'usines. Cela s'exprime au sein de secteurs aussi divers que chez les techniciens de Radio-France, dans le personnel hospitalier, chez les instituteurs, les chauffeurs de bus, les salariés de PME, les ouvriers de grands groupes industriels (Alcan, Citroën, Colgate-Palmolive…), les marins, les employés de grands magasins (Carrefour). Des départements ou des régions connaissent plusieurs foyers simultanés de lutte : en Rhône-Alpes (postiers de l'Isère, ST-Microelectronics, Cotelle-Rilleux, Sanofi-Pasteur, deux usines Danfoss, un grand garage, une fabrique de cercueils), la Touraine (ST- Microelectronics encore, Hutchinson-Chambray, hôpital Trousseau de Saint-Avertin), dans les Yvelines (Snecma-Services, chauffeurs de bus de la Connex aux Mureaux qui assurent le ramassage scolaire et le transport des ouvriers de Renault-Flins ou de PSA-Poissy) sans compter Aluminium- Dunkerque dans le Nord, Sanofi Aventis près de Bordeaux ou VPS France à Saint-Denis dans le département de Seine St Denis. Une vague de protestation grandit contre la suppression du lundi de Pentecôte férié dont le prétexte donné par le gouvernement (une "journée de solidarité au bénéfice des personnes âgées") est profondément mis en doute, donnant déjà lieu à des grèves préventives chez les salariés de Total ou les ouvriers de Hutchinson. Face à la pénurie de personnel et à l'amputation encore plus drastique de moyens financiers et d'effectifs annoncés, le personnel de l'institut de cancérologie IGR de Villejuif (présenté comme un modèle européen notamment lors du "plan anti-cancer " mis en avant par Chirac), prend le relais de la grogne des hospitaliers urgentistes. Les marins de la compagnie SNCM à Marseille (Société Nationale Corse-Méditerranée) ont été "lock-outés" par la direction le 20 avril, après neuf jours de grève, pour avoir occupé les navires et s'être quasiment mutinés contre leurs officiers face au recrutement massif de marins étrangers aux salaires les plus bas possible. Ils se sont durement affrontés aux forces de police qui cherchaient à les déloger et ont reçu dans cette lutte le soutien actifs des dockers et du personnel du port de Marseille, venus leur prêter main-forte.

Tout cela témoigne du fait que la combativité ouvrière n'est pas vraiment étouffée par le battage électoral. Après les embryons de manifestations de solidarité qui ont germé au cours de ces derniers mois (voir RI du mois précédent), les travailleurs des aéroports ont été momentanément réduits à une rage impuissante malgré une autre grève de soutien le 19 avril, suite au licenciement d'un des leurs rendu responsable, par la direction de l'aéroport, de la chute mortelle d'une hôtesse de l'air à Orly. Mais cette rage ravalée est un sentiment qui se nourrit de toutes les défaites et humiliations accumulées et mûrit dans les entrailles du prolétariat.

Les matraquages policiers systématiques des manifestations lycéennes de ces dernières semaines, et les manipulations dont elles ont été l'objet comme les agressions par de jeunes "casseurs" de banlieue lumpenisés lors de la grande manifestation lycéenne du 8 mars ont considérablement affaibli le mouvement lycéen. Mais ils n'ont pas calmé la colère d'une minorité de jeunes qui s'est "radicalisée" et qui gardera la trace de cette expérience dans le futur pour le développement ultérieur de leur conscience et de leur réflexion. Ceci est révélateur d'un questionnement sur le système et l'avenir qu'il réserve. Ce n’est d’ailleurs pas que dans la jeunesse que ce processus est à l’œuvre mais plus largement et plus profondément dans l’ensemble de la société.

Les ouvriers ne doivent pas tomber dans le piège électoral

De larges fractions de la bourgeoisie française chargées de l'encadrement de la classe ouvrière, partis de gauche et syndicats, en sont conscients et ne se privent pas d'utiliser aujourd'hui le référendum sur l'Europe pour gagner du temps et repousser momentanément les échéances d'une confrontation plus massive et globale avec le prolétariat. Ils profitent de cette échéance et de la querelle qu'elle suscite au sein de la bourgeoisie pour chercher à défouler la montée de la colère et du mécontentement social en la détournant sur le terrain électoral en prônant un Non de gauche comme désaveu du gouvernement. Ceci un piège.

La classe ouvrière n'a absolument rien à attendre du vote sur la Constitution européenne. Ce n'est pas le terrain ni le problème de la classe ouvrière, c'est le terrain et le problème de la bourgeoisie (voir article page 2).

Les intérêts de la classe ouvrière, eux, n'ont rien à voir avec ce référendum ni avec la Constitution européenne. Que le Oui ou le Non l'emporte ne changera rien aux conditions d'exploitation des prolétaires. Et ce n'est pas la victoire du Oui ou celle du Non qui changera quoi que ce soit à l'intensification des attaques antiouvrières menées par les différentes bourgeoisies nationales. Le résultat de ce vote ne changera rien à l'accélération de la dégradation des conditions de vie des prolétaires, aux licenciements, aux délocalisations, à la montée du chômage et de la précarité, à l'amputation de tous les budgets sociaux, au démantèlement accéléré de la protection sociale. Ce sont les produits de la crise et les manifestations de la faillite du système capitaliste au niveau mondial. De l'extrême droite aux organisations gauchistes en passant par tout l'appareil politique de la bourgeoisie, l'incessant battage idéologique depuis près de trois mois autour du référendum , dramatisé à souhait, ne vise qu'à attirer et à rabattre un maximum de prolétaires sur le terrain électoral. A travers ce battage, la bourgeoisie tente de raviver parmi les prolétaires les illusions réformistes selon lesquelles la défense de leurs conditions de vie, de plus en plus fortement attaquées par le capitalisme, passerait par l'Etat bourgeois. C'est un énorme mensonge, une mystification pure et simple. L'Etat bourgeois a toujours assuré dans le passé et assurera toujours à l'avenir la défense du capital national CONTRE la classe ouvrière et CONTRE la défense de ses intérêts de classe. Quel que soit le modèle qui en soit proposé ou qui nous soit promis, il n'offrira jamais le progrès des droits sociaux qu'on nous fait miroiter pour demain.

Pas plus dans ce référendum que dans une autre élection, la réponse des ouvriers ne passe par le bulletin de vote. Celui-ci ne sert qu'à désarmer la classe ouvrière et à l'atomiser dans l'isoloir. Il ne sert qu'à l'empêcher de prendre conscience que le responsable de la misère, de la dégradation constante de ses conditions de vie, ce n'est pas l'Europe, ni l'orientation trop libérale de celle-ci, ni encore la politique de tel ou tel gouvernement. Le responsable, c'est la perpétuation de ce système capitaliste de concurrence et d'exploitation dans le monde entier. Le problème n'est pas français ni européen, il est mondial.

Wim (22 avril)

Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en France [1]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La mystification parlementaire [2]

Commémorations de 1945 - La barbarie de la Seconde Guerre mondiale est un produit du capitalisme

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L'année 2005 est riche en anniversaires macabres. La bourgeoisie vient de célébrer l'un d'entre eux, les 60 ans de la libération des camps de concentration nazis, avec un faste qui a surpassé les cérémonies de son cinquantenaire. On ne s'en étonnera pas dans la mesure où l'exhibition des crimes monstrueux du camp qui est sorti vaincu de la Seconde Guerre mondiale a, depuis soixante ans, constitué le plus sûr moyen d'absoudre les Alliés des crimes contre l'humanité qu'ils ont commis eux aussi, et de présenter les valeurs démocratiques comme garantes de la civilisation face à la barbarie.

La Seconde Guerre mondiale, tout comme la première, a été une guerre impérialiste, mettant aux prises des brigands impérialistes, et l'hécatombe dont elle est responsable (50 millions de morts) est venu dramatiquement confirmer la faillite du capitalisme. Pour la bourgeoisie, il est de la plus haute importance que persiste dans la conscience des générations nouvelles la mystification ayant permis l'embrigadement de leurs aînés qui pensaient que combattre le fascisme dans le camp démocratique c'était défendre la dignité humaine et la civilisation contre la barbarie. C'est pourquoi, il ne suffit pas à la classe dominante d'avoir utilisé comme chair à canon la classe ouvrière américaine, anglaise, allemande, russe ou française, ce sont encore les générations actuelles de prolétaires à qui elle destine de façon privilégiée sa propagande infecte. En effet, bien qu'aujourd'hui elle ne soit pas prête à se sacrifier pour les intérêts économiques et impérialistes de la bourgeoisie, la classe ouvrière continue néanmoins à être perméable à la mystification selon laquelle ce n'est pas le capitalisme qui est la cause de la barbarie dans le monde, mais bien certains pouvoirs totalitaires, ennemis jurés de la démocratie.

L'expérience de deux guerres mondiales montre qu'elles ont des caractéristiques communes expliquant les sommets alors atteints par la barbarie et dont sont responsables tous les camps en présence :

- l'armement incorpore le plus haut niveau de la technologie et, comme l'ensemble de l'effort de guerre, il draine toutes les ressources et forces de la société.

- un corset de fer enserre toute la société en vue de la plier aux exigences extrêmes du militarisme et de la production de guerre.

- tous les moyens sont utilisés, jusqu'aux plus extrêmes en vue de s'imposer militairement : les gaz asphyxiants durant la Première Guerre mondiale qui étaient pourtant considérés, jusqu'à leur première utilisation, comme l'arme absolue dont on disait qu'il n'en serait jamais fait usage ; la bombe atomique, l'arme suprême, contre le Japon en 1945. Moins connus, mais encore plus meurtriers, ont été les bombardements de la Seconde Guerre mondiale des villes et des populations civiles en vue de les terroriser et les décimer. Inaugurés par l'Allemagne sur les villes de Londres, Coventry et Rotterdam, ils ont été perfectionnés et systématisés par la Grande-Bretagne dont les bombardiers déchaîneront de véritables ouragans de feu au cœur des villes.

"Les crimes allemands ou soviétiques ne peuvent faire oublier que les Alliés eux-mêmes ont été saisis par l'esprit du mal et ont devancé l'Allemagne dans certains domaines, en particulier les bombardements de terreur. En décidant le 25 août 1940 de lancer les premiers raids sur Berlin, en réplique à une attaque accidentelle sur Londres, Churchill prend l'écrasante responsabilité d'une terrible régression morale. Pendant près de cinq ans, le Premier britannique, les commandants du Bomber Command, Harris, en particulier, s'acharnent sur les villes allemandes. " (Une guerre totale 1939-1945, stratégies, moyens, controverse de Ph. Masson) (1). Les bombardements anglais sur les villes allemandes allaient causer la mort de près d'un million de personnes.

Loin de conduire à une certaine modération de l'offensive sur l'ennemi, permettant d'en réduire le coût financier, la déroute dans l'année 1945 de l'Allemagne et du Japon a au contraire eu pour effet de faire redoubler d'intensité et de cruauté les attaques aériennes. La raison en est que l'enjeu véritable n'était désormais plus la victoire sur ces pays, déjà acquise. Il s'agissait en fait d'éviter que, face aux souffrances de la guerre, des fractions de la classe ouvrière en Allemagne ne se soulèvent contre le capitalisme, comme cela avait été le cas lors de la Première Guerre mondiale (2). Les attaques aériennes anglaises visent donc à poursuivre l'anéantissement des ouvriers qui n'ont pas déjà péri sur les fronts militaires et à plonger le prolétariat dans l'impuissance de l'effroi.

A cette considération, il s'en ajoute une autre. Il était devenu clair pour les Anglo-américains que la future partition du monde allait mettre face-à-face les principaux pays vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, d'une part les Etats-Unis (avec à leurs côtés une Angleterre sortant exsangue de la guerre) et d'autre part l'Union soviétique qui était alors en mesure de se renforcer considérablement à travers les conquêtes et l'occupation militaire que vont lui permettre sa victoire sur l'Allemagne. Il s'agit alors pour les Alliés occidentaux de marquer des limites à l'appétit impérialiste de Staline en Europe et en Asie à travers des démonstrations de force dissuasives. Ce sera l'autre fonction des bombardements anglais de 1945 sur l'Allemagne et l'objectif unique de l'emploi de l'arme atomique contre le Japon.

Le caractère de plus en plus limité des objectifs militaires et économiques qui deviennent nettement secondaires illustre, comme à Dresde, ce nouvel enjeu des bombardements :

"Jusqu'en 1943, en dépit des souffrances infligées à la population, les raids peuvent encore offrir une justification militaire ou économique en visant les grands ports du nord de l'Allemagne, le complexe de la Ruhr, les centres industriels majeurs ou même la capitale du Reich. Mais, à partir de l'automne 1944, il n'en est plus de même. Avec une technique parfaitement rodée, le Bomber Command qui dispose de 1 600 avions et qui se heurte à une défense allemande de plus en plus faible, entreprend l'attaque et la destruction systématique de villes moyennes ou même de petites agglomérations sans le moindre intérêt militaire ou économique.

L'histoire a retenu l'atroce destruction de Dresde en février 1945, avec l'excuse stratégique de neutraliser un centre ferroviaire important (…) Mais aucune justification ne concerne la destruction d'Ulm, de Bonn, de Wurtzbourg, d'Hidelsheim, de ces cités médiévales, de ces joyaux artistiques appartenant au patrimoine de l'Europe. Toutes ces vieilles villes disparaissent dans des typhons de feu où la température atteint 1 000 à 2 000 degrés et qui provoque la mort de dizaines de milliers de personnes dans des souffrances atroces." (Ibid.)

Quand la barbarie elle-même devient le principal mobile à la barbarie

Il est une autre caractéristique commune aux deux conflits mondiaux : tout comme les forces productives que la bourgeoisie est incapable de contrôler sous le capitalisme, les forces de destruction qu'elle met en mouvement dans une guerre totale tendent à échapper à son contrôle. De la même manière, les pires pulsions que la guerre a déchaînées s'autonomisent et s'autostimulent, donnant lieu à des actes de barbarie gratuite, sans plus aucun rapport avec les buts de guerre poursuivis, aussi abjects soient ces derniers.

Les camps de concentration nazis étaient devenus, au cours de la guerre, une gigantesque machine à tuer tous ceux qui sont soupçonnés de résistance en Allemagne ou dans les pays occupés ou vassalisés, le transfert des détenus en Allemagne constituant en effet un moyen d'imposer l'ordre par la terreur sur les zones d'occupation allemande. Mais le caractère de plus en plus expéditif et radical des moyens employés pour se débarrasser de la population concentrationnaire, en particulier des Juifs, relève de moins en moins de considérations résultant de la nécessité d'imposer la terreur ou le travail forcé. C'est la fuite en avant dans la barbarie avec pour seul mobile la barbarie elle-même. Parallèlement au meurtre de masse, les tortionnaires et médecins nazis procédaient à des "expérimentations" sur des prisonniers où le sadisme le disputait à l'intérêt scientifique. Ces derniers se verront d'ailleurs offrir l'immunité et une nouvelle identité en échange de leur collaboration à des projets classés "secret défense militaire" aux Etats-Unis.

La marche de l'impérialisme russe, à travers l'Europe de l'Est en direction de Berlin, s'accompagne d'exactions qui relèvent de la même logique :

"Des colonnes de réfugiés sont écrasées sous les chenilles des chars ou systématiquement mitraillées par l'aviation. La population d'agglomérations entières est massacrée avec des raffinements de cruauté. Des femmes nues sont crucifiées sur les portes des granges. Des enfants sont décapités ou ont la tête écrasée à coups de crosse, ou bien encore jetés vivants dans des auges à cochons. Tous ceux qui n'ont pas pu s'enfuir ou qui n'ont pu être évacués par la Kriegsmarine dans les ports de la Baltique sont purement et simplement exterminés. Le nombre des victimes peut être évalué à 3 ou 3,5 millions (…)

Sans atteindre un tel degré, cette folie meurtrière s'étend à toutes les minorités allemandes du Sud-Est européen, en Yougoslavie, en Roumanie et en Tchécoslovaquie, à des milliers de Sudètes. La population allemande de Prague, installée dans la ville depuis le Moyen Âge est massacrée avec un rare sadisme. Après avoir été violées, des femmes ont les tendons d'Achille coupés et sont condamnées à mourir d'hémorragie sur le sol dans d'atroces souffrances. Des enfants sont mitraillés à la sortie des écoles, jetés sur la chaussée depuis les étages les plus élevés des immeubles ou noyés dans des bassins ou des fontaines. Des malheureux sont emmurés vivants dans des caves. Au total, plus de 30 000 victimes (…)

Ces massacres procèdent, en réalité, d'une volonté politique, d'une intention d'élimination, à la faveur du réveil des pulsions les plus bestiales." (Ibid)

Le "nettoyage ethnique" des provinces allemandes de l’Est n'est pas de la responsabilité de la seule armée de Staline mais s'effectue avec le concours des forces armées britanniques et américaines. Bien qu'à cette époque se dessinent déjà les lignes du futur antagonisme entre l'URSS et les Etats-Unis, ces pays et l'Angleterre coopèrent cependant sans réserve dans la tâche d'élimination du danger prolétarien, à travers l'élimination en masse de la population. De plus, tous ont intérêt à ce que le joug de la future occupation de l'Allemagne puisse s'exercer sur une population inerte pour avoir trop souffert, et comportant le moins de réfugiés possible. Cet objectif, qui déjà en lui-même incarne la barbarie, sera le point de départ d'une escalade d'une bestialité incontrôlée au service du meurtre en masse.

Sur le front de guerre extrême-oriental, l'impérialisme américain agit avec la même bestialité : "Revenons à l’été 1945. Soixante-six des plus grandes villes du Japon ont déjà été détruites par le feu à la suite de bombardements au napalm. A Tokyo, un million de civils sont sans abri et 100 000 personnes ont trouvé la mort. Elles ont été, pour reprendre l’expression du général de division Curtis Lemay, responsable de ces opérations de bombardement par le feu, "grillées, bouillies et cuites à mort". Le fils du président Franklin Roosevelt, qui était aussi son confident, avait déclaré que les bombardements devaient se poursuivre" jusqu’à ce que nous ayons détruit à peu près la moitié de la population civile japonaise." ("De Hiroshima aux Twin Towers", Le Monde diplomatique de septembre 2002)

Brouillard idéologique et mensonges pour couvrir les crimes cyniques de la bourgeoisie

Il existe encore une autre caractéristique du comportement de la bourgeoisie, particulièrement présente dans les guerres, de surcroît quand elles sont totales : ceux de ses crimes qu'elle ne décide pas d’effacer de l'histoire (à la manière dont avaient déjà commencé à procéder les historiens staliniens dans les 1930), elle les travestit en leur contraire, en des actes courageux, vertueux, ayant permis de sauver plus de vie humaines qu'ils n'en ont supprimées.

Les bombardements britanniques en Allemagne

Avec la victoire des Alliés, c'est tout un pan de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale qui a disparu de la réalité : "Les bombardements de terreur ont sombré dans un oubli presque complet, au même titre que les massacres perpétrés par l'Armée rouge ou les affreux règlements de comptes de l'Europe de l'Est." (Ph. Masson). Ces évènements-là ne sont évidemment pas invités aux cérémonies de commémoration des anniversaires "macabres", ils en sont bannis. Seuls subsistent quelques témoignages de l'histoire qui, trop enracinés pour être ouvertement éradiqués, sont "médiatiquement traités" en vue de les rendre inoffensifs. C'est le cas en particulier du bombardement de Dresde : "(…) le plus beau raid de terreur de toute la guerre [qui] avait été l'œuvre des Alliés victorieux. Un record absolu avait été acquis les 13 et 14 février 1945 : 253 000 tués, des réfugiés, des civils, des prisonniers de guerre, des déportés du travail. Aucun objectif militaire." (Jacques de Launay, Introduction à l'édition française de 1987 du livre La destruction de Dresde (3) Il est de bon ton aujourd'hui, dans les médias commentant les cérémonies du 60e anniversaire du bombardement de Dresde, de retenir le chiffre de 35 000 victimes et, lorsque celui de 250 000 est évoqué, c'est immédiatement pour attribuer une telle estimation, pour les uns à la propagande nazie, pour les autres à la propagande stalinienne. Cette dernière "interprétation" est d'ailleurs peu cohérente avec une préoccupation majeure des autorités est-allemandes pour qui, à l'époque, "il n'était pas question de laisser répandre l'information vraie que la ville était envahie par des centaines de milliers de réfugiés fuyant devant l'Armée rouge" (Jacques de Launay). En effet, au moment des bombardements, elle comptait environ 1 million d'habitants dont 400 000 réfugiés. Vu la manière dont la ville a été ravagée, il est difficile de s'imaginer comment 3,5% de la population seulement ait péri !

A la campagne de banalisation par la bourgeoisie de l'horreur de Dresde, au moyen de la minimisation du nombre des victimes, s'en superpose une autre visant à faire apparaître l'indignation légitime que suscite cet acte de barbarie comme étant le propre des néo-nazis. Toute la publicité faite autour des manifestations regroupant en Allemagne les dégénérés nostalgiques du 3e Reich commémorant l'évènement ne peut en effet qu'inciter à se détourner d'une critique mettant en cause les Alliés, par crainte d'être amalgamé avec les nazis.

Le bombardement atomique sur le Japon

Au contraire des bombardements anglais en Allemagne dont tout est fait pour en dissimuler l'ampleur, l'emploi de l'arme atomique, pour la première et seule fois dans l'histoire, par la première démocratie du monde est un évènement qui n'a jamais été dissimulé ou minimisé. Tout au contraire, tout a été fait pour que cela se sache et que la puissance de destruction de cette nouvelle arme soit au mieux mise en évidence. Toutes les dispositions avaient été prises en ce sens avant même le bombardement de Hiroshima du 6 août 1945 : "Quatre villes furent désignées [pour être bombardées]: Hiroshima (grand port et ville industrielle et bases militaire), Kokura (principal arsenal), Nigata (port, aciéries et raffineries), et Kyoto (industries) (…) À partir de ce moment, aucune des villes mentionnées ci-dessus ne reçurent de bombes : il fallait qu’elles soient le moins touchées possible, afin que la puissance de destruction de la Bombe atomique ne pût être discutée." (Article "Bombe lancée sur Hiroshima" sur https://www.momes.net/dictionnaire/h/hiroshima.html [3]). Quant au largage de la seconde bombe sur Nagasaki, il correspond à la volonté de démonstration, de la part des Etats-Unis, qu'ils pouvaient, autant de fois que nécessaire, faire usage du feu nucléaire (ce qui en réalité n'était pas le cas puisque les bombes suivantes en construction n'étaient pas prêtes).

Selon la justification idéologique à ce massacre des populations japonaises, il s'agissait du seul moyen permettant d'obtenir la capitulation du Japon en sauvant la vie d'un million de soldats américains. C'est un mensonge énorme qui est encore propagé aujourd'hui : le Japon était exsangue et les Etats-Unis (ayant intercepté et déchiffré des communications de la diplomatie et de l'état-major nippons) savaient qu'il était prêt à capituler.

La leçon la plus importante à tirer de ces six années de carnage de la seconde boucherie mondiale est que les deux camps en présence et les pays qu’ils regroupaient, quelle que soit l’idéologie dont ces derniers se drapaient, stalinienne, démocrate ou nazie, tous étaient la légitime création de la bête immonde qu’est le capitalisme décadent.

(D'après la Revue Internationale n° 121, 2e trimestre 2005)

1) Philippe Masson est chef de la section historique du Service historique de la Marine et enseigne à l'Ecole supérieure de guerre navale.

2) Depuis fin 1943, des grèves ouvrières éclataient en Allemagne et les désertions au sein de l'armée allemande tendaient à s'amplifier. En Italie, fin 1942 et surtout en 1943, des grèves avaient éclaté un peu partout dans les principaux centres industriels du Nord.

3) L'auteur de ce livre est David Irving qui est accusé d'avoir, dans un passé récent, embrassé les thèses négationnistes. Bien qu'une telle évolution de sa part, si elle est réelle, ne soit pas de nature à donner un éclairage favorable sur l'objectivité de son livre La destruction de Dresde (Edition française de 1987), il convient de signaler que sa méthode, qui à notre connaissance n’a jamais été sérieusement remise en cause, ne porte pas la moindre marque de négationnisme. La préface à cette édition par le général de corps d'armée aérienne, Sir Robert Saundby, qui ne fait pas figure de furieux pronazi ni de négationniste dit entre autres ceci : "Ce livre raconte honnêtement et sans passion l'histoire d'un cas particulièrement tragique de la dernière guerre, l'histoire de la cruauté de l'homme pour l'homme. Souhaitons que les horreurs de Dresde et de Tokyo, d'Hiroshima et de Hambourg, puissent convaincre la race humaine tout entière de la futilité, de la sauvagerie et de l'inutilité profonde de la guerre moderne".

Evènements historiques: 

  • Deuxième guerre mondiale [4]

Questions théoriques: 

  • Guerre [5]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La décadence du capitalisme [6]

Référendum sur la Constitution européenne - Un enjeu seulement pour la bourgeoisie

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La frénésie médiatique qui se déchaîne depuis plusieurs semaines autour de la ratification ou non de la Constitution européenne a pour fonction de capter l’attention des ouvriers et de la population en général en vue de les persuader que la construction de l’Europe serait un enjeu pour l’avenir du prolétariat (voir notre article en première page). Ce ne sont que des mensonges qui nourrissent une gigantesque campagne d'intoxication idéologique à laquelle participe l’ensemble des forces bourgeoises (partis de gauche, de droite, d'extrême droite, syndicats, gauchistes). Cette échéance électorale est un enjeu, certes, mais seulement pour nos exploiteurs. Ce qui se joue pour la classe dominante, c’est la place de la France, du capital national sur la scène de l’Europe, aussi bien sur le plan économique, politique que sur le plan de son rang impérialiste, face aux autres puissances du continent.

Si les Etats européens ont besoin de réorganiser leurs institutions, c'est parce que sinon l’Europe, déjà profondément divisée par des intérêts impérialistes concurrents comme on l’a vu lors du conflit irakien, avec les pro- et les anti-coalition américaine, deviendrait totalement ingouvernable dans un contexte d’élargissement à 25 pays membres. L'Allemagne et la France, puissances de premier ordre en Europe, ne peuvent accepter d’être traités sur un pied d'égalité avec les petits pays de l’Union. Elles ont besoin de se donner un cadre constitutionnel qui correspond au plus près à la défense de leurs intérêts capitalistes respectifs. Ainsi, la France qui n'a actuellement que 9% de voix au Conseil européen passerait à 13% avec le nouveau traité et les six Etats fondateurs auraient 49% du pouvoir de décision (la Constitution a d'ailleurs été élaborée sous l’égide de Giscard d’Estaing, avec la participation active des socialistes Pierre Moscovici et Pascal Lamy). L’enjeu est de taille pour la bourgeoisie française et les incertitudes actuelles sur le résultat de ce référendum donnent d’autant plus d’importance à celui-ci. Comme le souligne la presse bourgeoise, en cas de victoire du non, "Notre crédit serait durablement atteint dans de nombreux Etats membres, à commencer par les cinq autres fondateurs, où le mal français commence à s’étendre, comme aux Pays-Bas"(…) "Aux difficultés inhérentes à cette situation s’ajouterait pour la France, la perte de son autorité morale " (Le Monde du 6 avril). Le président socialiste du parlement européen Josep Borrell parle même de "tremblement de terre", et le ministre allemand des Affaires étrangères, J. Fischer, n’hésite pas à affirmer "C’est la vie de l’Europe qui est en jeu". Face à de tels enjeux, l’intérêt de la bourgeoisie française est donc d’imposer un vote favorable à cette constitution, mais il n’est pas exclu, une nouvelle fois, qu’un manque de maîtrise de son propre jeu politique puisse faire capoter ses plans, surtout avec l’utilisation d’un référendum qui est en passe de virer au fiasco car il est perçu avant tout comme un plébiscite de la politique chiraquienne et de son gouvernement. Cela ne serait pas la première fois que la bourgeoisie française réalise qu’elle n’a pas toujours les moyens de sa politique, notamment lorsque ce sont ses fractions de droite, particulièrement archaïques, qui pilotent les affaires de l’Etat. Mais cela signifierait un affaiblissement considérable de la crédibilité de la bourgeoisie française et de son poids diplomatique en Europe comme dans l'arène impérialiste mondiale.

Les faiblesses historiques de la droite française

Les faiblesses congénitales de la droite en France plongent leurs racines dans l’histoire même du capitalisme français, marqué par le poids de la petite et moyenne entreprise, du secteur agricole et du petit commerce. Ces archaïsmes n’ont cessé de peser sur l’appareil politique qui n’a jamais réussi à donner naissance à un grand parti de droite directement lié à la grande industrie et à la finance, tel que le parti conservateur en Grande-Bretagne ou le parti chrétien-démocrate en Allemagne. Au contraire, la Seconde Guerre mondiale verra l’irruption du gaullisme qui va marquer profondément la vie de la bourgeoisie française et dont les scories de l’UMP sont les descendants. Si le gaullisme a permis à la bourgeoisie française d’effectuer la reconstruction de l’après-guerre et de régler le problème des colonies (voir RI n°271, septembre 1997, sur l’historique de la droite française), en même temps, à l'instar du fascisme, le gaullisme ne peut vivre que sous la forme d’un parti unique qui contrôle tous les secteurs de l’Etat, police, armée, services secrets avec des connexions jusque dans le grand banditisme. Avec la réapparition de la crise économique à la fin des années 1960, la bourgeoisie française est consciente qu’elle doit se débarrasser de l’héritage du gaullisme et de son fonctionnement " totalitaire ", incarné alors, après le RPF, par l’UNR sous de Gaulle, qui deviendra UDR, puis RPR en 1979, sous l'égide de Chirac. Celui-ci n’a pas la capacité comme les partis traditionnels de permettre une alternance électorale entre partis de gauche et de droite pour faire face aux luttes ouvrières qui se développent et vont s’amplifier au fur et à mesure du développement de la crise économique du capitalisme. De façon chronique, la droite gaulliste, au lieu d’être le levier d’une politique cohérente au service des besoins supérieurs du capital français, s’avère n’être qu’un panier de crabes, de clans qui s’entredéchirent, pire, un ramassis d’ambitions personnelles, où chaque chef de bande veut être calife à la place du calife. Face à cette difficulté, la bourgeoisie n’a eu de cesse, sous la présidence de Pompidou, puis celle de Giscard, d’essayer de créer un parti de droite, en l’occurrence l’UDF, capable de contrebalancer cette situation de monopole du gaullisme ou de tenter de " rénover " ce dernier de l’intérieur mais sans réel succès. Au contraire, le courant gaulliste va résister par tous les moyens à sa disparition et il n’aura de cesse en permanence, pour conserver ou reconquérir le pouvoir, de jouer sa propre politique, y compris contre les intérêts de sa propre classe, et de mettre régulièrement en échec la stratégie élaborée par la bourgeoisie française dans son ensemble pour défendre le capital national.

En 1981, la victoire de Mitterrand aux présidentielles est le produit direct de l’affrontement engagé par Chirac contre Giscard.

En 1995, c’est encore le clan autour de Chirac qui empêche la victoire de Balladur, alors que celui-ci représentait une possible transition permettant à la bourgeoisie française de se débarrasser des fractions gaullistes les plus rétrogrades et archaïques.

En 1997, sous la présidence de Chirac, la dissolution du parlement et l’organisation d’élections législatives anticipées avaient pour but de reconduire au pouvoir une majorité de droite moins décrédibilisée que le gouvernement Juppé, pour accélérer la brutalité des attaques anti-ouvrières et permettre au PS de se refaire une santé dans l’opposition. Cette stratégie échoue du fait de la bêtise avec laquelle la droite sabote sa propre stratégie et c’est le PS, contre toute attente, qui se retrouve aux commandes de l’Etat, avec une nouvelle cohabitation Chirac/Jospin qui ne pouvait qu'affaiblir une gauche discréditée par près de quinze ans d'attaques antiouvrières alors qu'elle était au pouvoir et qui avait besoin de se refaire une image de gauche en repassant de façon durable dans l'opposition (voir RI n° 270, juillet/août 1997).

En 2002, Chirac gagne la présidentielle, alors qu’il ne représente que 20% des voix au premier tour, ce qui ne lui donne guère de légitimité démocratique et il ne doit son élection qu'au report massif des voix de gauche au second tour face à la "menace" Le Pen. Ce n’est pas la création de l’UMP qui va changer quoi que ce soit à cet archaïsme d’une partie de la droite en France, bien au contraire !

Tels des animaux aux abois qui n’en deviennent que plus dangereux pour les intérêts généraux de la meute, Chirac et son clan s'agrippent hargneusement aux rênes du pouvoir. Les féroces affrontements avec son challenger Sarkozy au sein même de l'UMP, les rivalités avec le centriste Bayrou, expriment les rivalités et les divisions les plus évidentes qui existent au sein de la droite. La façon dont Chirac a mis en œuvre le référendum sur la constitution européenne traduit une fuite en avant dans cette politique, au risque de provoquer un nouvel affaiblissement pour l’ensemble de la bourgeoisie française en cas de victoire du non.

Le référendum, un pari dangereux pour la bourgeoisie française

En choisissant le référendum, Chirac prend le risque d’un vote sanction, alors qu’il aurait pu faire ratifier la constitution par voie parlementaire comme s’apprête à le faire la bourgeoisie en Allemagne. Il est vrai que ce référendum oblige l’UMP à s’aligner sur le "oui", alors que ce n’est pas la fraction la plus pro-européenne au sein de la droite. Lors du référendum sur le traité de Maastricht en 1992, une partie du RPR avait voté contre, notamment Séguin et Pasqua, de même en 1998, ce parti avait refusé d’entériner le passage à l’euro lors du vote à l’Assemblée et au Sénat. Avec ce nouveau coup de force vis-à-vis de l’UMP, ce qui guide le clan Chirac, c’est de tenter de garder le contrôle de l’appareil gaulliste pour jouer sa propre carte électorale. Il s'agit pour lui de prendre la tête du camp qui dira oui à la constitution, pour redorer son image, largement plombée par l’impopularité du gouvernement Raffarin et donc de se placer en vue des présidentielles de 2007. "En choisissant le référendum plutôt que le débat parlementaire, le président de la République a sacrifié à la doctrine gaulliste, il est apparu enfin comme un grand européen (…) Peut-être a-t-il aussi commis une erreur. Les référendums sont dangereux." (Le Monde du 1er avril). Comme le souligne un conseiller de Chirac : " L’enjeu est énorme pour lui. Si le référendum est perdu, toute sa carrière politique sera jugée à cette aune. Il le sait. S’il est gagné, en revanche, il entend bien être l’un des principaux bénéficiaires de cette victoire. Il ne veut pas la laisser ni à Hollande ni à Sarkozy." (Le Monde du 7 mars)

Non seulement le référendum apparaît comme un "coup de poker" mais, de plus, le moment choisi pour ce scrutin est particulièrement défavorable, du fait qu’il intervient dans une période de profond mécontentement de la classe ouvrière qui commence à réagir à une dégradation permanente de ses conditions de vie. Cette colère ouvrière menace de se cristalliser dans un vote protestataire et a obligé le gouvernement à accorder quelques miettes. Une pincée d’augmentation (0,8%) aux fonctionnaires par-ci, quelques postes "d'adjoints d'enseignement" face à la grogne dans les lycées ou le déblocage d'une mini-rallonge pour les urgentistes dans les hôpitaux par-là, sans compter quelques subsides versés aux agriculteurs (avantages fiscaux et "congés payés"), quitte à aggraver le déficit budgétaire, tentent ainsi d’enrayer ce mécontentement qui ne cesse de s’amplifier. Même s’il reprendra plus tard ce qu’il donne maintenant, sous la forme d’augmentation des impôts ou de taxes diverses, le gouvernement n’arrive pas à endiguer cette contestation. Non seulement, la classe ouvrière continue à mener des luttes dans de multiples secteurs, malgré les journées d’actions syndicales qui avaient pour but de casser cette dynamique, mais en plus, ce qu’elle retient, c’est qu’elle va subir de nouvelles attaques, un nouvel appauvrissement de ses conditions de vie et c’est ce refus de subir qui se traduit par une amplification du vote protestataire.

Les conséquences des problèmes de la droite sur l'avenir du PS

Face à une telle situation, la ratification par voie référendaire provoque aussi des difficultés pour la gauche et notamment au sein du PS. Il y a toujours eu au sein du PS reconstruit autour de Mitterrand, comme dans tous les principaux partis sociaux-démocrates européens, un partage des tâches entre une majorité à vocation plutôt gouvernementale et une minorité à vocation plutôt oppositionnelle. La majorité s'est avérée la fraction la plus cohérente de la bourgeoisie française et elle a largement démontré au cours des 25 dernières années son aptitude à exercer le pouvoir et à gérer efficacement la défense des intérêts du capital national. Quant à la minorité, elle a la charge d'un ancrage plus "à gauche" pour préserver au PS un crédit dans sa fonction traditionnelle d'encadrement et de contrôle idéologique sur la classe ouvrière. Si la gauche du PS s'oriente résolument aujourd'hui vers le "Non" au référendum, cela ne traduit nullement une différence d'orientation concernant la gestion du capital français, mais c'est précisément pour pouvoir conserver son rôle d'encadrement idéologique vis-à-vis de la classe ouvrière. Emmanuelli et Mélenchon, qui avaient voté pour le traité de Maastricht et les suivants, sont contraints de se positionner aujourd'hui aux côtés des autres fractions de gauche et d’extrême gauche. C’est d'ailleurs la même chose pour les syndicats qui sont traversés par cette nécessité d’être à la fois favorables à la constitution (tels les syndicats regroupés dans la confédération européenne des syndicats, dont la CFDT) et qui se doivent en même temps d’encadrer le mécontentement social comme on le voit avec la CGT profondément divisée dans cet exercice périlleux d’équilibriste.

La direction actuelle du PS avait pourtant pris la précaution d'organiser un référendum interne en décembre dernier pour renforcer la position du "Oui" au sein du parti. Le profond mécontentement social est venu déstabiliser le jeu électoral habituel et cette pression sociale met en difficulté le PS qui est obligé de faire le grand écart entre, d’une part, le fait de voter la constitution et, d’autre part, de participer à encadrer le mécontentement qui se développe dans la classe ouvrière. La montée du "Non", y compris parmi les militants (1) tend à éroder le crédit de l'équipe dirigeante actuelle soudée autour du "Oui" (Hollande, Aubry, Strauss-Kahn, Lang,.. ) et ne peut que l’affaiblir. C'est pourquoi la victoire du "Non" constituerait pour la direction actuelle un cinglant désaveu, compromettant ainsi ses chances de retour au pouvoir dans la perspective des prochaines élections de 2007, au point que certains dirigeants évoquent déjà avec crainte la perspective d'un nouveau " 21 avril 2002".

Il n’y a pas de doute, la bourgeoisie française est en difficulté pour ce référendum et malgré ses efforts pour diaboliser le "Non", celui-ci maintient son avance dans les sondages. Même le récent show médiatique de Chirac a été un fiasco et il a mis en lumière le fossé qui se creuse entre une jeunesse inquiète à juste titre pour son avenir et une classe politique désorientée, qui n’a plus rien à lui offrir. Devant une prestation aussi pitoyable, la classe politique envisage même un changement de gouvernement, comme dernier rempart au désaveu de son référendum.

Plus que jamais ce référendum est vraiment un enjeu pour l’ensemble de la bourgeoisie française et, quel que soit le résultat de celui-ci, l’archaïsme de sa droite demeure et continue à affaiblir l’ensemble de l’appareil politique français. Mais cet affaiblissement ne signifie nullement un renforcement pour la classe ouvrière. La bourgeoisie, malgré ses difficultés, sait trouver les forces nécessaires pour mystifier et tromper les ouvriers, comme ce référendum qu’elle tente de faire passer pour un enjeu dans le prolétariat. Malgré ses divisions et le poids de ses fractions archaïques, elle est encore capable, face aux prolétaires, de mobiliser l’ensemble de ses composantes contre le combat de son ennemi de classe.

Ce référendum est vraiment une affaire entre bourgeois et un traquenard pour les ouvriers.

Donald (19 avril)

(1) Une bonne partie de l'électorat de gauche est aujourd'hui prête à voter "Non" du seul fait d'une volonté affichée de "faire payer" leur ralliement forcé à Chirac le 29 mai 2002 où elle s'était sentie obligée de voter pour lui pour faire barrage à Le Pen au second tour des présidentielles et au prétendu "danger fasciste" qu'il aurait représenté.

Situations territoriales: 

  • Vie de la bourgeoisie en France [7]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La mystification parlementaire [2]

"Lutte Ouvrière", un fidèle promoteur de la supercherie électorale

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L'organisation trotskiste Lutte Ouvrière (LO) qui s'était tenue à l'écart du référendum de 1992 sur Maastricht, s'est cette fois engagée résolument dans le camp du Non dans la campagne sur le référendum relatif à la Constitution européenne. Cette organisation qui se prétend "révolutionnaire" et qui proclame "défendre les travailleurs" se retrouve dans la cohorte des tenants d'un "Non de gauche" aux côtés du PCF, de la LCR, d'une partie du PS. Avec quelle argumentation ? Pourquoi ?

Derrière le double langage de LO…

LO commence toujours avec un discours extrêmement "radical". Ce qui distingue LO, c'est qu'alors que tous les autres pourfendent à tour de bras un projet de constitution "ultra-libéral", LO déclare clairement : "Ce n'est pas le libéralisme, c'est le capitalisme qu'il faut combattre." Ainsi, dans un article paru sous ce titre dans l'hebdomadaire Lutte Ouvrière n° 1914 du 8 avril dernier, LO fustige "cette manière de dénoncer le libéralisme (qui) consiste à déployer un écran de fumée pour masquer les vrais problèmes. Car les classes possédantes ne sont pour le libéralisme que quand cela les arrange. (…) Mais en réalité, ce n'est pas à cause de l'Europe, ni parce que ce serait inscrit dans la future Constitution européenne que les patrons, grands ou petits, licencient ou bien que l'Etat français supprime des bureaux de poste et démantèle les services publics (cela se fait dans tous les Etats capitalistes, et bien au-delà de l'Europe des 25). Mais c'est parce que l'Etat français est au service de sa bourgeoisie. Ce n'est pas parce que "Bruxelles" aurait imposé telle ou telle décision, mais parce que cela correspond aux intérêts bien compris des capitalistes. Fabius n'a d'ailleurs pas mené une politique différente de ceux qu'il accuse de défendre le "libéralisme" quand il était Premier ministre. Quand on ferme une entreprise parce qu'elle ne rapporte pas assez (…), ce n'est pas une politique libérale, c'est le jeu normal du capitalisme." Voilà un discours "radical" qui semble ranger LO dans le camp des révolutionnaires.

Mais dans le même numéro, l'éditorial nous chante pourtant une tout autre chanson sous le titre "Le vote Non pour rejeter une Constitution réactionnaire" comme dans le suivant du 15 avril où LO appelle à voter "Non à une Constitution qui ignore le droit des travailleurs !" Dans un meeting à Clermont-Ferrand le 11 avril, Arlette Laguiller renchérit : "Pour notre part, nous appelons à voter "non". Cette Constitution n’apporte rien de bon aux travailleurs ni aux peuples d’Europe. Elle ne leur apporte ni des libertés supplémentaires ni des possibilités plus grandes pour se défendre. Elle ne cherche pas à uniformiser par le haut la législation du travail ni à améliorer les protections sociales. Et il n’est évidemment pas question d’un salaire minimum à l’échelle de l’Union européenne.(…) Alors, nous voterons "non" à cette Constitution !" Nous en arrivons au cœur de la mystification : LO nous raconte que la vraie réponse et le véritable terrain de classe, "c'est la lutte, les grèves, les manifestations" mais nous présente également en même temps l'échéance électorale comme un moment de la lutte, comme une façon de lutter. Dans son meeting déjà cité, la médiatique figure de proue de LO ajoute : "Mais tout en votant "non", il ne faut pas attendre de la victoire du "non" plus qu’elle ne peut donner. L’offensive menée contre les travailleurs par le grand patronat dans tous les pays d’Europe, quel que soit le gouvernement en place, n’a rien à voir avec la Constitution ni avec Bruxelles. Contrairement à tous ceux qui disent que, pour améliorer le sort des travailleurs, il faut voter "non", nous disons : Votez "non" ! Mais pour stopper les attaques du patronat et du gouvernement, il faut la lutte, les grèves, les manifestations. Une éventuelle victoire du "non" ne remplacera pas la contre-offensive des travailleurs. Cette contre-offensive est indispensable si nous ne voulons pas que notre classe, la classe des travailleurs, continue à être poussée vers la pauvreté."

LO nous dit d'un côté que la Constitution de l'Europe ou le libéralisme ne sont pas le vrai problème des travailleurs, qu'il ne faut pas se faire d'illusions sur le Non. Mais de l'autre côté, la seule chose que fait cette organisation, c'est de s'empresser de pousser les "travailleuses, travailleurs" auxquels elle s'adresse à aller voter en leur faisant croire que voter Non a quelque chose d'ouvrier et de révolutionnaire. Cela constituerait, d'après elle, un pas en avant, un encouragement pour le développement ultérieur de leurs luttes et un tremplin pour le développement de leur conscience de classe.

C'est un énorme mensonge. C'est l'inverse qui est vrai : pousser les ouvriers vers le vote à travers le vote Non, c'est semer les pires illusions dans la tête des prolétaires alors que précisément ce vote ne sert que de "rideau de fumée" (selon la propre expression de LO) à la bourgeoisie pour détourner les ouvriers de la lutte, pour brouiller leur conscience de classe, en les poussant à s'atteler derrière une fraction de la bourgeoisie contre une autre. Tout ce bla-bla radical et ces grands couplets ronflants sur la nécessité de lutter ne cherchent qu'à attirer, comme le fait LO à chaque échéance électorale, les ouvriers qui sont tentés de s'en détourner sur le chemin des urnes de la bourgeoisie et c'est pourquoi cette organisation pratique en permanence le double langage : "Il faut voter Non pour rejeter cette constitution. Mais une victoire du Non ne changera rien à l'organisation économique et sociale, au capitalisme, à la course au profit, à la concurrence qui sont les causes des crises, du chômage et de la pauvreté. Le Non au référendum n'empêchera pas un seul patron de licencier, pas plus qu'il n'obligera aucun d'entre eux à payer des salaires corrects. Ce n'est certainement pas la Constitution européenne (…) qui est responsable des attaques contre les salaires, contre les retraites, contre les horaires de travail. Ces attaques, c'est le fait du grand patronat et des gouvernements qui appliquent la politique qu'il exige. Alors, il faut voter Non à cette Constitution, mais il faut surtout savoir que les travailleurs ne feront pas l'économie des luttes contre une société capitaliste qui se moque d'appauvrir toute la population et de ruiner la société, du moment que ses profits augmentent." (éditorial d'Arlette Laguiller du 8 avril)

… une politique électoraliste constante…

C'est exactement le même genre de discours et d'argument qu'utilisait déjà LO en 1981 quand cette organisation appelait à voter… pour Mitterrand "sans illusions mais sans réserve". C'est le même discours quand LO prétendait qu'il fallait se réjouir du succès le la gauche aux élections législatives parce qu'elle "barrait la route à la droite réactionnaire", que cela "faisait plaisir", tout en disant qu'il ne fallait se faire aucune illusion sur la gauche au gouvernement.

C'est toujours la même méthode, la même recette. A quoi sert ce double langage permanent ? Le poison idéologique diffusé par LO vise à rendre impuissants les ouvriers en les plongeant ou les replongeant à chaque occasion dans le marigot électoraliste de la bourgeoisie : "Nous souhaitons, bien sûr, la victoire du "non" pour que la Constitution européenne réactionnaire qu’on voudrait faire cautionner par l’électorat soit rejetée." Le reste n'est qu'enrobage, qui sert de leurre, d'appât autour : "Mais une victoire du "non" ne changera rien à l’Union européenne telle qu’elle est, qui continuera à fonctionner en s'appuyant sur les traités antérieurs. A infiniment plus forte raison, le résultat du référendum ne changera rien à l’organisation économique et sociale, au capitalisme, à la course au profit, à la concurrence, qui sont les causes des crises, du chômage et de la pauvreté. (…) Alors, c’est contre ces véritables ennemis que les travailleurs auront à lutter, et pas contre Bruxelles ou quelque bouc-émissaire que ce soit." (meeting d'Arlette Laguiller du 11 avril)

Comme quand elle joue les bateleurs de foire ou les marchands de frites rances lors de sa kermesse annuelle, LO ne cesse de vanter ses marchandises qui sont en définitive les mêmes que les autres politiciens bourgeois sous des tonnes de verbiage radical et sous d'épaisses couches de vernis révolutionnaire de pacotille. LO exerce sa pression électoraliste en faisant croire que le Non introduit un rapport de force entre les classes, qu'il serait un "vote de classe", un "Non ouvrier" susceptible de faire trembler la bourgeoisie : "Pour la faire reculer (la bourgeoisie), il faut lui donner de bonnes raisons de craindre de tout perdre en ne voulant rien lâcher ! Alors, il faut voter "non"." Mais le recours à cette argumentation on ne peut plus démagogique est sans cesse contrebalancé par un discours plus "critique" : "mais il faut surtout continuer à œuvrer pour que les travailleurs retrouvent confiance en leur force, dans la force que leur donnent leur nombre et leur place irremplaçable dans la production." (Idem)

… pour pousser les ouvriers de chaque Etat derrière leur bourgeoisie

Les prolétaires ne doivent pas se laisser abuser par le vernis "radical" de LO. La duplicité de cette organisation peut d'ailleurs être illustrée à travers un autre exemple dans cette campagne sur la Constitution européenne dans laquelle elle s'adapte pour défendre une position diamétralement opposée par rapport à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. LO s'abrite derrière une phraséologie sur la construction des "Etats-Unis d'Europe" : "L’unification européenne, nous sommes pour. Oui, nous sommes pour l’unification complète du continent, bien entendu Turquie comprise, et même bien au-delà." (meeting d'Arlette du 11 avril). Un long article sur "La Turquie et l'Union européenne" de sa "revue théorique" Lutte de Classe n° 87 daté de mars 2005 permet de découvrir que LO trouve des aspects positifs à la Constitution européenne et prône Oui à la Constitution… pour les travailleurs en Turquie alors qu'elle la rejette pour les travailleurs d'ici…au nom de "'unité prolétarienne" : "Pour qui veut défendre un point de vue révolutionnaire prolétarien, l'avenir appartient à l'unification complète de l'Europe et à la suppression de toutes les frontières, bien au-delà des limites actuelles de l'Union européenne. Il faut donc considérer comme positif tout ce qui, dans la construction européenne actuelle, et bien qu'elle soit faite en fonction des besoins capitalistes, facilite la circulation des personnes et contribue à tisser des liens plus étroits entre les peuples. De ce point de vue, il n'y a aucune raison de s'opposer à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, pas plus qu'il n'y aurait de raison de s'opposer à l'adhésion de quelque pays que ce soit." Selon LO, la Constitution, c'est mauvais et réactionnaire pour les ouvriers d'ici déjà membres de l'UE, mais c'est bon et progressiste pour les prolétaires de Turquie ; l'article ajoute : "(…) Et de même, pour des militants défendant un point de vue révolutionnaire prolétarien en Turquie, l'anti-impérialisme ne peut consister à s'opposer à l'adhésion : il doit s'exprimer par des revendications et des objectifs concrets, en se plaçant du point de vue des intérêts ouvriers. Aujourd'hui, la classe ouvrière de Turquie, comme le reste de la population, est sans doute dans sa grande majorité favorable à l'adhésion, avec l'idée que celle-ci ne pourra qu'amener une amélioration économique et un meilleur respect des droits de chacun." LO trouve ici de nouvelles vertus à ce qu'elle nomme pourtant si volontiers "l'Europe des capitalistes" qu'elle vilipende par ailleurs : (…) Mais, dans la classe ouvrière de Turquie, on a aussi l'idée qu'en Europe occidentale (…), il existe des droits sociaux que l'on peut faire valoir, des institutions qui les garantissent et dans lesquelles on est respecté." Au bout de ses méandres, la conclusion de la "haute stratégie révolutionnaire" de LO est alors : "Pour autant, les révolutionnaires n'ont aucune raison de s'opposer à ce sentiment dominant qui, au fond, exprime à sa façon les aspirations ouvrières. S'ils ont bien sûr à combattre les illusions, ce n'est pas pour leur opposer un quelconque repli sur soi nationaliste. C'est pour dire que, bien sûr, l'adhésion à l'Union européenne peut comporter des aspects positifs."

Quelles "aspirations expriment à sa façon" le double discours permanent de LO ? Ces grands écarts, ces prises de position à orientation géo-politique variable, LO les a parce que son but n'est nullement de défendre les intérêts de la classe ouvrière mais de noyer la conscience de la classe ouvrière pour mieux l'entraîner dans les chausse-trapes de la bourgeoisie et en particulier systématiquement sur le terrain électoral.

W (20 avril)

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  • La mystification parlementaire [2]

Chine, Japon... L'Asie du Sud-Est dans la tourmente des tensions inter-impérialistes

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Alors que les médias aux ordres de la bourgeoisie nous rebattent les oreilles du référendum à propos de la Constitution européenne, faisant miroiter que de celle-ci dépend la paix et la stabilité, la barbarie capitaliste continue dramatiquement sa marche en avant. C’est plus particulièrement l’Asie qui est devenue au cours des dernières semaines le nouvel épicentre de l’accélération des tensions inter-impérialistes.

Depuis le 14 mars, l’inquiétude internationale s’est tournée vers le détroit de Formose. C’est à cette date que le parlement chinois a pour la première fois voté une loi anti-sécession qui autorise Pékin à faire usage de moyens militaires contre Taiwan dans le cas où les autorités de l’île opteraient pour l’indépendance. Le 13 mars, le président chinois Hu-Jinto, vêtu d’une vareuse militaire, avait même publiquement appelé les officiers à " se préparer à un conflit armé". Le message était clair : la bourgeoisie chinoise ne permettrait pas la séparation de Taiwan, elle ne reculerait devant aucun moyen, y compris la guerre.

L'Asie du Sud-Est, un nouveau foyer de tensions guerrières

Immédiatement, la tension est montée en flèche, non seulement en Asie du Sud-Est, mais aussi entre la Chine et le Japon. Ce dernier ne pouvait rester sans réaction aux déclarations belliqueuses de la Chine. Tokyo a donc fait savoir fermement que cette loi anti-sécession aurait immanquablement un effet négatif sur la paix et la stabilité de la région en annonçant simultanément que ses forces militaires avaient pris le contrôle d’un phare situé sur l’Archipel de Senkaku. Cet archipel est traditionnellement revendiqué par Pékin, qui l’appelle Diayou. La Chine répliquait en qualifiant cet acte militaire de "grave provocation totalement inacceptable".

L'engrenage des tensions grandissantes entre la Chine et le Japon a trouvé une expression évidente à travers les manifestations anti-japonaises montées de toutes pièces par l'Etat chinois ces dernières semaines, au prétexte de la publication par Tokyo de manuels d'histoire minimisant les atrocités commises par l'armée japonaise durant la colonisation d'une partie de la Chine dans les années 1930. En réponse, le Japon qualifiait alors pour la première fois la Chine de "menace potentielle", mettant clairement en avant l'aggravation de la situation dans cette région du monde. La situation s’est à ce point aggravée en Asie du Sud-Est que jamais, depuis 1945, le Japon n'avait abandonné officiellement sa neutralité à propos de la question sensible de Taiwan.

Cette poussée de fièvre belliqueuse de la part de la Chine n’a évidemment pas entraîné une réponse du seul Japon. Les Etats-Unis ont quant à eux fait savoir que, malgré le fait que Washington n’admet depuis 1972 qu’une seule Chine dont Taiwan fait partie, il ne serait pas question d’accepter passivement et sans réagir un coup de force militaire de la Chine sur Taiwan. "Cette loi anti-sécession est malheureuse", a déclaré Scott Mc Clellan, porte-parole de la Maison Blanche. " Nous nous opposons à toutes modifications unilatérale du statu quo" : ces propos clairs et nets ont été tenus par la secrétaire d’Etat américaine Condoleeza Rice au président Hu-Jintao, lors de sa visite à Pékin le 21 mars dernier. Il est clair maintenant que pour faire face à la montée accélérée des appétits impérialistes de la Chine, le Japon et les Etats-Unis font cause commune dans cette partie du monde.

Tel est le sens de l’accord signé par Washington et Tokyo qui se donne "comme objectif stratégique commun" d’œuvrer à la mise en place de la "résolution pacifique" des questions concernant le détroit de Formose.

La pression impérialiste de la Chine

L’effondrement de l'URSS en 1989, l’affirmation des Etats-Unis en tant que seule grande puissance mondiale, avaient déjà bouleversé la politique impérialiste de la Chine dès cette époque. Depuis la formation de la République populaire de Chine en 1949, en passant par 1972, date à laquelle la Chine et les Etats-Unis se sont retrouvés alliés contre l’Union soviétique, le développement des tensions inter-impérialistes restèrent enfermées dans un carcan qui en limita la dangerosité pour l’ensemble du monde. A partir de 1989, et avec l’enfoncement accéléré du capitalisme dans la décomposition, la situation a commencé à changer.

La base de l’alliance stratégique sino-américaine façonnée par l’existence d’un ennemi commun, l’URSS, avait alors disparu. C’est à partir du milieu des années 1990 que l’on a pu voir la première poussée spectaculaire des tensions dans la région entre la Chine et les Etats-Unis. Le bombardement par les Etats-Unis de l’ambassade de Chine à Belgrade, le 7 mai 1999, un mois après l’échec de la visite de la haute diplomatie chinoise à Washington, a été une expression évidente du fait que la Chine affichait clairement son ambition de faire cavalier seul dans l'arène impérialiste mondiale tandis que les Etats-Unis s'y opposaient.

Depuis, les appétits impérialistes de Pékin n'ont cependant pas cessé de s'aiguiser et avec eux une volonté d'apparaître comme une force militaire avec laquelle les autres grandes puissances devraient compter, en particulier les Etats-Unis. Il est particulièrement significatif que le budget militaire de la Chine ne cesse de croître ! Depuis quinze ans, les dépenses militaires de l'Empire du Milieu se sont accrues à un rythme annuel à deux chiffres : 11,6% en 2004 après les 17% de 2002, ce qui représente pas moins de 35% du budget national. Signe des temps et des besoins de l'impérialisme chinois, c’est la marine et surtout l’aviation qui profitent de ces dépenses dans la perspective d'une modernisation rapide.

L'Etat chinois profite d'ailleurs autant qu'il peut des difficultés de la première puissance mondiale à s'imposer sur la planète. Les interférences de la Chine dans le processus de discussion du dossier nucléaire de l'Iran en témoignent. Le ministre des Affaires étrangères chinois Li-Zhaoxing, lors d’un voyage à Téhéran, a déclaré que la Chine s’opposerait à toute tentative de sanctionner l’Iran sur ce sujet à l’ONU. C’est la même politique impérialiste qui pousse ce pays à soutenir le régime islamique soudanais. Dans le même sens, sa politique vis-à-vis de Pyongyang, capitale de la Corée du Nord, est des plus claires. Elle est un signe fort des prétentions impérialistes de la Chine pour avancer ses pions dans sa zone d'influence naturelle, fût-ce au détriment de la politique américaine. La bourgeoisie chinoise s'est également efforcée de consolider ces derniers temps son influence au Laos, au Cambodge, en Birmanie, voire en Thaïlande, en Malaisie et en Indonésie, et cela directement contre les Etats-Unis.

Si le développement des tensions impérialistes à propos de Taiwan fait peser une nouvelle grave menace sur le monde, celui-ci, et de loin, n’est pas le seul point chaud de l’affrontement larvé en Asie. L’Aksai-chin et l’Arunachal-Pradesh, situés à la frontière entre la Chine et l’Inde, sont également des régions de plus en plus revendiquées par les deux Etats et sont des sources potentielles d’affrontement entre ces deux puissances nucléaires. Si, pour le moment, l’apaisement des tensions est de mise entre l’Inde et le Pakistan d’un coté, l’Inde et la Chine de l’autre côté, cela ne préjuge en rien d'une stabilité de cette région pour les temps à venir. Le Premier ministre indien Mammhan Singh a bien pu ainsi déclarer : " l’Inde et la Chine partagent la même aspiration à bâtir un ordre politique et économique international juste, équitable et démocratique", c'est parce que les requins impérialistes en Asie que sont la Chine, l’Inde et le Pakistan sont pour le moment obligés de mettre en sourdine leur confrontations réciproques, afin de se ménager face à l’offensive actuelle des Etats-Unis dans cette partie du monde.

Dans une telle situation, il est bien évident que les autres puissances impérialistes mondiales, notamment la France, l’Allemagne et la Russie, ne peuvent pas rester sans tenter elles aussi de venir défendre leurs propres intérêts dans cette région du monde, portant ainsi de plus belle ombrage aux Etats-Unis confrontés à l’affaiblissement accéléré de leur leadership mondial. Les récents voyages de Chirac puis de Raffarin en Chine n’avaient ainsi pas pour seule raison le renforcement des liens économiques entre Paris et Pékin. Il s'agissait de réaffirmer le soutien de la France, relayée par l'Allemagne, à la levée de l'embargo sur les ventes d’armes chinoises en même temps que de vendre une technologie avancée à la Chine. Une Chine plus forte et plus agressive face aux Etats-Unis fait le jeu de l’Allemagne et la France. En effet, si la stratégie américaine d'implantation de bases militaires au Kirghizstan, au Tadjikistan, en Afghanistan et en Ouzbékistan vise à la fois l'encerclement de l'Europe et de la Russie, l'Oncle Sam cherche aussi par ce moyen à dresser un barrage contre l'influence expansionniste de la Chine vers l'Occident, contribuant ainsi à isoler entre eux ses principaux concurrents impérialistes.

La fuite en avant du capitalisme ne peut mener qu’à un chaos toujours plus profond.

Avec le développement des tensions impérialistes en Asie, il serait totalement erroné de croire que la barbarie capitaliste ne continue pas de s’accélérer dans les autres régions du monde. C’est tout le contraire qui est vrai.. Il est clair que la bourgeoisie américaine se retrouve enlisée dans le bourbier irakien, malgré ses intentions proclamées d'amorcer une retrait partiel de ses troupes d'ici 2006. Elle est également sur le qui-vive au Moyen-Orient vis-à-vis de la Syrie et de l'Iran mais aussi sur le front extrême-oriental par rapport à la Corée du Nord. Et pour continuer à jouer les gendarmes du monde, elle est poussée en permanence dans une fuite en avant sur le terrain militaire. La multiplication des points chauds en Extrême-Orient, où la poussée de l'impérialisme chinois devient un pôle de préoccupation prépondérant, conduit d'ores et déjà la Maison Blanche à renforcer ses bases militaires dans la région et ses liens avec des Etats comme l'Indonésie, les Philippines, la Malaisie, la Thaïlande ou encore le Sri Lanka. L’évolution de la situation en Asie du Sud-Est montre une fois de plus à la classe ouvrière que tous les discours de paix de la bourgeoisie ne font jamais que préparer de nouveaux moments d'affrontements guerriers et que ce système capitaliste n'a rien à offrir que la barbarie. La montée des menaces guerrières en Asie en est une nouvelle expression lourde de conséquences pour l’avenir. Les appétits et les prétentions des principaux rivaux de l’impérialisme américain, dont fait partie maintenant ouvertement la Chine, ne peuvent que s’aiguiser toujours plus. La crise du leadership américain, son offensive actuelle et les réactions qui en découlent, ne peuvent plonger le monde que dans un chaos grandissant.

Tino (22 avril)

Géographique: 

  • Asie [10]

Questions théoriques: 

  • Impérialisme [11]

Mort du pape Jean-Paul II - Un apôtre du système capitaliste

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Jamais dans l'histoire, la maladie et la mort d'un pape n'auront été aussi médiatisées. La population de la Terre entière a été gavée jusqu'à la nausée d'informations, de reportages et d'images télévisées sur l'évolution de la maladie et de l'agonie de Jean-Paul II. Toute sa vie durant et jusqu'après son trépas, ce pape aura su se mettre en scène et attirer la dévotion de ses ouailles avec un sens du culte de la personnalité acquis de longue date dans le sérail stalinien dont il était issu. Et le "Saint Père" est largement parvenu à rivaliser avec le "Petit père des peuples" dans ce domaine.

A travers les 200 chefs d'Etat ou leurs représentants qui ont assisté à ses funérailles, ce sont ses pairs de la bourgeoisie mondiale unanimement reconnaissante qui lui ont décerné un vibrant hommage et qui ont souligné l'ampleur de ses mérites, à la mesure des services qu'il aura rendus à l'exploitation capitaliste et aux grandes causes impérialistes qu'il aura défendues. Mais si toutes les télévisions du monde avaient planté leur caméra au Vatican, sur la place Saint-Pierre, c'est que la vie et la mort édifiantes de Jean-Paul II étaient aussi destinées à marquer les esprits pour redonner du crédit et une vigoureuse impulsion à l'idéologie religieuse dans les masses par ces temps troublés, où les populations sont de plus en plus à la merci de la misère, de la famine, des pandémies, ou bien happées par la guerre, le chaos, la barbarie.

En tant que porteuse de la religion, "l'opium du peuple", comme disait Marx, mais aussi en tant que détentrice d'un pouvoir séculier, l’Eglise catholique est une véritable puissance de ce monde. Depuis presque 2000 ans, elle s'est rangée aux côtés des têtes couronnées, des puissances et des empires, contre lesquels les premiers chrétiens s’étaient élevés. A ses origines, le christianisme est venu des pauvres et des exploités. Les premiers chrétiens, en fait des membres des sectes juives radicales esséniennes et zélotes, s'opposaient à la présence de Rome en Palestine et à l'exploitation qu'elle entraînait. Ils voulaient aussi mettre tous leurs biens en commun. Mais par la suite, l’Eglise catholique et la papauté ne vinrent pas aux premiers rangs du pouvoir pour présider à l'avènement espéré du paradis sur Terre dont rêvaient les premiers chrétiens, mais à celui d'une nouvelle société d’exploitation faisant suite à l'Antiquité, le système féodal.

A l’époque du féodalisme, l’Eglise de Rome était un bastion politique, militaire, économique et idéologique de premier ordre.

Le protestantisme, qui dès le 15e siècle commença à remettre en cause l'omnipotence de l'Eglise, fut en réalité l'expression de la rébellion de la bourgeoisie contre la féodalité. Lors de la Révolution française en 1789, certaines fractions radicales et anti-cléricales de la bourgeoisie cherchèrent même à se débarrasser des oripeaux de la religion. Mais au fur et à mesure que le prolétariat affirmait sa force de classe et se montrait comme le véritable danger pour l'ordre bourgeois, qu'il mettait à bas le mythe égalitaire bourgeois cherchant à masquer l'exploitation capitaliste, la classe dominante est revenue à de bien meilleurs sentiments à l'égard de la religion.

Aujourd'hui, le système capitaliste est en déclin depuis presque un siècle. Et une des preuves que nous sommes dans les dernières phases de ce déclin tient justement dans le renouveau de la religion, ressource clé de l'intoxication idéologique mais aussi produit de la pourriture idéologique capitaliste. Ainsi aux Etats-Unis, dans le pays le plus puissant et le plus développé du monde, la religion du Christ renaissant a une influence réelle non seulement dans de larges secteurs de la population mais aussi aux plus hauts niveaux de l'administration Bush.

Au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie, l'Islam fondamentaliste se présente comme la seule réponse à la misère des opprimés. En Israël, les partis religieux messianiques ont une parole majeure dans la vie politique du pays. En Europe et en Amérique, les délires néo-paganistes moyen-âgeux ont monté en force. La plupart de ces idéologies soutiennent que nous vivons les "derniers jours" ; en un sens, elles ont raison. Leur propre renouveau est une expression de l'irrationalité profonde et du désespoir qui accompagnent l'idéologie de cet ordre social en décomposition.

Pousser les pauvres à se résigner à leur sort : une grande "mission" de Jean-Paul II

Le rôle de l'Eglise catholique, à l'instar des autres, pour offrir une fausse perspective, le bonheur dans l'au-delà, et dévoyer les questionnements sur la société capitaliste est essentiel. Il existe un milliard de catholiques dans le monde et l'Eglise de Rome détient encore une énorme influence dans les régions les moins développées de l'Afrique, de l'Asie, et spécialement des pays d'Amérique latine. Elle reste une force majeure de contrôle social. Ce contrôle est partiellement exercé par des doctrines ouvertement réactionnaires qui se sont renforcées sous le règne de Jean-Paul II. Il en est ainsi de positions telles que l'opposition du Vatican aux méthodes de contraception et l'interdiction renouvelée en pleine épidémie de Sida d'utiliser des préservatifs. L'Eglise catholique a ainsi contribué de façon très conséquente à la mort de millions de personnes sur le continent africain en particulier, mais aussi en Amérique latine et en Asie. Tout cela au nom de la "pureté de l'âme" !

Mais le "charisme" de Jean-Paul II n'a pas servi qu'à aider les sidéens croyants à passer ad patres en conservant l'âme pure, grâce à une libido en harmonie avec les lois de Dieu ; il a aussi été d'une lumineuse utilité pour maintenir les exploités dans la croyance que l'Eglise pouvait leur venir en aide, c'est-à-dire pour les faire rester ou rentrer dans le rang de la "juste" exploitation capitaliste. Ce commis voyageur de l'idéologie capitaliste, version bon apôtre, n'a donc pas économisé ses forces pour apporter la bonne parole aux pauvres et aux miséreux de par le monde, contre les "excès" du capitalisme. C'est même dès son intronisation papale qu'il accourt en 1978 à la rescousse des exploiteurs d'Amérique latine devant le développement de luttes de plus en plus massives au sein des exploités des zones urbaines et agricoles. Et c'est justement surtout dans les pays les plus pauvres et où l'influence du catholicisme est la plus grande qu'on le verra donner toute sa mesure. A côté des discours à résonance "sociale", ses voyages répétés en Amérique du Sud seront aussi l'occasion d'affermir ses troupes des "Théologiens de la Libération", groupes travaillant main dans la main avec les partis de gauche et les syndicats afin de dévoyer les révoltes potentielles de masse dans les impasses de la démocratie et du nationalisme.

Rappelons encore son rôle dans le sabotage de la lutte des ouvriers de Pologne en 1980-1981, rôle assuré grâce à un soutien public à Solidarnosc et à un Walesa ultra-catholique dont l'action avait conduit à la défaite ouvrière et à la répression brutale de l'Etat polonais.

Un infatigable commis voyageur de l'impérialisme

Si, en Europe de l'Ouest, l'Eglise catholique n'a depuis longtemps plus de moyens d'influencer les luttes ouvrières, elle détient cependant une place d'importance dans les manœuvres sordides du système capitaliste. Durant les années 1930 et dans la Seconde Guerre mondiale, Hitler, Mussolini et Franco étaient de mèche avec la hiérarchie catholique, qui donna entre autres crapuleries son assentiment plus que tacite à l'Holocauste. A ce jour, alors que tous les éléments historiques ont été depuis belle lurette réunis et rendus publics, la papauté refuse de reconnaître sa responsabilité dans ses crimes ; elle est en l'occurrence un fois de plus au diapason de toutes les puissances impérialistes sorties victorieuses du deuxième conflit mondial.

Il faut dire que bien des liens se sont tissés entre elles. Ainsi, après la "Libération" et lors de la Guerre froide, le Vatican était devenu un pion de premier plan dans la lutte du bloc de l'Ouest contre le "communisme athée" de l'Est (en fait, la forme stalinienne du capitalisme d'Etat). D'ailleurs, c'est du fait de ses positions pro-occidentales avérées que Jean-Paul II avait été mis en place comme serviteur du bloc américain. Il a été le fer-de-lance de cette croisade au nom de "l'anti-communisme" aux quatre coins de la planète. Et c'est ainsi en tant que prêcheur des intérêts de l'impérialisme occidental qu'on avait pu le voir parcourir le monde jusqu'en 1989.

Suite à l'effondrement du bloc de l'Est, Jean-Paul II s'était trouvé une nouvelle mission, celle de l'anti-américanisme et de l'alignement avec l'Europe contre une première puissance mondiale qu'il avait servi durant vint ans. C'est en ce sens qu'il faut comprendre les prises de positions papales contre les interventions militaires américaines, en particulier contre celles en Irak, tout comme ses discours anti-mondialistes qui visaient en réalité l'hégémonie des Etats-Unis. Le tout n'a jamais rien eu à voir avec une quelconque défense des intérêts des populations.

Dans l'interminable procession des défenseurs de l'enfer capitaliste et des maux qu'il représente pour l'humanité, Jean-Paul II a tenu une place de choix. C'est pourquoi la bourgeoisie lui a rendu un si éclatant hommage.

Mulan (22 avril)

Questions théoriques: 

  • Religion [12]

Organisations Non Gouvernementales - Une prétendue autonomie au service de l'impérialisme

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Que font les ONG ? A quoi servent-elles ? La question est légitime et ne manque pas de se poser depuis quelque temps.

Alors que plus de quatre mois viennent de s’écouler depuis le déferlement du tsunami sur les côtes d’Asie du Sud, et malgré l’élan de générosité qui a déversé de rondelettes sommes d’argent dans les caisses des ONG, la situation sur place est toujours aussi dramatique pour les victimes. Alors que l’île de Nias, au large de Sumatra, a essuyé le 28 mars une réplique sismique provoquant un véritable carnage, les ONG sont toujours à se demander comment utiliser les sommes récoltées qui pour le moment sont placées sur des SICAV monétaires à 2,5% d’intérêts annuels. Alors, à quoi peuvent bien servir les ONG, à part verser des salaires astronomiques à leurs dirigeants et leur offrir des virées dans les hôtels quatre étoiles de Bora Bora (Capital, avril 2005) ? Certes, les détournements de fonds et les mœurs d’escrocs sont une réalité directement reliée aux mœurs de la bourgeoisie mais ce n’est pas là l’essentiel et le fondement principal de l’action humanitaire.

Avant toute chose, les ONG sont un instrument, devenu aujourd’hui incontournable, de la défense des intérêts impérialistes de chaque nation.

Ces ONG qui n’ont de "non gouvernemental" que le nom, offrent depuis plus de 30 ans les moyens idéologiques pour justifier les actions armées des grandes puissances.

C’est ainsi que, dans les années 1970, la France, pour se débarrasser de celui qu’elle fit accéder au pouvoir en Centrafrique, Jean Bedel Bokassa, s’appuya sur Amnesty International pour déclencher une vaste campagne de dénonciation du règne sanglant de l’empereur "autoproclamé". Ce fut cette campagne qui justifia l’intervention de la France et l’envoi de ses parachutistes qui n’oublièrent pas d’emporter dans leur paquetage un nouveau président.

Mais le rôle des ONG ne se limite pas seulement à fournir un alibi humanitaire pour étayer et accompagner les raids sanglants du "droit d’ingérence" des grandes puissances dans les conflits armés. Leur présence et leur travail sur le terrain sont souvent plus que cela.

Ce n’est pas par hasard si l’Inde a refusé l’aide internationale après les ravages du tsunami du 26 décembre. Ce n’est toujours pas un hasard si l’Indonésie réclame depuis peu le départ des ONG de son territoire dans les deux prochains mois. C’est parce que ces Etats savent pertinemment que les ONG agissent, même sans escorte militaire, comme tête de pont impérialiste de leur nation respective. Ce qu’illustre de façon édifiante la série de "révolutions démocratiques" qui a eu lieu dans les républiques du sud de la Russie dont la dernière en date s'est développée au Kirghizistan. "On peut être fier d’avoir soutenu la révolution", a proclamé l’ambassadeur américain Stephen Young. Bien que l’Oncle Sam dispose depuis quatre ans d’une base militaire forte de 2000 soldats sur l’aéroport de Manas, ce n’est pas de ce type de soutien dont parle Mr Young. Pour aider au renversement du régime d’Akaïev, les Etats-Unis se sont servis d’une arme redoutable, un puissant réseau d’ONG, 7000 au total, quadrillant l’ensemble du territoire. Dans chaque village ont compte trois à quatre ONG locales, financées en grande partie par des organisations étatiques made in America telles Freedom House, dirigée par l’ancien patron de la CIA, James Woosley, ou encore le National Democratic Institute (NDI), présidé par l’ancienne secrétaire d’Etat de Clinton, Madeleine Albright. La "révolution jaune" n’avait donc rien de spontanée. Au contraire, elle a été soigneusement et patiemment préparée par ce réseau d’ONG pro-américaines comme cette imprimerie de Bichkek alimentée par Freedom House et chargée d’éditer pas moins d’une cinquantaine de journaux d’opposition. Et lorsque l’ancien pouvoir kirghize décide cinq jours avant les élections législatives de couper l’électricité de l’imprimerie, c’est l’ambassade américaine qui accourt pour fournir des groupes électrogènes afin que continue le travail d’agitation. C’est aussi à travers une coalition de 170 ONG kirghizes, animées par Edil Baisalov, financées quant à elles par le NDI, qu’un millier d’observateurs ont pu être envoyés dans les bureaux de vote pour témoigner de la fraude et déclencher la "fronde populaire". On peut retrouver le même schéma en Géorgie en 2003 ou en Ukraine en 2004 où la "révolution orange" a été là aussi portée par le travail de 280 ONG, abreuvées par le même NDI de 65 millions de dollars dans le but de renverser le duo pro-russe, Koutchma/Ianoukovitch, via l’agitation populaire.

Les ONG sont elles utiles ? Pour la bourgeoisie, la réponse ne fait aucun doute, c’est oui. Depuis les années 1970, elles sont très clairement un atout organiquement lié au dispositif militaire de la classe dominante. Pour reprendre l’expression du célèbre french doctor, Bernard Kouchner, fondateur de l’emblèmatique Médecin Sans Frontières, "la grande aventure du XXIe siècle (...) s’appelera mouvement humanitaire". Mais cette aventure ne peut être que celle de la guerre au service de l’impérialisme.

Azel (15 avril)

Questions théoriques: 

  • Impérialisme [11]

Le chômage, expression de la faillite du capitalisme

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Raffarin avait promis qu'en 2005 le chômage allait baisser de 10 %. Dernièrement, il vient cependant de déclarer que "le choc pétrolier (allait) décaler cette ambition de quelques mois", alors que le chômage passait la barre symbolique des 10% de la population active. Depuis plus de trente ans, ce genre de promesses remises aux calendes grecques est monnaie courante de la part des gouvernements, toutes couleurs politiques confondues. Il serait d'ailleurs difficile d'accorder le prix à la meilleure déclaration du genre, où le cynisme et le mensonge se mêlent au plus grand mépris des ouvriers massivement frappés non seulement par le chômage massif mais par une précarité grandissante de toutes leurs conditions de vie, qu'ils aient ou non du travail.

Les méthodes de la bourgeoisie pour abaisser le nombre de chômeurs… indemnisés

Le chômage, avec tout ce que cela entraîne, est devenu une source d'angoisse majeure au sein des familles ouvrières. Tous les plans gouvernementaux depuis vingt ans se sont efforcés d'en masquer l'importance par des traficotages en tous genres, tout en s'acharnant à attaquer résolument les chômeurs. Plans emploi-jeunes par-ci, flexibilité et baisse ou blocage des salaires avec les 35 heures par là, contrats d'avenir, RMI, RMA, PARE, etc., ont fait travailler les spécialistes en fumisterie de la bourgeoisie. S'il n'y aura pas de baisse du chômage dans les années qui viennent, par contre, une politique qui va vers encore plus de contrôle et de répression se prépare. Pour ce faire, les services de l'Etat, l'ANPE et les Assedic (1) vont être rationalisés pour mettre en place les dispositifs des lois Borloo.

L’ANPE met ainsi en service, cette année, un nouveau système d’information appelé Géode qui devrait permettre un meilleur flicage des demandeurs d’emplois, qui devront s’adapter aux offres et aux conditions des entreprises sur le marché de l’emploi. L’objectif officiel d’une telle démarche est d’être plus efficace dans le placement des chômeurs, mais le but le plus important est la surveillance des chômeurs en vue de leur radiation et la suppression de leur indemnisation en lien avec les Assedic et l’Unedic (2) .

L’Unedic, aux déficits abyssaux, veut diminuer et rationaliser à outrance tous ses coûts. Sur le plan interne, les départs à la retraite ne seront pas tous remplacés et tout le fonctionnement des services va être restructuré de manière à faire plus avec moins de personnel. Le gouvernement fait passer ces mesures "internes" comme autant des mesures positives pour les chômeurs, appelés dorénavant "clients". Elles doivent en fait servir à mettre en place toute une panoplie de mesures de contrôle par le biais d'un fichier unique des entreprises en France. Les Assedic doivent tout faire pour qu'un chômeur reste le moins possible au chômage, non pas à travers l’embauche effective, mais surtout en les rayant des allocations. S'il est inscrit sur un poste de travail "porteur", c'est-à-dire pour lequel il y a de la demande (maçon, boucher...), il ne doit pas rester plus de quelques semaines au chômage. Et pas question qu'il fasse des formations. C'est gaspiller de l'argent ! Le calcul de l'Assedic est simple : un salarié qui cotise à l'Assedic rapporte en moyenne 1500 € par an ; un salarié au chômage coûte à l'Assedic en moyenne 14700 € par an. Il faut que le chômeur cesse de l'être, en acceptant n'importe quoi, n'importe où, à n'importe quelles conditions, sinon il sera rayé de la liste des demandeurs d’emploi. Jusqu'à présent, les chômeurs étaient convoqués pour un entretien tous les 6 mois, maintenant, il y aura d'autres entretiens périodiques, en coordination avec l'ANPE.

Pour faire passer les nouvelles normes, l'article le plus controversé de la loi Borloo stipulant qu'un chômeur perdrait ses indemnités s'il refusait plusieurs propositions d'emploi a été retiré à grands renforts de publicité. Mais cette disposition revient hypocritement par la fenêtre, puisque l'Assedic se réserve le droit de signaler pour sanction à la Direction Départementale du Travail tout chômeur ayant refusé de prendre un emploi qui lui a été proposé. Et l'Unedic demande que les Assedic puissent elles-mêmes sanctionner les chômeurs "récalcitrants". Une véritable pression va être mise sur ceux-ci pour qu'ils prennent l'emploi qui leur sera proposé, sous peine de sanctions. Comme le dit le directeur général de l'Unedic dans le quotidien économique La Tribune du 18 avril : "Quand on regarde comment les personnes privées d'emploi vivent les premiers mois de chômage, on constate une forte passivité. Il faut dégripper le marché du travail." Aussi, le remède appliqué contre cette grippe sociale sera plus fort que jamais et être administré à coups de contrôles toujours plus stricts, entraînant de nombreuses radiations à une échelle encore plus large.

Une aggravation sans fin

A côté du chômage, le sous-emploi est devenu la norme. Le travail à temps partiel ne cesse d'augmenter et les contrats à durée indéterminée (CDI) sont devenus une denrée rare. Aujourd'hui, 17,6 % des emplois sont à temps partiel, 4,7 % en CDD et 2,6 % en intérim, autant de chiffres qui ont doublé en vingt ans. Déjà, "sur les 90 000 emplois crées en 2004, plus de la moitié (50 000) est bien en dessous des 35 heures." (Insee). Depuis le début de l’année, la proportion des emplois à temps partiel et à très bas salaires est passé aux deux-tiers des emplois créés. 30 % du total national des embauches envisagées pour 2005 sont liés à des activités uniquement saisonnières.

Pourtant, les pouvoirs publics affichent cyniquement un prétendu "recul de la pauvreté" en France. Depuis trente ans, le taux de pauvreté aurait été divisé par deux et "seulement" 6,1 % de la population vivrait sous le seuil de pauvreté. Or, ce seuil a été ramené à 602 euros par mois contre 650 en 2003 (tandis que les prix à la consommation ont fortement augmenté depuis). En réalité, ce sont plus de 7 millions de gens qui constituent les "ménages pauvres", c'est-à-dire 12,4 % des familles.

Dans un tel contexte, la durée d'indemnisation du chômage, constamment réduite, s'est encore brutalement raccourcie depuis 2003. Conséquence : une véritable explosion des demandes du RMI, dont les "bénéficiaires" ont dépassé le million en 2004.

Les programmes de "lutte contre la pauvreté" n'ont pour but que d'essayer d'instaurer une situation de pauvreté "supportable" et d'y installer les "pauvres", qu'ils soient anciens, nouveaux ou futurs, tout en réduisant le coût financier de cette misère. Fin mars, Borloo lançait ainsi un nouveau gadget : le "contrat d'avenir" qui "offre" aux "bénéficiaires" des minima sociaux un travail, c'est-à-dire 26 heures par semaine payées au SMIC horaire afin, dit-il, de faire "retrouver le goût du travail". Dans la même veine, il fixe un "revenu de solidarité active" (RSA) pour "favoriser le retour à l'emploi", dans le cadre d'un combat contre la "notion de travailleur pauvre" et pour l'éradication de la pauvreté des enfants (un million en France !) d'ici 2020. En réalité, ces deux mesures visent à diminuer les aides sociales et à faire en sorte qu'une frange de plus en plus importante de la classe ouvrière s'englue définitivement dans le travail à temps partiel.

Tous ces saupoudrages sont présentés à grand renfort de propagande, dans laquelle "on institutionnalise le sous-emploi (…), une propagande agrémentée par un discours de culpabilisation, (…) comme la justification économique du travail ne fonctionne plus –on ne gagne pas sa vie à travailler à mi-temps- on la remplace par une justification morale et culpabilisante. "Il est obscène de ne pas travailler", assènent ces discours." (Robert Castel, sociologue, dans Libération du 4 avril)

La bourgeoisie veut anticiper la réaction de la classe ouvrière

Dans les mois à venir, il va y avoir des nouvelles vagues de licenciements dans un contexte social de plus en plus tendu. D'un coté, la bourgeoisie est obligée de rendre l'indemnisation du chômage moins chère et les conditions d'allocation plus dures. Ainsi, les organisations patronales et plusieurs syndicats, CFDT, CGC, CFTC ont signé un accord portant sur la "convention de reclassement personnalisée", la CGT et FO disant qu'elles réfléchissaient avant de le signer. Cette convention est une attaque supplémentaire qui prévoit d'indemniser les salariés licenciés pour motif économique à hauteur de 80% du salaire brut antérieur pendant 4 mois, et ensuite 65% pendant 2 mois. Le ministre Borloo lui-même, en prévision d'une situation de plus en plus catastrophique pour l'emploi dans les mois qui viennent, a demandé une étude sur les licenciements économiques en vue d'adoucir cette convention, en indemnisant les salariés licenciés pour motif économique à hauteur de 80% mais pendant 8 mois seulement ! Ceci signifie clairement deux choses : la bourgeoisie sait qu'il va y avoir une déferlante de licenciements dans les mois à venir. Elle sait aussi que dans le contexte actuel, elle doit se préparer à une réponse de la classe ouvrière, car quelque chose de profond est en train de mûrir au sein de celle-ci. Le chômage est l'expression la plus flagrante de la faillite du système capitaliste.

"En rejetant de la production des masses sans cesse croissantes de prolétaires, le capitalisme mondial dévoile son vrai visage : celui d'un système qui n'a plus rien à proposer à l'humanité qu'une misère et une barbarie toujours plus effroyables. Il fait la preuve de sa faillite historique.

Ce système ne peut donner un travail et un salaire aux ouvriers, se servir de leurs bras et de leur cerveau, que lorsqu'il a les moyens de surmonter ses crises. Aujourd'hui, s'il plonge des dizaines de millions de prolétaires dans le dénuement le plus total, s'il condamne les deux tiers de l'humanité à la famine, c'est justement parce qu'il n'est plus capable de résoudre les contradictions qui l'assaillent.

Les ouvriers doivent oser regarder la réalité en face : un système qui menace la survie de l'espèce humaine, non parce qu'il ne produit pas assez, mais parce qu'il produit trop, est une absurdité." (3)

Pinto (23 avril)

1) Les Assedic s'occupent des indemnisations aux chômeurs.

2) Caisse nationale qui contrôle les Assedic.

3) "Le capitalisme n'a pas de solution au chômage", manifeste du Courant Communiste International, janvier 2004.

Situations territoriales: 

  • France [8]

Questions théoriques: 

  • Décadence [13]

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Liens
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