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ICConline - mars 2011

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Anton Pannekoek, sa signification indéniable pour la lutte historique du prolétariat

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I. L'intérêt dans le milieu politique pour les théories marxistes

 Depuis un certain nombre d'années il existe un intérêt renouvelé pour les approches classiques, développées par l'humanité en général et par la classe ouvrière en particulier au cours de son histoire. Plus que jamais, plus profondément que jamais, on est à la recherche d'idées, de prises de position, d’approches et de méthodes qui peuvent constituer une réelle contribution dans le développement d'une alternative fondamentale au mode de production capitaliste, qui mène l’humanité dans une impasse, dans une spirale de crises et de guerres. Le capitalisme se trouve dans un état de crise permanente, le salariat mène l'humanité à l'abîme.

 D'où le besoin de lire, de redécouvrir les théoriciens les plus importantes du mouvement ouvrier et des diverses organisations ouvrières, que ces dernières ont générés au cours de leur histoire. Les personnes et les organisations seraient trop nombreuses à mentionner, mais elles comprennent tout le panel de théoriciens du communisme de Marx à Bordiga et les organisations internationalistes de la IIIème Internationale au CCI.

 A la fin des années 1960, il existait une atmosphère politique comparable à aujourd’hui, avec la différence qu'à l'époque, il existait encore beaucoup plus d'illusions sur les perspectives que le capitalisme pouvait encore offrir à l'humanité. Car au cours de sa reprise historique, «le caractère massif des combats ouvriers, notamment avec l’immense grève de mai 1968 en France et l’automne chaud italien de 1969, avait mis en évidence que la classe ouvrière peut constituer une force de premier plan dans la vie de la société et que l’idée qu’elle pourrait un jour renverser le capitalisme n’appartenait pas au domaine des rêves irréalisables. Cependant, dans la mesure où la crise du capitalisme n’en était qu’à ses tous débuts, la conscience de la nécessité impérieuse de renverser ce système ne disposait pas encore des bases matérielles pour pouvoir s’étendre parmi les ouvriers » (1) (Résolution sur la situation internationale du 18ème Congrès du CCI).

 Bien qu'existaient de nombreux débats enthousiastes sur la destruction des rapports de production capitalistes, cela signifiait surtout qu'on voulait mettre fin à l'exploitation, à l'aliénation, à l'oppression, aux structures autoritaires et au racisme. Mais la question du travail salarié était à peine remise en cause. Ce qu'on recherchait n'était en fait pas beaucoup plus qu'un capitalisme à visage plus humain. On a beaucoup parlé de changements radicaux et structurels, mais quand on en arrivait là, cela se limitait souvent à une « marche vers les institutions ». Souvent, on cherchait la réponse aux questions qui se posaient auprès de théoriciens bourgeois comme Marcuse, Foucault, Habermas, Fanon, etc.

 Cependant, une autre tendance se développait simultanément: en réponse à ce système parlementaire et syndicaliste pourri, et à la dictature stalinienne, un « communisme » sclérosé (2), qui s'était développée face à elle, est apparu une attirance pour des formes de démocratie où la classe ouvrière donnait le ton. De là, le regain d'intérêt à la fin des années 1960 pour les courants qui faisaient de la propagande pour l'autogestion, la démocratie des Conseils, ou pour l’une ou l’autre forme de syndicalisme de base. Ainsi, on redécouvre non seulement des anarchistes comme Kropotkine et Rocker, mais aussi des communistes de Conseils comme Pannekoek, Rühle, Mattick et Korsch.

 Quand on évoque l'intérêt renouvelé pour les communistes classiques comme Marx, Engels, Lénine et Trotski, mais aussi pour les positions communistes de Conseils, il faut savoir exactement de quoi on parle. Car tous les communistes de Conseils n'ont pas les mêmes fondements, ni n'utilisent la même méthode. Ainsi, Anton Pannekoek, décédé il y a maintenant cinquante ans, surpasse de loin tous ses épigones qui ont parlé et parlent encore en son nom. Ce « classique » parmi les marxistes a sans nul doute acquis une importance comparable à celle de Rosa Luxembourg ou d’Amadeo Bordiga. Et le fait que, plus tard dans sa vie, dans la période la plus noire de la contre-révolution, il en soit arrivé à se contredire et à s’embrouiller dans ses contradictions n'y change rien. Anton Pannekoek était et est resté, même à un âge avancé après la seconde guerre mondiale, un vrai théoricien du socialisme d'abord, et du communisme ensuite, quelqu'un qui au cours de sa vie a fourni une contribution essentielle au développement de la méthode marxiste.

 II. Le combat de Pannekoek contre l'opportunisme dans la deuxième et la troisième Internationale

 Au début du 20ème siècle, il s’impose déjà comme défenseur des intérêts de la lutte ouvrière en menant le combat contre les tendances révisionnistes à l'intérieur du mouvement ouvrier néerlandais représentées par Troelstra. Avec Gorter, il dénonce radicalement toute collaboration avec des fractions libérales progressistes de la bourgeoisie au parlement. « Ni une attitude conciliante, ni la concertation, ni le rapprochement avec les partis bourgeois et l'abandon de nos revendications fondamentales ne sont les meilleurs moyens d'obtenir quelque chose, mais le renforcement de nos organisations, en nombre, en connaissance et en conscience de classe, de façon à ce qu'elles apparaissent à la bourgeoisie comme des forces toujours plus menaçantes et terrifiantes » (Anton Pannekoek et Herman Gorter, Marxisme et Révisionnisme, NieuwTijd, 1909).

 Lorsqu'il se rendit en Allemagne en 1906, pour donner des cours à l'école du SPD, il entra rapidement en conflit avec la direction du SPD, en particulier avec Kautsky, sur l'importance d'une action de masse autonome des ouvriers. Avec Rosa Luxembourg, il défendit l’option de la grève de masse, contre la stratégie défendue par Kautsky, de ne pas tirer toutes ses cartouches en même temps et de mettre lentement la pression sur la bourgeoisie en menant des grèves locales démonstratives. « Quand nous parlons d'actions de masse, de leur nécessité, nous voulons désigner par là une activité politique extra-parlementaire de la classe ouvrière organisée, activité par laquelle elle agit directement sur la politique, au lieu de le faire par le truchement de ses représentants. Ces actions de masse ne sont pas synonymes d'action de « rue ». Même si les manifestations de rue en sont une expression, son expression la plus puissante, la grève de masse, peut aussi s’imposer quand les rues dont désertes. Les luttes syndicales qui mettent en branle d'emblée les masses mènent d'elles-mêmes à une action de masse politique. Envisagée sous un angle pratique, l’action de masse n’est rien d'autre qu'une extension du champ d'activité des organisations prolétariennes. » (Anton Pannekoek,  Action de masse et révolution: Neue Zeit, XXX, 2e vol, 1912).

 En 1911, il était le premier parmi les socialistes à réaffirmer, à la suite de Marx après la défaite de la Commune de Paris, que la lutte contre la domination capitaliste ne laissait aux ouvriers pas d'autre choix que la destruction de l'état bourgeois. “La lutte du prolétariat écrivait-il, n'est pas simplement une lutte contre la bourgeoisie pour le pouvoir d'Etat en tant que tel; c'est une lutte contre le pouvoir d'Etat... La révolution prolétarienne consiste à anéantir les instruments de la force de l'Etat et à les dissoudre (Auflösung) par les instruments de la force du prolétariat. (...) La lutte ne cesse qu'au moment où le résultat final est atteint, au moment où l'organisation de l'Etat est complètement détruite. L'organisation de la majorité a alors démontré sa prédominance en anéantissant l'organisation de la minorité dominante." ( Cité dans Lénine: l'Etat et la révolution, 1917).

 A l'éclatement de la guerre mondiale en 1914, il prit fermement position contre la trahison des leaders sociaux-démocrates dans la seconde Internationale: “Avec la croissance énorme du parti et des organisations syndicales, s'est développée l'armée des employés, des politiciens, des dirigeants et des fonctionnaires, qui en tant que spécialistes des formes de lutte traditionnelles se sont tellement identifiés à elles (…) qu’ils constituent un obstacle sur le chemin d’un développement ultérieur de la tactique. (…) Au lieu de la conquête du pouvoir de l'Etat, qui semble si lointaine et difficile, s’impose la pensée petite-bourgeoise que le capitalisme peut être rendu supportable par de petites réformes. Ainsi est né le réformisme, qui a supplanté la lutte de classe et a dominé les partis socialistes dans presque tous les pays d'Europe occidentale. (…) Et l'Internationale aussi a participé de cette dégénérescence. (…) Et lorsque vint le moment où les gouvernements voulaient la guerre, ni la force ni le courage n’étaient présents pour la lutte contre la guerre; l'internationalisme s'est envolé en fumée, et l'Internationale s'est effondrée comme une épave vermoulue. (…) La deuxième Internationale est morte; sans gloire, elle a péri dans l'incendie mondial. Mais cette mort n'est pas le fruit du hasard. Elle a simplement montré que l'Internationale ne pouvait survivre à elle-même. L'effondrement de l'Internationale est en même temps l'effondrement de la tactique, de la méthode, de la théorie qui l'avaient guidée: le parlementarisme.” (Anton Pannekoek, De ineenstorting van de Internationale, De Nieuwe Tijd, 1914).

 Pendant la guerre, il devient sympathisant du ISD de Brême et du SPD aux Pays-Bas, et écrit des articles contre la politique de guerre. Dans une lettre à Van Ravensteyn datée du 22 octobre 1915, il explique ce qui l'a poussé à se lier à l'initiative de la Gauche de Zimmerwald. Car, malgré le caractère hétérogène de l'initiative, il se déclarait prêt “sur la demande de Lénine et Radek, à occuper avec Madame Roland Holst la fonction de rédacteur” de la publication de la Gauche zimmerwaldienne. Je serais “plus volontiers resté entre nous, avec des tenants de la même opinion”. Mais c'est maintenant “en discutant et en traitant les problèmes nouveaux, le moyen unique de répandre nos positions sur la tactique, l'impérialisme, l'action de masse, etc. parmi ceux qui seront amenés à prendre la direction des mouvements à venir” (B.A. Sijes, Anton Pannekoek, 1873-1960. Dans Anton Pannekoek, Herineringen, 1976, p. 41).

 Par la suite, il a exprimé sa solidarité inconditionnelle avec les ouvriers russes lorsque ceux-ci, organisés en Soviets, ont pris le pouvoir en octobre 1917, et il a propagé la nécessité d'une révolution mondiale. “Ce que nous espérions est entretemps arrivé. Les 7 et 8 novembre, les ouvriers et les soldats de Petrograd ont renversé le gouvernement Kerenski. Et il est probable (…) que cette révolution va s'étendre à toute la Russie. Une nouvelle période commence, non seulement pour la révolution russe, mais pour la révolution prolétarienne en Europe. Pour la première fois depuis la Commune de Paris, le prolétariat, allié aux classes petites-bourgeoises, est maître du pouvoir d'Etat, non seulement dans une ville, mais dans un grand Etat. Pour la première fois, de véritables socialistes, formés de manière moderne, sont appelés à jouer un rôle de dirigeants dans l'organisation et la construction de la société. (…) En effet, une nouvelle ère commence” (Anton Pannekoek, La Révolution russe III, de Nieuwe Tijd, 1917 p. 560; La Révolution russe VIII, De Nieuwe Tijd, 1918 p. 125).

 Mais son enthousiasme n'a pas duré très longtemps. La troisième Internationale était à peine constituée que les ouvriers révolutionnaires d'Allemagne étaient confrontés à une politique initiée par le KPD, qui devenait de plus en plus opportuniste. Alors que la majorité lançait le mot d'ordre “Sortez les syndicats!”, la direction du KPD commençait à mettre sur pied des syndicats “alternatifs” sous la forme d'organisations d'entreprises. Un peu plus tard, des négociations étaient entamées avec l'USPD centriste et enfin, il était décidé de reprendre le travail parlementaire. Tous ceux qui n'étaient pas d'accord avec cela furent exclus du parti à la fin de 1919, et c'était la majorité du parti. Tout cela se déroula durant l'année 1919 et, dans la lutte contre cet opportunisme aussi, Pannekoek se positionna à l'avant-plan et défendit avec verve le caractère prolétarien du mouvement global contre son sabotage par la direction du KPD.

 Lorsque la majorité exclue du KPD fonda en avril 1920 un nouveau parti, le KAPD, Pannekoek fut le grand inspirateur du programme de cette organisation politique. Dans ce programme étaient rassemblées les positions les plus importantes de la nouvelle période. Même si cela ne représente pas un texte individuel, mais le produit collectif de toute la gauche germano-hollandaise, il est important, étant donné le haut niveau de conscience de classe qu’il exprime, d’en citer quelques extraits: “Le capitalisme a fait l'expérience de son fiasco définitif, il s'est lui même historiquement réduit à néant dans la guerre de brigandage impérialiste, il a créé un chaos, dont la prolongation insupportable place le prolétariat devant l'alternative historique: rechute dans la barbarie ou construction d'un monde socialiste. (…) Conformément à ses objectifs maximalistes le KAPD conclut également au rejet de toutes les méthodes de lutte réformistes et opportunistes. ( …) A côté du parlementarisme bourgeois les syndicats forment le principal rempart contre le développement ultérieur de la révolution prolétarienne en Allemagne. (…)Plus l'idée de la lutte de classe internationale sera clairement conçue par le prolétariat, plus on mettra de conséquence à en faire le leitmotiv de la politique prolétarienne mondiale, et plus impétueux et massifs seront les coups de la révolution mondiale qui briseront en morceaux le capital mondial en décomposition. » (Programme du KAPD, avril 1921, Revue Internationale 97, 1999).

 Bref, ses plus grandes contributions sur le plan politique dans la période précitée, la plus importante de sa vie politique, peuvent être résumées dans les points suivants:

  • sa première contribution importante fut sa lutte contre l'opportunisme dans la deuxième Internationale. Il a plus ou moins prévu la trahison des organisations social-démocrates et anarchistes, qui dissociaient but et mouvement contre toute tradition marxiste;

  • sa deuxième contribution importante a été la défense de l'internationalisme prolétarien contre l'hystérie nationaliste de la première guerre mondiale; sa collaboration à Zimmerwald, le développement d'une Gauche (travail d'opposition) en réponse à la dégénérescence de la deuxième Internationale; la lutte pour le pouvoir des Conseils ouvriers et sa collaboration à la fondation de la troisième Internationale;

  • mais sa contribution sans doute la plus importante au marxisme, Pannekoek l'a laissée au travers de sa collaboration au développement des conséquences du cadre de la décadence du capitalisme pour les conditions de la lutte du prolétariat. Parce que les conditions historiques avaient changé suite à l'ouverture de la période de décadence, le parlement et les syndicats ne constituaient plus des moyens de lutte du prolétariat pour son émancipation. (Voir aussi: Buchbesprechung zu Cajo Brendels Anton Pannekoek – Denker der Revolution, Weltrevolution 12 & 130, année 2005).

 III Comment a-t-il pu arriver à ces contributions et quelles faiblesses contiennent-elles malgré tout?

 l a été capable de fournir ces contributions en premier lieu, parce qu'il faisait partie du mouvement ouvrier organisé et qu'au sein de celui-ci, il menait la lutte d'une façon collective; en second lieu, parce qu'il se rattachait fermement à la méthode marxiste, en appliquant celle-ci à chaque nouvelle situation, dans les polémiques et les discussions avec ses camarades de lutte.

 C'est pour cela qu'il a été capable de prévoir et de critiquer sans concession la trahison de la social-démocratie à la veille de la première guerre mondiale. Qu’il a réussi aussi à apprécier à sa juste valeur la signification de la Révolution russe et de la vague révolutionnaire de 1917-23. Enfin, Pannekoek était (exactement comme Rosa Luxembourg jusqu'à son assassinat en 1919) au début des années 1920, un défenseur, critique il est vrai, mais acharné de la Révolution d'octobre.

 Son grand engagement et le sérieux de sa méthode ne l'ont cependant pas empêché, contrairement à ce qui s’est passé avec la deuxième Internationale, de tirer finalement des leçons erronées de l’échec de la Révolution d'octobre 1917 en Russie. En ce qui concerne celle-ci, il arriva finalement à la conclusion que les Bolcheviks avaient en fait dirigé une révolution bourgeoise. Pourquoi? Non seulement parce que dans la Russie de 1917 subsistaient encore des restes de féodalisme, des formes dispersées de production petite-bourgeoise, mais aussi parce que selon lui, Lénine n'avait pas bien compris la distinction entre matérialisme prolétarien et matérialisme bourgeois. (cf. John Harper (Anton Pannekoek), Lénine philosophe, 1938).

 Mais c'est Lénine, dans ses fameuses Thèses d'avril de 1917, qui a démontré que la révolution prolétarienne se trouve seulement à l'ordre du jour de l'histoire quand les contradictions mondiales ont atteint un certain degré de maturité. Le fait que Pannekoek ait oublié ces leçons plus tard ne doit pas seulement être compris comme l'expression de sa déception et de son désarroi après la défaite de la révolution mondiale. Mais cela doit aussi et surtout être vu comme la conséquence de son énorme déception suite au dépérissement du bastion russe isolé, dans lequel il avait placé tous ses espoirs après l'effondrement de la lutte ouvrière en Europe occidentale. Dans la suite des années 1920, il avait placé toutes ses attentes dans la mise en place d'une économie communiste à l'Est, parce qu'il partait de l'illusion que cela permettrait de saper la domination de la classe bourgeoise à l'Ouest.

 Malgré sa mésestimation de la Révolution d'octobre en Russie et même s’il était de plus en plus isolé du fait de la période de contre-révolution, il est resté fidèle à la tâche historique de la classe ouvrière et a continué à défendre:

  • la nécessité d'une lutte autonome massive de la classe ouvrière, qui s'organise en comités de grève, conseils d'entreprises et d'autres formes qui puissent exprimer son unité dans la lutte contre la bourgeoisie;

  • la signification d'une organisation politique qui « diffuse, étudie, discute la connaissance et la compréhension, formule des idées et essaie de clarifier la conscience des masses au travers de sa propagande » (Anton Pannekoek, Cinq thèses sur la lutte de la classe ouvrière contre le capitalisme, Southern Advocate for Workers Councils, Melbourne, n° 33, mai 1947).

 IV La méthode matérialiste dialectique de Pannekoek

 Pannekoek a démontré et confirmé sa maîtrise et sa contribution à la méthode marxiste au travers des différents ouvrages qu'il a écrits au cours de sa vie. Sa première contribution était « Marxisme et Ethique » en 1906 et sa dernière « L'Anthropogenèse » en 1945. Pendant toute cette période, il a approfondi une série de sujets différents sur base d'une approche méthodologique solide. Une méthode qu'en tant que communistes, nous devons conserver et défendre bec et ongles contre ce qu'en ont fait et tentent encore d’en faire ses épigones. Pour donner une idée de la profondeur, aussi bien que de la simplicité de la méthode de Pannekoek, citons le passage ci-dessous. Il y explique, non seulement comment l'être détermine la conscience, mais aussi comment la conscience à son tour influence l'être:

« On a souvent affirmé que la réalité dans la société humaine est quand même principalement de nature spirituelle, car l’homme est tout d’abord un être pensant et capable de volonté; partout (…) les relations humaines existent seulement parce que les hommes en ont plus ou moins conscience, par leur conscience, leurs sentiments, leur savoir et leur volonté. (…) La conception bourgeoise part du contenu spirituel de la conscience comme quelque sorte de donné, dont on n’a pas besoin de retracer l’origine plus en détail, et qui a sa source dans la « nature » de l’esprit ou dans l’existence d’un être spirituel abstrait en dehors de l’homme. Cette conception ignore le matérialisme historique ». (Anton Panekoek, Le matérialisme historique, De Nieuwe Tijd 1919, pp. 15 et 52; Anton Pannekoek, Parti, Conseils et Révolution, 1970, rassemblé et annoté par Jaap Kloosterman).

 Alors que beaucoup de ses contemporains communistes de conseils se sont débattus avec cette question sans être capables d'en sortir, Pannekoek savait que le marxisme avait résolu depuis longtemps cette contradiction entre être et conscience, entre monde extérieur et monde intérieur, entre penser et sentir ici ou agir là.

«Donc, si Marx nous dit que l’existence sociale détermine la conscience, cela ne signifie pas que les idées actuelles sont déterminées par la société actuelle. La réalité sociale actuelle est un élément, le monde des idées constitué de la réalité précédente est un autre élément ; à partir de ces deux éléments surgit la nouvelle conscience comme l'expression des forces spirituelles qui s'influencent mutuellement (…). La conception marxiste part de la conviction que le contenu de la conscience doit s’être formé à partir d’un impact du monde réel, et il en cherche l’origine dans les conditions de vie antérieures des hommes. Et il n’en est pas seulement ainsi pour la conscience ; pour les autres propriétés de l’esprit aussi, dans les inclinaisons et les pulsions, dans les instincts et les coutumes, qui se cachent dans les profondeurs de l’inconscient et qui apparaissent comme une mystérieuse nature humaine innée, se manifestent les impressions héritées depuis des milliers d’années, depuis les temps les plus reculés» (14) Anton Pannekoek, Le matérialisme historique, De NieuwTijd 1919 pp. 15 et 52; Anton Pannekoek, Parti, Conseils et Révolution, 1970, rassemblé et annoté par Jaap Kloosterman.

 Pannekoek ne pouvait développer le point de vue cité ci-dessus qu’en complétant et approfondissant le matérialisme historique développé par Marx et Engels, par les prises de position de Dietzgen (un social-démocrate de la première génération). Ce dernier avait essentiellement démontré comment le comportement des hommes s'explique par l'intervention et le fonctionnement de l'esprit humain: « Le matérialisme historique avait établi que la conscience est déterminée par l'être; il est vrai que pour les idées, il n'existe pas d'autres source que le monde extérieur pour le contenu réel (matériel) de l'esprit. Mais à ce stade, on n'avait pas encore répondu à la question du comment » (…) « L'esprit (c'est-à-dire la conscience) n'a pas d'autre matériel que les empreintes du monde; il les enregistre et les transforme en quelque chose d'autre, en quelque chose de spirituel, même en pensées et en concepts. Comment procède-t-il et en quoi consiste son activité, son mode de fonctionnement? Marx ne s'est pas vraiment occupé de la question de l’essence de l'être humain. Pour la connaissance de la société, la démonstration d’où l'esprit tirait son contenu, qu'il ne pouvait le puiser que dans le monde réel, était suffisante. Dès lors, la question de savoir quel est le contenu de l'esprit et quel est son rapport avec le matériel restait ouverte. Dietzgen a résolu ce problème. » (Anton Pannekoek: L'Oeuvre de Dietzgen, Neue Zeit, avril 1913).

 Pour tout révolutionnaire actuel, l'œuvre de Pannekoek reste une référence essentielle, ne serait-ce que parce qu'il a, avec d'autres communistes de gauche, jeté un pont entre la fin de la deuxième Internationale social-démocrate et les débuts de la troisième Internationale communiste, dans une période qui s'étend de 1914 à 1919. Pour accomplir cela, comme nous l'avons expliqué ci-dessus, il a activement pris part à la diffusion de différentes voix éparses contre la guerre, comme celle des ISD (Internationale Socialisten Duitsland à Brème), du SPD aux Pays-Bas et en particulier des idées de ce qu'on a appelé la Gauche zimmerwaldienne.

Mais lorsqu'il a vu que la vague révolutionnaire venue de Russie, à cause de son isolement, se dirigeait vers une voie de garage et commençait à dégénérer de l'intérieur et de l'extérieur, il a décroché. Même s'il a déploré la liquidation du Nieuwe Tijd par le CPH (Parti communiste de Hollande), celle-ci a constitué pour lui une occasion de lever le pied. A partir du début des années 1920, encore plus que dans la période précédente, il va mettre l’accent sur le travail théorique, et il n'a jamais plus été membre actif d'un groupe révolutionnaire. « J'aspirais à tranquillement me réorienter et à rendre des comptes. Il s'agissait de nouveau, comme avant dans le socialisme et maintenant dans le communisme, de faire d’un parti aux principes purs une force et une puissance dans le mouvement ouvrier. A nouveau, c'est le réformisme opportuniste qui a pris le dessus sous l'apparence d'un puissant parti de masse, mais aujourd'hui de façon bien plus nocive que par le passé, plus superficielle, plus en décalage par rapport aux principes, plus démagogique, se parant du nom du marxisme tout en foulant aux pieds ce même marxisme... » (Anton Pannekoek, Mémoires, 1976, p. 208).

Cela ne signifie pas qu'il se tenait complètement à l'écart des organisations politiques du prolétariat, car, jusqu'à la deuxième guerre mondiale, il a maintenu un contact étroit avec le groupe communiste de Conseils GIC (Groupe des Communistes Internationaux) aux Pays-Bas. En plus de sujets d’actualité qui concernaient la lutte de la classe ouvrière à ce moment-là, il a consacré toute la période jusqu'à la deuxième guerre mondiale à trouver une explication à la trahison de la social-démocratie et aux raisons de la défaite de la vague révolutionnaire de 1917-23.

Pendant la deuxième guerre mondiale, le contact avec d’autres communistes révolutionnaires étaient pratiquement impossibles. Dès lors, il s’est uniquement consacré pendant ces cinq années à la réflexion théorique et à la réalisation d’un de ses ouvrages les plus connus : ‘Les conseils ouvriers’. Dès que le contact pouvait être rétabli avec les groupes révolutionnaires existants, comme par exemple avec le Ligue Communiste Spartacus en Hollande, il a repris la discussion de ses positions et de celles des autres.

V Son attachement inconditionnel à la lutte du prolétariat

Dans les différents écrits - courts pour la plupart - qu'il a produits après la guerre, il démontre à nouveau clairement où il se situe dans la lutte pour la défense des intérêts de classe du prolétariat, et dans ce cadre, par rapport à la tâche des minorités politiques conscientes, qui sont secrétées par la lutte historique de la classe. Non pas que les positions qu'il y défend sont toujours les plus développées, les plus avancées du moment ou même toujours orientées dans la bonne direction. Non pas qu'il lui arrivait d’hésiter par rapport au bon déroulement de la lutte pour une société où « on donne selon les besoins et on reçoit selon les capacités ». Mais il y montre que le combat pour le communisme lui tenait toujours à cœur. Il y révèle qu'il avait toujours confiance dans la capacité de la classe ouvrière à donner au cours de l'histoire un sens positif et à donner par sa lutte une perspective à l'ensemble de l'humanité.

A propos de la signification des grèves « sauvages », de l'importance de la solidarité prolétarienne et de la conscience qui s'y développent, il a écrit avec beaucoup d'engagement et de clarté. En partie, c'est à cause d'une vision erronée de sa part à propos de la perspective historique, qui à ce moment-là n'était certainement pas mûre pour une reprise généralisée de la lutte ouvrière. En partie, c'était toutefois aussi le résultat de la maturité et de la solidité de la méthode avec laquelle il analysait les événements quotidiens. « En Europe, en Angleterre, en Belgique, en France, aux Pays-Bas, et aux Etats-Unis aussi, des grèves sauvages éclatent, menées jusqu’ici par des petits groupes n’ayant ni clairement conscience de leur rôle social, ni des buts plus radicaux, mais faisant preuve d’une admirable solidarité. Elles affrontent le gouvernement de ‘Labour’ en Grande-Bretagne et sont hostiles envers le Parti Communiste au gouvernement en France et en Belgique. Les travailleurs commencent à sentir que le pouvoir d’Etat est maintenant leur plus important ennemi. Leurs grèves sont dirigées autant contre ce pouvoir que contre les patrons capitalistes. Les grèves deviennent un facteur politique ; et lorsque les grèves éclatent avec une intensité telle qu’elles paralysent des branches entières et ébranlent la production sociale en ses fondements, elles deviennent un facteur politique de première importance. Les grévistes n’ont peut-être pas l’intention d’être révolutionnaires, mais ils le sont – ni les grévistes ni même la plupart des socialistes ne s’en rendent compte. Et par nécessité, la conscience et la lucidité se formeront progressivement à partir de ce qui n’a été qu’intuitif, et rendront les actions plus directes et plus efficaces. » (Anton Pannekoek, Strikes, dans Western Socialist, janvier 1948).

A la fin de sa vie, Pannekoek résumait de plus en plus la tâche des minorités politiques conscientes de la classe comme une tâche d'éducation et d'information bien plus que comme une tâche propagandiste et de direction politique. Cependant c'est cette même conviction profonde de Pannekoek sur l'importance cruciale de la théorie, de la critique et de l'engagement révolutionnaires, qui l'amène encore une fois à expliquer ce qu'est la contribution des minorités à la lutte de la classe pour l'unité et pour le développement de sa compréhension dans les changements importants que sa lutte apportera à la société. « …notre tâche est prin­ci­pa­le­ment une tâche théo­rique : trou­ver et indi­quer, par l’étude et la dis­cus­sion, le meilleur chemin de l’action pour la classe ouvrière. L’éducation qui en découle ne doit pas avoir lieu à l’inten­tion seu­le­ment des mem­bres du groupe ou du parti, mais doit viser les masses de la classe ouvrière. Elles devront décider dans leurs mee­tings d’usine et leurs conseils quel est le meilleur chemin à suivre, Mais pour être capables de prendre la décision adéquate, elles doi­vent être éclairées par des avis bien considérés, venant du plus grand nombre de personnes possible. En conséquence, un groupe qui proclame que l’action autonome de la classe ouvrière est la forme la plus importante de la révolution socialiste se donnera pour tâche pri­mor­diale d’aller parler aux ouvriers ; par exem­ple par le moyen de tracts popu­lai­res qui écla­ir­ciront les idées des ouvriers en expli­quant les chan­ge­ments impor­tants dans la société, et la néc­essité d’une direc­tion des ouvriers par eux-mêmes dans toutes leurs actions comme aussi dans le tra­vail pro­duc­tif futur. » (Lettre de Pannekoek à Castoriadis (Socialisme ou Barbarie), 8 novembre 1953).

Finalement, il entretient aussi une correspondance régulière et passionnée avec des gens comme Alfred Weiland, Paul Mattick et plusieurs autres. Surtout dans sa correspondance avec « Socialisme ou Barbarie », il exprime une nouvelle fois de manière très concise ce qu'il considère comme le caractère fondamental de la révolution prolétarienne. Dans ce sens, cette correspondance peut quasiment être considérée comme son testament: “….la libé­ration des tra­vailleurs sera l’œuvre des tra­vailleurs eux-mêmes. De plus, la révo­lution prolé­tari­enne ne peut être com­parée à une simple réb­ellion ou à une cam­pa­gne mili­taire, dirigée par un com­man­de­ment cen­tral, et même pas à une pér­iode de luttes comme par exem­ple la grande révolution franç­aise, qui ne fut elle-même qu’un épi­sode dans l’ascen­sion au pou­voir de la bour­geoi­sie. La révo­lution prolé­tari­enne est beau­coup plus vaste et pro­fonde ; elle est l’acces­sion de la masse des gens à la cons­cience de son exis­tence et de sa nature. Ce ne sera pas une convul­sion simple; Elle se manifestera à travers le contenu d’une période entière de l’histoire de l’humanité, dans laquelle la classe ouvrière devra découvrir et réa­liser ses pro­pres talents et son poten­tiel, tout comme d’ailleurs ses pro­pres buts et mét­hodes de lutte. » (Idem)

Pannekoek, né le 2 janvier 1873, mourut... en communiste sincère le 28 avril 1960.

Dixoff

 

  1. Résolution sur la situation internationale du 18eme Congrès international du CCI

  2. L'anti-stalinisme a aussi joué un très grand rôle à la fin des années 1960, suite au rôle de saboteurs de la lutte ouvrière qu'ont joué les organisations politiques et les syndicats staliniens dans les mouvements de grève les plus importants de cette époque, mais aussi suite à l'invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes russes en 1968, pour écraser dans le sang la résistance à la dictature.

  3. Anton Pannekoek et Herman Gorter, Marxisme et révisionnisme, NieuwTijd 1909

  4. Anton Pannekoek, Action de masse et Révolution, NeuzZeit, XXX, deuxième volume, 1912.

  5. Cité dans L'Etat et la révolution de Lénine, 1917

  6. Anton Pannekoek, L'effondrement de l'Internationale, De Nieuwe Tijd, p. 677, 1914.

  7. B.A. Sijes, Anton Pannekoek, 1873-1960. Dans Anton Pannekoek, Mémoires, p. 41, 1976

  8. Anton Pannekoek, La Révolution russe III, De Nieuwe Tijd 1917, p. 560; La Révolution russe VIII, De Nieuwe Tijd p. 125, 1918.

  9. Programme du KAPD, avril 1921 dans Revue Internationale 97, 1999.

  10. Voir aussi: Buchbesprechung zu Cajo Brendels Anton Pannekoek – Denker der Revolution, Weltrevolution 12 et 130; 2005.

  11. John Harper (Anton Pannekoek), Lénine philosophe, 1938

  12. Anton Pannekoek, Cinq thèses sur la lutte de la classe ouvrière contre le capitalisme, Southern Advocate for Workers Councils, Melbourne, n° 33, mai 1947

  13. Anton Pannekoek, Le matérialisme historique, De Nieuwe Tijd 1919, pp. 15 et 52; Anton Pannekoek, Parti, conseils et révolution, 1970, rassemblé et annoté par Jaap Kloosterman

  14. Idem

  15. Anton Pannekoek: L'oeuvre de Dietzgen, Neue Zeit, avril 1913; Brochure de Radenkommunisme, Beverwijk, 1980 p. 43

  16. Anton Pannekoek, Mémoires, 1976, p. 208

  17. Anton Pannekoek, Strikes, dans Western Socialist, janvier 1948

  18. Lettre de Pannekoek à Castoriadis (Socialisme ou Barbarie), 8 novembre 1953

  19. Idem

Personnages: 

  • Pannekoek [1]

Espagne : de la "grève générale" au "Pacte social" (tract)

  • 1898 lectures

Nous publions ci-dessous un tract réalisé par Accion Proletaria, organe de presse du CCI en Espagne, et distribué dans ce pays tout au long du mois de février1.

Mais qu’arrive-t-il ? Tout d’un coup, les syndicats ont replié le drapeau de la « lutte », se sont mis en costard-cravate et sont allés signer le « Pacte social ». Leur drapeau de « lutte » était une pantomime comme l’a démontré la journée du 29 septembre 2010, alors que maintenant ils participent à quatre mains à l’imposition d’un nouveau coup : la reforme des retraites…et bien d’autres qui vont pleuvoir.

Les syndicats, autant lorsqu’ils appellent à une mobilisation que quand ils vont signer ce que le gouvernement et le patronat leur demandent, sont toujours contre la classe ouvrière. L’un ne va pas sans l’autre.

Nous allons voir les raisons de ce « changement » de politique et aussi ce que nous, les travailleurs, pouvons faire.

Pourquoi est-on passé de la « grève générale » au « Pacte social » ?

Nous sommes en train de vivre une situation où, avec l’aggravation considérable de la crise et des attaques contre les conditions de vie de la grande masse des travailleurs, surgissent ici et là des mouvements significatifs de la lutte de classe. En même temps qu’il y a eu des luttes d’une certaine envergure en France, en Grande-Bretagne, en Italie, en Grèce etc., on est en train de vivre l’entrée en lutte des jeunes générations en Tunisie, en Algérie et en Egypte...

Les confusions, l’inexpérience, le retard politique, font que ces luttes souffrent de faiblesses importantes, dont la bourgeoisie tire profit pour les présenter comme des « mouvements démocratiques » pour ainsi rejeter dans l’ombre le fait que ces mouvements font partie d’un courant international de lutte contre la crise capitaliste, d'un mûrissement des luttes massives dans les rangs prolétariens. On veut ainsi les isoler et faire croire que, dans ces pays prétendus « arriérés », on lutterait pour ce « bien-être démocratique » dont on peut « jouir » dans les pays « avancés ».

C’est dans ce contexte que l’on doit ajouter, pour bien comprendre toute la portée de ce qui se passe, la menace de banqueroute qui guette l’Etat espagnol et ce n’est pas parce que les médias en parlent un peu moins dernièrement que ladite menace se serait évanouie, loin de là2; c'est ce qui a amené le gouvernement, le patronat et les syndicats à signer un Pacte Social officialisant la violente attaque d’une dureté inouïe que représente la réforme des retraites, en y incluant aussi des mesures concernant les conventions collectives et les dénommées « politiques actives d’emploi », lesquelles contiennent essentiellement une attaque contre les chômeurs.

Pour accompagner ce qui précède, il y a eu le coup assené par la région de Murcie à ses fonctionnaires territoriaux, qui n’a été que le signal de démarrage d’un plan d’envergure dans les différentes régions contre les employés du secteur publis : réductions salariales, licenciements des contractuels en CDD, augmentations des horaires, intensification des contrôles, etc. La Catalogne et son plan de 10% de réduction budgétaire annoncé par A. Mas, le Président régional de la Catalogne, parait avoir pris la relève de la région de Murcie. Et la convention municipale du PSOE adopte aussi un plafond de dépenses dans les régions gouvernées par ce parti. Ces mesures sont élargies à toutes les administrations municipales.

Le pari politiquede la  bourgeoisie espagnole

 Comment analyser ce Pacte Social ? Nous pensons qu’il est la concrétisation d’un pari politique fait par la bourgeoisie espagnole sur la manière avec laquelle doit être menée l’attaque brutale contre les travailleurs. Les raisons de ce pari ? : Le malaise, l’indignation, la réflexion persistants qui animent une combativité qui mûrit lentement au sein de la classe ouvrière en Espagne, une combativité qui, malgré tout, n’est pas arrivée au point où notre classe peut apparaître comme une force sociale active. La politique suivie par les syndicats entre février et septembre 2010 était devenue contreproductive. Pendant cette période, ils ont appelé à des protestations mollassonnes, avec cette tactique de mobiliser tout en démobilisant comme on a pu le voir lors de la « grève générale » du 29 septembre3. Cette politique a semé la passivité et l’attentisme dans les rangs ouvriers, mais elle a aussi fini par discréditer les syndicats qui n’apparaissent que comme une instance se limitant à faire acte d’une présence un peu braillarde avec des simulacres de lutte.

C’est pourquoi les syndicats, et la bourgeoisie espagnole dans son ensemble, ont dû reprendre une attitude « responsable » en particulier le tandem Commissions Ouvrières (CO)-Union Générale des Travailleurs (UGT). D’un coté, ils avalisent l’illusion –qui est passablement entamée mais qui est toujours présente- selon laquelle « nous sortirons de cette crise en acceptant quelques sacrifices » et, d’un autre coté, ils cherchent à semer la passivité chez les ouvriers, parce ce sont les syndicalistes eux-mêmes, aidés par les médias, qui se chargent de rabâcher jusqu’à la nausée que si le 29 septembre a échoué, c’est à cause de la passivité et de l’égoïsme des ouvriers. Il faut que ceux-ci se sentent coupables, il faut les stigmatiser en les rendant responsables de l’attitude favorable au Pacte social de la part des syndicats.

Cette politique a aussi comme pilier la manœuvre gouvernementale de décembre où les contrôleurs aériens ont été désignés comme têtes de Turc4. Lors de cette campagne, on a présenté cette catégorie de personnel comme « l’ennemi du peuple », on les a punis avec la militarisation directe de leur travail, l’augmentation brutale de leurs horaires et une nouvelle réduction de leurs salaires.

Cette politique a continué : il suffit de voir la campagne qui a été montée suite à l’agression d'un conseiller régional de Murcie, avec laquelle on a pu dénigrer sans retenue les travailleurs du public de cette région qui avaient réagi spontanément contre la réduction de 7% de leurs salaires, l’augmentation de 5 heures de leurs horaires hebdomadaires et du licenciement de 600 personnes en CDD dans le secteur de la santé5. Et dans le même registre, un tribunal menace de sanctions très dures les grévistes du métro de Madrid6. Une grève de mécaniciens ferroviaires a donné lieu à une campagne hystérique avec le même schéma qui a été employé contre les contrôleurs aériens. À Valence, à propos des 1419 fonctionnaires du secteur de la Justice, la télévision n’a pas arrêté de diffuser en boucle les images de 55 d’entre eux les montrant en train de se livrer à quelques tricheries picaresques avec le pointage, ce qui a permis d'entamer une énième campagne médiatique contre les fonctionnaires de cette branche.

La bourgeoisie essaye par tous les moyens d’éviter la mobilisation massive et généralisée des ouvriers. Sa politique cherche à canaliser une combativité et une indignation qui mûrissent, vers le terrain piégé des mobilisations partielles et corporatistes. Les syndicats « renoncent » à la « grève générale », mais, par contre, ils ne renoncent pas du tout à promouvoir des mobilisations bien enfermées et encadrées dans les secteurs et les régions, c'est-à-dire, dans un cadre de division. La boucle se referme avec ces campagnes de dénigrement médiatique menées avec une jubilation mal dissimulée par le gouvernement et ses moyens de désinformation.

 Les syndicats « alternatifs » ne sont pas l’alternative

 Le 27 janvier, une poignée de syndicats « alternatifs » ont convoqué une « grève générale » qui s’est limitée au Pays Basque, à la Catalogne et à la Galice, limitant pour le reste de l’Espagne l’appel à quelques rassemblements très peu suivis.

Chacune de ces grèves « générales » est restée enfermée dans des motivations nationalistes et particulières : on voit bien là comment ces syndicats qui se prétendent « alternatifs » s’adaptent très bien à l’orientation générale de la bourgeoisie de parcellariser, diviser et fragmenter par tous les moyens la riposte prolétarienne7.

Ces « alternatifs » n'ont qu'une enveloppe un peu différente par rapport au tandem CO-UGT, le fond demeure identique. Comme ceux-ci, ceux-là appellent à une mobilisation sans la moindre assemblée ni débat, tout se règle avec quelques affiches, quelques réunions de syndicalistes et quelques courriers électroniques. Lors des rassemblements, c’est le même folklore. Le même bruit abrutissant que lors des manifs d’UGT-CO, ce qui ne fait qu’encourager l’atomisation, en empêchant le contact entre travailleurs, en obstruant tout débat et toute coordination. Ils ne sont pas une alternative, mais une mauvaise photocopie des appels de CO-UGT.

Ils ne parlent pas de la gravité mondiale de la crise, ni du fait que nous sommes tous attaqués, ni de la nécessité de lutter contre le capitalisme, mais ils propagent l’illusion selon laquelle une intervention publique de l’Etat qui « serre la vis » aux banquiers et aux spéculateurs nous permettrait de nous en sortir.

Ils demandent qu’on défende le « système public des retraites », mais c’est justement cet objectif qui est partagé et mis en avant par tous les partis et les forces du Capital depuis la droite la plus extrême jusqu'à la gauche ! La bourgeoisie ne prétend pas éliminer le « système public des retraites », mais le sauver en réduisant substantiellement les pensions (d’au moins 20 %) et être de plus en plus restrictive quant au droit d’accès à une pension. Cette attaque virulente est cachée par les syndicats avec l'épouvantail de la menace selon laquelle les pensions publiques seraient remplacées par des fonds privés.

Ils exigent « plus d’État » face au supposé « moins d’État » du « néolibéralisme », en essayant de nous cacher le fait qu’autant l’État « néolibéral » que l’État « socialiste » défendent à mort le système capitaliste, qu’ils sont les garants de l’exploitation dont nous souffrons. Ils exigent que l’État agisse au « profit du peuple », ce qu’il n’a jamais fait ni ne fera jamais ! Parce que l’État est un instrument de la classe capitaliste et les mesures qu’il prend, autant lorsqu’elles bénéficient au privé qu'au public, n’ont d’autre objectif que celui de défendre les intérêts du Capital et le maintien de l’exploitation.

 L’alternative ne peut venir que des travailleurs eux-mêmes

 Comment se fait-il qu’une minorité privilégiée parvienne à maintenir la grande majorité dans l’exploitation et l’oppression ? Il est évident qu’en dernier ressort, c’est parce que son État possède le monopole de la force : police, armée, législation, tribunaux, prisons. Mais ce monopole serait inefficace s’il n’était pas entouré, protégé et quelque part fardé par l’appareil des partis, des syndicats et tout le système des soi-disant « droits » et « libertés » dont on jouirait, autrement dit par la voie de la démocratie.

La démocratie bourgeoise est basée sur la délégation. Délégation de la gestion de nos vies à une caste de politiciens qui tous les 4 ans nous appellent à voter en nous bourrant la tête de promesses qu’ils ne tiennent jamais. Délégation aux professionnels syndicaux de la mobilisation dans la lutte et de la négociation. Cette délégation aux représentants politiques et syndicaux nous amène à l’atomisation, à la passivité, à l’individualisme. Cette délégation fait que, même quand nous luttons (par exemple, les mobilisations syndicales du genre 29 septembre ou le récent 27 janvier des « alternatifs »), nous rentrons à la maison avec un sentiment d’impuissance, avec l’arrière-goût amer dans la bouche d’avoir perdu notre temps.

La lutte de la classe ouvrière n’est pas basée sur la délégation mais sur la participation active et consciente de la grande majorité. L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ou elle ne sera pas, voilà ce qu'affirmait déjà la Première Internationale il y a 150 ans. Ceci se concrétise, entre autres, dans les expériences de se réunir en assemblées générales : débat pour décider des mesures à prendre pour le combat, développement de la solidarité et de la mobilisation, du sentiment que nous faisons partie d’un tout dans lequel nous sommes individuellement et collectivement plus forts, sentiment de courage qui nous fait oser des choses que, seuls et atomisés, nous serions incapables de réaliser.

En France, lors des mobilisations contre la réforme des retraites ont surgi des assemblées générales interprofessionnelles regroupant des travailleurs de différents secteurs qui, de façon unitaire, essayaient d’impulser l’ensemble de la classe ouvrière pour que celle-ci prenne en main la lutte, en dépassant le travail de sabotage des syndicats. En Italie du Nord, une assemblée autonome de travailleurs a regroupé un millier de camarades qui ont essayé d’impulser la lutte. Ici aussi, en Espagne, des groupes de travailleurs sont en train d’émerger qui essayent d’impulser un mouvement à la base, pour qu’on puisse décider collectivement de comment lutter, quand, avec quels moyens, comment gagner la solidarité, comment étendre la lutte et ne pas rester enfermés, isolés.

Tout cela est riche de potentialités pour le futur. Il s’agit pour le moment d’un mouvement très limité, avec de grandes difficultés, avec des doutes et des pas en arrière. Mais face à la passivité, à la duperie et à la démobilisation imposée par les politiciens et les syndicats, il existe une alternative : développer notre force collective. Il va de soi que de nombreuses erreurs seront faites, qu’il y aura des problèmes et des contretemps. Mais nous n’avons pas d’autre chemin possible pour pouvoir nous défendre.

CCI (8 février)

 

1 Pour ceux qui veulent participer à la diffusion la plus large possible de ce tract, il est possible de l'éditer en espagnol à l'dresse suivante : https://es.internationalism.org/files/es/pacto.pdf [2].

2 La preuve : les nouvelles lois, décrétées à toute vitesse, sur les Caisses d’épargne qui vont être soldées à vil prix.

 3 Lire le tract fait en commun (CCI, CREE et la Red de Solidaridad y Encuentro d’Alicante) : https://es.internationalism.org/node/2960 [3]

4 Voir notre prise de position sur https://fr.internationalism.org/ri419/etat_d_urgence_en_espagne.html [4]

5 Lire https://fr.internationalism.org/icconline/2011/dans_la_ré [5]gion_de_M [5]urcie_les_fonctionnaires_protestent_contre_des_problè [5]mes_q [5]ui_touchent_tout_le_monde.html [5]

6 Les travailleurs du Métro de Madrid ont été les acteurs d’une grève impulsée par des assemblées générales en juin 2010. Lire « Leçons de la grève du Métro de Madrid » dans https://fr.internationalism.org/icconline/2010/lecons_de_la_greve_du_met... [6]

 7 Nous ne mettons pas du tout en doute l’envie de lutter ni la volonté de défendre les intérêts ouvriers des militants de base de ces syndicats. Justement, pour qu’ils ne soient pas les victimes d’une escroquerie et ne se retrouvent pas démoralisés et trompés, il leur faut instaurer un débat sur la nature de ces syndicats et sur le syndicalisme en général.

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [7]

L'autorité palestinienne, feuille de vigne de l'impérialisme

  • 1586 lectures

Nous publions ci-dessous un article réalisé par World Revolution, organe de presse du CCI en Grande-Bretagne.

 Le mois dernier, lorsque le prolétariat et les masses d’une grande partie du Maghreb et du Proche-Orient ont commencé à se soulever contre leurs dirigeants capitalistes, une manifestation a été appelée à marcher à Gaza derrière les drapeaux du Fatah pour protester contre le fait que l’Autorité palestinienne a été quelque peu insultée par des révélations la qualifiant de « troisième arme de la sécurité israélienne » (dixit le coordinateur américain pour la sécurité pour Israël et la Palestine, le général Keith Dayton). Or, comme le disait World Revolution il y a quelque temps, en décembre 2004 pour être précis, « alors que l’OLP était à l’origine un agent du bloc russe, l’Autorité palestinienne a été essentiellement créée pour agir en tant que force auxiliaire de répression pour le compte de l’armée israélienne. »

Le rôle de l’Autorité palestinienne, défenseur des intérêts impérialistes des Etats-Unis, de l’Angleterre et de l’Union européenne et par conséquent soutenue par eux, a été mis à nu par les 1600 documents qui ont fui vers Al-Jazeera et ont été publiés par le Guardian depuis la fin janvier. Ces documents, dont certains ont été rédigés afin de protéger leurs sources, ont été authentifiés par le journal et confirmés par les récents mails révélés par Wikileaks en provenance du consulat américain à Jerusalem et l’ambassade des Etats-Unis à Tel Aviv. Ils racontent l’histoire des gangsters totalement corrompus de l’Autorité, mis en place par les parrains américains, anglais et égyptiens, mendiant à leurs maîtres israéliens une « feuille de vigne » leur permettant de leur offrir une certaine crédibilité.

Les documents détaillent par le menu le complet mensonge et la comédie de tout le « processus de paix », une pantalonnade jouée maintenant depuis deux décennies alors même que les masses palestiniennes sont passées par tous les stades d’une misère humiliante, de la répression et de la guerre. Voilà la nature de la « paix  capitaliste ». Le processus de paix au Proche-Orient n’a jamais été autre chose qu’une expression de l’impérialisme impliquant toutes les principales puissances et tous les gangsters locaux de la région. Entre autres choses, la nature anti-ouvrière de la libération nationale, ici la chimère d’un État palestinien, apparaît non seulement sous la forme d’un rêve pour les Palestiniens, mais aussi comme une attaque idéologique contre la classe ouvrière partout dans le monde.

Quoi qu’il advienne, les documents montrent que seul un très petit nombre de réfugiés pourront retourner dans les maisons dont ils ont été chassés, et dont ils continuent à être chassés au nom des intérêts du Grand Israël et des intérêts plus larges des impérialismes américain et anglais. Ils présentent une suggestion pas si étrange que ça de la secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice, il y a quelques années, faisant écho à des visions de l’après-Seconde guerre mondiale, lorsqu’il avait été demandé aux Juifs de s’installer dans des marais infestés de maladies en Amérique latine, et qui demandait si les Palestiniens ne pouvaient pas être déplacés vers des pays comme « le Chili, l’Argentine, etc. ». La juriste, ex-agent du Mossad et actuelle ministre des affaires étrangères israélienne, Tzipi Livni, qui « négocie » avec l’Autorité palestinienne, a dit : « Je suis contre la loi, la loi internationale en particulier ». Le fait qu’il n’y ait pas de processus de paix, que l’impérialisme ne reconnaisse aucune loi, qu’elle soit internationale ou autre, est particulièrement mis en lumière par le fait que le juriste Tony Blair soit rémunéré en tant qu’« envoyé du quartet pour la paix au Proche-Orient » ! Il y a bien une loi à l’œuvre ici, mais c’est la loi de la jungle, et le chef négociateur de l’Autorité palestinienne, Saeb Erekat, l’a parfaitement résumé : « nous avons dû tuer des Palestiniens… Nous avons même tué notre propre peuple pour maintenir l’ordre et la loi ». En plus de cela, et pour confirmer la nature de gangsters des acteurs de l’actuel « processus de paix », il y a la stupéfiante révélation qu’au cours d’une rencontre en 2005 entre le ministre de l’Intérieur de l’Autorité palestinienne, Nasser Youssef, et le ministre de la Défense israélien, Shaul Mofaz, ce dernier a posé à Youssef cette question concernant un commandant des Brigade des Martyrs d’Al-Aqsa soupçonné de préparer un attentat en Israël : « Vous connaissez son adresse… Pourquoi ne le tuez-vous pas ?» Les documents montrent le rôle de la Grande-Bretagne dans la constitution d’une force de sécurité de contacts « sûrs » de l’Autorité palestinienne dans les opérations clandestines en lien direct avec les services secrets israéliens. L’actuel directeur du MI6, mis en place par le gouvernement travailliste, a été lui-même ambassadeur britannique en Egypte au début des années 2000.

L’ordre capitaliste, sa loi, c’est la torture et le meurtre. D’autres documents montrent qu’en réponse à la proposition de l’Autorité palestinienne de reconnaître toutes les implantations israéliennes en terre palestinienne, une offre immédiatement rejetée par les Israéliens, ces derniers ont proposé que les Palestiniens vivant en Israël soient en quelque sorte « échangés », autrement dit déplacés vers l’emprise de l’Autorité palestinienne. Livni est très claire sur la politique à long terme d’Israël qui est de s’emparer de « …toujours plus de territoires, jour après jour… » afin de créer « un fait accompli par le sol ».

L’Autorité palestinienne, elle-même gangrenée par la corruption et les rivalités manipulées par la CIA, le MI6 et les services secrets israéliens et égyptiens, a été ainsi avertie à l’avance de l’invasion israélienne de Gaza en 2008/2009.

Mieux, comme le notait le Guardian : « Les dépêches mettent en lumière l’implication profonde et officielle des Britanniques dans la mise sur pied de l’appareil de sécurité de l’Autorité palestinienne dans les Territoires ». Ils montrent ainsi que le MI6 a concocté son propre plan de sécurité pour la Palestine, de concert avec les services secrets égyptiens à l’ambassade britannique au Caire. Ce plan a utilisé des fonds pour l’aide au « développement » de l’Union Européenne et de la Grande-Bretagne afin d’enrôler ces forces. Il est cependant quelque peu douteux que la Grande-Bretagne ait également fourni armes et entraînement. Ces forces ont été chaleureusement accueillies par les Israéliens et les Américains, mais « elles causent quelques problèmes… parce qu’elles torturent les gens » (déclaration du général K. Dayton).

Rien de tout cela ne nous amène à accorder la moindre crédibilité au Hamas, lui-même co-négociateur avec les services secrets israéliens lorsque le besoin s’en fait sentir, constituant lui aussi une force répressive et un nid de tortionnaires dans sa propre enclave. Son rôle impérialiste est très clair quand on sait qu’il est soutenu par l’Iran et la Syrie.

Tout le processus des « partenaires pour la paix » n’a pas été seulement une cruelle plaisanterie pour les masses palestiniennes, ainsi qu’une défense de l’impérialisme, il a également constitué une vaste attaque idéologique menée contre la classe ouvrière partout dans le monde. Mais les événements font bouger les choses et la manifestation pro-palestinienne, pro-Fatah que nous avons déjà rappelée n’a pas été la seule qui ait eu lieu en janvier. C’est Human Rights Watch qui le rapporte : « le 20 janvier, un groupe de jeunes de Ramallah qui voulaient manifester leur soutien aux Tunisiens en ont été empêchés par la police de l’Autorité palestinienne. » Une semaine à peu près plus tard, la même source ajoute : « Dans la bande de Gaza, les autorités du Hamas ont empêché les manifestations qui voulaient exprimer leur solidarité avec les manifestants anti-gouvernementaux d’Egypte. » La police du Hamas a arrêté trois femmes et, dans une démonstration de force disproportionnée, a menacé tous ceux qui voulaient manifester1. Nous voyons clairement ici l’unité d’intérêts de tous ces gangs bourgeois : l’Autorité palestinienne, le Hamas, les États d’Israël et d’Egypte, en réprimant les manifestations, répriment aussi leurs opposants et défendent « leurs » territoires. C’est là une leçon bien connue de la Commune de Paris, de la Révolution russe, de l’Italie et de la France après la Seconde Guerre mondiale et de la Pologne en 1980, tous ces événements étant exemplaires de la capacité des forces impérialistes à mettre leurs antagonismes sous le boisseau dès lors qu’il s’agit d’affronter la menace de la lutte de classe. Fin janvier, cela a été mis en évidence par le fait que les Etats-Unis, avec l’accord d’Israël, ont facilité l’envoi de forces spéciales égyptiennes à travers le Sinaï démilitarisé afin de réprimer les soulèvements aux alentours de Rafah et de renforcer la frontière avec Gaza ; dans ce cas, Etats-Unis, Hamas, Fatah, Israël et Egypte ont coordonné en parfaite harmonie leurs forces de répression, permettant le maintien de la frontière et de l’ordre capitaliste. Cette « trêve » ne durera que tant qu’ils sont tous préoccupés par une possible généralisation des manifestations ; lorsqu’ils en seront venus à bout, ils retourneront à leurs rivalités et affrontements habituels.

Baboon (03 février)

1 Il y a également eu de petites manifestations de soutien aux masses tunisiennes et égyptiennes au nord de Tel-Aviv.

Géographique: 

  • Palestine [8]

URL source:https://fr.internationalism.org/content/icconline-mars-2011

Liens
[1] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/pannekoek [2] https://es.internationalism.org/files/es/pacto.pdf [3] https://es.internationalism.org/node/2960 [4] https://fr.internationalism.org/ri419/etat_d_urgence_en_espagne.html [5] https://fr.internationalism.org/icconline/2011/dans_la_r%C3%A9gion_de_Murcie_les_fonctionnaires_protestent_contre_des_probl%C3%A8mes_qui_touchent_tout_le_monde.html [6] https://fr.internationalism.org/icconline/2010/lecons_de_la_greve_du_metro_de_madrid.html [7] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/luttes-classe [8] https://fr.internationalism.org/tag/5/58/palestine