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Révolution Internationale n° 420 - mars 2011

  • 1628 lectures
[1]

Egypte, Tunisie : notre force, c'est la lutte massive !

Que s’est-il passé en Tunisie et en Egypte, ces dernières semaines et que se passe-t-il aujourd’hui en Libye  ? Un soulèvement massif de la population et des classes exploitées contre des régimes de terreur, des conditions de vie effroyables, un chômage et une misère rendus intolérables par la pression d’une crise économique mondiale. Cette lame de fond démontre au monde entier que les gouvernements, même les plus ouvertement sanguinaires, ne sont pas tout-puissants. Il est possible de les renverser. Pour autant, après le départ de Moubarak en Egypte comme après celui de Ben Ali en Tunisie, rien n’est résolu. En Egypte comme en Tunisie, les nouveaux “représentants” du pouvoir, qu’ils soient militaires ou civils, appartiennent à la même clique, au même camp, à la même classe que les anciens. Ils gardent le même objectif : nous exploiter  !

 La bourgeoisie occidentale, de gauche comme de droite, après avoir fait ami-ami avec tous ces dictateurs pendant des décennies, encense maintenant hypocritement les “peuples courageux qui se sont battus pour la démocratie”. Mais la misère et la répression qui ont provoqué la révolte sont toujours là. Comme elle reste présente dans le monde entier asservi au capitalisme et à la classe dominante.

Quel est le sens de la révolte  ?

L’effet “dominos” qui aboutit aujourd’hui au renversement ou à la remise en cause directe de plusieurs régimes tyranniques en Afrique du Nord et au Moyen-Orient évoque pour beaucoup l’effondrement en chaîne des régimes du bloc de l’Est au début des années 1990. Elle est d’ailleurs porteuse d’une même illusion : entretenir de faux espoirs démocratiques dans les populations libérées de décennies de terreur. Mais il existe une différence capitale entre les deux mouvements et les deux périodes. En 1989-90, c’est la bourgeoisie qui en avait entièrement tiré les bénéfices en développant son idéologie mensongère sur la mort du communisme (en l’assimilant aux régimes staliniens en décomposition). Les prolétaires n’avaient ainsi pas eu conscience que c’était en réalité un pan entier du système capitaliste en faillite qui s’effondrait. Toute cette propagande avait porté un coup très important au moral et à la combativité de notre classe. Concrètement, il y a eu très peu de luttes à travers le monde durant toutes les années 1990. Mais aujourd’hui, la libération de populations entières du joug et de la chape de plomb qu’imposaient des dictateurs haïs est au contraire un encouragement à la lutte partout dans le monde même si ces soulèvements restent prisonniers de pernicieuses idéologies nationalistes et de fortes illusions électoralistes. La présence des ouvriers dans ce mouvement, s’affirmant sur leur terrain de classe, autour de leurs propres revendications, en constitue d’ailleurs l’élément le plus positif. Et c’est précisément ce qui inspire des craintes à la bourgeoisie partout dans le monde. Les luttes ouvrières au début noyées dans l’explosion de colère générale ont, surtout en Egypte, joué un rôle qui a certainement accéléré les événements. C’est significativement 48 heures seulement après l’extension de ces grèves dans la région industrielle du canal de Suez qu’Obama a persuadé l’armée que le départ de Moubarak devait être immédiat. Et il est encore plus édifiant qu’après cela, le mouvement de grève a continué de s’amplifier, contraignant l’armée, le nouveau maître national, à lancer un message sans équivoque intimant aux grèves de cesser et aux ouvriers et employés de reprendre leur travail  !

L’affirmation des luttes ouvrières...

Hossam el-Hamalawy (1) exprime, dans un article publié par The Guardian du 14 février, cette recrudescence de la lutte des ouvriers : “Toutes les classes en Egypte ont pris part à l’insurrection. Moubarak a réussi à s’aliéner toutes les classes sociales de la société. Sur la place Tahrir, vous pouviez rencontrer les fils et les filles de l’élite égyptienne, collaborant avec les travailleurs, les citoyens de la classe moyenne et les pauvres des zones urbaines. Mais n’oubliez pas que c’est seulement quand des grèves massives ont démarré que le régime a commencé à s’effriter, et que l’armée a dû forcer Moubarak à démissionner parce que le système allait s’effondrer... Dès le premier jour de l’insurrection, le 25 janvier, la classe ouvrière a pris part aux manifestations. Toutefois, les travailleurs ont commencé à participer d’abord comme “manifestants” et pas nécessairement en tant “qu’ouvriers”, c’est à dire qu’ils n’agissaient pas de façon autonome. C’est le gouvernement qui avait arrêté l’économie, et non les manifestants, avec son couvre-feu, et en fermant les banques et les entreprises. Il s’était agi d’une grève capitaliste, qui visait à terroriser le peuple égyptien.”

Un article de David McNally (2) sur www.pmpress.org [2] donne une idée de l’ampleur des luttes ouvrières par la suite : “Au cours de la semaine du 7 février, des dizaines de milliers d’entre eux se sont précipités dans l’action. Des milliers de cheminots ont fait grève et ont bloqué des lignes de chemin de fer. Six mille travailleurs du Service du Canal de Suez ont débrayé et ont organisé des sit-in à Suez et dans deux autres villes. A Mahalla, 1500 travailleurs de “Abul Sebae Textiles” ont fait grève et ont bloqué la route. A l’hôpital de Kafr al-Zayyat, des infirmières et des infirmiers ont organisé un sit-in et ont été rejoints par des centaines d’employés d’autres hôpitaux. A travers l’Egypte, des milliers d’autres – les travailleurs de bus au Caire, les employés de “Telecom Egypt”, des journalistes d’un certain nombre de journaux, les travailleurs dans les usines pharmaceutiques et les aciéries ont rejoint la vague de grèves. Ils exigent l’amélioration des salaires, le licenciement des directeurs d’entreprise sans scrupules, réclamant le paiement des arriérés de salaire, de meilleures conditions de travail et des syndicats indépendants. Dans de nombreux cas, ils ont aussi appelé à la démission du président Moubarak. Et dans certains cas, comme celui des 2000 ouvriers de la soie “Helwan Factory”, ils ont exigé la suppression du conseil d’administration de leur société. Il y a eu aussi des milliers de membres du corps professoral de l’Université du Caire qui ont rejoint les manifestations, se sont confrontés aux forces de sécurité et ont empêché le Premier ministre Ahmed Shariq de se rendre à son bureau au gouvernement.”
On pourrait ajouter de nombreux autres exemples : environ 20 000 travailleurs de Al-Mahalla Al-Kobra, plus de 100 kilomètres au nord du Caire, relançant la grève après une pause de trois jours dans la plus grande usine de filature et de tissage d’Egypte, des employés de banque exigeant le limogeage de leurs patrons corrompus, des ambulanciers utilisant leurs véhicules pour bloquer les routes pour protester par rapport à leurs salaires, des travailleurs manifestant devant le siège de la Fédération des syndicats égyptiens qu’ils dénoncent comme un “repaire de brigands” et “un groupe de voyous” et appelant à sa dissolution (les gros bras du service d’ordre syndical répondant évidemment à ces travailleurs par… des coups et des balles). Il y aurait sans doute beaucoup d’autres exemples à ajouter à ceux-ci.

... malgré le poids des illusions démocratiques

Maintenant que les manifestations massives se sont dispersées, circulent des informations selon lesquelles les réunions de travailleurs seraient interdites. Nous savons déjà que pendant toute la période où l’armée prétendait être la protectrice des personnes, des centaines de militants ont été arrêtés et torturés par cette même institution “populaire”, et il n’y a aucune raison de s’attendre à ce que ce genre de répression “ordinaire” ne continue pas, même si les affrontements frontaux sont évités.
De même, il y a l’illusion que l’armée appartient au peuple, ces illusions sont dangereuses car elles empêchent les opprimés de voir qui est leur ennemi et d’où le prochain coup viendra. Mais ces illusions sur l’armée font partie d’une illusion plus générale sur la “démocratie”, avec l’idée que des changements dans la forme de l’Etat capitaliste vont changer la fonction de cet Etat et le mettre au service des besoins de la majorité. L’appel à former des syndicats indépendants qui a traversé beaucoup de grèves est à la racine d’une variante de ce mythe démocratique : en particulier, il est basé sur l’idée que l’Etat capitaliste, dont le rôle est de protéger un système qui n’a rien à offrir aux travailleurs, ni à l’ensemble de l’humanité, peut permettre à la classe exploitée de maintenir ses propres organisations indépendantes sur une base permanente.

Quelles perspectives pour la lutte de classes  ?

Nous sommes loin de la révolution dans le seul sens que cela peut avoir aujourd’hui : la révolution prolétarienne internationale. La conscience authentiquement révolutionnaire nécessaire pour guider une telle révolution à la victoire ne peut se développer qu’à l’échelle mondiale, et elle ne peut se concrétiser sans la contribution déterminante des travailleurs les plus expérimentés des pays capitalistes les plus anciens, en Europe. Mais les prolétaires (et d’autres couches opprimées) du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ont d’ores et déjà, par leurs luttes, mis en lumière des enseignements essentiels pour le prolétariat mondial : sur la façon de prendre en charge leurs propres luttes, sur l’organisation de l’occupation de la rue, sur la solidarité et l’entraide… Sur la place Tahrir s’est exprimée toute cette créativité auto-organisatrice de la lutte ouvrière, comme le décrit McNally, “Sur la place Tahrir, le centre névralgique de la “révolution”, la foule s’engage dans la prise de décision directe, parfois avec des centaines de milliers de manifestants. Organisés en petits groupes, les gens discutent et débattent, puis envoient des délégués élus à des consultations par rapport aux exigences du mouvement. […] les délégués de ces mini-rassemblements se réunissent alors pour discuter de l’atmosphère qui règne, avant que les demandes potentielles ne soient lues, au moyen d’un système de haut-parleur de fortune. L’adoption de chaque proposition se fait en proportion des huées ou des applaudissements qu’elle reçoit de l’ensemble de la foule.” Leçons aussi sur la façon de se défendre collectivement contre les assauts de la police et des pillards, sur la façon de surmonter les divisions sectaires entre sunnites et chiites, musulmans et chrétiens, religieux et laïcs. Leçons sur la propagation au-delà des frontières de chaque pays, avec la révolte qui se propage de pays à pays, avec les mêmes exigences et méthodes et le fait que partout les prolétaires vont découvrir qu’ils font face aux mêmes attaques contre leur niveau de vie, à la même répression, au même système d’exploitation. Interrogés par la presse au cours des derniers jours, les travailleurs en Egypte ont souvent exprimé la simple vérité qui motive leurs grèves et leurs manifestations : ils ne peuvent pas nourrir leurs familles, parce que leurs salaires sont trop bas, parce que les prix sont trop élevés, parce que le chômage fait rage…

La classe ouvrière de tous les pays va de plus en plus faire face à la dégradation de ses conditions de vie et aucune “réforme démocratique” ne les soulagera. La classe ouvrière n’a que sa lutte pour se défendre, et la perspective d’une nouvelle société pour solution.

Am/W (26 février)

 

1) Journaliste égyptien qui blogue sur arabawy.org.

2) Professeur de sciences politiques à l’Université d’York à Toronto.

Egypte, Tunisie : notre force, c'est la lutte massive !

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Que s’est-il passé en Tunisie et en Egypte, ces dernières semaines et que se passe-t-il aujourd’hui en Libye  ? Un soulèvement massif de la population et des classes exploitées contre des régimes de terreur, des conditions de vie effroyables, un chômage et une misère rendus intolérables par la pression d’une crise économique mondiale. Cette lame de fond démontre au monde entier que les gouvernements, même les plus ouvertement sanguinaires, ne sont pas tout-puissants. Il est possible de les renverser. Pour autant, après le départ de Moubarak en Egypte comme après celui de Ben Ali en Tunisie, rien n’est résolu. En Egypte comme en Tunisie, les nouveaux “représentants” du pouvoir, qu’ils soient militaires ou civils, appartiennent à la même clique, au même camp, à la même classe que les anciens. Ils gardent le même objectif : nous exploiter  !

 La bourgeoisie occidentale, de gauche comme de droite, après avoir fait ami-ami avec tous ces dictateurs pendant des décennies, encense maintenant hypocritement les “peuples courageux qui se sont battus pour la démocratie”. Mais la misère et la répression qui ont provoqué la révolte sont toujours là. Comme elle reste présente dans le monde entier asservi au capitalisme et à la classe dominante.

Quel est le sens de la révolte  ?

L’effet “dominos” qui aboutit aujourd’hui au renversement ou à la remise en cause directe de plusieurs régimes tyranniques en Afrique du Nord et au Moyen-Orient évoque pour beaucoup l’effondrement en chaîne des régimes du bloc de l’Est au début des années 1990. Elle est d’ailleurs porteuse d’une même illusion : entretenir de faux espoirs démocratiques dans les populations libérées de décennies de terreur. Mais il existe une différence capitale entre les deux mouvements et les deux périodes. En 1989-90, c’est la bourgeoisie qui en avait entièrement tiré les bénéfices en développant son idéologie mensongère sur la mort du communisme (en l’assimilant aux régimes staliniens en décomposition). Les prolétaires n’avaient ainsi pas eu conscience que c’était en réalité un pan entier du système capitaliste en faillite qui s’effondrait. Toute cette propagande avait porté un coup très important au moral et à la combativité de notre classe. Concrètement, il y a eu très peu de luttes à travers le monde durant toutes les années 1990. Mais aujourd’hui, la libération de populations entières du joug et de la chape de plomb qu’imposaient des dictateurs haïs est au contraire un encouragement à la lutte partout dans le monde même si ces soulèvements restent prisonniers de pernicieuses idéologies nationalistes et de fortes illusions électoralistes. La présence des ouvriers dans ce mouvement, s’affirmant sur leur terrain de classe, autour de leurs propres revendications, en constitue d’ailleurs l’élément le plus positif. Et c’est précisément ce qui inspire des craintes à la bourgeoisie partout dans le monde. Les luttes ouvrières au début noyées dans l’explosion de colère générale ont, surtout en Egypte, joué un rôle qui a certainement accéléré les événements. C’est significativement 48 heures seulement après l’extension de ces grèves dans la région industrielle du canal de Suez qu’Obama a persuadé l’armée que le départ de Moubarak devait être immédiat. Et il est encore plus édifiant qu’après cela, le mouvement de grève a continué de s’amplifier, contraignant l’armée, le nouveau maître national, à lancer un message sans équivoque intimant aux grèves de cesser et aux ouvriers et employés de reprendre leur travail  !

L’affirmation des luttes ouvrières...

Hossam el-Hamalawy (1) exprime, dans un article publié par The Guardian du 14 février, cette recrudescence de la lutte des ouvriers : “Toutes les classes en Egypte ont pris part à l’insurrection. Moubarak a réussi à s’aliéner toutes les classes sociales de la société. Sur la place Tahrir, vous pouviez rencontrer les fils et les filles de l’élite égyptienne, collaborant avec les travailleurs, les citoyens de la classe moyenne et les pauvres des zones urbaines. Mais n’oubliez pas que c’est seulement quand des grèves massives ont démarré que le régime a commencé à s’effriter, et que l’armée a dû forcer Moubarak à démissionner parce que le système allait s’effondrer... Dès le premier jour de l’insurrection, le 25 janvier, la classe ouvrière a pris part aux manifestations. Toutefois, les travailleurs ont commencé à participer d’abord comme “manifestants” et pas nécessairement en tant “qu’ouvriers”, c’est à dire qu’ils n’agissaient pas de façon autonome. C’est le gouvernement qui avait arrêté l’économie, et non les manifestants, avec son couvre-feu, et en fermant les banques et les entreprises. Il s’était agi d’une grève capitaliste, qui visait à terroriser le peuple égyptien.”

Un article de David McNally (2) sur www.pmpress.org [2] donne une idée de l’ampleur des luttes ouvrières par la suite : “Au cours de la semaine du 7 février, des dizaines de milliers d’entre eux se sont précipités dans l’action. Des milliers de cheminots ont fait grève et ont bloqué des lignes de chemin de fer. Six mille travailleurs du Service du Canal de Suez ont débrayé et ont organisé des sit-in à Suez et dans deux autres villes. A Mahalla, 1500 travailleurs de “Abul Sebae Textiles” ont fait grève et ont bloqué la route. A l’hôpital de Kafr al-Zayyat, des infirmières et des infirmiers ont organisé un sit-in et ont été rejoints par des centaines d’employés d’autres hôpitaux. A travers l’Egypte, des milliers d’autres – les travailleurs de bus au Caire, les employés de “Telecom Egypt”, des journalistes d’un certain nombre de journaux, les travailleurs dans les usines pharmaceutiques et les aciéries ont rejoint la vague de grèves. Ils exigent l’amélioration des salaires, le licenciement des directeurs d’entreprise sans scrupules, réclamant le paiement des arriérés de salaire, de meilleures conditions de travail et des syndicats indépendants. Dans de nombreux cas, ils ont aussi appelé à la démission du président Moubarak. Et dans certains cas, comme celui des 2000 ouvriers de la soie “Helwan Factory”, ils ont exigé la suppression du conseil d’administration de leur société. Il y a eu aussi des milliers de membres du corps professoral de l’Université du Caire qui ont rejoint les manifestations, se sont confrontés aux forces de sécurité et ont empêché le Premier ministre Ahmed Shariq de se rendre à son bureau au gouvernement.”
On pourrait ajouter de nombreux autres exemples : environ 20 000 travailleurs de Al-Mahalla Al-Kobra, plus de 100 kilomètres au nord du Caire, relançant la grève après une pause de trois jours dans la plus grande usine de filature et de tissage d’Egypte, des employés de banque exigeant le limogeage de leurs patrons corrompus, des ambulanciers utilisant leurs véhicules pour bloquer les routes pour protester par rapport à leurs salaires, des travailleurs manifestant devant le siège de la Fédération des syndicats égyptiens qu’ils dénoncent comme un “repaire de brigands” et “un groupe de voyous” et appelant à sa dissolution (les gros bras du service d’ordre syndical répondant évidemment à ces travailleurs par… des coups et des balles). Il y aurait sans doute beaucoup d’autres exemples à ajouter à ceux-ci.

... malgré le poids des illusions démocratiques

Maintenant que les manifestations massives se sont dispersées, circulent des informations selon lesquelles les réunions de travailleurs seraient interdites. Nous savons déjà que pendant toute la période où l’armée prétendait être la protectrice des personnes, des centaines de militants ont été arrêtés et torturés par cette même institution “populaire”, et il n’y a aucune raison de s’attendre à ce que ce genre de répression “ordinaire” ne continue pas, même si les affrontements frontaux sont évités.
De même, il y a l’illusion que l’armée appartient au peuple, ces illusions sont dangereuses car elles empêchent les opprimés de voir qui est leur ennemi et d’où le prochain coup viendra. Mais ces illusions sur l’armée font partie d’une illusion plus générale sur la “démocratie”, avec l’idée que des changements dans la forme de l’Etat capitaliste vont changer la fonction de cet Etat et le mettre au service des besoins de la majorité. L’appel à former des syndicats indépendants qui a traversé beaucoup de grèves est à la racine d’une variante de ce mythe démocratique : en particulier, il est basé sur l’idée que l’Etat capitaliste, dont le rôle est de protéger un système qui n’a rien à offrir aux travailleurs, ni à l’ensemble de l’humanité, peut permettre à la classe exploitée de maintenir ses propres organisations indépendantes sur une base permanente.

Quelles perspectives pour la lutte de classes  ?

Nous sommes loin de la révolution dans le seul sens que cela peut avoir aujourd’hui : la révolution prolétarienne internationale. La conscience authentiquement révolutionnaire nécessaire pour guider une telle révolution à la victoire ne peut se développer qu’à l’échelle mondiale, et elle ne peut se concrétiser sans la contribution déterminante des travailleurs les plus expérimentés des pays capitalistes les plus anciens, en Europe. Mais les prolétaires (et d’autres couches opprimées) du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ont d’ores et déjà, par leurs luttes, mis en lumière des enseignements essentiels pour le prolétariat mondial : sur la façon de prendre en charge leurs propres luttes, sur l’organisation de l’occupation de la rue, sur la solidarité et l’entraide… Sur la place Tahrir s’est exprimée toute cette créativité auto-organisatrice de la lutte ouvrière, comme le décrit McNally, “Sur la place Tahrir, le centre névralgique de la “révolution”, la foule s’engage dans la prise de décision directe, parfois avec des centaines de milliers de manifestants. Organisés en petits groupes, les gens discutent et débattent, puis envoient des délégués élus à des consultations par rapport aux exigences du mouvement. […] les délégués de ces mini-rassemblements se réunissent alors pour discuter de l’atmosphère qui règne, avant que les demandes potentielles ne soient lues, au moyen d’un système de haut-parleur de fortune. L’adoption de chaque proposition se fait en proportion des huées ou des applaudissements qu’elle reçoit de l’ensemble de la foule.” Leçons aussi sur la façon de se défendre collectivement contre les assauts de la police et des pillards, sur la façon de surmonter les divisions sectaires entre sunnites et chiites, musulmans et chrétiens, religieux et laïcs. Leçons sur la propagation au-delà des frontières de chaque pays, avec la révolte qui se propage de pays à pays, avec les mêmes exigences et méthodes et le fait que partout les prolétaires vont découvrir qu’ils font face aux mêmes attaques contre leur niveau de vie, à la même répression, au même système d’exploitation. Interrogés par la presse au cours des derniers jours, les travailleurs en Egypte ont souvent exprimé la simple vérité qui motive leurs grèves et leurs manifestations : ils ne peuvent pas nourrir leurs familles, parce que leurs salaires sont trop bas, parce que les prix sont trop élevés, parce que le chômage fait rage…

La classe ouvrière de tous les pays va de plus en plus faire face à la dégradation de ses conditions de vie et aucune “réforme démocratique” ne les soulagera. La classe ouvrière n’a que sa lutte pour se défendre, et la perspective d’une nouvelle société pour solution.

Am/W (26 février)

1) Journaliste égyptien qui blogue sur arabawy.org.

2) Professeur de sciences politiques à l’Université d’York à Toronto.

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [3]

Rubrique: 

Luttes de classe

L'affreux Kadhafi est pourtant l'ami de toutes les bourgeoisies

  • 1397 lectures

Tirs au mortier et aux lance-roquettes par des avions de chasse, bombardements par air et par terre sur des foules de protestataires désarmés. La capitale de la Libye, Tripoli, mise à feu et à sang. Plus de 2000 morts dans la seule région de Benghazi depuis le 17 février. Mais les massacres et les combats à mort se sont quasiment généralisés dans tout le pays. Exode massif de dizaines de milliers de travailleurs immigrés, épouvantés et traumatisés par les scènes d’horreur auxquels ils ont assisté. Charniers de civils comme de soldats déserteurs menottés découverts dans des geôles souterraines. Partout, des corps déchiquetés par des obus, des cadavres laissés sur place dans les rues ou dans les maisons avec des balles en pleine tête ou dans le cœur : le sinistre colonel Kadhafi et ses fils n’ont pas lésiné pour lancer dans les pires tueries leur armée et leurs mercenaires africains des Légions islamiques grassement rémunérés à coups de pétro-dollars qui sont venus jusque dans les hôpitaux submergés achever les blessés. Le bain de sang déchaîné en Libye est l’expression de la barbarie capitaliste dans toute son horreur.

Des ministres comme des ambassadeurs libyens ont préféré sauter du navire de ce pouvoir en folie et démissionner. Des pilotes d’avions de combat se sont détournés sur Malte et des militaires qui avaient reçu l’ordre de mitrailler la foule ont déserté, une partie de l’armée s’est prestement ralliée aux insurgés. Après de sanglants combats, l’Est puis l’Ouest du pays sont tombés aux mains des rebelles qui projettent d’attaquer massivement la capitale avec une “nouvelle armée reconstituée” autour de quelques généraux passés dans l’autre camp. Kadhafi, de plus en plus isolé, ne règne plus que sur Tripoli, en proie au chaos. Mais à l’heure où nous mettons sous presse, il est impossible de prévoir l’issue d ‘une telle situation. Kadhafi, qui a passé sa vie à asseoir son pouvoir en exploitant savamment les rivalités et les divisions entre les différentes tribus de Bédouins qui composent le tissu archaïque de l’Etat libyen, n’a cessé d’émailler ses théâtraux discours de matamore de menaces où il promettait à la population d’autres massacres de l’ampleur de la place Tian’anmen (répression qui fit entre avril et juin 1989 des milliers de victimes en Chine) qui ont laissé place à d’ubuesques harangues hallucinées et délirantes parlant tantôt de se battre jusqu’au bout, tantôt d’exterminer les rebelles jusqu’au dernier, accusés d’être de jeunes drogués “qui se comportent comme des animaux”, de surcroît manipulés par Al Qaida.

Avec une hypocrisie sans bornes, la bourgeoisie occidentale se contente de protester contre cet usage excessif de la force et demande l’arrêt des combats, mais la prétendue “communauté internationale” s’est bien gardée jusqu’ici de prendre des mesures de rétorsion économiques ou financières efficaces. Cela n’a rien d’étonnant.

Depuis que Kadhafi, au pouvoir de puis 42 ans était redevenu “fréquentable” en 2004, après l’éponge passée sur l’attentat de Lockerbie, toutes les grandes puissances se sont ruées en Libye pour le courtiser frénétiquement et signer de mirifiques contrats commerciaux, qui tenaient plus de l’appât que de l’achat concret, de même que toutes les grandes compagnies pétrolières qui n’avaient même pas attendu cette date pour exploiter les gisements libyens. En premier lieu, l’Etat français qui s’était placée dans les premiers rangs de juteuses ventes d’armes (pour 30 millions d’euros avec notamment MBDA, filiale d’EADS, pour les missiles anti-char Milan, EADS Défense et Sécurité pour des réseaux de télécommunication et le pool Dassault-Thales-Snecma Sofema pour la rénovation des Mirages). Personne n’a oublié la morgue de Kadhafi pour qui Sarkozy avait déroulé le tapis rouge et qui avait installé sa somptueuse tente de bédouin et sa suite dans les jardins de l’Elysée en décembre 2007 en échange de promesses d’achat de quelques Mirages et autres Rafales. C’est d’ailleurs le ministre Patrick Ollier, compagnon dans la vie de l’inénarrable ministre des Affaires étrangères MAM  (1), qui est depuis 2000 le président des amitiés franco-libyennes et à ce titre n’a cessé d’officier comme le grand commis des tractations de la France avec son “ami” Kadhafi.

Non, la vie humaine n’a pas plus de prix pour tous nos dirigeants et nos exploiteurs de gauche comme de droite que pour les Kadhafi, les Ben Ali, les Moubarak  !

“Souillée, déshonorée, pataugeant dans le sang, couverte de crasse  ; voilà comment se présente la société bourgeoise, voilà ce qu’elle est. Ce n’est pas lorsque, bien léchée et bien honnête, elle se donne les dehors de la culture et de la philosophie, de la morale et de l’ordre, de la paix et du droit, c’est quand elle ressemble à une bête fauve, quand elle danse le sabbat de l’anarchie, quand elle souffle la peste sur la civilisation et l’humanité qu’elle se montre toute nue, telle qu’elle est vraiment...” s’indignait déjà Rosa Luxemburg dans la Brochure de Junius (la Crise de la Social-démocratie) en 1916. Ces phrases n’ont rien perdu de leur actualité près d’un siècle plus tard. Nous devrons les garder en mémoire tant que nous n’aurons pas fait sauter les chaînes de la misère, de la terreur et de l’exploitation capitalistes à l’échelle mondiale.

W (26 février)

 

1) Outre ses liens d’affaires avec le clan des tyrans, démontrant que la corruption n’est pas réservée à des régimes à coloration absolutistes ou totalitaires , Madame Alliot-Marie a eu aussi l’insigne mérite en se proposant publiquement d’aider Ben Ali avant sa chute à rétablir l’ordre contre le soulèvement de la populace, de souligner le trait d’union et finalement le parfait accord des forces de répression entre “leurs” régimes dictatoriaux et “nos” valeurs démocratiques.

Géographique: 

  • Libye [4]

Rubrique: 

International

Les vacances de "MAM" en Tunisie sont l'arbre qui cache la forêt des amis de dictateurs

  • 1556 lectures

A force d’entendre dire que la France a la droite la plus bête du monde, nous finirions presque par ne plus nous en rendre compte. Mais heureusement, régulièrement, elle s’applique à nous le rappeler avec brio, repoussant toujours plus loin les limites de sa propre stupidité.

Avec Sarkozy et sa clique, on est même plutôt gâtés. A tel point qu’on se demande à chaque fois ce qu’ils vont pouvoir inventer. Par exemple, qui aurait pu imaginer que la ministre des affaires étrangères et le Premier ministre, rien que ça, iraient passer leurs vacances en Tunisie ou en Egypte, frais payés alors même que la colère a embrasé les deux pays  ? Eh bien si, ils l’ont fait  ! Quand le grand patron lui-même fête ses victoires sur des yachts d’amis milliardaires, pourquoi ses ministres se priveraient-ils de quelques escapades en jet privé ou, à défaut, présidentiel  ?

C’est ce qu’on appelle tendre le bâton pour se faire battre. Et le bâton n’est pas resté longtemps tendu sans que l’opposition ne s’en saisisse. Jouant les parangons de vertu outragés, elle appelle aujourd’hui unanimement à la démission des fautifs, au nom de la rigueur, de la droiture attachées aux fonctions gouvernementales et de l’image de la France. Profiter des largesses d’une clique de dictateurs, quelle horreur  !

Le problème c’est que ce bâton ressemblent étrangement à un boomerang et que la gauche devrait s’en méfier un peu. Cet infréquentable Ben Ali était encore il y a peu de temps membre de l’Internationale socialiste (IS) et en a même été exclu trois jours seulement après sa fuite de Tunisie  (1). Quelque mois avant de subir la fronde populaire, il aura donc encore eu le temps de décorer son “camarade” Strauss-Kahn, par exemple. Et on apprenait récemment que la compagne de l’ex-ministre de Mitterrand (lui-même ami et régulièrement invité des deux dictateurs bannis), Elizabeth Guigou, traitait avec le même homme d’affaires proche du clan Ben Ali qui faisait bénéficier MAM de ses largesses  !

De même en novembre, l’IS tenait congrès à Paris, avec la présence appréciée de membres du FPI de Gbagbo et du PND de Moubarak. Si ce dernier a finalement subi le même sort que Ben Ali, le “camarade” Laurent Gbagbo, lâché par le monde entier suite à sa défaite contre Alassane Ouattara, est encore dans la grande famille socialiste. Ouf  ! Certains socialistes français adeptes du soleil ivoirien et des boîtes de nuit d’Abidjan  (2) pourront encore prendre du bon temps.

Parmi les “camarades” fréquentables pour l’IS, il y a certainement aussi l’Union sociale-démocrate au pouvoir en Macédoine de façon quasi-ininterrompue depuis 1991 et qui en matière de corruption n’a certainement rien à envier à Ben Ali, ou le Parti révolutionnaire du peuple mongol qui de 1921 à 1990 a présidé aux destinées d’un peuple dont on connaît l’insolent bonheur ou enfin, et pour revenir à l’Afrique, le Frelimo qui fait du Mozambique un enfer sur terre  (3) .

Bref, pour faire ami-ami avec les pires tortionnaires, les pires profiteurs à travers le monde, la gauche n’a de leçons à recevoir de personne, pas même d’un Sarkozy, d’une Alliot-Marie ou d’un Fillon qui pourtant semblent être dotés en la matière d’une rare expertise. Rien d’étonnant en cela, de gauche comme de droite, ce sont d’abord des membres d’une même classe, la bourgeoisie. Qui se ressemble s’assemble  !

L’extraordinaire don de la droite française est seulement de se faire prendre, avec une prodigieuse régularité, la main dans un sac où tous ses petits camarades bourgeois, de tous bords et de tous pays, piochent constamment des deux mains.

GD (16 février)

1) http ://www.slate.fr/story/34001/internationale-socialiste-dictateurs [5] (entre autres sources).

2) On se souvient du bruit qu’avait fait la virée nocturne de Jack Lang avec son “ami” en 2008, à une époque où le PS était fier de compter un “camarade” au pouvoir dans un pays phare de l’ex-pré carré français en Afrique (www.agn.netis-senegal.com/Laurent-Gbagbo-s-eclate-en-boite [6]).

3) Idem note 1.

Géographique: 

  • Afrique [7]

Situations territoriales: 

  • Vie de la bourgeoisie en France [8]

Rubrique: 

International

L'inhumanité de la bourgeoisie

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Tous les politiques occidentaux se lamentent aujourd’hui sur la répression et la misère qui frappent en Libye, en Tunisie et en Egypte. Ils jurent tous, la main sur le cœur, leur pleine solidarité avec les “souffrances du monde arabe”. Mais leurs actes, réels ceux-là, prouvent leur hypocrisie sans borne et leur totale inhumanité. Face aux milliers d’émigrés qui fuient, en tentant de gagner le territoire européen, toutes les bourgeoisies sont en train de s’organiser pour dresser un rideau de fer infranchissable.

Samedi 25 février, la commissaire européenne, Cecilia Malmström a annoncé : “J’ai le plaisir [sic !] d’annoncer qu’à partir de dimanche 20 février, la mission “Hermes” de Frontex (l’agence de surveillance des frontières européennes) sera officiellement déployée pour aider les autorités italiennes à gérer les flux de migrants en provenance d’Afrique du Nord, et en particulier les arrivées en provenance de Tunisie sur l’île de Lampedusa”. Frontex apportera également un soutien naval et aérien à la surveillance des frontières.
Au total, une dizaine d’Etats, dont la France, se sont dits prêts à participer à cette mission. La France est d’ailleurs un pays “en pointe” pour sa politique d’immigration et pour la défense de l’espace Schengen  (1).

Paris s’est ainsi montré très ferme à l’égard des Tunisiens débarqués sur l’île italienne de Lampedusa, dont beaucoup veulent venir en France : le ministre de l’Intérieur a prévenu qu’ils seront traités comme des immigrés clandestins appelés à être reconduits dans leur pays. Interrogé à l’Assemblée nationale, Brice Hortefeux a rappelé la règle en politique migratoire : “Un étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d’origine, sauf situation humanitaire particulière.” On pense bien qu’avec Hortefeux, cet ami des “Auvergnats”, les situations humanitaires particulières… cela n’existe pas, il n’y a que des tricheurs et des profiteurs. Et pour bien se faire comprendre plus clairement : “Ce n’est l’intérêt ni de la Tunisie, qui l’a parfaitement compris, ni de l’Europe, ni de la France que d’encourager et d’accepter ces migrations clandestines.” Cela ne vaut pas seulement pour les Tunisiens, car le président de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, Dominique Paillé, a affirmé jeudi 24 février que les “clandestins” en provenance de Libye “seront reconduits” eux aussi. Non mais, on ne pourra pas dire que la bourgeoisie française fait deux poids, deux mesures  ! Tous plongés dans la même misère et dans l’horreur capitaliste, pas d’injustice  !

Mulan (26 février)

1) Kadhafi s’était d’ailleurs permis d’épingler Sarkozy publiquement à ce sujet lors de son séjour dans les jardins de l’Elysée, sous sa tente de bédouin. Interrogé sur la question des droits de l’homme en Libye, il avait répondu : “Avant de parler des droits de l’Homme, il faut vérifier que les immigrés bénéficient chez vous de ces droits.”

Récent et en cours: 

  • Immigration [9]

Luttes dans le monde : la bourgeoisie craint la contagion des révoltes

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Après le départ de Ben Ali et de Moubarak, après l’éclatement des affrontements sanglants en Libye, un vent de révolte parcourt le monde, contre les régimes de terreur et contre l’enfoncement dans la misère. Partout la bourgeoisie s’inquiète de la propagation de cette onde de choc qui révèle la faillite générale du système capitaliste.

Dans la péninsule arabique

Au Yémen, les manifestants ont baptisé le 25 février “vendredi du début de la fin du régime”. Des dizaines de milliers de Yéménites ont participé à des prières collectives dans plusieurs villes du pays (Sanaa, Aden, Taez) pour demander la chute du régime du président Ali Abdallah Saleh. “Pars, pars  !”, a scandé à son intention la foule réunie dans la capitale. Une foule d’au moins 50 000 personnes, selon le décompte du Guardian, s’est rassemblée sur une place située devant l’université où campent depuis plusieurs jours des manifestants.

Depuis le début de la contestation le 27 janvier, douze personnes ont été tuées à Aden, outre les deux morts de Sanaa et celui de Taez.

A Bahreïn, les manifestants étaient des dizaines de milliers, le 25 février, dans le centre de la capitale Manama, pour la prière du vendredi. Cette prière a eu lieu sur la place de la Perle, qui est devenue l’épicentre de la contestation entrée dans sa douzième journée. “Nous voulons que les Al-Khalifa quittent Bahreïn”, lancent certains, en référence à la dynastie sunnite qui règne sur l’île du Golfe, dont la majorité de la population est chiite.

L’amiral Mike Mullen, chef d’état-major interarmées, en tournée dans le Golfe depuis le 20 février, a marqué une étape à Bahreïn, quartier général de la 5e Flotte américaine, pour y rencontrer jeudi soir le roi Hamad ben Issa Al-Khalifa et le prince héritier. Il a salué “la manière très modérée” avec laquelle les autorités ont répondu à la crise. Après des violences initiales qui ont fait sept tués parmi les manifestants, les forces de sécurité se sont retirées sur ordre du prince héritier, chargé par son père de conduire un “dialogue nationale avec l’opposition”. Le régime a aussi procédé à des libérations de prisonniers politiques.

En Afrique du Nord

En Algérie, l’état d’urgence a été levé le 24 février. La décision a été publiée au Journal officiel du pays. Pourquoi maintenant  ? Quelles en sont les conséquences  ?

Selon le correspondant de France 24 en Algérie, l’état d’urgence, mis en place le 9 février 1992 pour contrer la menace islamiste, sortie victorieuse aux élections législatives de 1991, reposait sur trois dispositions. Tout d’abord, aucun rassemblement – manifestations, ou réunion d’ampleur dans une salle – n’était autorisé sans l’aval du pouvoir. Ensuite, l’état d’urgence justifiait tout internement administratif : “On pouvait mettre en détention provisoire n’importe qui sans décision de justice. Et c’est ce qui s’est passé dans les camps du Sud où de nombreux islamistes ont été internés. Enfin, le pouvoir algérien d’avant 2011 avait accepté la réquisition des forces militaires par les autorités civiles : “C’était en gros l’armée dans la rue”.” Il a fallu 19 ans au pouvoir assassin pour lever l’état d’urgence qui lui permet d’arrêter n’importe qui, de le détenir, de le torturer puis de le faire disparaître au nom de la lutte contre le terrorisme. Mais, curieusement, le pouvoir reconnaît que la question du terrorisme n’est pas réglée et avoue qu’il fait cela face à la contestation sociale. En quoi la situation va-t-elle changer  ? Fondamentalement… en rien. Les militaires garderont le pouvoir que leur conférait l’ancienne disposition d’état d’urgence, afin de poursuivre la lutte anti-terroriste, en vertu d’une nouvelle loi prochainement annoncée (toujours sous le prétexte d’endiguer une possible menace d’Al Qaïda). Pour beaucoup, cette nouvelle mesure, de même que l’annonce le 3 février de plans pour contrer le chômage et la crise du logement, fléaux majeurs qui ont largement conduit aux manifestations de janvier dernier, pour l’emploi et le logement, n’est qu’un effet d’annonce et une manœuvre.

Il est fort à parier que la manifestation prévue à Alger pour s’opposer au régime de Bouteflika le samedi 26 février, se termine par le même flot d’arrestations que les précédentes des 12 et 19 février qui avaient mobilisé de 30 à 40 000 policiers pour 2 à 3000 manifestants.

Cette contestation sociale, malgré la répression et surtout malgré le poids énorme de vingt ans de guerre civile qui aura fait 200 000 morts, n’a pas cessé comme en témoignent les grèves qui tendent à se poursuivre au cours de ces dernières semaines.

• 300 salariés d’une société de sous traitance ont multiplié des actions de protestation, fin février, devant la direction générale de Fertial (entreprise algéro espagnole de production d’engrais phosphatés), à Annaba, pour revendiquer leur intégration au sein de l’entreprise, des hausses de salaires et une protection sociale. Ce mouvement pourrait rebondir et s’élargir à Annaba en cas d’échec des négociations.

• Une grève des employés paramédicaux déclenchée mardi 1er février, a été suivie à plus de 87  %, à l’échelle nationale et à près de 100  % dans la capitale (selon le syndicat de ce secteur, le SAP). “Pour un statut de dignité. Les paramédicaux en grève” pouvait on lire sur les pancartes.

• Une grève des travailleurs a affecté, mardi 1er février, le secteur de l’éducation de la wilaya de Bejaïa. Un mouvement de grève de deux jours initié conjointement par les deux syndicats autonomes de l’éducation, le CNAPEST et l’UNPEF. Cette grève a été précédée, lundi, par celle du syndicat rival le SETE, affilié à l’UGTA. Les syndicats revendiquent “la régularisation immédiate de toutes les situations des travailleurs du secteur de l’éducation”. D’après certaines informations, la grève aurait été suivie par plus de 92 % des travailleurs.

Selon les organisateurs, se disant indépendants de toute formation politique, près de 15000 étudiants (moins de 5000, selon les services de sécurité) ont pris part sous une pluie battante à la marche “du changement” à laquelle avait appelé pour le 1er février la coordination locale des étudiants de l’Université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou. Les manifestants ont scandé, en plus de revendications d’ordre pédagogique, des slogans contre le système et les responsables de l’université mais surtout en faveur des libertés démocratiques en Algérie.

En Tunisie, 100 000 personnes ont défilé dans l’après-midi du 25 février pour réclamer le départ du gouvernement de transition, et en particulier du premier ministre Mohammed Ganouchi qui était déjà celui de l’ex-président. Dans la rue, les Tunisiens maintiennent la pression et continuent à subir la répression. Des incidents ont conclu dans la soirée la plus importante manifestation en Tunisie depuis la chute de Ben Ali. Des manifestants ont jeté des pierres sur le ministère de l’Intérieur et des soldats ont tiré en l’air pour tenter de les disperser. Le gouvernement a de son côté annoncé des élections au plus tard pour la mi-juillet.

Au Maroc, les protestations n’ont pas cessé. Particularité : les opposants ne demandent pas la démission de leur dirigeant, Mohamed VI. “On n’a rien contre le roi, mais on veut plus de justice et du travail”, ont expliqué deux participants aux manifestations cités dans le Courrier international. Le souverain avait d’ailleurs pris les observateurs à contre-pied en n’interdisant pas ces rassemblements.

A ce jour, le bilan s’élève tout de même à six morts. Tous ont été tués lors des troubles qui ont entaché les défilés largement pacifiques.

Au Proche et Moyen Orient

En Jordanie, à Amman, le 25 février, une nouvelle “journée de la colère” avait été décrétée par l’opposition islamiste et une vingtaine de groupes issus de la société civile. Des milliers de personnes ont manifesté pour réclamer des “réformes constitutionnelles” et, cette fois, tout semble s’être déroulé dans le calme, contrairement au vendredi précédent. Des partisans du régime avaient alors attaqué une manifestation de jeunes et huit personnes avaient été blessées.

Les manifestations ont commencé en janvier pour protester contre l’augmentation du coût de la vie. Elles avaient pris une plus grande ampleur après la chute de Ben Ali en Tunisie, le 14 janvier, ce qui avait contraint le roi Abdallah II à limoger son Premier ministre et à former un nouveau gouvernement chargé de proposer des réformes, au terme d’un dialogue avec l’opposition. Des concessions encore jugées trop faibles par cette dernière.

En Syrie, la rue est restée calme mais la population n’est pourtant pas insensible à ce qui se passe dans les autres pays arabes. Le pays est placé en état d’urgence depuis 1963 et tout rassemblement public non autorisé est interdit. Une manifestation pacifique de 200 personnes à Damas devant l’ambassade de Libye mercredi a été violemment dispersée par les forces de l’ordre. Le Guardian rapporte que 14 personnes ont été arrêtées et les autres participants de ce sit-in pacifique de soutien aux révoltés libyens dispersés à coups de bâtons. La Syrie est en apparence le pays le moins vulnérable à un vent de contestation populaire. Le système policier de Bachar al-Assad, au pouvoir depuis 11 ans, contrôle étroitement la population. Les moyens de communication et de mobilisation (Internet et téléphone) sont surveillés comme jamais. Ceux qui ne sont pas arrêtés sont convoqués par les autorités et menacés de poursuite. Les services secrets, terriblement efficaces, étouffent dans l’oeuf le moindre frémissement protestataire de ce régime présidentiel avec un parti unique. L’actuel président a cependant décidé en janvier de créer un fonds d’aide de 250 millions de dollars aux plus démunis, suivie en février de mesures pour faire baisser les prix de produits alimentaires de base.

En Irak, le 25 février a aussi été proclamé “Journée de la colère”. De Kirkouk, à Mossoul dans le Nord, comme à Bassorah, dans le Sud, des milliers d’Irakiens sont descendus dans les rues pour dénoncer la corruption et l’état déplorable des services de base. Au moins cinq personnes ont été tuées et 49 blessées. Huit ans après l’invasion américaine qui a renversé Saddam Hussein, on enregistre des pénuries de vivres, d’eau et d’électricité et les emplois sont rares. Enfin, les frustrations sont grandes dans un pays qui dispose d’importantes réserves de pétrole et pourrait être un gros producteur. “Où est ma part des profits du pétrole  ?”, se demandait un manifestant sur une banderole.

En Iran, les chefs de l’opposition réformatrice sont mis à l’isolement. La justice iranienne a averti mardi qu’elle considèrerait désormais comme des “contre-révolutionnaires” tous les partisans de Karoubi et Moussavi, accusés de s’être mis au ban du régime issu de la révolution islamique de 1979. L’accusation de “contre-révolutionnaire” peut entraîner des condamnations judiciaires sévères, notamment pour des participants à des manifestations interdites.

En Asie

En Inde, au moins 100 000 personnes ont manifesté le 23 février dans les rues de New Delhi pour protester contre la hausse des prix alimentaires et le chômage. Le défilé était organisé et encadré par le Comité des syndicats indiens (CITU, affilié au Parti communiste) et auquel se sont associés d’autres syndicats, y compris certains adhérents d’une centrale liée au parti du Congrès au pouvoir. Les manifestants, en majorité issus de la classe ouvrière, scandaient des slogans contre l’inflation et la corruption. Il s’agit de la plus grande manifestation dans la capitale depuis des années. Il faut dire que l’inquiétude est grande face à l’inflation sur les denrées alimentaires qui a atteint 18  % en décembre en rythme annuel. Les centaines de millions de miséreux de ce pays de plus d’un milliard d’habitants sont les plus durement touchés. “On gagne 100 à 125 roupies par jour (deux à trois dollars). Comment allons-nous survivre avec ça si les prix augmentent autant  ?”, s’interrogeait un manifestant. “Les prix vont finir par tuer l’homme de la rue”, lisait-on sur une banderole.
En Chine, la crainte d’une contagion des révoltes arabes est perceptible dans toute la bourgeoisie et son appareil d’Etat. Le site américain LinkedIn, réseau social professionnel sur Internet, a annoncé vendredi être bloqué en Chine, après avoir été le vecteur d’une campagne pro-démocratie en ligne inspirée par la “révolution du jasmin”. Le gouvernement chinois n’est pas tranquille. De nombreux médias étrangers à Pékin ont reçu ce vendredi des convocations ou des coups de téléphone des autorités chinoises leur enjoignant de “respecter les règlements”, à la veille d’un week-end où les Chinois ont été appelés sur Internet à participer à des “rassemblements du jasmin”. Les autorités sont visiblement nerveuses de voir des rassemblements se produire, potentiellement dans 13 villes du pays. A Pékin, l’une des 13 villes concernées par cet appel, le McDonald’s devant lequel la population a été appelée à se retrouver sur le site basé à l’étranger boxun.com a vu sa façade entourée de palmiers et de barrières de chantier qui en ont bloqué l’accès. “Nous invitons chaque participant à se promener, à observer, voire à prétendre qu’il ne fait que passer. Pour peu que vous soyez présents, le gouvernement autoritaire va trembler de peur”, ont assuré les initiateurs des rassemblements.

En Europe

En Albanie, au moins trois personnes ont été tuées par balles vendredi 25 février à Tirana au cours d’une manifestation de l’opposition émaillée de violents accrochages avec les forces de l’ordre devant le siège du gouvernement. Selon les services d’urgence, au moins 55 personnes ont également été blessées dont 20 policiers et 30 civils.

En Croatie, se sont produits des affrontements entre police et manifestants anti-gouvernementaux. La police a utilisé des gaz lacrymogènes jeudi 24 février au soir à Zagreb pour disperser un millier de manifestants qui tentaient de s’approcher du siège du gouvernement en réclamant la démission du Premier ministre Jadranka Kosor. Les manifestants scandaient : “Voleurs  ! Voleurs  !”, et : “Jadranka, va-t-en  !”. Une dizaine de personnes ont été arrêtées, selon la télévision nationale. La manifestation avait été organisée sur Facebook. Une autre, similaire, avait rassemblé la veille quelque 300 personnes. Les organisateurs ont réclamé la démission de Mme Kosor. Ils ont accusé le gouvernement de “rendre tous les jours la vie des citoyens plus difficile et de mener le pays vers un chaos économique”. L’économie locale s’est contractée de 1,9% en 2010, selon les prévisions de la Banque centrale, après un recul du PIB de 5,8% en 2009.

En Russie, interrogé sur les répercussions potentielles des révolutions arabes, notamment dans le Caucase du Nord, Poutine s’est dit “préoccupé” tout en affirmant que la situation dans ces deux régions n’avait rien de comparable  !

En Grèce, les grèves générales contre la cure d’austérité imposée par le gouvernement socialiste pour répondre aux exigences de l’Union européenne, de la BCE et du FMI, se multiplient depuis deux ans. La dernière en date, le 23 février a donné lieu à des heurts particulièrement violents avec la police. Face à une misère grandissante et à des syndicats complices du pouvoir, la colère des exploités ne peut que s’amplifier. Le PIB a reculé de 1,4% au quatrième trimestre 2010 par rapport au troisième trimestre, le chômage affiche un taux record de 15%, le coût de la vie est en hausse constante, du fait de la baisse des salaires et de l’augmentation des taxes impôts, l’inflation grimpe à 5  %, et la consommation s’effondre. Un Grec sur quatre vit désormais sous le seuil de pauvreté (on commence à voir à Athènes des “cartoneros”, phénomène caractéristique de la misère urbaine sud-américaine) et une majorité des jeunes (le plus fort taux de diplômés d’Europe) ne songe qu’à s’expatrier. Face à cette réalité sans fard, les réponses des institutions politiques et sociales tournent en rond. Celles du gouvernement socialiste ont pour principal leitmotiv “ou nous vaincrons ou nous coulerons”. Il propose comme unique solution une privatisation à outrance des services publics. Quant aux syndicats, leur rhétorique est usée jusqu’à la corde. Ce mécontentement de la population, face à la cure d’austérité imposée par un gouvernement ne réussit finalement qu’à exprimer de la rage et de l’impuissance. Il peine à trouver une portée efficace. Tous les signes d’une mobilisation étaient là pourtant lors de la grève générale du 23 février : participation plus massive que les derniers mois, salariés du public et du privé ensemble dans les rues de plusieurs villes du pays. De nombreux secteurs ont été touchés par la paralysie. Aucun transport urbain, sauf le métro. Les médias ont observé une grève de 24 heures. Pharmacies, banques, cabinets d’avocats fermés. Nombre de vols ont été annulés du fait, notamment, de la grève des contrôleurs aériens. Les ferries sont restés à quai. Dans les hôpitaux, seules les urgences assuraient un service de garde tandis que les écoles n’ont accueilli aucun enfant. Répondant à l’appel de leur Union professionnelle, les commerçants ont gardé porte close, indiquant : “Nous fermons aujourd’hui pour ne pas fermer pour toujours.” Et ce, dans un contexte très tendu de grèves quasi-quotidiennes ces derniers mois.

CCI (26 février)

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [3]

Rubrique: 

Luttes de classe

Avec Loppsi2, l'Etat démocratique prépare la répression des luttes

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Avec la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi2), adoptée en février par le Parlement, le gouvernement vient de franchir un grand pas supplémentaire dans le flicage des populations. Au nom de la “sécurité” et de la “protection” de tous, une vaste offensive balise le terrain pour tenter d’étouffer toute forme de contestation sociale, renforcer la répression, notamment celle des minorités ouvrières les plus combatives. Bien entendu, si la loi touche toute la population, les organisations révolutionnaires et leurs militants, dans ce cadre, sont particulièrement dans le collimateur.

Un véritable arsenal répressif contre la classe ouvrière

Qu’est-ce qui change réellement et que prépare cette loi renforcée  ?

La première offensive concerne la “cybercriminalité”. La bourgeoisie et ses flics n’ont pas attendu les révoltes sociales en Tunisie, en Egypte, dans le Maghreb ou ailleurs, pour s’apercevoir des dangers que recèle internet et les téléphones portables. D’abord comme moyen de communication rapide, permettant une réactivité et des liaisons instantanées aux moments des grèves ou lors des manifestations, mais aussi comme vecteur et réceptacle d’idées subversives. Aujourd’hui, ces outils privilégiés, aux mains des “classes dangereuses”, deviennent des armes redoutables. C’est ce que nous avons pu constater, par exemple, en Tunisie, forçant les sbires de Ben Ali à vouloir verrouiller un temps l’accès à Facebook et Twitter, à limiter les possibilités d’échanger avec l’étranger. Bien entendu, dans les états démocratiques, il serait contreproductif pour les anciens amis de Ben Ali d’opérer ce même verrouillage complet pour l’instant. Il y a plus efficace. Avec Loppsi2, en effet, se met en place la possibilité d’une censure ciblée. Les flics disposent d’un “temps d’écoutes téléphoniques plus long”, grâce à l’article 22. Les agents de renseignements peuvent agir en toute impunité contre les minorités révolutionnaires. Le but non avoué est de pouvoir “filtrer” à terme les forums ou les sites politiques qui dérangent, sur la base d’une “liste noire” en toute logique déjà constituée (voir articles 4 et 6). La police officiellement, surveille donc les ordinateurs de ceux qui mènent “une entreprise collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation et la terreur” (article 421-1). Avec Loppsi2, la pratique scandaleuse  (1) des flics devient “normale”. Nul doute que ceux qui prônent la grève de masse et la révolution sont ici visés. Une seule réserve : dans de telles circonstances, l’histoire montre que la “terreur et l’intimidation” sont principalement du côté de la répression, de ceux qui légifèrent  !

Tout ce dispositif s’accompagne d’un renforcement sensible de la vidéo-surveillance, que la loi rebaptise “vidéo-protection” pour détourner l’attention de l’objectif visant un contrôle social complet. Alors que le nombre de caméras explose dans les zones urbaines, un amendement donne maintenant à tout préfet la possibilité “d’autoriser l’installation de dispositifs de vidéo-surveillance à titre provisoire sans réunir la commission départementale de vidéo-surveillance lorsqu’il est confronté à une manifestation ou un rassemblement de grande ampleur présentant des risques pour l’ordre public”  (2).

En clair, le préfet peut passer outre l’avis des maires récalcitrants pour que chaque manifestant dans la rue, par définition contre “l’ordre public”, soit sous l’œil de Big Brother  ! Il est ainsi prévu de multiplier par trois le nombre de caméras pour atteindre les 60 000. Avec la loi, l’installation de ces nouvelles caméras sera grandement facilitée. Naturellement, les rares pleurnicheries à gauche ne sont là que pour amuser la galerie. Comme s’en vante un socialiste : “Nous avons pu avoir des torts dans le passé. Nous avons essayé de les analyser, et vous pouvez venir dans les municipalités socialistes : nous y avons implanté sans aucun scrupule des caméras” (3).

La loi autorise et favorise donc la multiplication des initiatives privées pour installer des caméras aux abords des bâtiments. Autant de moyens supplémentaires qui, par recoupements successifs, permettent de fliquer davantage une population qui devient totalement suspecte.

Le pire, c’est que Loppsi2 prévoit d’officialiser la formation d’une véritable “milice armée”, appelée “police auxiliaire citoyenne” au nom du besoin pour la police de “renouer avec la population civile”  ! Depuis l’abandon de “l’îlotage” prôné par la gauche, la méfiance et même le rejet de la “police de proximité”, l’Etat cherche à s’adapter au terrain pour quadriller les quartiers sans se heurter trop frontalement aux habitants hostiles qui se sentent, à juste titre, de plus en plus traqués. Il s’agit en fait, avec la nouvelle loi, d’étendre aux “citoyens volontaires” la réserve civile de la police nationale (existant déjà depuis 2003 pour les policiers à la retraite). Le public visé est surtout celui des jeunes, notamment les étudiants ayant au moins 18 ans. Ceci permet d’une part de faire des économies en évitant de payer des policiers à temps plein, mais surtout, encore une fois, de renforcer l’emprise policière de l’Etat. De ce fait, nous assistons bien à un processus continu de militarisation complète de la société, à un véritable quadrillage complet des zones urbaines. Nous voyons déjà depuis longtemps les lieux publics, comme les gares, sillonnés de long en large par des militaires. Nous aurons en plus des jeunes lâchés dans les quartiers pour aider à faire régner l’ordre. Ces nouveaux éléments pourront signaler la présence des sans papiers, surveiller les foules et particulièrement les minorités combatives qui défendent un point de vue de classe. Bref, signaler tous les suspects possibles susceptibles d’être surveillés de près où directement réprimés. Autant dire que ces “milices” au service de l’Etat pourront facilement se transformer un jour en unités de répression directe contre les mouvements révolutionnaires dans le futur. L’expérience sombre de l’histoire montre que les “milices” de ce genre ne préparent pas seulement la délation. Elles sont le terreau sur lequel peuvent fleurir les rafles, les tortures en tout genre et les exécutions sommaires. En attendant, nos simples voisins pourront devenir des flics, comme au temps de Pétain et Vichy  ! Ils pourront porter des armes, dresser des procès-verbaux, nous surveiller de plus près encore, nous vendre.

A cela, il faut ajouter le dispositif complémentaire qui prévoit d’étendre en même temps le pouvoir de la police municipale. Celle-ci pourra alors procéder à des tâches qui ne lui étaient pas autorisées auparavant : les fouilles, les contrôles d’identité  ; ceci, dans un contexte ou la loi durcit considérablement les peines encourues, particulièrement pour les citoyens (même mineurs) qui oseront se révolter contre un “dépositaire de l’autorité publique”. Dans la même logique, après avoir renforcé les fichiers de police STIC, JUDEX et EDWIGE (voir notre article dans RI no 394), la loi va inclure dans le fichage des personnes susceptibles d’être impliquées, même très indirectement, dans les affaires de petite délinquance. Avec un “fichage d’analyse sérielle”, la généralisation du contrôle devient effective.

Le plus ignoble, c’est que Loppsi2 s’acharne sur les plus vulnérables, les immigrés et les précaires (voir notre article sur la répression de squat). Un des volets les plus révoltants de la loi concerne en effet les victimes de la crise du logement. L’article 32 ter A donne la possibilité aux préfets d’expulser de façon complètement arbitraire les démunis de leur abris de fortune  (4). Sous le prétexte d’un “risque grave d’atteinte à la salubrité, à la sécurité, à la tranquillité”, les habitants de cabanes et camionnettes, d’abris légers, de bidonvilles, de maisons sans permis de construire, de squats, sont soumis à une procédure d’expulsion encore plus expéditive. Les gens se retrouvent à la rue, même en plein hiver  ! L’article en question prévoit en plus une sanction financière. Puis, si nécessaire, la destruction au bulldozer avec le vol des biens de ces pauvres gens qu’il faut faire disparaître. Cela, en toute légalité  !

Partout, un même blindage de l’Etat capitaliste

Loin d’être isolée, loin d’être uniquement le fait de la simple “paranoïa” de Sarkozy ou de son gouvernement, comme on voudrait nous le faire croire (5) cette Loppsi2 s’inscrit dans un contexte de durcissement général de plus en plus sévère, observable au niveau international. Tous les états, depuis quelques années, ont renforcé leur surveillance et musclé la police. De nombreuses lois “liberticides” sont votées partout dans le monde, notamment en Europe. En Grande-Bretagne, par exemple, le système des “milices citoyennes” est déjà en place. Dans certaines villes, on a même couplé aux caméras un micro qui permet d’interpeller directement les personnes sur la voie publique : “vous, le monsieur au pull-over rouge, vous avez jeté un papier sur le trottoir. Ramassez  !”. Aux Etats-Unis, certains dispositifs contenus dans Loppsi2 sont déjà en vigueur depuis G.W. Bush. Comment expliquer ce qui apparaît sous la plume des médias comme une sorte de “dérive” (quand on n’y voit pas une mesure salutaire un peu “excessive”)  ?

Bien que dans la phase historique de déclin du capitalisme ce soit en permanence que l’état cherche à renforcer son emprise totalitaire sur l’ensemble de la société civile, l’approfondissement de la crise économique mondiale engendre une riposte de la classe ouvrière poussant la bourgeoisie à renforcer la répression.

Contrairement à l’idée que veulent instiller les médias aux ordres, pour qui la censure et le flicage ne sont que l’apanage des “dictatures”, l’arsenal juridique générant la terreur sous les formes les plus insidieuses et subtiles, comme Loppsi2, se trouve bel et bien dans les états démocratiques. Leur vrai visage est celui d’une ineffable barbarie générée par le capitalisme décadent.

WH (18 février)

 

1) Le FBI utilise déjà des programmes qui espionnent les frappes sur les touches, tel que Magic lantern, utilisant les techniques des pirates informatiques pour l’installer dans l’ordinateur ciblé.

2) Amendement CL 190. Sources : LDH Toulon (www.ldh-toulon.net/spip.php?articles3738 [10])

3) Propos de Pupponi www.ldh-toulon.net/spip.php?articles3738 [10]

4) Une poursuite de la lutte “anti-cabanisation” lancée par le préfet des Pyrénées-Orientales depuis 2007.

5) Au passage, on peut signaler que d’après Wikipédia faisant référence à un article de Der Spiegel, la France s’est dotée de la loi la plus répressive du monde en matière de cybercriminalité, devant l’Australie,

Situations territoriales: 

  • Situation sociale en France [11]

Réformes de la santé : le capitalisme nous condamne à mourir à petit feu

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Sera-t-il encore possible de se soigner  ? Voilà une question angoissante que se posent de plus en plus de travailleurs. Et ils ont raison de se la poser  ! Sans grand tapage médiatique, et avec la plus grande discrétion, l’Etat vient de prendre, depuis le début de l’année 2011, une série de mesures pour réduire le déficit abyssal de la Sécurité Sociale dont les conséquences seront catastrophiques pour des milliers voire des millions de personnes, mesures qui viennent s’ajouter à la longue liste de celles qui ont été prises depuis plusieurs décennies par des gouvernements qu’ils soient de gauche ou de droite. Avec la brutale accélération de la crise de 2008, le trou de la Sécurité Sociale a explosé, en une année il a doublé, passant de 10 milliards d’euros à 20 milliards.

 L’objectif budgétaire de l’Etat est clair : réduire les dépenses de santé de 7.2 milliards d’euros, comme cela a été annoncé à la fin de l’année 2010, en catimini, en plein mouvement contre la “réforme de la retraite”. Et n’en doutons pas, d’autres mesures suivront, encore plus dures que les précédentes.

Une pluie d’attaques contre nos conditions de vie1

Voici ce que la bourgeoisie nous a concocté :

Fin de la gratuité des chambres individuelles dans les Hôpitaux Publics, maintenant il faudra débourser 45 euros par jour pour en bénéficier en plus des 18 euros de forfait journalier, cela fait chère l’hospitalisation  !

D’après une ordonnance de la ministre de la “santé” Bachelot, les infirmières n’auront plus le droit de pratiquer des prélèvements sanguins comme cela se faisait jusqu’à maintenant. Les laboratoires d’analyses médicales, pour subsister, devront passer une certification assez contraignante et compliquée exigeant, entre autres, qu’ils se portent garants de leurs infirmières, c’est-à-dire qu’elles soient formées et agréées par le laboratoire dans lequel le prélèvement est analysé. Ce qui veut dire qu’ils ne pourront plus embaucher des infirmières remplaçantes ou intérimaires. De ce fait, les prélèvements à domicile seront interdits : les patients devront se rendre par leurs propres moyens, quel que soit leur état de santé, au laboratoire  ! Alors que les cotations de leurs actes seront revues à la baisse, les laboratoires seront tenus de s’équiper de moyens matériels performants avec un personnel réduit. Pour continuer à fonctionner, ils vont donc devoir se regrouper. Pour la ministre, l’objectif est d’avoir 1 à 2 laboratoires par département, ce qui veut dire que certains hôpitaux de taille moyenne seront obligés de fermer leurs propres laboratoires. Les personnes qui auront besoin d’analyses particulières seront obligées de se déplacer vers un grand plateau technique qui peut être distant de plusieurs kilomètres  ; étant les seuls à accueillir une grande partie des examens à réaliser, il faudra attendre plusieurs jours supplémentaires pour avoir les résultats  ! De plus cette ordonnance précise qu’il n’est plus besoin d’être biologiste pour ouvrir un laboratoire, de grands établissements financiers ou des groupes industriels sont sur la ligne de départ pour racheter une grande partie des laboratoires, la rentabilité financière s’imposera au détriment des objectifs médicaux.

Augmentation du nombre de médicaments qui verront leurs taux de remboursement baisser voire même ne plus être remboursés, reconnus “inefficaces” par la communauté médicale. La campagne médiatique sur le scandale du Médiator a permis à l’Etat de pointer du doigt la surconsommation, et de publier une liste de 77 médicaments inefficaces ou ayant des effets secondaires plus ou moins dangereux, voilà comment passer en douce au déremboursement du Diantalvic, très utilisé contre la douleur.

Face à cette avalanche de déremboursements, les mutuelles emboitent le pas en utilisant le chantage : afin d’éviter l’augmentation des cotisations, elles ne “rembourseront plus à l’aveuglette”, sauf les médicaments reconnus comme efficaces, les autres passeront à la trappe, ce qui est le cas des vignettes orange, remboursés à 15  % par la Sécu (comme le Gaviscon pour les brûlures d’estomac). Ces mêmes médicaments, nous les retrouvons sur le marché 2 à 3 fois plus chers  !

Les frais d’optique et les appareils auditifs seront moins remboursés.

La consultation des médecins généralistes augmente de 22 à 23 euros.

Taxer les assurés qui ne présentent pas leur carte vitale au moment des actes médicaux quand on sait qu’il faut attendre 3 ou 4 mois pour avoir ce précieux sésame  !

Jusque là gratuite, il faudra, pour les immigrés non titulaires d’une carte de séjour ou d’un récipissé délivrés par la Préfecture, débourser 30 euros pour avoir droit à l’Aide Médicale d’Etat qui leur permet de se soigner gratuitement, en attendant une éventuelle régularisation. Ce qui veut dire que bon nombre d’entre eux, fuyant la misère dans leur pays, seront incapables de se soigner.

Depuis le 1er janvier, les indemnités journalières accident de travail et maladies professionnelles doivent être déclarées aux Impôts. Et cela dans un contexte où les maladies professionnelles liées au stress ou à l’utilisation de produits dangereux (l’amiante en est l’exemple le plus significatif) connaissent une très nette augmentation alors que les accidents de travail, eux, connaissent une diminution en trompe-l’oeil, et cela pour 2 raisons : d’une part un nombre important de salariés ne déclarent pas de “petits accidents de travail” et d’autre part, c’est la conséquence de la désindustrialisation.

Quant à la prise en charge des soins liés aux affections de longue durée, qui en 20 ans, de 1990 à 2010, sont passées de 600 000 à près de 1 200 000 (augmentation importante des cancers), et qui représentent 60  % des dépenses de santé), ordre est donné aux médecins-conseil d’en limiter le nombre.

La réduction des effectifs dans la Sécurité sociale entraîne d’une part un retard, qui peut atteindre plusieurs mois, dans le paiement des indemnités journalières ou le remboursement des soins, et d’autre part une impossibilité des employés d’informer correctement les assurés sociaux sur leurs droits, facteurs aggravant la précarité de milliers de salariés.

Enfin, cerise sur le gâteau, renforcer la chasse à la fraude. Les sommes récupérées sont ridicules, mais là n’est pas le réel message. Il faut culpabiliser, montrer du doigt et traquer les fraudeurs comme des boucs émissaires, responsables du trou de la Sécurité sociale  !

L’extension de la précarité sanitaire

Les dernières statistiques démontrent que 25  % de la population française ne peut plus se soigner pour des raisons financières. Et la situation ne peut qu’empirer.

Pour les conseillers de l’Etat qui travaillent sur les comptes de la Sécurité Sociale, la logique est de réduire les soins assujettis au régime général et obligatoire. Il faut donc transférer cette prise en charge sur les ménages et sur les organismes complémentaires. En 2008, 20  % du budget des familles sont consacrés aux dépenses de soins, les mutuelles en remboursent 10  %. A partir de ce constat, et dans le but d’appliquer encore des mesures qui visent à réduire le déficit de la Sécurité Sociale, il est dans les objectifs de l’Etat d’augmenter les cotisations sociales, et pour les mutuelles de participer plus à la prise en charge des soins, ce qui veut dire qu’elles augmenteront aussi leurs cotisations. Voilà en perspective de nouvelles attaques : alors qu’ils sont obligés d’acheter de plus en plus de médicaments non remboursables, les travailleurs subiront de nouvelles ponctions sur des salaires qui depuis des années sont gelés  ! La conséquence c’est que, même en travaillant, il deviendra plus difficile de se soigner, surtout quand on est jeune, et que le salaire d’embauche c’est juste le SMIG avec des charges de loyers, nourriture, etc. qui ne diminueront pas. Quant aux précaires, aux invalides, aux chômeurs, aux étudiants, aux retraités, aux immigrés, pour qui tout espoir de voir une perspective d’amélioration de leur situation matérielle s’amenuiser du fait de la crise économique, exclus pour la plupart de la C.M.U., contracter une mutuelle est impossible. Toute cette frange de la classe ouvrière va grossir les rangs de ceux qui ne peuvent plus se soigner.

Ce sont les conditions de l’exploitation capitaliste qui génèrent toutes ces maladies, tous ces accidents, et c’est ce même capitalisme qui aujourd’hui nous condamne à pouvoir de moins en moins nous soigner  !

Antoine (22 février)

 

1) Voir notre article dans Révolution Internationale n°417 “Après les retraites : la santé [12]”.

Un témoignage sur les raids et arrestations brutales contre les immigrés à Calais

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Nous avons reçu des informations de la part d’un camarade nous signalant un épisode significatif de la brutalité ordinaire des policiers contre des immigrés. Avec Loppsi2, ces brutalités ne font que se banaliser, comme le montre ce témoignage dont nous restituons l’essentiel.

Au moment d’une distribution alimentaire, le matin du 3 février à Calais, des voitures et fourgons des CRS et de la PAF (Police aux frontières) se sont placés en barrage sur la route menant à ce point de survie. Après que les “bénévoles de Salam” aient distribué les repas et fermé leurs portes, les migrants ont été traqués. Ceux qui ont tenté de s’échapper ont été poursuivis par les véhicules de police. Les policiers “sont sortis, les ont battus avec leur matraques et les ont tirés dans les fourgons. Un groupe a été chassé sur la voie ferrée où un migrant s’est effondré avec une jambe blessée. La PAF a commencé à le frapper sans pitié”. Un bénévole qui sur place a voulu filmer la scène a vu sa caméra détruite sur le champ. Un des migrants “était couché sur le sol à gémir et à crier à cause des coups qu’il avait reçus, mais la police a répété qu’il était juste en train de faire semblant et a continué à le battre hors de la vue des nombreux observateurs qui regardaient aux fenêtres (…) l’homme, alors inconscient, a été traîné dans un fourgon et frappé au visage à plusieurs reprises alors qu’il gémissait de douleur. Ses membres tombaient sans cesse empêchant la police de fermer la porte et ce fut apparemment une excuse suffisante pour le battre à nouveau”.

Face à la crise du système capitaliste, la bourgeoisie montre que la répression est le seul avenir qu’elle puisse offrir aux affamés.

WH (20 février)

Récent et en cours: 

  • Immigration [9]

Bilan du blocage des raffineries (II)

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Le blocage des raffineries pétrolières et des dépôts de carburant a marqué les luttes contre la réforme des retraites de 2010 en France au point de cristalliser, au sein des assemblées générales et des manifestations, l’ensemble des discussions et des débats. Pour beaucoup, bloquer les raffineries est apparu comme un moyen de faire concrètement pression sur la bourgeoisie en paralysant, par l’intermédiaire de ce “secteur stratégique,” les transports et l’ensemble de l’économie.

“Malgré huit journées d’action particulièrement suivies, il apparaît que même avec 3,5 millions de personnes dans les rues, les défilés ne permettent pas d’être correctement entendus. […] Partout en France, les blocages dans les raffineries, dans les centres de traitement des ordures et dans bien d’autres sites se multiplient. Incontestablement, l’obstination de l’État et du patronat à imposer leur réforme des retraites aura poussé la lutte à retrouver des pratiques syndicales disparues depuis trop longtemps […] Comment penser sérieusement que des grèves peuvent se résumer à des défilés dans les rues, encadrés par les forces de l’ordre ? L’histoire […] a souvent montré que nos droits, nos acquis sociaux ont été arrachés (et pas demandés poliment) à l’issue de luttes très dures et généralement en utilisant le seul moyen à la disposition des travailleurs et des travailleuses : la grève et le blocage de la production sur le lieu de travail”  (1). Ces quelques lignes de la CNT-Vignoles résument ce que tous les “bloqueurs” de l’automne 2010 avaient effectivement en tête. De février à novembre, les manifestations se sont succédées, rassemblant chaque fois des millions de personnes. Dans les cortèges, une immense colère face à la dégradation générale des conditions de vie s’est explicitement exprimée. Pourtant, la bourgeoisie française n’a pas reculé, multipliant même les attaques contre la sécurité sociale, l’accès aux soins, les effectifs des fonctionnaires, etc. Tandis que les “défilés dans les rues” apparaissaient aux yeux de tous impuissants et stériles, des minorités ont cherché des méthodes de lutte plus radicales et efficaces. Le blocage de l’économie leur est alors apparu “comme une évidence”  (2).

Le blocage des raffineries, une victoire à la Pyrrhus

Quelques jours d’occupation des raffineries ont suffi à créer un relatif phénomène de pénurie de carburant et des troubles dans les transports.

Dès la fin du mois de septembre, la grève éclate dans certaines raffineries. Le mouvement fait naturellement tâche d’huile et les usines ferment les unes après les autres. A la mi-octobre, les 12 raffineries françaises sont toutes bloquées. Face aux provocations des CRS, des piquets composés d’ouvriers du raffinage, de travailleurs d’autres secteurs, de chômeurs, d’étudiants précaires, de retraités, etc., gardent les portes nuit et jour.

Rapidement, le carburant vient à manquer aux pompes. La pénurie d’essence fait la Une de tous les journaux. Les déclarations des responsables politiques affirmant qu’il n’y a aucun problème d’approvisionnement aux pompes apparaissent comme des gesticulations grotesques. Au final, selon l’INSEE, la production de pétrole a été réduite de 56,5  % au mois d’octobre.

En apparence, les bloqueurs semblent donc avoir réussi leur coup. Mais évidemment, en réalité, il n’en est rien. Cette prétendue “victoire” n’est qu’une illusion créée par la propagande de la bourgeoisie. Laisser croire qu’il est possible de bloquer la production à partir d’un secteur, quel qu’il soit, est un grossier mensonge. Et dans le cas précis du pétrole, la bourgeoisie a eu pleinement la capacité de faire face aux blocages. La France, comme beaucoup d’autres pays, dispose en effet de plusieurs millions de tonnes de pétrole en réserve lui assurant de nombreux mois d’approvisionnement (17 millions de tonnes de stocks stratégiques, soit plus de trois mois de consommation normale, des stocks de réserves dont disposent les compagnies pétrolières, des réserves de carburants gérées par l’armée…). De plus, avec l’internationalisation des réseaux de pipeline et, tout simplement, la possibilité d’importer de l’étranger de l’essence par camion, les Etats ne s’appuient pas seulement sur leurs propres réserves pour assurer la distribution de carburant. Comme l’écrit Peter Vener, “Il est caractéristique que même les plus insurrectionnalistes des tiqquniens (3) parlent de bloquer “l’économie du pays”, à partir de la simple généralisation des blocages effectifs, plus ou moins sporadiques ou étendus, plus ou moins spontanés ou téléguidés, etc., comme si cela avait encore le moindre sens à notre époque de “globalisation” et d’organisation en “réseaux” du capital modernisé, en particulier dans le secteur clé de la production et de la distribution de pétrole” (4).

Le risque de pénurie d’essence d’octobre 2010, et de paralysie de l’économie nationale, n’a donc été qu’un conte de fée pour endormir les ouvriers. La difficulté de s’approvisionner en essence n’a finalement touché que quelques automobilistes, surtout à cause du phénomène de panique. Les compagnies pétrolières ont même profité de l’occasion pour vendre leur essence à prix d’or. Le blocage des raffineries n’a été qu’une piqûre de moustique sur le dos d’un éléphant. Et le capitalisme a le cuir épais !

En fait, derrière cette prétendue victoire du blocage se cache au contraire une réelle défaite pour la classe ouvrière. A travers le blocage des raffineries la bourgeoisie s’est employée à isoler des ouvriers parmi les plus combattifs et à diviser le prolétariat.

D’un côté, les syndicats, notamment la CGT, s’appuyant sur le contrôle absolu qu’ils exerçaient sur les opérations, se sont employés à isoler les ouvriers des raffineries, menacés depuis plusieurs mois par des restructurations et donc particulièrement combatifs, du reste de leur classe. Leur colère justifiée n’a pas été le point de départ d’une extension de la lutte : plutôt qu’organiser des piquets volants devant des entreprises d’autres secteurs pour les gagner au mouvement, la CGT a évidemment enfermé les bloqueurs sur leur lieu de travail. Tout devant se jouer sur le seul soi-disant blocage des raffineries, il s’agissait de tenir coûte que coûte, dans une ambiance de citadelle assiégée où seule comptait la “pénurie d’essence.”

De l’autre, à travers une intense campagne sur les risques de pénurie d’essence, le gouvernement et ses médias ont volontairement créé un climat de panique parmi la population. Coincés entre de coûteuses journées de grève, massivement suivies, et le harcèlement quotidien au sein de l’entreprise, beaucoup d’ouvriers ont craint de ne pas pouvoir se rendre sur leur lieu de travail. Cette inquiétude s’est d’ailleurs matérialisée dans les longues files de véhicule à l’entrée des stations-service que les journalistes ont couvert jusqu’à la nausée. Si, en général, les prolétaires n’ont pas stigmatisé les ouvriers des raffineries et ont même plutôt manifesté leur solidarité, l’hystérique propagande médiatique a indéniablement contribué à briser la dynamique d’extension dans laquelle s’était engagée la lutte.

Ainsi, ce n’est pas un hasard si, après des mois de montée en puissance du mouvement de contestation, le déclin s’est amorcé au moment même où le blocage des raffineries battait son plein.

Mais, dans la mesure où un mouvement de masse démarre toujours quelque part, en quoi le blocage des raffineries n’aurait-il pu être le point de départ d’une lutte de plus grande ampleur  ? Pourquoi le CCI, dès les premiers blocages, avertissait du risque d’enfermement, d’isolement et de division contenu dans cette action de lutte  ? (5)

Le culte du blocage contre la massification de la lutte

Dès ses premières manifestations, la théorie du blocage économique était bâtie sur de mauvaises fondations. Les pro-bloqueurs ont très rapidement pris conscience de l’inefficacité des manifestations sans lendemain organisées par les syndicats. Ils en ont cependant concluent qu’une poignée d’individus déterminés entravant le fonctionnement de cibles stratégiques comme les raffineries était la meilleure base sur laquelle créer les conditions de la massification et d’une authentique solidarité. Le groupe de Lyon nommé “Premier Round” a ainsi écrit : “Le mouvement actuel part aussi de là : “il faut bloquer l’économie, comment s’y prendre ?” La réponse s’est imposée d’elle-même autour de la question du pétrole. Même si personne ne sait au fond si cela marchera, si c’est le bon bout par lequel attaquer ce problème, il y a cette tentative : organiser la pénurie d’essence. Et voir ce qui se passera. Un peu partout, dès la grève reconductible votée, il a suffi que quelques grévistes adoptent le blocage comme moyen d’action pour que d’un peu partout on vienne les rejoindre. Là où la grève et le sabotage ne suffisent plus, les grévistes s’opposent eux-mêmes à la circulation. C’est ainsi que l’on voit des cheminots, des étudiants, des postiers, des infirmiers, des enseignants, des dockers, des chômeurs, bloquer ensemble les dépôts de carburant – sans attendre les éternels appels à une abstraite “convergence des luttes.” De même à l’encontre des gares, des centres de tri, des dépôts de transports en commun, des aéroports, des autoroutes : là où quelques dizaines de personnes suffisent à bloquer. […] Le nerf de la bataille en cours, ce sont les blocages des raffineries et des dépôts pétroliers, des points névralgiques au nombre relativement réduits. Bloquer la production et l’acheminement de pétrole, c’est sortir des revendications symboliques, c’est attaquer là où ça fait mal.”6 Cette seule phrase révèle à elle-seule la fausse route : “là où quelques dizaines de personnes suffisent à bloquer. “

Il est d’ailleurs très significatif que les cibles mises en avant soient les raffineries, les gares, les aéroports, les autoroutes ou les transports publics. Le secteur des transports est effectivement un élément stratégique pour la lutte ouvrière, mais pour des raisons exactement inverses que celles évoquées par Premier Round : le blocage des trains, des métros ou des bus est souvent un obstacle à l’élargissement de la lutte et peut favoriser le jeu de la bourgeoisie. C’est même un grand classique : monter les travailleurs les uns contre les autres en déchaînant des campagnes sur le thème de la “prise en otage des usagers”. Surtout, le blocage des transports entrave la mobilité des travailleurs qui ne sont plus en mesure de se déplacer pour apporter leur solidarité aux grévistes, en se rendant à leurs AG ou en participant aux manifestations. Les déplacements des délégations de grévistes vers les autres entreprises sont également rendus difficiles. En fait, le blocage total favorise presque toujours l’enfermement dans le corporatisme et l’isolement. C’est pourquoi les luttes ouvrières les plus avancées n’ont jamais conduit au blocage des transports.

Quand la classe ouvrière s’approprie les moyens de production

La théorie du blocage de l’économie s’appuie sur une idée profondément juste : la classe ouvrière tient sa force de la place centrale qu’elle occupe dans la production. Le prolétariat produit presque l’ensemble des richesses que la bourgeoisie, dans son rôle proprement parasitaire, s’approprie. Ainsi, par la grève, les ouvriers sont potentiellement capables de bloquer toute la production et de paralyser l’économie.

Lors des événements de mai 1968 en France et ceux d’août 1980 en Pologne, de gigantesques grèves ont paralysé les pays provoquant même… des pénuries d’essence. Mais bloquer n’était nullement l’objectif en soi des ouvriers, les pays étant d’ailleurs paralysés de fait. Si ces deux luttes sont historiques et restent gravées dans les mémoires, c’est parce que le prolétariat a su construire un rapport de force en sa faveur par l’auto-organisation et la massivité de ses luttes. Quand les ouvriers prennent en main leur lutte, ils se regroupent spontanément en assemblées générales pour débattre et décider collectivement des actions à mener, ils cherchent la solidarité de leurs frères de classe en allant à leur rencontre, en essayant de les entraîner dans le mouvement. Etendre la lutte est une préoccupation et une pratique instinctive des exploités face au Capital.

Lors de ces deux grands mouvements, les grévistes ont surtout cherché à faire tourner l’économie pour eux, au service de la lutte et de ses besoins. En 1968, par exemple, les cheminots faisaient circuler les trains pour permettre à la population de se déplacer jusqu’aux manifestations. En 1980, cette prise en main des moyens de production va beaucoup plus loin encore. Le Comité de grève inter-­entreprises (nommé MKS) avait “toute prérogative pour conduire la grève. Il formait des commissions de travail – entretien, information, liens avec les journalistes présents sur place, sécurité – et décidait si certaines entreprises devaient continuer à travailler pour assurer les besoins des grévistes. Ainsi la raffinerie produisait, au ralenti, l’essence nécessaire aux transports, des bus et des trains circulaient, l’industrie alimentaire dépassait les plus hautes normes (fixées par les bureaucrates auparavant) pour assurer l’approvisionnement de la population. La “tri-ville” [des ports de la Baltique] (Gdansk, Gdynia, Sopot) vivait au rythme de la grève, au rythme que les grévistes avaient décidé.”  (7) Dans les moments les plus forts de ce mouvement, le comité de grève a organisé le ravitaillement des grévistes et de toute la population en contrôlant et en faisant tourner les entreprises d’électricité et d’alimentation.

Le blocage de l’économie, une manœuvre syndicale

Les pro-bloqueurs proches de groupes comme Premier Round critiquent très justement et de manière très virulente la mainmise des syndicats sur les luttes. Ils ont ainsi cru identifier dans le blocage des raffineries une action de lutte radicale débordant le corset de fer syndical : “Des nouvelles solidarités informelles se mettent en place à la base et en dehors du contrôle des directions syndicales. On le sent bien, ces dernières sont un peu dépassées par les événements et ne savent pas trop quoi faire de tous ces “soutiens”. Ces solidarités-là, et c’est bien leur force, ne sont pas vraiment encadrables.” Mais la réalité est exactement inverse. Il suffit d’ailleurs de poursuivre la lecture de l’article pour que cette illusion saute aux yeux :

“Où se retrouver pour venir en soutien aux grévistes ? Où envoyer la thune ?

• Raffinerie de Grandpuits : dons en liquide ou par chèques adressés à l’ordre de : Intersyndicale CFDT-CGT, à l’adresse suivante : Intersyndicale CFDT-CGT, Raffinerie Total de Grandpuits, boîte postale 13, 77  720, MORMANT, ou dons en ligne sur le site internet.

• Raffinerie Total de Flandres : adresser vos dons à la caisse de grève gérée par SUD-Chimie : P.W. SUD-Chimie Raffinerie des Flandres 59140 DUNKERQUE. Chèques à l’ordre de : SUD-Chimie RF.”

Les actions de blocage se déroulent “en dehors du contrôle des directions syndicales” car elles “ne sont pas encadrables,” à en croire Premier Round qui informe pourtant sans sourciller ses lecteurs sur “Où envoyer la thune” pour soutenir les grévistes : à la CFDT, à la CGT, et à SUD ! La vérité, c’est que les syndicats ont orchestré de bout en bout la paralysie du secteur pétrolier.

Là encore, Peter Vener est l’un des rares à oser regarder la réalité en face : “Des personnes sont venues rejoindre des piquets de grève autour des raffineries, en règle générale à l’appel des comités intersyndicaux locaux, rebaptisées souvent assemblées interprofessionnelles, histoire d’en élargir les assises. Bien entendu, de telles personnes n’avaient pas nécessairement des visées politiciennes mais, simplement, elles avaient l’impression de dépasser l’atomisation, de sortir des séparations et des corporatismes, bref, de participer à la “convergence des luttes” et “au blocage de l’économie”. […] Les personnes qui gonflent les piquets ne se demandent pas pourquoi les syndicalistes de l’Énergie et de la Chimie, si corporatistes et si repliés sur eux-mêmes habituellement, ont ainsi besoin de faire appel à des forces n’appartenant pas à leur secteur, voire étrangères au “monde du travail”, même parfois à des “anarchistes” sur lesquels ils crachaient encore ouvertement la veille. S’agit-il de nouvelles percées à travers les murs de tels bastions, à l’ordinaire particulièrement bien contrôlés par les syndicalistes, qui, de leurs miradors, organisèrent des cordons sanitaires autour d’eux ? Assiste-t-on à la rupture réelle des salariés de tels secteurs avec leur corporatisme spécifique, fondé sur l’horrible tradition néo-stalinienne du “produire et consommer français”, etc. ? En réalité, sauf peut-être pour quelques-uns d’entre eux, il n’en est rien. […] D’où l’acceptation des quelques “forces” venues d’ailleurs, qui, pour l’essentiel, doivent jouer le rôle de troupiers additionnels de l’appareil syndical de la CGT, mais aussi de celui de SUD. […] Aujourd’hui, via le recentrage de la principale centrale syndicale en direction des formes d’intervention à la mode, tel le blocage programmé d’axes de communication, parfois annoncé à l’avance à la police par les leaders syndicaux, nous sommes passés de la “grève par procuration”, des années 1980 et 1990, au “blocage par procuration”. Les “bloqueurs” des sites, bien souvent, ont travaillé pour les centrales syndicales. Point barre.”

Ainsi, à la raffinerie de Grandpuits, en région parisienne, de nombreux salariés, chômeurs, étudiants précaires et retraités sont venus chaque jour apporter leur soutien aux ouvriers grévistes. Certains ont même parfois pu participer aux AG. Mais ces rares AG “ouvertes” n’étaient que de tristes mascarades : prise de parole du délégué CFDT, puis du délégué CGT, puis… vote. Aucune discussion, aucun débat.

Pourquoi des pro-bloqueurs, si critiques envers les centrales syndicales, ont-ils fini par jouer le rôle de faire-valoir dans des actions typiques des gros bras de la CGT ? Pour Peter Vener, il ne faut pas confondre “de simples réactions de colère contre les services d’ordre syndicaux pour de la critique approfondie du syndicalisme.” L’expérience de la réalité est d’ailleurs encore plus édifiante. Il y a, en effet, une parfaite concordance entre les partisans du blocage économique et celle des syndicats : une minorité décide et agit à la place de la majorité des exploités. La différence réside en ce que les pro-bloqueurs croient agir au service de la lutte alors que les appareils syndicaux ont pleinement conscience de leur œuvre de sabotage.

Aucune recette immédiate, aucune pratique activiste minoritaire ne peut se substituer à la nécessité de l’extension et du développement massif de la lutte pour le prolétariat. Le blocage concret de l’économie ne peut pas être un raccourci vers la victoire tombant du ciel par décret ; il est le résultat d’un processus de généralisation de la lutte auto-organisée et solidaire des travailleurs. Si le constat de l’inefficacité des manifestations de l’automne 2010 est juste, il faut en déduire, non pas qu’il est inutile d’être des millions dans la lutte, mais que la question essentielle est : qui dirige le mouvement de contestation  ? Les ouvriers ou les syndicats  ?

“L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes”… de tous les travailleurs.

Pawel et V. (21 février)

 

1) “Généraliser les pratiques de lutte, aujourd’hui et demain…,” Classe en lutte, no 116, nov. 2010 (CNT-Vignoles).

2) “France, automne 2010 : Le blocage de l’économie comme une évidence”, nov. 2010 (Groupe communiste internationaliste).

3) NDLR : Les “tiqquniens” désigne les partisans de la revue Tiqqun, organe de presse du Parti de l’imaginaire dont le membre le plus connu est Julien Coupat, mis en examen sous le coup des lois anti-terroristes et livré en pâture par le pouvoir et ses médias en étant désigné comme l’auteur du sabotage d’une caténaire d’une ligne de TGV sur le réseau de la SNCF en novembre 2008.

4) “L’idéologie du blocage”, Peter Vener, oct.-nov. 2010.

5) Cf. “Bloquer les raffineries : une arme à double tranchant,” Révolution Internationale - suppl. au mensuel no 417, oct. 2010.

6) “Bloquons tout,” Le blocage, une idée qui circule, mardi 26 octobre 2010. (Premier Round).

7)  “La victoire au bout de la grande grève,” Inprecor, no 84, 11 sept. 1980.

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [3]

URL source:https://fr.internationalism.org/content/revolution-internationale-ndeg-420-mars-2011

Liens
[1] https://fr.internationalism.org/files/fr/pdf/ri_420.pdf [2] http://www.pmpress.org [3] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/luttes-classe [4] https://fr.internationalism.org/tag/5/230/libye [5] https://www.slate.fr/story/34001/internationale-socialiste-dictateurs [6] http://www.agn.netis-senegal.com/Laurent-Gbagbo-s-eclate-en-boite [7] https://fr.internationalism.org/tag/geographique/afrique [8] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/vie-bourgeoisie-france [9] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/immigration [10] http://www.ldh-toulon.net/spip.php?articles3738 [11] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/situation-sociale-france [12] https://fr.internationalism.org/ri417/apres_les_retraites_la_sante.html