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Les attaques pleuvent sur nos têtes. Tous nous avons peur, pour nous-mêmes ou pour nos proches, de l’annonce d’une fermeture d’usine ou d’un “plan de restructuration” synonyme de vague de licenciements. Les jeunes en âge d’accéder au “marché du travail” sont confrontés à un mur. Les entreprises n’embauchent plus. Les concours de la Fonction publique sont saturés avec, dans le meilleur des cas, 100 candidats surqualifiés pour… un poste. Seuls sont encore proposés, par les boîtes d’intérim ou les pôles emplois, les petits boulots précaires, sous-payés et aux conditions d’exploitation infernales. Et tous, nous savons que cela sera encore pire demain !
Et pourtant, nous, chômeurs, précaires, travailleurs du public et du privé, hésitons à rentrer en lutte. La crise économique frappe sans distinction toute la classe ouvrière, avec une brutalité et une férocité inconnues depuis des décennies. Face à cette situation insoutenable, depuis plusieurs mois, il n’y a presque aucune réaction, très peu de grèves et de luttes (1). Pourquoi ?
C’est à cette question cruciale que répond en très grande partie le courrier publié ci-dessous que nous a adressé Al, un lecteur de notre presse (2).
Sans entrer dans les détails, le capitalisme traverse une énième crise économique […]. Dans tous les pays, les entreprises et les Etats ont procédé à des licenciements massifs. Au niveau mondial, le chômage a tout simplement explosé. Les taxes et impôts en tous genres ont fortement augmenté et les aides sociales ont, de leur côté, drastiquement diminué. Toutes ces actions engendrent bien évidemment une dégradation importante mais également très rapide des conditions de vie des ouvriers, et ce, au niveau mondial. […]
Aujourd’hui, moi-même et certainement bon nombre d’ouvriers se demandent pourquoi n’y a-t-il pas une réponse massive de la part du prolétariat mondial face à l’importance et la profondeur de la crise actuelle et de ses conséquences sur leur vie sociale. Qu’est-ce qui empêche les ouvriers d’entrer en lutte aujourd’hui ? Exceptée la révolte de décembre 2008 et janvier 2009 en Grèce, la classe ouvrière n’a paradoxalement pas répondu à la hauteur du déluge des coups portés.
Il faut dire que les Etats, relayés par les journalistes et analystes financiers de tous bords, mettent tous les moyens en œuvre pour faire croire depuis mars 2009 à une reprise de l’économie. Notamment au dernier G20, tous les représentants de tous les pays se sont félicités de la réussite de leurs plans respectifs sur l’économie mondiale et les marchés financiers. Embellie qui, soit dit en passant, n’est que temporaire et concerne uniquement les marchés boursiers et qui est menée par les grandes banques, américaines notamment, comme Goldman Sachs, contribuant à la formation d’une nouvelle “bulle” boursière et à son éclatement à très court terme. L’économie “réelle”, elle, continue a contrario de se dégrader fortement. Cette euphorie, couplée à un battage médiatique, entretient certainement la confusion dans la tête des ouvriers et contribue également au manque de perspectives. La deuxième raison remonte à une vingtaine d’années, à savoir, la chute du mur de Berlin, du stalinisme, du “bloc de l’Est” et de la fameuse “mort du communisme”. En effet, aujourd’hui, simplement en discutant avec un bon nombre de personnes, on s’aperçoit que pour eux le système qui fut en place en Russie, dans les pays de l’Est et en Allemagne de l’Est, était le communisme, alors qu’il n’en était rien. Je pense et me rends compte que la désinformation et les mensonges sur le communisme proférés par la classe exploiteuse ont laissé des traces et sont encore malheureusement présents dans l’esprit des prolétaires. Aujourd’hui, beaucoup d’ouvriers pensent objectivement que ce système économique est en fin de vie et à l’agonie, mais ne savent tout simplement pas par quoi le remplacer, car on leur a martelé pendant des années, à travers les médias, la presse écrite, ses livres mais aussi et surtout par l’éducation, que le communisme était un système économique qui ne marchait pas et qui menait à des régimes dictatoriaux ou, au mieux, que c’était une utopie. Ce qui est faux bien entendu, il s’agit là d’un des plus grands mensonges de l’humanité. La troisième et dernière raison est que la crise ne frappe pas tous les salariés avec la même intensité et au même moment. Ce qui peut expliquer pourquoi un nombre limité d’ouvriers entrent dans des luttes désespérées, car isolées, et que d’autres sont encore en phase de réflexion et de mûrissement de leur conscience.
Voilà peut-être un début de réponse, qui n’engage bien évidemment que moi et qui, je l’espère, apportera quelques éléments à la réflexion collective..
Nous sommes d’accord avec chaque point de ce courrier. En fait, la violence avec laquelle frappe aujourd’hui la crise économique a, momentanément, un effet effrayant et paralysant.
Comme le souligne le camarade Al, les dernières luttes d’ampleur ont eu lieu en Grèce et aux Antilles fin 2008, début 2009. Ce n’est pas un hasard si la situation sociale s’est calmée précisément à ce moment-là, juste quand la crise a commencé à nous frapper plus fort. En général, et cela s’est vérifié fréquemment au cours des quarante dernières années, les moments de forte montée du chômage ne sont pas le théâtre des luttes les plus importantes. La classe ouvrière est en effet alors soumise à un chantage odieux mais efficace : “si vous n’êtes pas contents, beaucoup d’autres ouvriers sont prêts à vous remplacer”. De plus, les patrons et les gouvernements se replient derrière un argument “décisif” : “Nous n’y sommes pour rien si le chômage augmente ou si vous êtes licenciés : c’est la faute de la crise”. Se développe donc un certain sentiment d’impuissance. Les ouvriers n’ont pas face à eux simplement un méchant patron mais un capitalisme international en déliquescence. Toute lutte est une remise en cause de l’ensemble du système. Toute lutte pose, fondamentalement, la question d’un autre monde. Pour entrer aujourd’hui en grève, il faut non seulement avoir le courage de braver les menaces de licenciements et le chantage patronal, mais il faut aussi et surtout croire que la classe ouvrière est une force capable de proposer autre chose. Il ne lui suffit pas de percevoir que le capitalisme est dans une impasse pour que la classe ouvrière soit en mesure de se tourner vers une perspective révolutionnaire. Il faut encore qu’elle ait la conviction qu’une telle perspective est possible. Et c’est justement sur ce terrain que la bourgeoisie a réussi à marquer des points à la suite de l’effondrement de l’URSS, prétendument “patrie du socialisme”. La classe dominante est parvenue à enfoncer dans la tête des ouvriers l’idée que la révolution prolétarienne est un songe creux, que le vieux rêve du communisme est mort avec l’URSS (3). Les années 1990 ont été fortement marquées par l’impact de cette propagande. Pendant une décennie, les luttes ont été en fort repli. Même si cet effet “mort du communisme” a commencé à légèrement s’estomper au début des années 2000 et que notre classe est parvenue lentement à reprendre le chemin du combat, il en reste encore de nombreuses traces aujourd’hui. L’assimilation du stalinisme et du communisme, le manque de confiance de la classe ouvrière à bâtir de ses mains un autre monde, agissent comme des verrous.
Sommes-nous donc dans une impasse ? Certainement pas. La perspective est sans aucun doute vers des luttes de plus en plus nombreuses et importantes. Momentanément, notre classe a pris un coup sur la tête, elle est comme anesthésiée. Mais la crise reste le terreau le plus fertile au développement des luttes. Dans les mois et années à venir, la classe régnante va tenter de faire payer à tous les travailleurs les énormes déficits budgétaires qui s’accumulent, les plans de sauvetage des banques et de “relance” de l’économie. A ce moment-là, les fonctionnaires, en particulier, seront touchés à leur tour de plein fouet, et simultanément. La menace de licenciement planant moins lourdement sur leurs épaules, ils auront alors la responsabilité de mener en premier l’offensive et d’entraîner à leurs côtés les travailleurs du privé, les précaires, les chômeurs, les retraités… S’imposera alors l’idée que seule la lutte unie, massive et solidaire, tous secteurs confondus, peut freiner la brutalité des attaques. C’est par ce combat que la classe ouvrière forgera sa confiance en ses propres forces et en sa capacité de mener un jour à terme la révolution communiste mondiale, condition du renversement de l’exploitation.
Pawel, 21 novembre.
1) Au niveau international, néanmoins, le prolétariat mène quelques grèves passées sous-silence par un black-out presque total de tous les médias. Dans ce numéro, nous nous faisons ainsi l’écho de luttes récentes au Mexique et en Grande-Bretagne (voir pages 4 et 5).
2 ) N’hésitez pas à réagir vous aussi en nous écrivant sur notre boîte mail ou par courrier.
3) Lire l’article dans ce numéro en page 2 qui, à propos de la chute du mur de Berlin, traite justement de cette propagande nauséabonde assimilant le stalinisme et le communisme.
Depuis huit ans, la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF), mise sur pied par les Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001 pour faire rendre gorge au “terrorisme international”, sévit en Afghanistan. Depuis huit ans, après la “grande victoire” de la démocratie des premiers mois, on n’a vu qu’un enfer chaque jour plus brûlant s’instaurer dans ce pays et alentour. Sous le titre ronflant d’Operation Enduring Freedom, les 100 000 soldats de cette coalition impérialiste (plus les 200 000 soldats et policiers afghans) ont déjà subi des pertes s’élevant à plus de 1200 morts, sans compter les blessés et estropiés à vie dont les gouvernements se font fort de ne rien dire. Cela sans compter les plus de 2100 morts au sein de la population civile, prise en étau entre le feu des talibans, les attentats des membres d’Al-Qaïda et les bombardements des forces occidentales et afghanes (ces dernières étant responsables selon l’ONU de près de 40 % de ces victimes civiles !). Ainsi, à Kunduz, dans le Nord du pays, 90 civils sont morts sous les bombardements de citernes de carburant par la coalition début septembre dernier. Et c’est sans dénombrer encore les populations du Pakistan, dont on dénombre régulièrement les morts par dizaines, voire par centaines, sous la menace de mourir à tout moment dans un attentat terroriste. Car la première “victoire” de cette offensive guerrière est d’avoir réussi à creuser les sillons d’un désordre grandissant qui ne frappe plus seulement l’Afghanistan mais aussi de plein fouet son voisin le Pakistan. Une fois encore, à l’instar de ce qu’on a vu au Proche-Orient, en Irak, en ex-Yougoslavie et partout ailleurs, il est nécessaire de réaffirmer que les velléités impérialistes, quels que soient leurs oripeaux “pacifistes”, “démocratiques” ou “anti-terroristes”, derrière lesquels elles se drapent, ne font jamais que sonner la charge d’une aggravation des tensions guerrières avec leurs cohortes de morts et de populations plongées dans la terreur et une misère sans nom. Pour donner une idée de l’intérêt porté ne serait-ce que par la France à la population civile afghane qu’elle est venue contribuer à “libérer” du terrorisme, il faut savoir que 200 millions d’euros sont alloués pour l’armée contre 11 millions pour l’aide à la population civile. Et ce sont globalement 3,6 milliards de dollars par mois que coûte militairement ce “sauvetage” du peuple afghan qui crève à petit feu. A Kaboul par exemple, tandis que les parrains de la drogue paradent en 4x4 aux côtés des dignes représentants de la démocratie occidentale, environ 50 000 enfants travaillent dans les rues à laver des voitures, cirer des chaussures, ramasser des papiers, des enfants qui souffrent de faim, de maladies, de maltraitances, de violences et d’esclavagisme. Les conditions de vie s’aggravent dans tout le pays. Au Nord-Est du pays, au Badakhshan, une des régions au centre du trafic de l’opium, une étude de l’OMS considère qu’il y a 6500 décès maternels pour 100 000 naissances, ce qui constitue le chiffre le plus élevé jamais enregistré. Soixante-quinze pour cent des nouveaux-nés survivants meurent à leur tour à cause du manque d’alimentation, de chaleur et de soins. De plus, en moyenne, une femme enceinte a une chance sur huit de mourir, et il est vraisemblable que plus de la moitié d’entre elles n’aura pas atteint l’âge de seize ans. De cela, la bourgeoisie nous parle moins, contrairement au battage sur le cirque pour l’élection présidentielle afghane. Le président Karzaï, poulain de la coalition, élu à coups de grossières magouilles critiquées du bout des lèvres par les dirigeants occidentaux, et parrain notoire de la drogue, symbolise à lui seul le cynisme de ces derniers : comme l’a dit Kouchner, il est en effet totalement corrompu, mais c’est notre homme !
Malgré le ratage total que représente l’engagement militaire des Etats-Unis et de leurs alliés en Afghanistan, ceux-ci persistent et signent. Le Pentagone demande d’ailleurs 40 000 hommes supplémentaires, tout en se posant la question de “se rapprocher de la population civile et de lui démontrer que les forces étrangères sont venues pour elle, pour lui bâtir un avenir sécuritaire”. En attendant que se réalise cette illusoire perspective de plus en plus lointaine, Obama poursuit la même politique guerrière que son prédécesseur, avec exactement la même justification : réduire Al-Qaïda. Or, selon l’aveu du conseiller en sécurité nationale d’Obama au Congrès, James Jones, “La présence d’Al Qaïda est très réduite. L’évaluation maximale est inférieure à 100 exécutants dans le pays, aucune base, aucune capacité à lancer des attaques contre nous ou nos alliés.” Même au Pakistan voisin, les restes d’Al Qaïda ne sont presque plus décelables. Le Wall Street Journal signale : “Chassés par les drones étasuniens, en proie à des problèmes d’argent, et trouvant plus de difficultés à attirer les jeunes Arabes dans les montagnes sombres du Pakistan, Al Qaïda voit son rôle rapetisser là-bas et en Afghanistan, selon des rapports du Renseignement et des responsables pakistanais et étasunien.”
Alors pourquoi un tel acharnement puisque la menace justifiant cette guerre ne présente aucune réalité ? D’autant que les alliés de l’Amérique commencent à ruer de plus en plus dans les brancards (même Sarkozy, pourtant si va-t-en-guerre il y a peu, ne veut pas envoyer un soldat de plus) et déclarer ouvertement pour certains que c’est une guerre perdue d’avance. Ainsi, le Premier ministre canadien, Stephen Harper, disait récemment sur CNN : “Nous ne remporterons pas cette guerre simplement en restant là. Jamais nous ne battrons les insurgés.” La raison principale à la continuation de cette offensive, c’est le contrôle stratégique de cette région voisine de la Chine, de l’Iran et de la Russie, et de zones de circulation essentielle de matières premières, d’une région qui regarde aussi directement vers l’Afrique. C’est donc un enjeu majeur pour la première puissance mondiale, ses alliées et ses rivales qui se moquent tous bien du sort de la population et de son bien-être, mais desquelles on peut attendre qu’elles projettent de rester encore longtemps, semant toujours plus la désolation et les massacres.
Wilma, 21 novembre
Ces dernières semaines, tous les médias ont traité en long, en large et surtout de travers, des vingt ans de la chute du mur de Berlin. Des émissions spéciales et des documentaires historiques, des débats télévisés, des séries d’articles dans les journaux et les magazines, aucun de nous n’a pu échapper à cet immense battage. Pourquoi ?
Le but était de faire entrer dans la tête de chaque ouvrier et de leurs enfants, de gré ou de force, rien de moins que le plus gros mensonge de l’histoire. A en croire tous ces plumitifs et journalistes aux ordres, le 9 novembre 1989 est tombé un régime… communiste. Presque à chaque phrase ou à chaque ligne, au milieu des descriptions de l’horreur bien réelle des régimes staliniens (l’absence totale de liberté, la violence du pouvoir et les assassinats de sa police politique – en l’occurrence la Stasi – la pauvreté, la férocité de l’exploitation…), a été répété, martelé, le mot “communisme”. Dans un article du 2 novembre au titre sans équivoque “Communisme : les plaies derrière le mur”, le journal le Monde écrit ainsi : “Des hommes et des femmes transportés d’émotion, qui rient et qui pleurent ; des coups de pelle et de marteau, des mains qui en arrachent les fragments. La chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, figure parmi les plus grandes dates de l’histoire européenne. Deux ans avant la disparition de l’URSS, un premier coup fatal était donné à l’empire communiste.” Nous pourrions citer par centaines des passages de la même eau dans tous les grands journaux. Par exemple, le Figaro daté du 9 novembre étalait ce titre en première page : “La mort du communisme”. Et voici un dernier exemple : “les événements de la fin 1989 étaient le signal de la fin de la période ouverte par la révolution russe et la grande vague révolutionnaire qui avait ébranlé le monde capitaliste après la Première Guerre mondiale.” Et cette fois ce n’est pas le Monde, Libération ou le Figaro mais le NPA de Besancenot qui apporte là sa petite contribution à ce grand mensonge (1).
Cela dit, les plus attentifs auront remarqué une nuance, une petite voix apparemment divergente au milieu de toute cette propagande. Les médias, toujours à cœur d’éclairer la vitrine démocratique, ont laissé un droit de parole aux “ostalgiques”. Ce sont ces personnes de l’Est (ost en allemand) qui sont nostalgiques, qui regrettent le temps de la RDA. Mais à y regarder de plus près, c’est en fait la même camelote frelatée qui nous est refourguée ici. Certes, il y a un autre point de vue sur comment les ouvriers vivaient sous le stalinisme, mais le plus important demeure : ce régime est toujours et encore assimilé au communisme !
Les choses doivent être claires : le stalinisme a été un régime inhumain et sanguinaire, sans aucun doute, mais il n’a rien à voir avec le communisme. Il en est même l’antithèse ! Le stalinisme a été le fossoyeur de la Révolution russe. Dans les années 1920 et 1930, il a écrasé physiquement et idéologiquement le prolétariat. L’avènement du stalinisme marque le triomphe de la contre-révolution et de la bourgeoisie. En URSS et donc en RDA, il n’y a pas eu une ombre de communisme. Ce qui s’est donc effondré ce 9 novembre 1989, ce n’est pas la société sans classe rêvée depuis toujours par les opprimés mais au contraire une forme particulièrement brutale de capitalisme d’Etat (2).
La bourgeoise est pourtant parvenue jusqu’à maintenant à convaincre le prolétariat mondial du contraire. Comment ? En utilisant cette méthode de propagande décrite par Joseph Goebbels (le ministre de la propagande sous Hitler) : “Un mensonge répété mille fois reste un mensonge, un mensonge répété un million de fois devient une vérité.” C’est donc un million de fois que la bourgeoisie a répété et répété encore que le stalinisme était du communisme, que ce régime barbare était le régime de la classe ouvrière et qu’enfin, la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS était l’issue inexorable de la révolution ouvrière de 1917.
Ce faisant, la classe dominante est réellement parvenue à empoisonner la conscience ouvrière. Dans les années 1990, et dans le monde entier, la combativité de notre classe a très fortement diminué. Pourquoi lutter, en effet, si aucun autre monde que le capitalisme n’est possible ? Pourquoi lutter si la lutte ouvrière mène forcément à l’horreur du stalinisme ? Cette absence de perspective a fortement pesé sur la classe ouvrière durant les années 1990 et cela continue d’être un frein important aux luttes aujourd’hui. Par son intense propagande pour célébrer les vingt ans de la chute du mur de Berlin, la bourgeoisie frappe où cela fait mal ; elle remue avec un plaisir sadique le couteau dans la plaie.
Néanmoins, la propagande actuelle n’est pas l’exacte copie de celle des années 1990. L’assimilation frauduleuse du stalinisme et du communisme est identique, nous venons de le voir. Mais il y a vingt ans, ce message était complété par un “Le communisme est mort. Vive le capitalisme !”. Deux ans après la chute du mur, le 6 mars 1991, George Bush père, président des États-Unis d’Amérique, osait même annoncer l’avènement d’un “monde où les Nations unies, libérées de l’impasse de la guerre froide, sont en mesure de réaliser la vision historique de leurs fondateurs. Un monde dans lequel la liberté et les droits de l’homme sont respectés par toutes les nations”. Une nouvelle ère de paix et de prospérité devait s’ouvrir.
Aujourd’hui, évidemment, le discours officiel a dû, pour le moins, s’adapter. La guerre décime des populations entières. La planète est peu à peu détruite. La crise économique plonge dans le dénuement le plus total, dans la famine, des centaines de millions de personnes… Exit donc la fameuse victoire historique du capitalisme ! A la poubelle, toutes les belles promesses d’un avenir qui chante ! Ce qui reste, c’est la victoire de la “liberté d’expression” ou, pour reprendre une formule de Coluche, le “Ferme ta gueule” de la dictature a été remplacé triomphalement par le “Cause toujours” de la démocratie.
Il y a vingt ans, un pan entier du capitalisme à bout de souffle s’est effondré avec le mur de Berlin. Aujourd’hui, le reste suit peu à peu, lambeaux après lambeaux. Qu’il agisse sous le masque d’un régime totalitaire ou d’un Etat démocratique, le capitalisme va continuer d’infliger à l’humanité toujours plus de misère et de guerre. Mais le prolétariat est capable de construire de ses mains un autre monde, une société sans classes et sans exploitation, une société basée non sur le profit mais pour l’épanouissement de tous. Pour cela, il faut rejeter l’assimilation du communisme et du stalinisme ; il faut que notre classe reprenne confiance en elle et dans ce monde qu’elle seule est capable de bâtir !
Tibo, 13 novembre
1 ) Source : “Chute du mur : le début d’une nouvelle période…”.
2 ) Nous ne pouvons dans le cadre de cet article développer notre argumentation sur les raisons de la victoire de la contre-révolution stalinienne. Nous renvoyons nos lecteurs aux multiples articles de notre presse sur ce sujet, notamment le plus récent : “Il y a 20 ans : la chute du mur de Berlin [5]”.
“Je connais des gens inquiets du fait que l’immigration fragilise leurs salaires et les perspectives d’emplois de leurs enfants” (1). Quel est l’auteur de ces propos aussi révoltants que nauséabonds ? Un militant d’extrême-droite ? Non ! Il s’agit du Premier ministre britannique, homme de gauche, Gordon Brown ! Les immigrés indésirables sont, ce n’est pas nouveau, des boucs émissaires “responsables du chômage et de la misère” ! Les dirigeants de ce monde, que ce soient les Brown, Besson ou autres, exploitent toujours la bassesse des instincts populistes et savent joindre le geste à la parole : ratissages policiers, rafles, tracasseries administratives, expulsions...
Dans bon nombre de pays, comme par exemple en Grande-Bretagne, les nouveaux arrivants sont presque systématiquement confrontés à la prison (2), au travail au noir sous-payé, au racisme et à la terreur. Bon nombre d’Etats encouragent désormais, au nom de la sécurité, des sortes de rondes de nuit (comme en Italie ou en Grande-Bretagne) où les citoyens sont appelés à participer pour dénoncer à la police tous ceux qui peuvent paraître “suspects”, notamment les immigrés. Dans la plupart des pays européens, louer un logement à un immigré clandestin ou l’héberger est passible d’emprisonnement. En Italie, une loi prévoyait même, dans sa première mouture, d’obliger les médecins, les directeurs d’école et les facteurs, à dénoncer les immigrants en situation irrégulière !
Dans ce contexte, l’opération conjointe des autorités françaises et britanniques, le 22 octobre dernier, contre des réfugiés afghans, n’est qu’un épisode supplémentaire des drames humains qui se succèdent et que vivent les étrangers en situation irrégulière. Sur vol charter franco-britannique, des jeunes étaient alors expulsés vers leur pays en guerre. Le comble du cynisme, c’est que le ministre Besson, le gouvernement et les médias en France nous ont présenté le sort de ces malheureux comme l’application d’une politique humaine presque charitable. Ces réfugiés ne seront t-ils pas “logés à l’hôtel” ? Dans une zone “sécurisée” de Kaboul ? Aux “frais de la princesse” (puisqu’ils vont soi-disant toucher 2000 euros) ? A les écouter, il s’agirait presque de vacances au club Méditerranée !
De qui se moque-t-on ? En réalité, comme dans la plupart des cas, il s’agit de se débarrasser des bouches inutiles pour le capital en se souciant comme d’une guigne des conséquences souvent meurtrières des expulsions. Ce que pense la bourgeoisie, réellement, se résume en peu de mots : “qu’ils aillent crever chez eux !”. Par une législation durcie et une intervention musclée, la bourgeoisie a fait de l’Europe une véritable “forteresse”.
Bien sûr, pour faire bonne figure, la gauche en France, championne de l’hypocrisie, fait mine de s’offusquer d’une politique attribuée à dessein à la seule et unique “méchante droite”. De la bouche de Martine Aubry, on entend ainsi parler de “charters de la honte”, quant au docteur Kouchner, la main sur le cœur, il nous dit qu’il “n’aurait surtout pas fait cela” ! Mais leur duplicité donne envie de vomir. Rappelons-nous en effet que toute cette clique de gauche applaudissait, du temps d’Edith Cresson, quand elle conduisait brutalement par charters entiers les déshérités aux frontières. Michel Rocard affirmait alors : “on ne peut pas accueillir toute la misère du monde” ! En matière de répression contre les immigrés et les clandestins, le PC n’a rien à envier lui non plus aux “socialistes”, quand par exemple, dans les années 1980, il expulsait les immigrés à Vitry-sur-Seine à coups de bulldozers. Et que dire de la CGT qui, il n’y a pas si longtemps de cela, manu militari, expulsait les sans-papiers (femmes et enfants) de ses propres locaux !
Aujourd’hui, les pays européens ont renforcé leur politique de contrôles, de façon coordonnée, notamment sous l’impulsion de l’Allemagne (3). Les pays de l’espace Schengen rejettent désormais jusqu’à 90 % des demandes d’asile, au motif que le but des candidats est d’abord “économique”. C’est au nom de ces “abus” qu’un ministre comme Besson demande maintenant la mise en place de “vols conjoints sous bannière européenne”. C’est pour cela qu’un centre franco-britannique de renseignements opérationnels a déjà vu le jour à Folkestone (depuis le 2 septembre de cette année) comprenant des agents des deux pays pour traquer les “indésirables”.
Si ces initiatives encouragées par le ministre français Besson (4) ne peuvent que se développer et contribuer à atteindre l’objectif de la France, qui est d’expulser 27 000 migrants sans-papiers pour l’année 2009, elles témoignent surtout d’une paranoïa sécuritaire grandissante qui gangrène l’ensemble de la bourgeoisie mondiale. Et c’est principalement la classe ouvrière qui en fait les frais ! Alors que la crise économique signe la faillite du système capitaliste, que le chômage de masse atteint des sommets, les grandes démocraties, celles qui viennent de fêter en grandes pompes les 20 ans de la chute du mur de Berlin, n’ont aucune perspective d’avenir à proposer aux immigrés ni à l’ensemble des autres prolétaires : sauf la division, la répression et la misère. La bourgeoisie utilise les matraques, les camps de rétentions et les charters pour chasser les prolétaires en survie hors des pays dits “riches”. Le “modèle démocratique européen”, tant vanté par la bourgeoisie, n’est que celui d’un bunker capitaliste supplémentaire, lui aussi sans avenir.
WH, 12 novembre
1) Source : Lepoint.fr (extrait d’une interview au Daily Mail).
2) 200 demandeurs d’asile sont en prison en GB.
3) Au point que certains parlent de “germanisation de la politique européenne en matière d’immigration” . Voir le site de la Deutsche Welle : "Immigration : l'empreinte de Berlin [7]".
4) N’oublions pas que cet individu a été le directeur de campagne de Ségolène Royal lors des dernières présidentielles...
Nous avons reçu de la part de la CNT-AIT de Toulouse la communication que nous publions ci-dessous.
Nous sommes entièrement d’accord avec les camarades qu’il s’agit là d’une tentative d’intimidation par l’Etat contre des militants et contre la classe ouvrière en général. Le contraste entre la sévérité des peines demandées et le silence bienveillant et complice qui a couvert des criminels de guerre comme Karadzic et Mladic pendant tant d’années depuis la guerre en ex-Yougoslavie est on ne peut plus parlant quant à l’hypocrisie de l’accusation de “terrorisme”.
Nous exprimons toute notre solidarité envers les militants emprisonnés et leurs familles, et nous encourageons nos lecteurs de faire diffuser le plus largement possible la déclaration de la CNT-AIT.
CCI, 27 octobre
Vous êtes certainement au courant que des militants anarcho-syndicalistes serbes, dont l’actuel secrétaire de l’AIT, sont détenus dans la prison de Belgrade. La procédure engagée à leur encontre est celle de “terrorisme”. A l’heure actuelle nous ne savons pas jusqu’où elle ira. L’accusation repose sur des allégations de dégâts matériels minimes qui auraient été commis par un groupe anarchiste à l’encontre de l’ambassade grecque de Belgrade en solidarité avec un compagnon grec toujours emprisonné. Les accusés nient les faits, ils encourent de 3 à 15 ans de réclusion. Cette disproportion entre les faits reprochés et l’accusation nous fait penser que la volonté du pouvoir serbe est de museler nos compagnons dont l’activité militante gêne visiblement.
Nous vous demandons par la présente de diffuser le plus largement possible le communiqué de l’ASI suivant :
Le 4 septembre 2009, le tribunal local de Belgrade a décidé que les militants de l’ASI seront incarcérés durant 30 jours. Nos compagnons sont accusés d’un acte de “terrorisme international”.
La Confédération de syndicats “Initiative anarcho-syndicaliste” a été informée par les médias de l’attaque contre l’ambassade grecque et de l’organisation qui l’a revendiquée. Nous en profitons pour rappeler encore une fois à l’opinion publique que ces moyens de lutte politique individualiste ne sont pas ceux de l’anarcho-syndicalisme, au contraire : nous affirmons publiquement nos positions politiques et cherchons à attirer les masses vers le mouvement syndicaliste et les organisations libertaires et progressistes à travers notre action.
L’État veut faire taire nos critiques avec ses moyens de répression, il le fait avec sa logique absurde, en déclarant suspects ceux qui expriment publiquement leur point de vue libertaire et conclue l’affaire en les enfermant pour donner une fausse image à l’opinion publique. On peut remarquer les formes peu scrupuleuses d’action des institutions du régime et ce dès les premiers moments de la détention, la perquisition illégale des appartements, l’intimidation des familles et les accusations disproportionnées de terrorisme international.
Bien que nous ne soutenions pas les actions du maintenant célèbre groupe anarchiste “Crni Ilija”, nous ne pouvons pas les caractériser comme du “terrorisme international” puisque le terrorisme, par définition, est une menace contre la vie de civils, alors que dans ce cas personne n’a été blessé et que les dégâts matériels furent symboliques. Il est clair que cette farce de l’État est un moyen d’intimider ceux qui dénoncent l’injustice et le désespoir de cette société.
En ces temps d’endormissement social il y a des individus qui font le choix d’actions incroyables, quelquefois auto-destructives, pour rompre le blocage médiatique et attirer l’attention sur leurs demandes (souvenons-nous des travailleurs qui se sont coupés les doigts et se les ont mangés, ou par exemple, de cet homme désespéré qui a menacé de faire exploser une grenade dans l’édifice de la présidence serbe), cela pour que leurs problèmes soient connus plus largement.
Nous ne laisserons pas convaincre qu’un tel acte symbolique de solidarité, bien qu’exprimé de façon erronée, puisse être considéré comme un acte antisocial ou terroriste, cela comme n’importe quel acte de rébellion de ceux qui ont été dépossédés de leurs droits. Nous exprimons notre solidarité avec les compagnons incarcérés et leurs familles et demandons qu’on établisse la vérité sur cette affaire.
Liberté pour les anarcho-syndicalistes !
Initiative anarcho-syndicaliste
5 septembre 2009
(Ces deux textes sont tirés d'un seul et même article réalisé par World Revolution (WR), organe de presse du CCI en Grande-Bretagne.)
La grève à Tower Hamlet College a été remarquable à plusieurs titres. Le simple fait qu’une grande proportion de l’équipe enseignante de tout le collège (1) se soit mise en grève illimitée contre la menace de supprimer des postes a été en lui-même un signe de leur détermination et de leur combativité, quand on sait que tant de grèves sont réduites à une protestation d’un à deux jours. Et peut-être plus importantes encore ont été les claires expressions de solidarité de classe qui ont accompagné cette grève. Cet aspect implique à la fois les grévistes eux-mêmes et un nombre significatif d’autres travailleurs.
Les enseignants du collège en grève étaient membres de l’UCU (University and College Union), mais, dès le début de la grève, ils ont laissé les assemblées générales ouvertes à tous les employés du collège ; et lorsque, pendant la grève, il est devenu difficile pour les non-enseignants qui n’avaient pas rejoint la grève d’assister aux assemblées générales pendant leurs heures de travail, les enseignants en grève décidèrent de faire des AG durant l’heure des repas pour permettre à cette catégorie de personnel de venir discuter avec les grévistes. Il y a eu un sentiment fort de la part du personnel non-enseignant, dont la plupart est membre de l’Unison (2), qu’ils devaient se joindre à la grève, bien que cela ait été contrecarré par le légalisme syndical. Les grévistes ont aussi fait un effort considérable pour envoyer des délégations vers d’autres collèges locaux et sur d’autres lieux de travail pour expliquer leur situation aux autres ouvriers. Ceci s’est traduit par la participation de nombreux ouvriers aux piquets de grève – non seulement avec des enseignants d’autres collèges mais aussi de pompiers par exemple – et par des rassemblements appelés en soutien à la grève.
Depuis le début, il était évident que la lutte au THC n’était pas une simple réaction contre un administrateur au cœur particulièrement dur et son plan personnel pour rendre THC plus rentable, mais que les réductions de personnel étaient un test en préparation à de plus amples attaques dans le secteur de l’éducation. C’est cette compréhension qui explique, par-dessus tout, cette naissance d’une large sympathie pour cette grève au. THC.
La volonté des travailleurs du THC de se mobiliser pour les boulots de leurs collègues (qui ont une fonction sociale importante dans une communauté locale où obtenir une qualification ESOL est essentiel pour trouver du travail plus tard) a été un signe indéniable de ce que les salariés ne baissent pas les bras face aux attaques et il est révélateur de leur conscience que cela peut faire réfléchir d’autres patrons dans le secteur de l’éducation avant de ressortir de nouvelles suppressions de postes. Ceci explique certainement pourquoi la direction du THC a été contrainte de faire des concessions après quatre semaines de grève, en particulier en retirant quelques licenciements annoncés.
Cependant, bien que l’UCU (University and College Union) se soit déclarée satisfaite des résultats de la grève, et bien que les gauchistes du SWP aient crié à la “victoire”, le bilan réel est plus que mitigé comme on peut le voir à partir des réflexions d’une des grévistes qui a écrit régulièrement sur le forum de discussion internet de Libcom. Tout en reconnaissant que d’importantes concessions avaient été acquises, c’est-à-dire la sauvegarde de 7 postes et l’amélioration des accords de licenciements, elle a mis en avant d’importantes critiques sur la façon dont la fin du conflit a été organisée par les syndicats :
“La prétendue victoire tient dans ce qu’il n’y a pas eu de licenciements forcés. A la place, les 13 postes menacés ont été redéployés, des licenciements ont été reportés après être passés devant le tribunal ou certains ont accepté de soi-disant départs volontaires. Il n’y a pas eu de retrait de la menace de licenciements forcés. Il n’y a eu aucun accord pour garantir le maintien de nos contrats actuels. Grâce à des menaces et à des pots-de-vin, certains des licenciements secs ont été présentés comme volontaires. La pression est venue à la fois de la direction et des syndicats. Les responsables nationaux aussi bien que locaux ont téléphoné à des gens menacés de licenciement en leur disant qu’ils devaient accepter le licenciement dit volontaire. Deux jours avant la “découverte” de l’Acas (3), notre assemblée générale avait affirmé que, bien qu’il fût clair que les gens souhaitaient arrêter la grève, nous étions préparés à la mener jusqu’au bout afin de protéger ces derniers, et ceux-ci n’étaient pas encore sous la pression d’accepter un accord. L’accord proclame que les licenciements forcés ont été évités et c’est la “victoire” à laquelle crient l’UCU, le SWP, etc. En fait, il y a eu des licenciements forcés “volontaires” – des salariés ont subi des pressions pour accepter leur licenciement “volontaire”. Cette salade nous a été vendue au milieu du sabotage éhonté de l’assemblée générale où la discussion avant et pendant l’assemblée avait été rendue impossible à cause des cris des membres officiels du syndicat. Il y a eu un court débat, la plupart des gens intervenant contre l’acceptation de l’accord mais à la fin, il y a eu 24 votes contre, beaucoup d’abstentions et la claire majorité votant l’accord et le retour au travail (bien que par ailleurs l’assemblée ait été bien sûr moins nombreuse que nos habituelles assemblées hebdomadaires). Nous sommes retournés au travail le vendredi matin. Là où je travaille, il y a eu un soulagement de ne pas être restés en grève plus longtemps mais aussi beaucoup de malaise sur la façon dont la lutte s’est achevée et sur la réalité à laquelle nous sommes à présent confrontés.”
Des discussions avec les grévistes, il ressort clairement que la plupart, sinon tous, ont cru que le renforcement de leur lutte était identique au renforcement et à la montée en puissance de l’UCU. Et pourtant, les citations ci-dessus montrent clairement tout le contraire : l’UCU a oeuvré contre les ouvriers et la grève.
Un moment crucial dans le développement de la grève, et qui a permis que cette position ambiguë soit mise en avant, a été le vote des ouvriers membres d’Unison de se joindre à la grève. Selon de nombreux enseignants en grève, que ce soit avant ou après le vote, les ouvriers membres d’Unison avaient montré clairement au cours des assemblées générales qu’une majorité d’entre eux était favorables à la grève – un pas qui aurait forcé la direction à fermer le collège plutôt que de le laisser ouvert avec une équipe squelettique. Mais le vote, qui avait été reporté presque jusqu’à la fin de la grève, a eu pour résultat une très étroite défaite de la proposition de se mettre en grève. Comme un des membres du collectif Libcom l’a dit :
“C’est une bonne illustration de la nature de classe anti-ouvrière des votes individuels et privés (les seuls qui soient légaux). Il est facile de se sentir démoralisés et isolés en votant chez soi ou à bulletins secrets, ce qui est tout le contraire d’une assemblée générale où l’on peut gagner la confiance collective et quelque influence.”
Le problème ici a été que, malgré le fait que les ouvriers membres de l’UCU étaient prêts à ouvrir leurs assemblées générales à ceux de l’Unison, et que ces derniers étaient généralement prêts à démontrer leur solidarité, il n’y a pas eu suffisamment de compréhension du besoin de mettre le contrôle de la lutte dans les mains des assemblées, d’insister sur le fait que la décision de se mettre en grève aurait dû être faite non pas dans des votes syndicaux isolés et atomisés, mais dans les assemblées générales elles-mêmes. Cela aurait signifié une remise en cause du contrôle des appareils syndicaux. C’était un pas que n’a pu franchir cette lutte-ci, mais il faut en tirer les leçons pour les luttes futures.
Alors que les ouvriers des postes attendaient le résultat de leur récent vote national pour se mettre en grève (ce vote a été reculé de trois semaines par le syndicat CWU - Communication Workers Union), leur situation se présentait de plus en plus mal. Depuis la fin de la grève nationale de 2007, et particulièrement au cours des 18 derniers mois, les ouvriers des postes de tout le pays sont confrontés à une attaque massive de la direction de Royal Mail (RM) pour imposer des coupes claires dans le personnel, à des attaques sur les conditions de travail et à des baisses de salaires. Ces dernières années, RM a supprimé 40 000 emplois et cherche activement à en supprimer 30 000 de plus. Les postiers ont aussi vu la disparition de leurs fonds de pension et l’imposition par un décret de la direction recul de l’âge de la retraite de 60 à 65 ans. La direction de RM a ressorti les tactiques les plus brutales d’intimidation et de harcèlement pour imposer son plan de “modernisation”. Dans tout le pays, RM a nommé des directeurs venant d’autres entreprises pour imposer les nouvelles conditions de travail dans les bureaux locaux en désaccord.
“‘Habituellement, j’aime mon travail mais à présent l’intimidation et le harcèlement sont en dehors de tout contrôle’, dit Pete qui a travaillé à la poste pendant 30 ans et se trouvait parmi les 12 solides membres du piquet de grève au centre de distribution d’East London à Essex Thorrock” (Socialist Worker-online du 29 août 2009).
“Il y a toujours un chef derrière vous. Franchement, je trouve très gênant de devoir lever la main pour demander à quelqu’un qui a la moitié de mon âge si je peux aller aux toilettes” (Ibid.).
On dit aux employés chargés de la distribution du courrier que maintenant ils doivent “optimiser” leur tournée et qu’ils doivent pour cela faire des heures supplémentaires. Tout refus entraînerait une sanction disciplinaire et ce point était l’un des termes des “accords de modernisation” conclus entre RM et le CWU à la fin de la grève de 2007.
Le CWU a en effet proclamé son accord avec cette pression pour “moderniser”. Il dit que les patrons de RM sont contraints à cette modernisation des services, y compris les baisses de salaires et les pertes d’emploi, sans consultation préalable. “Le secrétaire général du CWU, Dade Ward, pense qu’il ne peut y avoir de changement réussi de Royal Mail sans accord syndical… ‘La modernisation est cruciale pour le succès futur de RM, mais l’amélioration du changement doit être acceptée et être amenée avec des salaires et des conditions de travail modernes. Nous voulons voir un nouvel accord de sécurité du travail qui aidera les gens à s’adapter à ce changement bénéfique pour l’entreprise’” (BBC News du 16 septembre 2009). Déjà, à l’issue de la grève de 2007, Billy Hayes et lui avaient démontré le même souci quand ils signèrent l’accord pourri qui donna 6,9 % et une prime de 400 livres comme provision sur “la productivité et la flexibilité à mettre en phase 2 du processus de modernisation”.
En 2007, la grève a été défaite par l’utilisation de la tactique syndicale de la “grève tournante” qui a vu l’usure du mouvement grâce à des actions partielles et limitées dans le temps et géographiquement. Cependant, au cours de la lutte, il y a eu d’importantes expressions de solidarité de classe, notamment avec le refus des ouvriers au travail de franchir les piquets de grève, qui ont été significatives non seulement pour les ouvriers en Grande-Bretagne mais internationalement car elles constituaient un défi pour la capacité du CWU de contrôler la grève au niveau national.
Aujourd’hui, le CWU a essayé de faire usage de ces mêmes tactiques. Bien avant le vote pour une grève nationale (les résultats étaient annoncés pour le 8 octobre), il a tenté de d’enfermer et d’épuiser le mouvement dans le localisme. Ainsi des grèves de deux jours ont eu lieu dans des régions spécifiques, principalement à Londres, dans les Midlands, à Bristol et dans le Yorkshire. Une fois de plus, la colère et la frustration des ouvriers des postes a éclaté en grèves sauvages comme dans l’Ouest de l’Ecosse en septembre, où les postiers se sont mis en grève illégalement pour protester contre la suspension de chauffeurs après leur refus de forcer les piquets de grève. De même, le bureau de Liscard à Wallasey, dans le Merseyside, a connu un arrêt de travail spontané pendant 5 jours pour protester contre la suppression arbitraire d’équipes dans les tournées. D’autres bureaux ont aussi participé à des actions sauvages mais il y a eu un black-out lorsqu’elles se sont produites. Cependant, contrairement à 2007, ces actions non-officielles ont été le travail d’une petite minorité du mouvement.
Un autre aspect du sabotage syndical se voit dans la tentative du CWU de faire de cette grève une lutte pour que le syndicat soit en mesure de négocier avec la direction. RM, avec le plein soutien du gouvernement, essaye de supprimer des emplois et de mettre en œuvre des conditions de travail aggravées pour les ouvriers de la poste. La défense contre ces attaques est un combat pour de véritables revendications de classe. Défendre la capacité des syndicats de négocier des accords accords revient en fait à aider les patrons à vaincre la grève et à faire passer leurs attaques.
SM&G, 3 octobre
1) En Grande-Bretagne, un “college” est un établissement d’enseignement supérieur. Pour des raisons de commodité, nous le traduirons par le mot français “collège”.
2) Un des principaux syndicats de Grande-Bretagne.
3) L’Acas (Advisory, Conciliation and Arbitration Service) est un organisme qui a été chargé de “mener” les négociations entre la direction et les syndicats après plusieurs semaines de grève.
Nous publions ci-dessous une lettre que nous a adressé un militant syndicaliste, JM, sur la question du rôle des syndicats dans les luttes et de la réelle volonté de combattre des syndiqués, ainsi que de larges extraits de notre réponse.
Chers camarades,
Je suis infirmier de secteur psychiatrique dans un hôpital (de province) où travaillent près de 2000 agents. J’ai 47 ans et suis à la tête du syndicat CGT local (75 % aux élections professionnelles) dont sont adhérents 350 salariés actifs et 1000 retraités. J’ai découvert par hasard votre revue dans un supermarché Casino. Mon attention s’est d’autant plus portée sur elle qu’un article concernait l’ordre infirmier.
Nous avons combattu, localement, la création de cet ordre (tracts, assemblées générales) mais nous nous sommes heurtés à grande indifférence de la part des collègues… Nous avons, contre l’avis de la fédération Santé CGT, décidé de présenter quelques candidats qui se sont fait élire pour contrer de l’intérieur cette instance corporative et répressive, inutile à la profession. Votre article rend très bien compte du sujet.
En ce qui concerne le syndicalisme, ses permanents et ses travers, je ne peux que reconnaître que tout n’est pas faux. Moi-même, je suis détaché à 80 % et ne “travaille plus” qu’un jour par semaine sur un groupe de pré-adolescents. Mais ces quatre jours de détachement ne sont pas suffisants et je suis obligé de continuer mon activité syndicale le soir à la maison, les week-ends, voire pendant les vacances… Aussi quelquefois, lorsqu’un permanent, éloigné du terrain, se met à me donner des leçons, j’ai un peu les “boules”…
Par contre, votre haine irrépressible vis-à-vis du syndicalisme “institutionnel” vous aveugle, au point de tenir des propos simplificateurs qui entachent la rigueur intellectuelle que vous vous efforcez d’affecter… Dire : “92 % de salariés estiment ne pas ressentir le besoin de se syndiquer”, c’est un propos digne du pire partisan du Medef ou de l’UMP. C’est méconnaître totalement le terrain. A croire que vous n’avez jamais rencontré un salarié du privé !
Récemment, à quelques militants, nous avons soutenu un petit syndicat CGT d’une clinique privée du groupe ORPEA. Elles étaient quatre jeunes filles, infirmières et aide-soignantes. La direction les a tellement harcelé qu’elles ont fini par démissionner…
Autre exemple : ma belle-fille travaille dans un magasin d’une enseigne de prêt-à-porter. Les heures supplémentaires ne sont pas payées, les contrats sont précaires et à temps partiel. Bientôt le dimanche sera un jour comme un autre…
Inutile de dire qu’il n’y a aucun délégué syndical, aucun élu du personnel, que toutes (ce sont des jeunes filles) “ferment leur gueule”. Monter un syndicat ? Personne n’ose en faire partie…
Dans mon unité de soins à l’hôpital, je travaille avec un jeune éducateur (30 ans) qui était adhérent à la CNT pour finalement rejoindre la CGT. Etonné de sa décision, je lui en faisais la remarque. “Mais, JM, il faut être logique, ici la CGT est la seule à faire quelque chose concrètement”, me répondit-il.
Enfin vous relayez : “les syndicats canalisent les révoltes…”. Là encore, cela participe à la décrédibilisation qui tente de nous faire disparaître. A l’hôpital, la direction a voulu sécuriser les cours des unités d’accueil et de crise (coupes des arbres, érection de murs d’enceinte). Les agents qui y travaillent ont râlé quelque peu… Nous avons décidé d’une action symbolique pour protester : un rassemblement avec la plantation d’un arbre contre le tout sécuritaire et une conférence de presse.
Désolé de vous dire que les “jeunes en révolte” ne nous ont guère “poussé au cul”, c’est peu dire…
Si à Caterpillar la base pousse, c’est qu’elle n’a plus rien à perdre. Ailleurs, ce n’est pas encore le cas.
Et on ne fera pas la révolution en tapant plus souvent qu’il ne faut sur ceux qui tentent de faire quelque chose contre le système. Pendant ce temps, ceux qui l’érigent en modèle à leur seul profit, sont bien tranquilles…
Bien cordialement.
Camarade,
[…] Comme tu le montres dans ta lettre, un certain nombre de membres de syndicats sont totalement de bonne foi et nous sommes tout à fait d’accord avec toi quand tu montres l’énergie qu’ils consacrent à ce qu’ils pensent être la défense de leurs camarades ouvriers ; le problème est de savoir si cette énergie dépensée sert cette cause ou si, au contraire, elle la dessert.
De la même manière, tu as aussi raison quand tu mentionnes que dans un certain nombre de petites entreprises, y compris dans le secteur de la santé, des membres des syndicats sont réprimés par le patron de multiples manières. Mais là aussi, toute l’histoire nous montre que ce n’est pas parce que la répression s’abat sur des hommes qui se battent que leur combat est orienté vers un mieux pour l’humanité. A titre d’exemple, les nombreux combats nationalistes qui existent dans le monde sont le plus souvent violemment réprimés, et pourtant ces combats n’apportent que chaos et barbarie sans aucune amélioration pour les ouvriers et les autres opprimés.
Ce n’est donc pas le fait qu’en telle ou telle circonstance, des membres des syndicats sont réprimés qui permet de savoir si leur positionnement sert à améliorer le sort des ouvriers. Ce qui doit nous guider, c’est l’examen du sens de l’action des syndicats dans l’ensemble des luttes qui ont eu lieu dans le passé ou qui se déroulent actuellement. C’est seulement de cette manière que nous pourrons avoir une vue globale, générale de l’action des syndicats et que nous pourrons donc l’analyser et savoir si elle sert les intérêts de la classe ouvrière.
Il est certain qu’au xixe siècle, dès que les ouvriers ont pu imposer l’existence des syndicats, ces derniers ont réellement organisé les luttes contre le patronat et contre l’Etat. Ils avaient certaines limites qui ont été montrées par les communistes, mais, malgré cela, ils furent de réels moyens de lutte de la classe ouvrière.
Or, pendant la plus grande partie du xxe siècle, nous ne constatons pas la même chose. Il faut tout d’abord souligner que, même en se limitant à la crise économique que le capitalisme connaît depuis le début des années 1970, l’action des syndicats n’a pas permis d’empêcher la dégradation des conditions de vie et de travail des ouvriers. Et, d’après nous, non seulement, elle n’a pas permis d’empêcher cette dégradation mais, au contraire, les syndicats ont systématiquement agi dans le sens d’empêcher la lutte en la divisant et en la sabotant.
La condition majeure de la force des ouvriers en lutte est la solidarité qu’ils peuvent mettre en oeuvre car c’est la base de l’unité entre ouvriers d’un même établissement ou d’usines, de corporations ou de secteurs différents. Or, dans la pratique, on voit que les syndicats provoquent systématiquement toutes sortes de divisions qui empêchent cette solidarité et cette unité.
Donnons quelques exemples. Tout d’abord, les querelles qui existent entre syndicats divisent les ouvriers et souvent en démoralisent une partie. Mais les divisions provoquées par les syndicats ne s’arrêtent pas là, loin de là. Ainsi, dernièrement, alors que des ouvriers sont licenciés dans de nombreuses entreprises, les syndicats n’ont rien fait pour que les luttes se rassemblent et s’unifient. Au contraire, ils ont montré le fait de travailler dans telle ou telle usine comme une spécificité : ainsi, les ouvriers de l’usine Molex sont devenus “les Molex”, ceux de l’usine Continental sont devenus “les Conti”, etc. Ce faisant, ils ont poussé les ouvriers de chacune de ces usines à lutter de manière isolée. Dans de telles conditions, ces ouvriers se sont épuisés, ce qui a permis aux directions des entreprises de faire passer les licenciements et de n’accorder que des indemnités très basses.
Et ces divisions par usine, par corporation ou par secteur, entretenues ou provoquées par les syndicats, ne datent pas d’hier. Par exemple, en 2003, lors de la grève des enseignants contre l’allongement des annuités nécessaire pour obtenir la retraite prévue par la loi Fillon, non seulement les syndicats ont empêché que d’autres corporations (RATP, La Poste) du secteur public se mettent en grève avec le personnel de l’éducation nationale, mais en plus, ils ont fait reprendre le travail à tout le personnel technique (dit IATOS) des établissements lorsque le gouvernement a reporté la décision qui faisait dépendre l’emploi de ces personnels du Conseil régional (mesure qui a, d’ailleurs, été appliquée quelques temps plus tard). En faisant cesser la grève à ces personnels, ils ont laissé les enseignants en lutte tous seuls ; un tel isolement a rendu leur défaite inévitable.
On peut aussi citer l’exemple du secteur dans lequel tu travailles car il est édifiant. Lors de la grève des infirmières en 1988, la CFDT avait mis en place une nouvelle structure, “la coordination infirmière”, qui a mis systématiquement en avant la revendication selon laquelle les infirmières n’avaient pas le salaire qu’elles auraient dû avoir du fait de leur niveau d’étude (bac + 3) ; une telle revendication ne pouvait que gêner ou décourager tous les ouvriers qui n’avaient pas ce même niveau de diplômes d’être solidaires avec elles. D’autre part, au moment où la grève a éclaté, c’est-à-dire au moment où le mouvement était le plus fort, la CGT avec les autres syndicats ont découragé l’entrée en lutte des ouvriers des autres entreprises du secteur public pour laisser le secteur de la santé tout seul, et ce alors que le mécontentement était partout très fort (1).
Quand de telles manœuvres de division qui aboutissent à isoler des luttes ne suffisent pas, les syndicats procèdent au sabotage de la lutte. Par exemple, en 1986, lors de la grève des cheminots, les syndicats disaient aux cheminots de leur dépôt, en vue de les démoraliser et de leur faire reprendre le travail, que ceux de tel ou tel autre dépôt avaient repris le travail, ce qui s’avérait faux lorsqu’on s’en informait par téléphone. Cette méthode a été reprise en 2003 en donnant de fausses informations sur la soi-disant reprise du travail dans des lycées.
Nous voudrions souligner qu’une nécessité première des luttes est la discussion la plus libre et la plus large dans les assemblées générales ; cette discussion la plus large est nécessaire pour que la lutte se développe, pour que la solidarité se construise et se renforce, pour que les ouvriers prévoient les modalités de leur lutte et s’organisent. C’est d’ailleurs lorsqu’il y a eu de tels débats, que ce soit en mai 1968 ou en 2006 dans la lutte contre le CPE, que les luttes ont fait réellement reculer la classe dominante. Si on examinait des luttes dans d’autres pays, on s’apercevrait de la même chose. Or, dans les assemblées générales, les syndicats essaient d’empêcher ou au moins de limiter les prises de parole qu’ils ne contrôlent pas. D’ailleurs, des membres du CCI se sont fait expulser manu militari d’assemblées générales lors de la lutte des infirmières de 1988, quand ils ont voulu s’exprimer sur la manière dont la lutte était menée.
L’énumération pourrait continuer, car les exemples sont innombrables et ils signifient que même si les intentions d’une grande partie des ouvriers qui adhérent au syndicat sont de se donner les moyens de se défendre et de lutter, ils sont trompés parce qu’ils sont entraînés dans un combat qui ne va pas dans le sens qu’ils souhaitent ; il va, en fait, dans le sens contraire : celui de la défense des intérêts de la classe dominante contre la lutte que tente de développer la classe ouvrière.
Bien sûr, les défenseurs des syndicats nous répondent, lorsque nous mettons en évidence tous ces faits, que nous oublions que dans l’immense majorité des cas, ce sont eux – les syndicats – qui déclenchent et sont à la tête des luttes. Formellement c’est vrai ; mais si les syndicats lancent des actions, que ce soit dans une entreprise, dans une corporation ou nationalement (ce sont alors, le plus souvent, des “journées d’action”), c’est parce qu’ils sentent que le mécontentement ou la colère ouvrière commencent à devenir forts et qu’il est nécessaire de lancer ce qu’ils font apparaître aux yeux des ouvriers comme une “lutte” pour les empêcher de déclencher la lutte eux-mêmes. Les “journées d’action” de 2009 en sont une illustration frappante.
A partir de tous ces constats, il est nécessaire de se poser la question des raisons d’un tel changement dans la politique des syndicats au début du xxe siècle, changement qui ne s’est pas démenti depuis. Pourquoi, de manière aussi systématique, l’action des syndicats vise-t-elle à empêcher la lutte ou, lorsqu’elle a lieu, à tout faire pour qu’elle ne puisse pas se développer ? La question est trop importante pour les luttes présentes et à venir contre un capitalisme qui ne cesse de généraliser la misère, pour que nous ne nous donnions pas les moyens d’y répondre.
Bien sûr, dans le cadre de cette lettre dont la taille est forcément limitée, nous ne pouvions pas expliquer quelles sont les réponses que nous apportons à ces questions. Nous voulions simplement exprimer les questions que pose l’action des syndicats. Pour trouver ces explications détaillées, tu peux lire notre presse, notamment notre article “Dans quel camp sont les syndicats [12]”.
Et si tu le veux, nous pourrons revenir de manière plus détaillée sur ces questions dans des courriers ultérieurs.
Fraternellement,
CCI, 21 octobre
1) Nous avons dressé un bilan de cette lutte au sein d’un recueil d’articles nommé Bilan de la lutte des infirmières. Octobre 1988 [13].
En octobre, le CCI a organisé à Lille un week-end de discussions destiné à ses contacts et lecteurs. Ces réunions se distinguent de nos traditionnelles réunions publiques et permanences par trois éléments essentiels. D’abord, les sujets sont proposés par les participants potentiels en amont de la rencontre et les discussions sont souvent introduites par des participants qui ne sont pas des militants du CCI. Ensuite, deux sujets sont abordés chacun sur une demi-journée, et le temps est laissé pour prolonger les discussions dans les moments conviviaux qui suivent. Car, et c’est là leur troisième aspect singulier, le but de ces rencontres est aussi de rapprocher les personnes qui partagent les même préoccupations et les mêmes questionnements, à défaut de partager les mêmes positions, par des moments de rencontre plus informels, notamment des repas qui prolongent et offrent un cadre différent à la discussion.
A Lille, une trentaine de personnes ont ainsi participé à cette rencontre, venant de toute la France (Lille, Paris, Rouen, Nantes, Toulouse, Marseille, Lyon), de Belgique et de Hollande. Nous reviendrons ultérieurement sur la discussion du samedi après-midi, consacré à Darwin, au darwinisme, aux instincts sociaux et à la nature humaine. Cette discussion très riche s’est prolongée jusque tard dans la soirée et continuait même au petit-déjeuner du dimanche matin ! Dans un premier temps, nous vous proposons de retrouver sur notre site internet en français le compte-rendu complet [15] de la discussion du dimanche matin consacrée à l’écologie et à la capacité du capitalisme à éviter les catastrophes liées au réchauffement climatique, à la pollution, etc.
Si vous êtes intéressés à participer à ce genre de débats, n’hésitez pas à nous le faire savoir par mail ou par courrier.
Avec le sommet de Copenhague, l’écologie fait à nouveau la “une” de l’actualité. Mais si ce sujet nous préoccupe de plus en plus, c’est surtout parce qu’ il devient évident que la destruction actuelle de la planète met en jeu la survie même de l’humanité !
Tout d’abord, il y a le réchauffement climatique, où l’effet de serre joue un rôle prépondérant :
– les niveaux atmosphériques en dioxyde de carbone (CO2) et en méthane (CH4) ont atteint le niveau le plus élevé depuis 650 000 ans, ce qui implique que la température moyenne sur terre devrait augmenter sur les 100 prochaines années entre 1,1 et 6,4 °C ;
– la montée des eaux océaniques pourrait faire disparaître des îles entières et même des pays comme le Bengladesh. Cela entraînerait le déplacement forcé de plusieurs centaines de millions de personnes !
– on assiste dès aujourd’hui à des tempêtes de plus en plus violentes à l’exemple de Katrina. Pour certains experts, ce risque à été multiplié par trois ces dix dernières années ;
– les zones désertiques gagnent peu à peu du terrain. En ce moment même, une terrible sécheresse sévit dans sept pays de l’Afrique de l’Est, tels l’Éthiopie, le Kenya et la Somalie. 23 millions d’êtres humains sont en danger à cause de très mauvaises récoltes répétées, ils n’ont plus de réserves de nourriture. Cette sécheresse frappe aussi l’Australie, le Sud-ouest américain (ces dernières années, des incendies catastrophiques y ont d’ailleurs menacé des villes entières) et l’Asie centrale (la mer d’Aral en Russie a déjà pratiquement disparu).
Ensuite, il y a la fabrication de produits contaminants et de déchets toxiques répandus partout, dans l’air, les eaux et la terre. Tout le monde pense évidemment immédiatement au nucléaire, à Tchernobyl et à tous les déchets radioactifs ! Mais il y a aussi des produits comme le mercure qui infestent un certain nombre de cours d’eau ou de mers côtières. Il y a l’amiante qui est présente partout dans les bâtiments et dans tous les pays. Il y a aussi les pesticides, utilisés pour les besoins de l’agriculture intensive. Ce poison entraîne la disparition des abeilles par exemple. Pour la production de ces pesticides, on se rappelle de l’usine de Bhopal, en Inde, qui en explosant a tué près de 30 000 personnes et contaminé une grande partie d’une ville de 800 000 habitants !
Et que dire de la gestion même de ces montagnes de déchets ? Dans ce domaine, à chaque instant, les gouvernements et les entreprises étalent toute leur incurie. Tout récemment, c’est encore le nucléaire qui était à “l’honneur” en Sibérie. La France y a en effet envoyé des déchets dans de simples fûts en ferraille et à ciel ouvert ! Le documentaire de Yann-Arthus Bertrand, Vu du ciel, révèle comment la Chine balance ses déchets nucléaires dans les lacs des hauts plateaux du Tibet, un des poumons essentiels du globe, et met ainsi en danger des milliards d’individus ! En Italie, en particulier à Naples, des déchets en tous genres s’accumulent dans d’immenses décharges et les maladies des “riverains” explosent. L’Etat français s’est tout récemment débarrassé (il n’y a pas d’autre mot) d’un navire dans une banlieue d’Abidjan, en Côte d’Ivoire. Il y a eu des morts et des milliers de personnes contaminées. En juin 1992 déjà, la FAO (Food and Agricultural Organisation) a annoncé que les États en voie de développement, les pays africains surtout, étaient devenus une “poubelle” à la disposition de l’Occident. Les océans aussi servent de poubelle. Ainsi, La Reppublica on-line du 29 janvier 2007 décrivait une île d’un nouveau genre, sortie tout droit d’un cauchemar digne du cinéaste Tim Burton, une “île des déchets” située dans “l’océan Pacifique, qui a une profondeur de 30 mètres et qui est composée à 80 % de plastique et le reste par d’autres déchets qui arrivent de toutes parts. Cette “île” de déchets atteint les 3,5 millions de tonnes” !
Enfin, pour conclure cette liste qui pourrait être interminable, soulignons tout de même le pillage incessant des ressources. La bande équatoriale de la planète est tout simplement en train d’être saccagée par la déforestation de l’Amazonie, de l’Afrique équatoriale et de l’Indonésie… tout cela, ironie du sort, pour produire des bio-carburants. Alors que les océans représentent 60 % des ressources alimentaires, ils sont pillés sans vergogne, tant et si bien que des centaines d’espèces sont en voie de disparition. La famine va donc encore frapper une part plus grande de l’humanité. Bref, la destruction engendrée par le capitalisme met aujourd’hui en péril la survie même de l’espèce humaine !
Alors,
face à l’ampleur de la catastrophe, la bourgeoisie sonne
aujourd’hui le rassemblement général. Au sommet de Copenhague, en
décembre, on va voir ce qu’on va voir ! Une “coalition
inédite d’organisations françaises de solidarité internationale,
de défense de l’environnement et des droits de l’homme” a
même lancé aux différents Etats un “ultimatum climatique”.
Soit
ces pays signent un accord qui conduira les émissions mondiales de
gaz à effet de serre à se stabiliser puis à décliner avant
2015.
Soit notre planète se réchauffera de plus de 2 °C,
seuil au-delà duquel les conséquences pour notre planète et nos
sociétés seraient désastreuses. Notre climat, toujours d’après
cette “coalition d’associations”, pourrait même devenir
complètement incontrôlable, en passant par ce que les scientifiques
appellent des “points de rupture”.
La fondation Nicolas Hulot a lancé un appel à peu près identique : “L’avenir de la planète et avec lui, le sort d’un milliard d’affamés qu’aucun porte-voix ne représentera, se jouera à Copenhague. Choisir la solidarité ou subir le chaos, l’humanité a rendez-vous avec elle-même.”
Oui, c’est vrai, l’humanité a rendez-vous avec elle-même, mais certainement pas à Copenhague. Car avant tout, il faudrait sortir d’une naïveté dangereuse et rappeler comment fonctionne le capitalisme, cette société dominée par une minorité d’exploiteurs.
Ce sont les lois mêmes du capitalisme qui poussent la bourgeoisie à détruire la planète. Nous sommes dans un système monstrueux qui transforme tout ce qu’elle produit, y compris les déchets eux-mêmes, en marchandises… non pour satisfaire les besoins humains mais afin de faire du profit. Cela peut aller jusqu’à l’absurde comme par exemple la récente trouvaille de tels sommets : la possibilité légale d’acheter “le droit de polluer” ! Le capitalisme, c’est avant tout la loi du plus fort et le règne de la concurrence. C’est pour répondre à cette loi que sont nées et se sont développées les grandes concentrations industrielles et les mégapoles où s’entassent des millions d’être humains : Tokyo, 36 millions d’habitants ; Bombay, 26 millions ; Mexico et New-York, 21 millions ; Kinshasa, 17 millions… Et évidemment, ces concentrations ont un rôle majeur dans la crise écologique. La concurrence, c’est aussi la guerre. Or, la production et l’entretien du matériel militaire (sans parler des millions de victimes et des dégâts liés aux guerres) est déjà en soi un véritable gouffre d’énergie humaine et terrestre. Un porte-avions consomme plusieurs milliers de litres à l’heure par exemple. Enfin, le capitalisme est un système de production totalement anarchique et irrationnel. Une marchandise peut parcourir des milliers et des milliers de kilomètres pour trouver son acheteur. Des pays cultivent des denrées alimentaires vendues à l’autre bout de la planète, alors que la population locale meurt de faim parce qu’elle n’a pas les moyens de payer !
Contrairement à toutes ces propagandes qui rejettent la faute sur les “individus”, les “citoyens”, en cherchant à nous culpabiliser (en nous faisant croire que si la planète va mal, c’est parce que nous prenons la voiture pour aller bosser, ou que nous ne faisons pas assez attention à ne pas laisser le robinet couler quand on se brosse les dents ou faisons la vaisselle, ou que nous ne trions pas bien nos déchets…), c’est donc bien le système de production capitaliste comme un tout qui est responsable du grave déséquilibre écologique et qui, s’il perdure encore trop longtemps, anéantira l’humanité toute entière !
Maintenant, un certain nombre de personnes, dont certaines très médiatisées, comme Al Gore, Nicolas Hulot, Yann Arthus Bertrand, au-delà de mettre l’accent sur une réalité effrayante, nous appellent à pousser les “grands de ce monde” à se coordonner internationalement et à trouver des solutions. Evidemment, toute prétendue solution à ce problème ne peut être envisagée qu’à l’échelle internationale. Cela sauterait aux yeux d’un enfant. Mais là encore, c’est d’une certaine manière vouloir faire l’autruche et refuser de regarder la réalité en face. Les “grands de ce monde” auxquels ils invitent à s’en remettre pour “prendre les mesures nécessaires” ne sont rien d’autres que les représentants des bourgeoisies nationales et un simple regard sur les décisions qu’elles ont prises depuis plus d’un siècle montre qu’on ne peut attendre que le pire de leur part.
Ces bourgeoisies ont produit guerre sur guerre : ne serait-ce que depuis 1939, il n’y a pas eu un seul jour sans conflit meurtrier sur la planète. Et dans ces occasions, elles ont démontré de quel cynisme envers la nature et l’être humain elles étaient capables : gaz mortels, produits chimiques comme les défoliants, armes bactériologiques, atomiques et même, récemment, bombes au phosphore. Les dernières guerres du Golfe, d’Irak, de Palestine et d’Afghanistan, pour se limiter aux exemples les plus récents, ont démontré leur efficacité en matière de destruction de vies humaines et… environnementale.
Quant aux décisions qui seront et sont déjà prises, on en voit l’aspect ridicule et même absurde. Nous parlions tout à l’heure du droit d’acheter le “droit de polluer” mais il y a aussi la taxe carbone, la journée sans voiture…
L’énergie verte a déjà prouvé quel avenir elle avait dans le capitalisme. Depuis deux ans, pas moins d’une trentaine de pays ont connu des émeutes de la faim parce qu’une partie conséquente des produits de l’agriculture a été détournée pour produire des bio-carburants et que la spéculation a fait flamber les prix. L’énergie renouvelable ou le développement durable (qui doit selon le célèbre Nicolas Hulot “jeter les bases d’un modèle de développement compatible avec la réalité physique et humaine de notre planète, et sortir enfin du cercle vicieux de la pauvreté et de la destruction de nos ressources naturelles”, c’est-à-dire “la trame d’un monde nouveau au service exclusif de l’homme”), est déjà mise à profit par tous les Etats, médias et industriels pour tenter de faire croire qu’un autre capitalisme, un “capitalisme vert”, va permettre à la société de dépasser la très grave crise économique qu’elle connaît aujourd’hui, quand cela n’est pas tout simplement un argument publicitaire de plus comme pour le blanchiment des pires pollueurs mercantiles, tels Total, GDF… En fait, comme à travers le chômage, la précarité, la misère et l’exploitation grandissantes qu’il engendre, comme à travers la barbarie guerrière qu’il sème, les désastres écologiques aggravés que cause le capitalisme sont une démonstration supplémentaire de la faillite de ce système et de l’impasse dans lequel il pousse l’humanité.
En fait, il existe une seule classe qui a les capacités d’inverser cette tendance suicidaire : c’est la classe ouvrière. Elle seule est capable de donner un autre futur à l’humanité. Elle seule a les capacités de détruire ce système capitaliste agonisant et de proposer un autre monde avec des bases complètement différentes. D’emblée, elle se situe au niveau international, comme elle l’a démontré lors de sa tentative de révolution mondiale pour mettre fin à la folle boucherie guerrière en 1917. Et encore aujourd’hui, on peut voir à Rio de Janeiro, à New-York ou au Caire, que la classe ouvrière mène partout le même combat. Ses revendications sont partout les mêmes : pour des conditions de vie décentes pour tout le monde.
Le moteur, la dynamique de ses luttes sont le contraire de la loi du profit et de la concurrence, c’est la solidarité d’une classe par nature associée, développant des liens basés sur l’entraide, la coopération, l’assistance mutuelle, la fraternité…, préfiguration des rapports au sein d’une société libérée de toute exploitation.
Certains objecteront que l’expérience de Russie nous a apporté le stalinisme et son corollaire, le productivisme. On ne reviendra pas ici pas sur l’énorme mensonge du communisme = stalinisme (notre presse lui a déjà consacré de multiples articles). Mais évoquons un instant la question du productivisme. Le stalinisme n’avait en effet pas plus de respect pour la nature que pour la vie humaine. Mais il en était tout autrement pour les révolutionnaires de 1917. En fait, “l’écologie” faisait déjà partie de son combat. Au début des années 1920, il a existé une sorte de commissariat à l’Environnement animé par des bolcheviks tels que Lounatcharski, Bogdanov, Borodine et bien d’autres encore. Ce commissariat avait réussi à mettre sur pied, à la fin des années 20, une soixantaine de Zapovedniki, c’est-à-dire des espaces aménagés comme réserves naturelles pour la sauvegarde de toutes les espèces. Et là encore, c’est le stalinisme qui a rapidement détruit cet instrument pour satisfaire les besoins capitalistes d’un productivisme à outrance, que ce soit dans l’industrie ou dans les campagnes. L’un des résultats fut la disparition de la mer d’Aral. Les dernières appréciations sur l’état de l’ex-URSS constatent une destruction de 20 % du territoire.
La classe ouvrière, à travers sa révolution prolétarienne internationale, est seule capable d’ouvrir la perspective d’une transformation radicale de la relation entre l’homme et la nature. C’est pourquoi les minorités les plus conscientes ne doivent pas se laisser enfermer dans un combat uniquement écologique, mais consacrer leurs énergies à renforcer le combat de la classe ouvrière.
Ayato, le 14 novembre.
Liens
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[5] https://fr.internationalism.org/ri405/il_y_a_90_ans_la_chute_du_mur_de_berlin.html
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[7] https://www.dw.com/fr/immigration-lempreinte-de-berlin/a-4711714
[8] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/situation-sociale-france
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[10] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/correspondance-dautres-groupes
[11] https://fr.internationalism.org/tag/5/37/grande-bretagne
[12] https://fr.internationalism.org/ri394/dans_quel_camp_sont_les_syndicats.html
[13] https://fr.internationalism.org/French/brochure/lutte_infirmieres_1988.htm
[14] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/lutte-classe-france
[15] https://fr.internationalism.org/icconline/2009/compte_rendu_des_journees_de_discussion_de_lille_ecologie.html
[16] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/reunions-publiques
[17] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/ecologie