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Révolution Internationale n° 336 - juin 2003

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L'attaque sur les retraites n'est qu'un début : l'avenir appartient à la lutte de classe

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Le 13 mai dernier, plus d'un million de manifestants étaient dans la rue pour s'opposer à l'attaque du gouvernement Raffarin contre le régime des retraites.
Les médias ont largement évoqué la comparaison de ce mouvement avec les grèves de novembre-décembre 1995 dans le secteur public contre le gouvernement Juppé qui avait donné lieu à des rassemblements comparables. Ils ont même évoqué la date hautement symbolique de la gigantesque manifestation du 13 mai 1968 qui avait lancé le plus grande grève de masse jamais connue dans le pays.
C'est une évidence, nous ne sommes pas dans la même période qu'en mai 1968 de réaffirmation d'un combat de classe généralisé qui fait irruption sur la scène de l'histoire après un demi-siècle de contre-révolution. Mais nous ne sommes plus dans la même situation qu'en 1995 non plus.
Où est la différence ?

En 1995, l'objectif essentiel du gouvernement était de renforcer et recrédibiliser l'appareil d'encadrement syndical, en gommant toute l'expérience accumulée des luttes ouvrières entre 1968 et les années 1980, notamment sur la question syndicale (voir l'article publié au verso). Une telle entreprise exploitait pleinement le recul de la lutte de classe suite à l'effondrement des régimes staliniens et à la campagne idéologique de toute la bourgeoisie sur la pseudo-faillite du marxisme et du communisme. Même si une partie économique du plan Juppé (consacré à la réforme du financement de la sécurité sociale et à l'institution d'un nouvel impôt appliqué à tous les revenus) est passée en catimini et a été parachevée sous le gouvernement Jospin dans les mois qui ont suivi, le volet consacré précisément à la retraite (suppression des régimes spéciaux du secteur public) n'a pu aboutir et a même été délibérément sacrifiée par la bourgeoisie pour faire passer cela comme une "victoire des syndicats".

 

L'aggravation de la crise entraîne des attaques toujours plus générales et massives

Aujourd'hui, le niveau de la crise économique n'est plus le même. C'est parce que la crise s'aggrave que la bourgeoisie doit désormais cogner très fort. Ainsi, la remise en cause du régime des retraites n'est qu'une des premières mesures d'une longue série de nouvelles attaques massives et frontales en préparation. Tous les salariés se retrouvent concernés par ces mesures. Pour tous les ouvriers, c'est une attaque qui ne peut les laisser sans réaction alors qu'ils sont déjà confrontés en permanence à des conditions de vie qui empirent de manière dramatique, face à des problèmes quotidiens affrontés plus ou moins isolément dans le cadre de la cellule familiale ou de l'entreprise : chômage, plans de licenciements, suppressions de poste, précarité, perte du pouvoir d'achat, dégradation générale des conditions de travail, du tissu social, augmentation de la productivité, problèmes de santé, d'éducation, de logement, d'environnement, remise en cause de la protection sociale.
Cette attaque a valeur d'exemple et constitue un verrou essentiel à faire sauter pour la bourgeoisie dans la défense de la logique de son système. On nous présente faussement le facteur démographique (l'augmentation de l'espérance de vie et le vieillissement de la population) comme étant déterminant dans la crise qui menace d'entraîner les caisses de retraite vers la faillite. Cela permet de masquer que le facteur fondamental, celui qui a le plus de poids et qui fait une nécessité absolue pour la bourgeoisie de s'attaquer aux retraites des salariés c'est l'ampleur du chômage : il est évident que lorsque le chômage en augmentation quasi-constante dépasse officiellement les 10 % de la population active, l'assiette des cotisants se trouve singulièrement rétrécie. Cela révèle l'incapacité croissante du système capitaliste d'intégrer la population dans le salariat. En fait, face à sa crise, la bourgeoisie cherche à réduire toujours plus drastiquement la part des dépenses improductives comme le sont, de son point de vue, les retraites, les allocations chômage ou le RMI. La bourgeoisie cherche en fait à masquer une réalité sociale beaucoup plus directement accusatrice du système capitaliste derrière des facteurs purement démographiques.
Malgré l'ampleur des attaques qu'elle a imposé à la classe ouvrière (en particulier sa loi sur les 35 heures qui a permi d'instaurer une flexibilité généralisé), la Gauche au gouvernement n'a pas pu mener à bien l'attaque sur les retraites. Rocard avait pourtant été le premier, en 1989, dans son livre blanc sur les retraites, à préconiser cette attaque en proposant de porter progressivement à 42 ans la durée minimale de cotisations et il avait largement préparé le terrain et ouvert la voie à travers d'autres rapports ou audits sur le sujet. Déjà le candidat Jospin lors des présidentielles de 2002 avait déclaré que la réforme des retraites allait constituer son objectif majeur.
C'est pourquoi l'aspect provocateur du gouvernement a priori comparable à 1995, n'a en fait plus du tout le même sens.

 

La stratégie de la bourgeoisie pour faire passer l'attaque

Aujourd'hui la stratégie de la bourgeoisie n'a plus les mêmes objectifs qu'en 95. Elle savait bien que son attaque actuelle sur les retraites allait provoquer d'inévitables réactions au sein de la classe ouvrière. C'est la raison pour laquelle elle a planifié son attaque en fonction des contraintes d'un calendrier très précis pour pouvoir faire passer ses projets avec force de loi au meilleur moment pour elle : au début des vacances d'été. Elle sait bien aussi qu'elle bénéficie pour l'heure d'un contrôle global des syndicats sur les luttes, que la classe ouvrière est affaiblie. Malgré le mécontentement général que ne manquera pas de susciter l'attaque et que celle-ci est à même d'alimenter une remontée de la combativité ouvrière, elle a aussi conscience de ne prendre qu'un minimum de risques car une large partie des prolétaires sont encore dominés par un sentiment d'impuissance et de résignation. Elle entendait également tirer profit du surcroît de déboussolement et de désorientation dans les rangs ouvriers apporté juste auparavant par sa politique d'union nationale face à "la guerre de Bush" puis par le déroulement de la guerre en Irak elle-même. Face à cette réaction ouvrière inévitable, la stratégie de la bourgeoisie était de faire crever l'abcès, au moment choisi par elle. La méthode de ce passage en force a été déjà largement éprouvée en misant sur un scénario écrit à l'avance.
C'est pour cela qu'on vient de voir Raffarin casser son image de paternalisme rassurant et se départir de son air patelin déclarer quelques jours avant que "ce n'est pas la rue qui gouverne", ce qui ne pouvait avoir pour effet que de doper la mobilisation. Pas plus que les déclarations provocatrices de Juppé en 1995, il ne s'agit d'une gaffe ni d'une maladresse de Raffarin mais de paroles mûrement pesées dans une interview préparée. Dans le même sens, quand on lui a demandé, à lui qui se présentait volontiers depuis un an comme le tenant de la main tendue vers "la France d'en-bas", si le gouvernement allait faire un effort pour les bas salaires au lieu d'abaisser le seuil des retraites à 75 % du SMIC, sa réponse a été catégorique : "il n'en est pas question". Enfin, le gouvernement a délibérément dévoilé son intention de reculer encore davantage l'âge de la retraite jusqu'en 2020 et même au-delà et du même coup il affichait clairement que tous les salariés, et plus seulement les fonctionnaires, étaient impliqués dans l'attaque alors que rien n'obligeait à le faire.
La méthode est claire : annoncer le pire et afficher sa fermeté et sa détermination afin que le mécontentement s'exprime dans un premeir temps. On se ménage aussi la possibilité de casser le mouvement en laissant une ouverture dans la négociation et à des reculs sur des points mineurs du projet afin que les syndicats les plus "modérés" s'y engouffrent moyennant des concessions mineures (et peu coûteuses pour l'Etat) pour les bas salaires, ou pour ceux qui ont cotisé au maximum en travaillant plus longtemps. C'est ce qui n'a pas manqué de se produire rapidement. Le scénario est d'ailleurs un brin convenu et caricatural, car est-il crédible de voir le syndicat des cadres, la CGC-CFE se laisser convaincre par les concessions gouvernementales pour les smicards dont il ne prétend nullement défendre les intérêts ? Quant à la CFDT qui, depuis le début, s'est fait le porte-parole des seules revendications précisément accordées par le gouvernement, elle s'est chargée pour cette fois encore (comme Notat en 1995) de porter le chapeau de l'impopularité en "pactisant avec la droite". Il faut néanmoins remarquer que ce partage des tâches entre syndicats est purement circonstanciel : dans le passé et notamment au cours des années 1970, ce rôle de "syndicat jaune" était dévolu à FO. Il faut aussi se souvenir qu'en 1968, c'est à l'appareil de la CGT lui-même qu'est revenu le "privilège" de jouer ouvertement les "briseurs de grève" pour casser le mouvement social. On en revient donc aujourd'hui à un schéma beaucoup plus classique dans l'histoire de la lutte de classes : le gouvernement cogne, les syndicats s'y opposent et prônent l'union syndicale dans un premier temps pour embarquer massivement des ouvriers derrière eux et sous leur contrôle. Puis le gouvernement ouvre des négociations et les syndicats se désunissent pour mieux porter la division et la désorientation dans les rangs ouvriers. Cette méthode qui joue sur la division syndicale face à la montée de la lutte de classe est la plus éprouvée par la bourgeoisie pour préserver globalement l'encadrement syndical en concentrant autant que possible le discrédit et la perte de quelques plumes sur l'un ou l'autre appareil désigné d'avance. Cela signifie aussi que les syndicats sont à nouveau soumis à l'épreuve du feu et que le développement inévitable des luttes à venir va reposer le problème de l'usure de l'encadrement syndical pour la bourgeoisie.
Dans ce contexte, les syndicats qui revendiquent aujourd'hui d'être partie-prenante de la lutte participent en fait étroitement à étouffer consciencieusement toute vie ouvrière en faisant mine de reprendre à leur compte les besoins réels de la lutte. Ainsi, sous prétexte d'en assurer l'extension, ils s'attachent à convaincre les ouvriers qu'il faut d'abord étendre la lutte au sein du secteur ou de la corporation. Et quand ils consentent à aller trouver d'autres entreprises hors de leur secteur, ce n'est jamais avec des délégations massives d'ouvriers, mais toujours à travers des délégations syndicales réduites qui vont, dans la plupart des cas, trouver d'autres syndicalistes.

Des ouvriers se sont laissés embarquer dans la fausse solidarité impulsée par les syndicats dans les services publics et notamment dans les transports (SNCF, RATP, bus urbains) dont les grèves ont paralysé pendant plusieurs jours le trafic des transports en commun. En fait de solidarité celles-ci constituent un obstacle supplémentaire à l'extension du mouvement en limitant la participation aux manifestations autrement qu'en s'y rendant avec les bus affrétés par les syndicats. Elles ont aussi contribué à rendre la grève encore plus impopulaire auprès des non grévistes.

 

La crise va contraindre la classe ouvrière à reprendre confiance en elle-même

Le secteur de l'éducation nationale est particulièrement attaqué puisque, aux mesures sur les retraites s'ajoute pour des dizaines de milliers de fonctionnaires le démantèlementde leur statut, au nom de la "décentralisation". Il n'est donc pas étonnant que ce secteur se retrouve aujourd'hui à la pointe de la mobilisation. Mais, de plus en plus isolés du reste de leur classe, les salariés de cette branche courent le risque de se retrouver rapidement entraînés dans une lutte jusqu'au-boutiste, encouragée par les gauchistes et syndicalistes "radicaux" de tout poil, et de s'épuiser et se démoraliser, compromettant ainsi pour un temps la possibilité de leur participation aux futures mobilisations. D'ailleurs, à l'heure actuelle, de nombreux établissements scolaires sont déjà en grève depuis plus de trois semaines.
Cette expérience va inévitablement laisser des traces profondes et le goût amer de la défaite chez des dizaines de milliers de prolétaires. Cela aussi est inévitable. Néanmoins, la période qui s'ouvre est telle que la classe ouvrière sera de plus en plus amenée à comprendre qu'elle n'a pas d'autre choix que de lutter, de retrouver et de réaffirmer son chemin de classe face à l'accélération des attaques massives de la bourgeoisie dirigées contre elle. La crise économique mondiale actuelle du capitalisme atteint un niveau de gravité qui contraint partout la bourgeoisie et son Etat à porter de plus en plus des attaques massives et frontales. Ainsi, par exemple, dès l'automne, la bourgeoisie française a annoncé la couleur : elle prépare une autre attaque générale d'envergure concernant les assurances sociales. Contrairement aux années 90, l'aspect patent de la crise va constituer un puissant révélateur de la faillite du système aux yeux des prolétaires. Aux conséquences de la crise économique s'ajoute pour les prolétaires le prix à payer pour des dépenses de guerre et d'armement en augmentation croissante.
Il n'y a aucune illusion à se faire sur ce qui attend les ouvriers : toujours plus de misère et d'exploitation. Mais sous les coups de la crise et des attaques qui en résultent, les prolétaires sont poussés à réagir massivement et ensemble.
Ainsi se créent les conditions pour que le prolétariat reprenne confiance en lui, retrouve sa véritable identité de classe et s'oppose massivement et unitairement aux attaques de la bourgeoisie comme classe ayant des intérêts propres et distincts à défendre contre ceux de la bourgeoisie.

L'avenir appartient au prolétariat !

 Wim (17 mai)

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [1]

A propos du livre de Besancenot : les cent recettes de la LCR pour ne pas détruire le capitalisme

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"Un autre monde est possible." Ce slogan nous le connaissons tous, il est devenu la marque de fabrique de ce fameux courant anti-mondialisation dans lequel la Ligue Communiste Révolutionnaire occupe, du moins en France, une place de choix.

C'est donc sans surprise que nous retrouvons cette profession de foi dans le récent bouquin (Révolution ! 100 mots pour changer le monde) du porte-parole de la LCR, Olivier Besancenot.
"…'un autre monde est possible'. Penser la révolution, c'est commencer à expliquer quel type d'autre monde est possible."
C'est tout l'objet de ce livre et de ce point de vue, il faut bien l'avouer, le défi est largement relevé. Bravo Monsieur Besancenot !
Si ce dernier nous donne "100 mots pour changer le monde", derrière chacun de ces mots, il en est un, seul et unique, qui les résume tous : démocratie !
Voilà donc cette terre promise dont il nous fait un éloge baveux tout au long de ses 320 pages.
Ainsi, la LCR nous offre son "alternative anti-capitaliste" une "révolution…", certes, mais "… démocratique" tout de même.
"L'accusation principale que nous lançons contre la démocratie libérale, c'est que précisément les choix politiques, sociaux et économiques échappent à la volonté populaire." La perspective de lutte est alors toute tracée, il faut conquérir la "vraie démocratie" confisquée par les méchantes multinationales. Et pour les mécréants ou autres Saint Thomas, récalcitrant aux sirènes démocratiques de la LCR, Monsieur Besancenot les rattrape au collet en leur servant sur un plateau la preuve irréfutable que ce "chambardement démocratique" est le seul avenir possible en exhibant fièrement la ville mythique du mouvement anti-mondialisation : Porto Alegre. "C'est une ville du sud du Brésil, Porto Alegre, dirigée par la gauche du Parti des travailleurs, qui a rallumé la flamme des espérances démocratiques (…) Porto Alegre pratique la démocratie participative. Depuis plus de dix ans, (…) la municipalité laisse à la population le soin de décider de l'utilisation du budget de la ville."
Mais c'est justement à travers l'exemple de Porto Alegre que l'on s'aperçoit le mieux de toute la supercherie échafaudée par les gauchistes de l'alter-mondialisme. La démocratie participative dans cette "ville laboratoire" (et ce "depuis plus de dix ans" !) ne correspond en rien à la remise en cause du système capitaliste mais se résume simplement à la participation de la population à la gestion de la misère et de la pénurie engendrée par ce dernier.
De plus, il ne s'agit là, dans le fond, que d'une resucée des mystifications autogestionnaires dont les ouvriers, notamment en Europe dans les années 1970, ont fait les frais puisqu'elle s'est révélée n'être qu'une gestion de leur propre exploitation et non sa remise en cause. Ce n'est pas par hasard si Besancenot nous ressort l'exemple de la lutte des ouvriers de Lip en 1973 et son slogan, inspiré par les syndicalistes de la CFDT : "On contrôle, on fabrique, on vend, on se paie." Ce que les trotskistes présentent comme le summum de l'émancipation ouvrière, la démocratie directe ou autogestion, est en fait une arme de la bourgeoisie contre le prolétariat. Ce que le CCI a résumé dans le point 12 de sa plateforme :
"- arme économique du capital, [l'autogestion] a pour finalité de faire accepter par les travailleurs le poids des difficultés des entreprises frappées par la crise en leur faisant organiser les modalités de leur propre exploitation.
- arme politique de la contre-révolution, elle a pour fonction :
de diviser la classe ouvrière en l'enfermant et l'isolant usine par usine, quartier par quartier, secteur par secteur ;
d'attacher les travailleurs aux préoccupations de l'économie capitaliste qu'ils ont au contraire pour tâche de détruire;
de détourner le prolétariat de la première tâche qui conditionne son émancipation : la destruction de l'appareil politique du capital et l'instauration de sa propre dictature au niveau mondial."
En fin de compte, la tentative de la LCR n'est ni plus ni moins que de distiller la perspective révolutionnaire de la classe ouvrière dans le vieil alambic réformiste, d'enrayer sa conscience en lui faisant croire qu'elle peut atteindre pacifiquement son émancipation dans une sorte de nirvana démocratique sans remettre en cause violemment les fondements même de la société capitaliste. "Les révolutionnaires sont favorables aux réformes, tout progrès, toute amélioration pour la majorité de la population, toute nouvelle conquête sociale et démocratique est bonne à prendre. Nous ne sommes pas partisans du tout ou rien." Voilà qui est clairement énoncé et illustre le "projet révolutionnaire" de Monsieur Besancenot : "redonner un sens à la démocratie".
Et après cela, la LCR ose encore se prétendre l'héritière de Trotsky ! Mais il n'existe pas de pire insulte pour celui qui fut l'une des plus grandes figures de la Révolution russe, l'organisateur de l'insurrection et de la prise de pouvoir de la classe ouvrière en Octobre 1917.
Amender le capitalisme, le rendre plus humain en le rendant "plus démocratique" alors qu'il est devenu, depuis son entrée dans sa phase de décadence annoncée par le déclenchement de la première boucherie mondiale de 1914-1918, une menace permanente pour l'humanité, est un piège dans lequel la LCR (entre autres) souhaite voir le prolétariat s'empaler.
Non content d'orienter les ouvriers vers une lutte stérile pour l'amélioration de ce système, les trotskistes de la LCR ajoutent l'appel à la défense de la démocratie, non seulement contre les vilains patrons "qui braquent la démocratie comme on braque une banque" mais aussi contre les courants néofascistes qui "ne tolèrent aucune forme d'expression démocratique". Comme si les ouvriers avaient quelque chose à défendre dans ce monde, des acquis à préserver. Besancenot pense notamment au suffrage universel qui serait "un acquis démocratique précieux", c'est pourquoi "il mérite qu'on ne le boude pas, la LCR se présente donc aux élections" et en profite par la même occasion pour entretenir dans la classe ouvrière les pires illusions sur la nature de ce monde. Les "élections démocratiques" ne sont en réalité que la feuille de vigne servant à masquer la dictature du capital.
"La démocratie est en danger ! Vite ! Prenons les armes pour nous porter à son secours". Autant demander au prolétariat de se suicider. La démocratie n'est qu'une forme (la plus efficace d'ailleurs) de la dictature qui réprime la classe ouvrière et défend la bourgeoisie et ses privilèges de classe exploiteuse. C'est ce que rappelle Lénine dans ses Thèses sur la démocratie bourgeoise et la dictature du prolétariat écrites en mars 1919 pour le premier congrès de l'Internationale Communiste : "…dans aucun pays civilisé, dans aucun pays capitaliste, il n'existe de démocratie en général : il n'y a que la démocratie bourgeoise." et "…plus la démocratie est évoluée, 'pure', (…) plus le joug du capitalisme et la dictature de la bourgeoisie se manifeste dans toute leur pureté."
"Ainsi, il se confirme une fois de plus, de façon absolument évidente, que tous ces cris en faveur de la démocratie ne servent en réalité qu'à défendre la bourgeoisie et ses privilèges de classe exploiteuse." C'est exactement le cas de Monsieur Besancenot, de son organisation, et du mouvement anti-mondialiste dans lequel il s'inscrit. Leur objectif est clair, dévoyer la classe ouvrière de son terrain, lui faire perdre son identité, son histoire, celle d'une classe révolutionnaire dont la perspective est le communisme, en la gavant de guimauve interclassiste, de lutte citoyenne pour la démocratie.
"Seattle a rassemblé des syndicalistes coréens, des paysans sans-terre du Brésil, des étudiants des campus américains, des féministes du Maghreb, des réseaux de lutte pour l'annulation de la dette du Tiers-monde, des cinéastes et même des défenseurs de tortues…" C'est l'"internationalisme renaissant" qui "élargit ses horizons", c'est vraiment le moins que l'on puisse dire ! Monsieur Besancenot est donc fin prêt pour ériger l'internationale fourre-tout des "citoyens du monde".
Comme tout groupe trotskiste, la LCR n'a de révolutionnaire que les mots ! Besancenot veut faire croire qu'il joue au "chamboule tout", notamment pour happer les éléments qui ressentent une révolte vis-à-vis d'un système incapable d'engendrer autre chose que misère et barbarie, mais en fait il ne chamboule rien du tout. Bien au contraire, le rôle de la LCR, en tant que "gauche authentique, une gauche 100% à gauche"…du capital comme elle oublie chaque fois de le préciser, est de masquer qu'un autre monde est à la fois possible et nécessaire pour la survie de l'humanité et que cet avenir, c'est la classe ouvrière exclusivement qui le porte dans le développement de ses luttes.
Marx et Engels dès 1848 dans le Manifeste du Parti communiste montraient déjà que "Les prolétaires n'ont rien à perdre que leurs chaînes" qu'"ils ont un monde à gagner", que ce monde, c'est le communisme et qu'ils ne le gagneront que par le "renversement violent de tout l'ordre social passé".

Azel (6 mai)

Courants politiques: 

  • Trotskysme [2]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • Les soi-disant partis "ouvriers" [3]

Abandonner les illusions sur la prétendue victoire de décembre 1995

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Les médias font largement écho à ce sentiment selon lequel, face à l'attaque actuelle sur les retraites, il faudrait un nouveau décembre 1995. A différentes reprises, les syndicats ont brandi cette "menace". Pour la classe ouvrière, la référence en positif à décembre 1995 ne peut représenter, à la différence de mai 1968, qu'une faiblesse importante de leur capacité de riposte aux attaques. En effet, contrairement aux proclamations de toutes les officines gou-vernementales et syndicales, non seulement cet événement n'a pas constitué une victoire de la classe ouvrière mais bien une défaite de celle-ci où, à aucun moment, elle n'a eu l'initiative et le contrôle de sa mobilisation qui sont toujours restés entre les mains des syndicats.

Il y a un bientôt huit ans, la méga-mobilisation syndicale contre le plan Juppé battait son plein en France et donnait lieu à un battage médiatique sans précédent à l'adresse des prolétaires. Les trois semaines de grèves dans la fonction publique, la paralysie complète des transports, les "records" de mobilisation des manifestations, les commentaires appuyés des médias sur la "popularité" de la grève, enfin la "victoire" finale des cheminots, tout cela avait laissé la classe ouvrière dans une espèce d'euphorie grisante.
Le mouvement n'avait-il pas été victorieux ? Juppé n'avait-il pas tremblé devant la masse des manifestants ? La classe ouvrière n'avait-elle pas retrouvé "sa dignité" et renoué avec la "solidarité" et "l'unité dans la lutte" ? A cette époque, celui qui émettait le moindre doute là-dessus passait au mieux pour un rabat-joie, au pire pour un "jaune". Et pour mieux envelopper la classe ouvrière dans cette euphorie de la victoire et dans ce sentiment trompeur de puissance retrouvée, la bourgeoisie mettait les bouchées doubles. Des syndicats aux médias, des gauchistes aux instances patronales et gouvernementales, tous s'accordaient à voir dans l'événement un "nouveau mai 68", le prototype de futures "explosions sociales" du même acabit qu'il fallait s'attendre à voir surgir un peu partout. Loin de la conspiration du silence des médias qu'on a connue dans les années 1980 vis-à-vis des luttes ouvrières qui se développaient partout en Europe, ce mouvement-là a eu droit à une publicité médiatique phénoménale. La classe ouvrière dans tous les pays était ainsi invitée à faire du "décembre 95 français", l'exemple à suivre, la référence incontournable de tous ses combats à venir et, surtout, à voir dans les syndicats, qui avaient été si "combatifs", si "unitaires" et si déterminés tout au long des événements, leurs meilleurs alliés pour se défendre contre les attaques du capital.

 

 Une manœuvre de la bourgeoisie ...

Loin d'avoir constitué une "gaffe", l'annonce, simultanément au plan Juppé sur la sécurité sociale, d'attaques ciblant spécifiquement les cheminots était une provocation parfaitement calculée qui allait permettre de lancer le mouvement. Les syndicats allaient se servir de la combativité existant chez les cheminots pour pousser par tous les moyens le maximum d'ouvriers à se mobiliser dans un mouvement parfaitement encadré, que ces derniers n'étaient pas prêts à mener et qu'ils ne contrôlaient pas.
A cette fin, les syndicats ont systématiquement agi à l'inverse de leurs pratiques habituelles de sabotage. Ils ont arboré un langage hyper-radical et contestataire vis-à-vis du gouvernement, contrairement à la période où la gauche était au pouvoir.
Tous les principaux syndicats se sont immédiatement portés à la tête du mouvement, poussant systématiquement les ouvriers à s'engager dans la lutte, à la SNCF, puis à la RATP et dans l'ensemble du secteur public. Unis, ils ont lancé des appels aux manifestations, poussant ainsi de plus en plus de travailleurs à entrer en grève. Ils se sont imposés en mettant d'emblée en avant les besoins vitaux de la lutte, ressentis comme tels par les ouvriers depuis des années et ceci afin de les dénaturer, et notamment le besoin primordial de l'extension du mouvement.
Ainsi, les intersyndicales se sont démenées pour l'extension de la grève au-delà du secteur, en particulier en organisant des délégations massives de cheminots dans les centres de tri et les Télécoms, en éludant l'essentiel : pour être réellement au service de la lutte, le besoin vital de prise en charge de l'extension ne pouvait que venir des assemblées ouvrieres et être assumé par elles-mêmes. C'est derrière les intersyndicales et les "unions syndicales" qu'ils ont appelé à "lutter tous ensemble". Ils ont mis en avant la "souveraineté des AG" et laissé les ouvriers "décider" au sein de celles-ci, mais dans un cadre et selon des modalités d'actions déjà décidés et contrôlés par leurs appareils. Un tel simulacre était destiné dans le fond à éluder l'antagonisme irréconciliable entre d'un côté le souveraineté des AG, la lutte autonome du prolétariat et, de l'autre, la présence des syndicats dans la lutte.
Dans de nombreux secteurs, comme dans la plupart des centres de tri postaux, dans les Télécoms, à l'EDF-GDF, les syndicats ont manipulé un minimum de grévistes pour entraîner un maximum d'ouvriers dans la grève et dans les manifestations. Il a suffi que, 3 semaines plus tard, Juppé retire les attaques concernant la SNCF pour que toute cette mobilisation, sous-contrôle, retombe aussitôt comme un soufflé.
Alors qu'en trente ans d'expérience de luttes, les syndicats s'étaient toujours partagé le travail entre "modérés" appelant à la reprise du travail et "radicaux" jusqu'au-boutistes pour parachever la défaite en suscitant un maximum de divisions dans les rangs ouvriers, permettant le retour au travail dans la démoralisation, paquets par paquets, cette fois, les syndicats ont veillé à assurer un repli général en bon ordre (sauf cas isolés et ponctuels comme le centre de tri de Caen ou les traminots de Marseille). La bourgeoisie a pu ainsi mener les opérations à sa guise : elle a fait partir le mouvement comme elle le voulait et elle a pu le faire cesser, quasiment du jour au lendemain, quand elle l'a voulu, juste à la veille de la trêve des confiseurs. Tout était donc bien réglé comme du papier à musique !
Comment s'y est-elle prise ?
- à travers une focalisation médiatique sur la lassitude manifestée par une partie des ouvriers qui voulaient reprendre le travail et surtout sur les AG où était votée la reprise;
- alors que les syndicats n'avaient cessé de pousser systématiquement un maximum de nouveaux secteurs à rentrer dans la grève, il a suffi qu'ils cessent cette pression pour faciliter la reprise. Cela démontre d'ailleurs que la "combativité syndicale" n'était pas liée à une quelconque "pression de la base", contrairement à la propagande alimentée par les médias et entretenue par les groupes gauchistes. Le travail s'est alors partagé entre la CFDT et les syndicats modérés qui ont appelé directement à la reprise du travail tandis que la CGT et FO ont dit qu'ils suivraient les décisions des AG ;
- les syndicats ont joué sur l'absence de centralisation du mouvement qu'ils avaient provoquée et entretenue : le fait que chaque AG décide dans son coin de la poursuite ou non de la grève a permis une propagation "spontanée" de la vague de reprise.
De fait, la CGT et FO ne sont jamais apparus comme divisés, ni surtout comme des diviseurs. Les deux principaux syndicats "combatifs" n'ont, au contraire, pas cessé de proclamer la nécessité pour les ouvriers de rester unis et ont même largement mis en garde contre le développement d'une division entre "jusqu'au boutistes" et ouvriers voulant reprendre le travail.
Contrairement à ce qui avait pu se passer dans certains conflits des années 70 ou 80, la fin de la grève n'a pas permis que soit mis en évidence le rôle de saboteurs de la lutte que sont les syndicats. Le maintien du plan Juppé a été attribué à la seule et unique intransigeance du gouvernement et non pas à un quelconque manque de détermination des syndicats. Par contre, les médias ont largement relayé l'idée du manque de solidarité des secteurs qui ne se sont pas ou que peu mis en grève, le secteur privé notamment, et toute une entreprise de division et culpabilisation basée sur celle-ci.

 

... pour affaiblir la classe ouvrière face aux attaques

Après trois semaines de grève, un grand nombre d'ouvriers ont repris le travail avec un sentiment de fierté "de ne pas s'être laissés faire", d'avoir été capables de relever la tête. L'idée suivant laquelle ce mouvement a contribué à renforcer la classe ouvrière est totalement fausse. Elle représente un poison pour la conscience du prolétariat.
Les syndicats n'ont nullement changé de nature. S'ils ont adopté un profil si radical, c'est pour faire oublier leur sale travail passé et pour renforcer leur capacité à saboter les luttes ouvrières dans l'avenir, comme dans le but présent et permanent de permettre au gouvernement de faire passer ses attaques.
Face à l'usure accélérée des syndicats et à la défiance envers eux qu'avaient suscitée dans les rangs ouvriers 35 ans de sabotage syndical de leurs luttes, il était urgent pour la bourgeoisie d'imprimer une nouvelle image positive de ses officines d'encadrement de la classe ouvrière et de pousser les ouvriers à leur faire confiance. Pour ce faire, les syndicats ont pris l'initiative de lancer un mouvement qui, du début à la fin, est resté sous leur parfait contrôle, et dans lequel ils se sont offert une image inhabituellement "radicale", "combative" et "unitaire".
Aux cris de triomphe des syndicalistes d'hier clamant que, grâce à eux, le mouvement avait fait reculer Juppé et la classe ouvrière s'était renforcée, s'oppose le constat d'évidence : le plan Juppé sur la sécurité sociale est passé. Quant à l'illusion que cette "expérience" aurait permis à la classe ouvrière de se renforcer en réapprenant à se défendre, qu'elle y aurait retrouvé ses réflexes de lutte, de solidarité de classe et d'unité, elle aussi s'est révélée une chimère. Depuis lors, les attaques gouvernementales et patronales n'ont fait que redoubler de violence : outre la mise en place, mois après mois, des mesures du plan Juppé, les hausses de prélèvements et baisses des allocations sociales, la bourgeoisie a déchaîné sur la classe ouvrière une avalanche de coups sans précédents, sous forme de plans sociaux à répétition et leurs charrettes de licenciements et de suppressions de postes dans la fonction publique, de développement de la précarité et de la flexibilité du travail.
A tout cela les ouvriers ont été incapables d'opposer la moindre résistance sérieuse, et pour cause. Pris dans la nasse de syndicats renforcés par leur nouvelle image, les ouvriers en butte aux attaques se sont retrouvé baladés, atomisés, dispersés dans des actions syndicales impuissantes et isolées, sans trouver la force de contester et encore moins de déborder cet encadrement syndical omniprésent. Bref, les syndicats ont eu les mains plus libres que jamais, dans les années suivantes, pour faire leur sale boulot habituel de saucissonnage, de division et de sabotage ouvert.

WP

Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en France [4]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La question syndicale [5]

Les oripeaux de la "prospérité économique" arrachés par la crise

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Le capitalisme est rentré dans sa sixième phase de récession ouverte depuis le resurgissement de la crise sur la scène de l'histoire à la fin des années 60 : 1967, 1970-71, 1974-75, 1980-82, 1991-93, 2001- ?, sans compter l'effondrement des pays du Sud-Est asiatique, du Brésil, etc., dans les années 1997-1998. Depuis, chaque décennie se solde par un taux de croissance inférieure à la précédente : 1962-69 : 5,2% ; 1970-79 : 3,5% ; 1980-89 : 2,8% ; 1990-99 : 2,6% ; 2000-2002 : 2,2%. En 2002, la croissance de la zone Euro atteint péniblement + 0,7% alors qu'elle se maintenait encore à 2,4% aux Etats-Unis, chiffre néanmoins moins élevé que dans les années 1990.
Ce qui caractérise la récession actuelle, aux dires des commentateurs bourgeois eux-mêmes, c'est la rapidité et l'intensité de son développement. Les Etats-Unis, la première économie du monde, ont très rapidement plongé dans la récession. Le repli du PIB américain est plus rapide que lors de la récession précédente et l'aggravation du chômage atteint un record inégalé depuis la crise de 1974. Le Japon, la deuxième économie du monde, ne se porte pas mieux. Malgré des plans de relance massifs, l'économie nippone vient de replonger dans la récession pour la troisième fois. C'est la plus forte crise depuis 20 ans et, selon le FMI, le Japon pourrait connaître, pour la première fois depuis l'après-guerre, deux années consécutives de contraction de l'activité économique. Avec ces multiples plans de relance successifs, le Japon rajoute à son endettement bancaire astronomique, un endettement public qui est devenu le plus élevé de tous les pays industrialisés. Ce dernier représente aujourd'hui 130% du PIB et devrait atteindre 153% en 2003.

 

L'intensification des contradictions du capitalisme décadent

Au XIXe siècle, dans la période ascendante du capitalisme, le solde budgétaire des finances publiques (différence entre les recettes et les dépenses) de six grands pays (Etats-Unis, Japon, Canada, France, Grande-Bretagne, Italie) n'est que ponctuellement en déficit, essentiellement pour cause de guerres, il est par ailleurs stable et en constante amélioration entre 1870 et 1910. Le contraste est saisissant avec la période de décadence dans laquelle le déficit est quasiment permanent, exceptées 4 années à la fin des années 20 et une vingtaine d'années entre 1950 et 1970 et se creuse tant pour des raisons guerrières que lors des crises économiques.
Le poids de la dette publique en pourcentage du PIB diminue tout au long de la période ascendante. En général, ce pourcentage ne dépasse jamais 50. Il explose lors de l'entrée en période de décadence pour ne refluer qu'au cours de la période 1950-80, mais sans jamais redescendre au dessous de 50%. Il remonte ensuite au cours des années 1980-90. Cette montagne de dettes qui s'accumulent non seulement au Japon mais aussi dans les autres pays développés constitue un véritable baril de poudre potentiellement déstabilisateur à terme. Ainsi, une grossière estimation de l'endettement mondial pour l'ensemble des agents économiques (Etats, entreprises, ménages et banques) oscille entre 200 et 300% du produit mondial. Concrètement, cela signifie deux choses : d'une part, que le système a avancé l'équivalent monétaire de la valeur de deux à trois fois le produit mondial pour pallier la crise de surproduction rampante et, d'autre part, qu'il faudrait travailler deux à trois années pour rien si cette dette devait être remboursée du jour au lendemain. Si un endettement massif peut aujourd'hui encore être supporté par les économies développées, il est par contre en train d'étouffer un à un les pays dits "émergents". Cet endettement phénoménal au niveau mondial est historiquement sans précédent et exprime à la fois le niveau d'impasse dans lequel le système capitaliste s'est enfoncé mais aussi sa capacité à manipuler la loi de la valeur afin d'assurer sa pérennité.

 

La fable du "moins d'Etat"

On essaie de nous faire croire qu'avec la libéralisation et la mondialisation, les Etats n'ont pratiquement plus rien à dire, qu'ils ont perdu leur autonomie face aux marchés et aux organismes supranationaux comme le FMI, l'OMC, etc., mais lorsqu'on consulte les statistiques, force est de constater que malgré vingt années de "néo-libéralisme", le poids économique global de l'Etat (plus précisément du secteur dit "non marchand" : dépenses de toutes les administrations publiques, y compris les dépenses de sécurité sociale) n'a guère reculé. Il continue de croître, même si c'est à un rythme moins soutenu, pour atteindre une fourchette de + 45 à 50% pour les 32 pays de l'OCDE avec une valeur basse autour de 35% pour les Etats-Unis et le Japon et une valeur haute de 60 à 70% pour les pays nordiques.
Oscillant autour de 10% tout au long de la phase ascendante du capitalisme, la part de l'Etat (dépenses de toutes les administrations publiques, y compris les dépenses de sécurité sociale) dans la création de valeur ajoutée grimpe progressivement au cours de la phase de décadence pour avoisiner 50% en 1995 dans les pays de l'OCDE (source : Banque Mondiale, rapport sur le développement dans le monde, 1997).
Quant au poids politique des Etats, il s'est bel et bien accru. Aujourd'hui, comme tout au long du XXe siècle, le capitalisme d'Etat n'a pas de couleur politique précise. Aux Etats-Unis, ce sont les républicains (la "droite") qui prennent l'initiative d'un soutien public à la relance et qui subventionnent les compagnies aériennes. La Banque Centrale pour sa part, très étroitement liée au pouvoir, a baissé ses taux d'intérêt au fur et à mesure que la récession se précisait afin d'aider à la relance de la machine économique : de 6,5% à 2% entre le début et la fin 2001. Au Japon, les banques ont été renflouées à deux reprises par l'Etat et certaines ont même été nationalisées. En Suisse, c'est l'Etat qui a organisé la gigantesque opération de renflouement de la compagnie aérienne nationale Swissair, etc. Même en Argentine, avec la bénédiction du FMI et de la Banque Mondiale, le gouvernement a recours à un vaste programme de travaux publics pour essayer de recréer des emplois. Si, au XIXe siècle, les partis politiques instrumentalisaient l'Etat pour faire passer prioritairement leurs intérêts, dans la période de décadence, ce sont les impératifs économiques et impérialistes globaux qui dictent la politique à suivre quelle que soit la couleur du gouvernement en place. Cette analyse fondamentale, dégagée par la Gauche communiste, a été amplement confirmée tout au long du XXe siècle et est plus que jamais d'actualité aujourd'hui que les enjeux sont encore plus exacerbés. "Les causes directes du renforcement de l'Etat capitaliste à notre époque traduisent toutes les difficultés dues à l'inadaptation définitive du cadre des rapports capitalistes au développement atteint par les forces productives". ("La décadence du capitalisme", brochure du CCI).

 

L'avenir reste dans les mains de la classe ouvrière

Ce qui est absolument certain, c'est qu'avec le développement de la récession au niveau international, la bourgeoisie imposera une nouvelle et violente dégradation du niveau de vie de la classe ouvrière. Sous prétexte d'état de guerre et au nom des intérêts supérieurs de la nation, la bourgeoisie américaine en profite pour faire passer ses mesures d'austérité déjà prévues depuis longtemps, car rendues nécessaires par une récession qui se développait : licenciements massifs, efforts productifs accrus, mesures d'exception au nom de l'anti-terrorisme mais qui servent fondamentalement comme terrain d'essai pour le maintien de l'ordre social. Après l'effondrement du bloc de l'Est, la course aux armements s'était ralentie pendant quelques années mais très rapidement, vers le milieu des années 1990, elle est repartie. Le 11 Septembre a permis de justifier le développement encore plus énorme des armements. Les dépenses militaires des Etats-Unis représentent 37% des dépenses militaires mondiales qui sont en hausse dans tous les pays. Partout dans le monde, les taux de chômage sont de nouveau fortement orientés à la hausse alors que la bourgeoisie avait réussi à camoufler une partie de son ampleur réelle par des politiques de traitement social - c'est-à-dire des gestions de la précarité - et par des manipulations grossières des statistiques. Partout en Europe, les budgets sont révisés à la baisse et de nouvelles mesures d'austérité sont programmées. Au nom de la stabilité budgétaire, dont le prolétariat n'a que faire, la bourgeoisie européenne est en train de revoir la question des retraites (abaissement des taux et allongement de la vie active) et de nouvelles mesures sont envisagées pour faire sauter "les freins au développement de la croissance" comme disent pudiquement les experts de l'OCDE, à savoir "atténuer les rigidités" et "favoriser l'offre de travail" via une précarisation accrue et une réduction de toutes les indemnisations sociales (chômage, soins de santé, allocations diverses, etc.). Au Japon, l'Etat a planifié une restructuration dans 40 % des organismes publics : 17 vont fermer et 45 autres seront privatisés. Enfin, pendant que ces nouvelles attaques viennent frapper le prolétariat au cœur du capitalisme mondial, la pauvreté se développe de façon vertigineuse à la périphérie du capitalisme. La situation des pays dits "émergents" est significative à cet égard avec la situation dans des pays comme l'Argentine, le Venezuela. La Turquie et la Russie sont toujours sous perfusion et suivies à la loupe.
A cette situation d'impasse économique, de chaos social et de misère croissante pour la classe ouvrière, celle-ci n'a qu'une réponse à apporter : développer massivement ses luttes sur son propre terrain de classe dans tous les pays. Aucune "alternance démocratique", aucun changement de gouvernement, aucune autre politique ne peut apporter un quelconque remède à la maladie mortelle du capitalisme. La généralisation et l'unification des combats du prolétariat mondial qui ne peuvent aller que vers le renversement du capitalisme, sont la seule alternative capable de sortir la société de cette impasse. Rarement dans l'histoire, la réalité objective n'avait aussi clairement mis en évidence que l'on ne peut plus combattre les effets de la crise capitaliste sans détruire le capitalisme lui-même. Le degré de décomposition atteint par le système et la gravité des conséquences de son existence sont tels que la question de son dépassement par un bouleversement révolutionnaire apparaît et apparaîtra de plus en plus comme la seule issue "réaliste" pour les exploités. L'avenir reste dans les mains de la classe ouvrière.

CCI


Sources

Croissance du PIB (1962-2001) : OCDE
Ratio solde budgétaire/PIB (en % du PIB) : Paul Masson et Michael Muss : "Long term tendencies in budget deficits and Debts", document de travail du FMI 95/128 (décembre 1995)
Alternatives Economiques (Hors série) : "L'état de l'économie 2003".
Maddison : "L 'économie mondiale 1820-1992", OCDE et "Deux siècles de révolution industrielle", Pluriel H 8413.

Récent et en cours: 

  • Crise économique [6]

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Liens
[1] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/luttes-classe [2] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/trotskysme [3] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/soi-disant-partis-ouvriers [4] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/lutte-classe-france [5] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/question-syndicale [6] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/crise-economique