“International digest” le défenseur des conseils ouvriers paraît à Melbourne. Il semble publier non par un groupe politique constitué comme tel mais par des militants marxistes isolés, et défendant un point de vue de classe ouvrier. Je me propose de donner ci-dessus un cours aperçu de leurs perspectives et positions politiques. Fatalement incomplet, cet exposé risque peut-être de déformer la pensée de ces camarades. Ils voudront bien en ce cas m’adresser toutes rectifications utiles. Le manque d’études théoriques de fond m’oblige à condenser en matière d’introduction, les vues exprimées par le camarade “Ajax” à propos de “Nationalisation et Socialisme”.
Après avoir rappelé que la propriété n’est un caractère distinctif, exclusif, du capitalisme, “Ajax” examine l’évolution de ce dernier système. C’est la nécessité de concentrer et centraliser les entreprises afin d’élargir sans cesse la production qui a contraint le capitalisme à passer du stade concurrentiel à celui des monopoles. Mais aujourd’hui, bien des industries sont devenues trop gigantesques, leur administration trop complexe, pour que les monopoleurs trouvent encore profit à leur gestion. Les recherches dans le domaine scientifique, par exemple, qui ne sont pas immédiatement productives de capital, ne le sont qu’indirectement, nécessitent de gros investissements financiers et les capitalistes, en tant que classe, sont contraints d’unir leurs ressources. D’autres industries comme l’extraction du charbon, deviennent de moins en moins rentables, un fardeau de plus en plus lourd à leurs propriétaires. La classe capitaliste ayant besoin de charbon et les propriétaires de mines ne pouvant vendre à perte, l’ensemble des capitalistes doit prendre en charge, par l’intermédiaire de l’Etat, l’industrie du charbon. Dans toutes les branches d’industrie, concentration et centralisation accrue du capital conduisent à l’ingérence étatique dans le régime de la propriété privée, puis au régime de la propriété d’Etat ; c’est-à-dire politiquement au totalitarisme.
A grand traits schématiques, Ajax examine l’Italie et l’Allemagne fascistes dont il assimile le régime au totalitarisme. De ce totalitarisme, de l’un de ses aspects, en Russie, il dit "En Russie, où les propriétaires capitalistes furent expropriés et où les ouvriers avaient le contrôle de la production, ce qui eut des conséquences que je ne me propose pas d’examiner ici, l’Etat sous la forme du Parti des bureaucrates staliniens était à même de s’emparer de la propriété et de prendre la place de la vieille classe capitaliste détruite ou exilée. En raison de leurs importants revenus, ces bureaucrates, associés à l’intelligentsia, aux écrivains, aux acteurs, aux ballerines etc… accroissaient leur fortune. Ils purent ainsi procéder à des investissements dans l’industrie, non par l’achat direct d’actions et en mettant leur nom sur la porte des entreprises, mais en se procurant des bons d’Etat, francs d’impôts, et portant intérêts de 8 à 12%. Ces bons sont l’équivalent des actions ou obligations émises par les vieilles compagnies capitalistes". L’exploitation du travail humain se perpétue donc sous le contrôle des ouvriers sur l’ensemble des nationalisations. Seule la propriété et le contrôle des ouvriers sur l’ensemble de la production sera, dans la période transitoire de Dictature du prolétariat, un pas fait vers l’avènement du socialisme.
Dans ce même numéro d’octobre 1946, J. A. Dawson, éditeur du journal reprend la discussion. Pour lui, nazisme et stalinisme sont à première vue semblables. Mais ce n’est là qu’une apparence, fondée d’ailleurs sur d’indéniables points d’identité. Les nazis, dit-il, n’était pas une classe mais une organisation de bandits à la solde des junkers. Le pouvoir que la faillite des sociaux-démocrates leur avait abandonné, les nazis l’aurait exercé seuls à leur profit. Mais insuffisants à la tâche, "les nazis n’étaient pas des génies militaires" capable de mener à bien leur tentative de dominer le monde, ils furent contraints de demeurer sous la coupe du vieil appareil militaire de junkers au sens de Dawson, le seul caractère du nazisme fut d’être une "conspiration de brigands".
Quant au stalinisme, sa nature est différente. "Ni Lénine, ni Staline en effet, ne furent des racketteurs s’essayant à promouvoir leur propre système d’exploitation de l’Homme. Ils furent essentiellement des bâtisseurs révolutionnaires". Mais la nécessité pour eux, face à un monde hostile, de prendre en mains le pouvoir, les oblige à faire du Parti communiste la source du recrutement en personnel bureaucratique. Le capitalisme d’Etat russe est en plein épanouissement, malgré les ravages causés par la dernière guerre. La Russie EST PRETE sans que U.S.A. et G.B.I. puissent rattraper. Malgré leur bombe, les Etats-Unis, ont peur de la Russie et l’ombre d’un nouveau Munich pourrait bien encore profiter à l’horizon. Quant à une analyse approfondie marxiste du capitalisme d’Etat russe dès sa signification précise pour le mouvement ouvrier, Dawson paraît renoncer à la faire autrement que par des essais à propos "du grand projet russe d’empoigner à la gorge dépasser le capitalisme.
Le défenseur des conseils ouvriers publie de nombreux articles concernant la situation internationale ou en Australie. Le numéro de mai-juin 1948 indique par exemple que même aux USA la tendance est au capitalisme d'État. Cependant, l'analyse en reste assez formule toute faite qu'une discussion théorique étendue à l'échelle internationale, permettrait seul de dépasser. Ceci dit, il n'en reste pas moins que le défenseur des conseils ouvriers suit une ligne de pensée correcte et saine. Il ne donne pas dans ce panneau de l'antifascisme, en tant qu'idéologie impérialiste, qui fait pleurer les trotskistes et bien d'autres, sur les cadavres des entartes de Márkos[1], ou ouvrier de l'étendard progressiste ceux des tueurs “Juifs” de Galilée.
Le défenseur des conseils ouvriers publie de nombreux articles concernant la situation internationale ou en Australie. Le numéro de mai-juin 1948 indique par exemple que même aux USA la tendance est au capitalisme d'État. Cependant, l'analyse en reste assez formule toute faite qu'une discussion théorique étendue à l'échelle internationale, permettrait seul de dépasser. Ceci dit, il n'en reste pas moins que le défenseur des conseils ouvriers suit une ligne de pensée correcte et saine. Il ne donne pas dans ce panneau de l'antifascisme, en tant qu'idéologie impérialiste, qui fait pleurer les trotskistes et bien d'autres, sur les cadavres des entartes de Márkos, ou ouvrier de l'étendard progressiste ceux des tueurs “Juifs” de Galilée
Les appréciations brièvement esquisser ci-dessus prendront leur plein sens à la lecture des “5 thèses marxistes” parues en mai 47 dans le défenseur des conseils ouvriers. Ces thèses ont été rédigées par Anton Pannekoek. L’un des membres les plus représentatifs et au nom des communistes de conseil en Hollande. Anton Pannekoek milite depuis longtemps dans le mouvement ouvrier. Exclu de la social-démocratie hollandaise, il fonda en 1909 le journal De Tribunes. Sa polémique de 1912 avec Kautsky à propos du rôle de la révolution prolétarienne vis-à-vis de l'État est restée justement fameuse ; Lénine, rappelons-le, en fait mention dans son ouvrage sur “L'État et la révolution. Vers cette époque Pannekoek pris position contre Rosa Luxemburg à propos de la théorie formulée par elle de l'accumulation du capital ; il conclut pour sa part à l'inexistence. Il adhéra quelque temps à la Troisième Internationale, sans renoncer à ses positions antérieures, ce qui lui valut la légiste argumentation que l'on soit dans la maladie infantile du communisme. Il a publié un ouvrage sur la philosophie de Lénine dont une traduction en français a paru ici même, et le défenseur des conseils ouvriers publics publia de lui actuellement un ouvrage sur les conseils ouvriers. Ces quelques rappels biographiques afin de mieux situer Anton Pannekoek et le courant communisme de conseil donc il est l'un des porte-parole autorisés. Voici, quant à l'essentiel, la traduction de ces thèses :
I - Depuis un siècle en croissance, le capitalisme a considérablement accru son pouvoir, non seulement en s’élargissant à la terre entière, mais encore par son développement au travers de formes nouvelles… Le développement du capitalisme conduit à la concentration du pouvoir sur les branches principales de la production dans les mains des grands trusts monopoleurs. Ils sont en étroit contact avec le pouvoir d'État et le dominent… Dans le même temps, se fait jour dans la plupart des pays, une tendance montante à utiliser le pouvoir organisé de l'État aux fins de concentrer en ses mains la direction des industries-clés, début de l’économie planifiée.
II - Le socialisme qui passe pour le but du combat ouvrier, c’est l’organnisation de la production par le gouvernement. Il signifie le socialisme d’état. La direction de la production par des fonctionnaires d’état… Le socialisme fut proclamé le but de la classe quand, à son premier éveil, elle se trouvait sans pouvoir, incapable de conquérir Par elle-même la direction des entreprises et recherchons la protection de l'État contre la classe capitaliste au moyen de réforme sociale (sociale démocratie, les bords partis)... par l'abolition d'ignominie criante en comblant des retards du capitalisme, en introduisant une direction étatique préservant sous garantie de l'État et profits capitaliste, il ou rayonne (le gouvernement travailliste de Grande-Bretagne) renforce la domination capitaliste et perpétue l'exploitation des travailleurs.
III - Le but de la classe ouvrière c'est la libération de son exploitation. Ce but n'est pas atteint et ne saurait être atteint par une nouvelle classe dirigeante se substituant à la bourgeoisie. il ne peut être réalisé que par les travailleurs mettre eux-mêmes de la production. Les conseils ouvriers sont le moyen de cette réalisation (nous reviendrons sur cette question en temps utile c'est-à-dire après la complète parution de l'ouvrage de Pannekoek)
IV - Dans la période actuelle les partis politiques ont deux fonctions : a) Ils aspire au pouvoir politique, à la domination de l'État afin d'en prendre la direction dans leur propre main et d'user de ce pouvoir afin de mettre en pratique leur programme;
b) Ils doivent à cette fin amener les masses travailleuses à leur programme : soit en la clarifiant par des explications adéquates, soit en essayant tout simplement de faire de ces mêmes masses et au moyen de leur propagande un troupeau de suiveurs. Un parti politique ne peut pas apporter la liberté ; mais, vainqueur il amènera seulement de nouvelles formes d’asservissement. Les travailleurs ne peuvent conquérir leur liberté que par leur propre action organisée, en prenant leur sort dans leurs propres mains, y vouant l'exercice de toutes leurs facultés, et en dirigeant et organisant leur combat et leur travail et même au moyen de leurs conseils.
Au parti incombe alors leur deuxième fonction qui est de propager la connaissance et le savoir, d'étudier, discuter et formuler les idées sociales et d'éduquer par leur propagande la pensée des masses. Les conseils d'ouvriers sont l'organe de l'action pratique et du combat de la classe ouvrière, au parti revient la tâche d'en construire le pouvoir intellectuel. Leurs travaux forment une part indispensable dans l'auto-émancipation de la classe ouvrière.
V - La forme la plus puissante du combat contre la classe capitaliste, c'est la grève. Les grèves sont toujours nécessaires contre la tendance des capitalistes à accroître leur profit en abaissant les salaires et d'accroître les heures ou l'intensité du travail. Les syndicats sont devenus un instrument de médiation entre capitaliste et ouvrier. Leurs dirigeants aspirent à se faire connaître une part dans l'appareil de direction du capital et de l'État... Dans ces conditions, le combat de la classe ouvrière prend la forme de grève sauvage. Ces grèves sont spontanées, massives, brisant tous les cadres. Elles sont des actions directes dans lesquelles les travailleurs prennent entièrement le combat en main, abandonnant et syndicats et leurs dirigeants. L'organisation du combat est faite par les comités de grève, par les délégués des grévistes et choisis par eux... Les grèves sauvages représentent aujourd'hui la seule et véritable lutte de classe des ouvriers contre le capital.
Dès 1912, beaucoup d'une controverse avec Pannekoek, Gustave Eckstein souligné dans un article et “NEUE ZEIT” l’étroite parenté, existant entre les conceptions politiques de l’anarcho-syndicalisme ET celle du penseur marxiste de Hollande. Tout autant que du marxisme les “cinq thèses” ne pourraient-elles pas se réclamer de l'anarchisme ? à ce dernier propos Pannekoek (le défenseur... mai 1948) écrit : la notion de la liberté à son origine dans la conviction des classes moyennes à l'intérieur du capitalisme naissant. La liberté du commerce ou d'entreprises ne peut suffire à la classe ouvrière : le problème à résoudre par les travailleurs, leur but, et de combiner la liberté et l'organisation... La liberté, en tant que contenu principal de l'enseignement anarchiste, peut éveiller aujourd'hui de fortes sympathies ; mais c'est là une part seulement et pas même fondamentale, de l'objectif suprême de la classe ouvrière qui est sa détermination par elle-même au moyen de son organisation en conseils. Dans la période présente, il semble, à l'intérieur de l'anarchisme, voir se dessiner un certain rapprochement vers l'idée de conseil ouvrier... Mais la vieille doctrine anarchiste est trop étroite pour la lutte de classe prolétarienne d'aujourd'hui.
Ces réserves faites, et elles sont de taille, le défenseur des conseils ouvriers affirme la nécessité d'une unité de classe ouvrière dans la pratique, “nous avons”, dit-il “ce même objectif qui est de renverser révolutionnairement la notion de propriété en tant que base de la société…” Le défenseur... accorde d’ailleurs un large écho à la vieille centrale anarcho-syndicaliste, les ouvriers industriels du monde (IWW). Les mots dehors essentiels de cette organisation sont, à bien peu près, ceux qu'elle mettait en avant il y a 25 ans : la journée de 4h, (afin, paraît-il, de lutter contre le chômage) ; l'abolition de la condition salariée, un nouvel ordre social basé sur l'administration scientifique de l'industrie ; l'on sait que les anarcho-syndicalistes préconisent la “grève générale mondiale”. Les ouvriers d'un pays poussés, soit par leur propre résolution, soit par une crise déclencheront une grève générale qui sera le début de la révolution. Avec le concours des syndicats et des Conseils d’Ouvriers, indépendamment de tous les partis politiques (y compris le mouvement anarchiste) les ouvriers procéderont sans tarder à l’expropriation des capitalistes et en feront une propriété sociale. Ces vues sont donc, dans leurs lignes générales, communes aux théoriciens de l'anarcho-syndicalisme et du communisme de conseils. Notons cependant que les IWW ont, comme tout anarchiste qui se respecte, une prédilection pour la mythologie naïve “des grands jours qui viennent” ; mythologie, que la méthode marxiste du défenseur des Conseils Ouvriers l'empêche souvent de partager.
Devant l’approche d’une guerre mondiale, le Défenseur ne se veut pas neutre. Mais force alors est de remarquer un certain recours à la susdit mythologie. Aux ouvriers le Défenseur (juin-47) recommande : “d’obliger le Labor-Party (depuis longtemps au pouvoir en Australie) à servir la classe ouvrière ; d’adresser par là un message de classe aux ouvriers de Russie leur demandant d’agir dans ce même sens ; de s’opposer à la 3ème et plus destructive des guerres mondiales. C’est là, nourrir les plus funestes illusions sur la force réelle du mouvement ouvrier d’aujourd’hui. À juste titre cependant, le Défenseur dénonce “l’agitation menée autour du Contrôle ouvrier sur les entreprises d’état” et affirme qu’il tient un tel contrôle “pour une extrême impossibilité”. Le Défenseur des Conseils Ouvriers a de plus, et souventes fois, dénoncé la politique antagoniste du Labour-Party et de staliniens comme une phase de lutte contre les USA et la Russie pour le gouvernement mondial. Affirmer en conséquence, à propos [ainsi] d'une grève de cheminot dans le Queensland, que “les travailleurs doivent prendre en charge leur propre combat”. Cela est juste et clairement pensé, mais n'est-ce pas précisément l'un des rôles de classe du Labour-party, du stalinisme, du syndicalisme, mondiaux que d'empêcher cette prise en charge du combat ouvrier dans les travailleurs eux-mêmes ? Et ce combat ouvrier ne devient-il pas pour le Labor-party australien un moyen dans sa lutte pour empêcher leur direction de l'exploitation du travail aux formes périmées du capitalisme ? Le futur de la Révolution prolétarienne ne peut passer par des grèves, affectant même et le cas échéant des aspects “sauvages”, mais qui à l'étape actuelle de la lutte de classe sont rapidement accaparé par l'un ou l'autre des courants prétendument ouvriers, expressions politiques du capitalisme d'État. Ce futur est directement lié à la prise de conscience du prolétariat par lui-même, en tant que luttant pour son émancipation de l'exploitation capitaliste et pour une humanité humaine enfin (Pour plus d'ampleur discussions à ce sujet, on voudra bien se reporter au rapport sur la nature et la fonction du parti politique du prolétariat, publié dans le dernier numéro).
Le journal révolutionnaire de Melbourne n'est pas seulement le défenseur de l'idée des conseils ouvriers, c'est aussi un “international Digest”. Cette chronique est tenue par K. J. Kennafock. Avec une rare honnêteté intellectuelle, ce camarade rend compte périodiquement de diverses publications révolutionnaires -se donnant pour telles- d'Europe et d'Amérique. Parmi les publications de langue française, Kennafock reçoit et a ainsi analysé ou traduit les articles parus dans ”Le Libertaire” et “la Révolution Prolétarienne ; dans “l'internationaliste” organe de la fraction belge de la Gauche Communiste. Notre bulletin a, par lui, été édité à plusieurs reprises, en particulier dans le numéro de juillet-août 1948 dernier, en tête de ceux que j'ai sous les yeux.
Ce même numéro contient en outre d'intéressantes notes sur des questions d'actualité et du militarisme, notes rédigées par J. A. Dawson. On y retournera aussi une interprétation de la Commune, œuvre de Lain Diez de Santiago du Chili. Cette interprétation est traduite et précédée d'une lettre de Karl Korsch. Ce dernier pense qu'on décrit d’évidentes insuffisances, cet article approche certaines questions importantes. Et cela de manière qui pourrait bien intéresser des gens qui ne sont pas encore affranchis de la légende de Marx-Lénine-Trotsky... c'est l'occasion peut-être de rappeler qui fut et est Karl Korsch, il en vaut, je crois, la peine. Après avoir été membre oppositionnel de la Fabian Society anglaise (groupe socialiste d'études théoriques) puis pendant la Première Guerre mondiale du parti social-démocrate indépendant d'Allemagne, Korsch adhéra à ce qu'il appelle aujourd'hui le parti de Lénine (sa section allemande). Il s'y situe très à gauche ce qui lui valut en 1933 et avec Maslov et Ruth Fischer notamment, de remplacer à la direction du parti l'aile de Thalheimer et Brandler. Il préconisait alors l'abandon des syndicats, l'action directe, combattait le front unique avec la sociale démocratie pourrissante, s'opposait aux injonctions catégoriques du C.E. de la Troisième Internationale : cela durera peu, bien sûr et Korsch, désormais classé “ultra-gauche”, retourne à l'opposition. Il fût compris dans la charrette d'exclusion de 1936. Depuis cette date, Korsch a défendu ses points de vue dans différentes revues. Il estimait, et estime apparemment encore que le marxisme s'était, en Russie, transformé d'expression théorique du mouvement prolétarien et révolutionnaire, en idéologie prétendument socialiste d'une classe exploiteuse capitaliste ; selon lui cette transformation était sensible en Russie dès avant Lénine. Actuellement dit-il il prépare des études où sont retracés les résultats finaux de “l'ère marxiste” du mouvement ouvrier. Cette période est par lui divisée en deux :
a) avant, pendant, et après 1848
b) pendant la période de l’AIT.
Pendant cette dernière, écrivait Korsch, il y a plus de 15 ans, “Marx accordait à l'action économique syndicale et autres expressions des intérêts immédiats et spécifiques de la classe ouvrière, une importance beaucoup plus grande que dans les périodes précédentes”. Mais revenons à Lain Diez, à son interprétation de la commune dont ci-dessous le compte-rendu analytique.
Lain Diez rappelle que des ruines de 1871 émerge un mythe nourricier de l’optimisme révolutionnaire pendant trois quarts de siècle. Puis affirme que rien de tel n’est issu de la deuxième guerre mondiale. Ayant ainsi légitimé son propos : reconnaître au travers des interprétations classiques la figure de la Commune, il entre dans le vif du sujet.
La première Internationale était divisée en deux camps : celui de Marx et celui de Bakounine. L’un et l’autre embrassèrent la cause de la Commune, reconnurent l’importance de ce mouvement. Bakounine voyait dans la Commune un mouvement s’orientant vers ses propres conceptions d’anarchistes fédéralistes. “Je m’en déclare, dit-il, car, plus que tout elle fut de l’Etat une négation et exhaustive”, et salue en elle l’embryon d’un système fédéraliste, il ajoutait que “l’ordre social futur ne sera établi… qu’au travers de la libre association et fédération des ouvriers ; d’abord en associations, puis en communauté, en districts, en nations, puis enfin dans une fédération internationale et universelle”. On reconnaîtra là, l’idéal de Proudhon. Mais Bakounine la complétait en fonction du développement révolutionnaire. Il assurait que la logique des événements obligeait les leaders démocrates et jacobins à s’adapter au programme de la minorité socialiste, et les convertissait inconsciemment en socialistes. Pour Kropotkine “la révolution de 1871… jaillit spontanément des masses, et c’est dans les grandes masses du peuple qu’elle trouvait ses défenseurs, ses héros, ses martyrs… L’indépendance communale fut seulement un moyen pour le peuple de Paris, la révolution sociale était son but.
Les anarchistes furent très surpris et ne comprirent pas que Marx défendit la Commune, la dépeignant comme une révolution prolétarienne et sociale. A leur sens, la Commune signifiait la négation des positions de Marx et Bakounine alla jusqu’à l’excuser de profiter de l’enthousiasme que les combats parisiens avaient suscité dans le prolétariat. Et James Guillaume, odieux et chauvin calomniateur de Marx, écrivit : “La Commune, ce fut une protestation de l’idée fédéraliste n’ayant rien de commun avec l’Etat socialiste ou “Volkstaat”” que les sociaux-démocrates marxistes ont inscrit sur leur bannières”. Erreur singulière pour le moins, puisque le programme des sociaux-démocrates n’était pas marxiste. Et que celui adopté au congrès de Gotha fut sévèrement critiqué par Marx. Et Lain Diez, de citer cette critique du programme de Gotha en ce qu’elle exprime d’une opposition irréductible aux interventions de l’Etat, cela en quelque domaine que ce soit.
Dans l’autre camp, Engels lui aussi, fit preuve d’une étrange incompréhension de la position anarchiste. Selon lui en effet, “proudhonien et blanquiste” firent l’opposé de ce que décrivaient les doctrines de leurs écoles.
La singulière mauvaise foi avec laquelle les uns et les autres confrontaient les actes de leurs adversaires avec ses théories, provient d’une fausse estimation dans l’importance des doctrines d’une part et de la pratique révolutionnaire d’autre part. C’est devenu une habitude que le répéter avec Trotsky : “C'est le programme qui fait le parti et non l'inverse”. Ainsi on accorde à la théorie la lutte spontanée. C'est ainsi que Lénine peut affirmer que “ la classe ouvrière, abandonnée elle-même, ne peut pas dépasser le niveau trade-unioniste en d'autres termes celui du réformisme pur et simple”. À cela, Rosa Luxembourg répondit par sa théorie des mouvements spontanés de la classe ouvrière comme condition fondamentale du succès du combat révolutionnaire.
Diez citant ensuite des extraits d'un article de Kautsky, par Lénine cité dans ”que faire” (édition sociale, Paris 1947, page 41) et prétend que cette identité de vue, sur ce point précis, à plus d'importance que les différences de “second ordre” à propos de la plus ou moins grande proportion de démocratie ou de dictature prolétarienne, de la plus ou moins grande dose de terrorisme qui constitue le pivot de la polémique de Lénine et Trotsky contre Kautsky et qui, à l'entendre ne sert qu'à masquer le véritable problème. Le secret d'une théorie poursuit Diez, après on s'en être référé à Pannekoek, est dans sa capacité d'interpréter et d'exprimer la lutte d'une classe pour son émancipation. C’est le motif pour lequel Max a adopté son communisme idéal au communisme réel qui tentait de s'affirmer dans le pari de 1871, et ne représentait qu’un certain stade du développement du prolétariat français, développement à l'origine duquel se trouve les sections de la commune de 1791 à 1793.
Lénine soutenait lui, une conception dualiste selon laquelle le mouvement ouvrier et son idéologie coexistaient et évoluaient parallèlement. Ce dualisme dérivait d’une part de sa conception pessimiste de la capacité créatrice du prolétariat, et d’autre part de sa conception autoritaire et ultra-centraliste de l’organisation. De cette dernière conception Trotsky pouvait écrire : “Les cadres du parti se substituent au parti, le comité central aux cadres et le dictateur au comité central”. L’évolution de “l'État ouvrier” a reproduit ces schémas de Trotsky, la nouvelle forme de gouvernement n’étant rien de plus que le parti transformé en État. Il est vrai que les circonstances historiques ont joué un rôle dans cette dégénérescence conduisant à un régime de capitalisme d’état dictatorial. Ces circonstances (l’isolement et l’état arriéré de la Russie) ne sont malgré tout que des facteurs conditionnels qui peuvent retarder, accélérer, ou dévier un mouvement d’une certaine (?). En fin de compte, le facteur décisif reste celui de la volonté du parti qui assure la responsabilité historique du mouvement. Opposer la saine théorie du bolchévisme “avant” le coup d’Octobre à la pratique despotique “d’après”, avec son élimination du soviétisme comme facteur politique déterminant, revient à tomber dans une nouvelle mystification sociale, laquelle est une formidable entrave aux efforts de la classe ouvrière.
Trotsky a concentré son attention non sur les principes révolutionnaires mais sur des facteurs de conditionnement du développement de l’U.R.S.S. les détails de la structure économique, d’un mot, sur la forme et non sur l’essence. Pour cette dissociation de la forme et de l’essence, par son idéalisation du parti bolchévique Trotsky est un remarquable exemple du complexe de “l’avant” et de “l’après”. Malgré de profondes divergences avec Lénine, il se pose la question d’adhérer au bolchévisme comme une question de vie ou de mort politique. Par “réalisme” il devint un grand agitateur, mais là se trouve le secret de son impuissance futur. Diez de rappeler une maxime de Goethe : ”un premier pas nous laisse libre, un second fait de nous des esclaves”.
La Commune de Paris est devenue le thème favori de tous ceux qui étudient le passé en fonction de leurs préoccupations présentes. C’est ainsi que Lénine et Trotsky, attachés aux normes de l’éducation marxiste, y ont consacré de nombreuses pages. Mais ils l’ont fait dans l’intention d’exalter la Révolution russe victorieuse en lui opposant les faiblesses de la Commune. Ils n’ont fait que projeter les problèmes qu’ils avaient eux-mêmes à affronter dans le cadre du Paris de 1871. Trotsky, en particulier, trouve dans le manque d’un solide terrorisme l’une des principales causes de la défaite du prolétariat parisien (Lain Diez falsifie là, dans l’intérêt de sa démonstration, la pensée de Trotsky).
L'appréciation portée sur la commune, par les fondateurs du socialisme scientifique, pose naturellement le problème de l'évolution de la révolution espagnole. Les socialistes se réclament du mouvement des conseils ouvriers, et qui représente aujourd'hui la plus authentique forme de la pensée marxiste, avec certes raison de sympathiser avec elle, de l'admirer. à côté d'erreurs politiques, il est incontestable que la collectivisation appliquée par la FAI et la CNT dans l'Espagne de 1937, sont bien plus dans la tradition de la commune de la pratique bolchevique n'a socialiste autoritaire et centralisée. C’est pratique qui n'a réussi qu'à créer un terrain convenable à la dégénérescence bureaucratique la défaite finale provoquée par la trahison des pouvoirs démocratique (gouvernementale) pendant 2 ans et face à un ennemi supérieurement armé.
La révolution espagnole fut une victoire socialiste qui change en défaite militaires, au contraire de la révolution russe victoire militaire qui change en défaite socialiste. Pourtant le leg de la Révolution catalane est positif. Elle a démontré la supériorité de l'initiative ouvrière, de son organisation de classe, dans la résolution du problème de production et de distribution communiste. Et Diez de paraphraser, au profit de la commune de Catalogne disait : “vous voulez savoir ce que signifie la dictature du prolétariat ? voyez donc la Commune de Paris c'est cela la dictature du prolétariat…”.
L’essai “d'interprétation de la commune” de Lain Diez méritent les plus sévères appréciations. Bien plus que Lénine et Trotsky qui eux étaient des hommes dans l'Histoire, des partisans, Lain Diez a projeté les conceptions de l'anarchisme défaillant sur la Commune de Paris est sur la Révolution d'Octobre. Il l'a fait non seulement avec d’évidentes insuffisances, comme dit Karl Korsch, mais enfermé dans des bouquins, loin, très loin, de l'histoire réelle du mouvement révolutionnaire. Chacune, ou presque, de ses assertions appellent une mise au point critique. Lain Diez, cependant, à cette qualité d'exprimer, au moins jusqu'à nouvel informé, la pensée du Défenseur des conseils ouvriers sur le grand nombre de problèmes complexes, parfois à débattre encore, soulever par l'interprétation de l'insurrection parisienne de 1871, sur le mouvement révolutionnaire ultérieur, qui, en toute manière, en a porté la marque. A ce titre elle méritait sa place de cet aperçu de la pensée révolutionnaire en Australie. Discuter à fond celle de Diez n'était pas mon propos.
Cousin
[1] Fait référence probablement à un événement grecque dans les années 40 avec le général Márkos Vafiádis.
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