En Belgique, les élections pour le Parlement européen, le Parlement fédéral et pour les trois parlements régionaux auront lieu le 9 juin. De l'extrême gauche à l'extrême droite, la bourgeoisie est unie pour tenter d'enthousiasmer la population, en particulier les nouveaux jeunes électeurs et la classe ouvrière par le biais de tests électoraux à grande échelle, de sondages, d'enquêtes sur les médias sociaux, de séances d'information dans les écoles, etc. afin qu'ils participent à ce cirque électoral. C’est la fête par excellence de la "démocratie" bourgeoise, qui permettrait soi-disant aux travailleurs grâce à un "juste choix" d’imposer "leur" politique à l'État bourgeois, bien sûr dans les limites de "ses" lois du marché capitaliste, de "son" effort de guerre, de "sa" crise économique, de "sa" crise climatique, de "sa" crise des réfugiés, et nous pourrions en ajouter d'autres à la liste.
Qu'il n'y ait aucun doute, quelle que soit la composition des gouvernements à venir, pour elle le choix final est fait depuis longtemps, pas besoin d'élections pour cela, car pour elle il n'y a pas d'autre voie ! Sous la pression d'une situation mondiale troublée, de nombreuses décisions importantes seront prises dans la période à venir pour défendre les intérêts nationaux de la bourgeoisie. Voilà le véritable casse-tête de la bourgeoisie, car le gouvernement devra avoir la capacité de prendre rapidement des mesures d'envergure. Bien que l'économie belge, avec une croissance de 1,5 %, semble faire mieux que la moyenne européenne, la réalité est que la production industrielle en Belgique est tombée à son niveau le plus bas depuis la pandémie et qu'en février de cette année, elle était inférieure de près de 7 % à ce qu'elle était un an plus tôt. La Belgique est soumise à une forte pression en raison d'un déficit budgétaire beaucoup trop élevé (4,4 %), et l'UE a imposé à ses États membres des règles budgétaires stipulant que ce déficit doit être ramené à 1,5 % du PIB d'ici à 2031. Pour ce faire, la Belgique devrait réduire son déficit d'au moins 27 milliards, soit 4 milliards par an, au cours des sept prochaines années. Mais le taux d'endettement de 105 % du PIB doit également être ramené en dessous de 100 %. Les agences de notation menacent d'abaisser la note de la Belgique, ce qui augmenterait encore la charge des intérêts. En outre, plusieurs questions, que le gouvernement fédéral actuel a repoussées ou auxquelles il a répondu par des mesures timides, devront être abordées en profondeur ; il s’agit par exemple des mesures de réduction des émissions d'azote, de la poursuite de la réforme des pensions et de la fiscalité, ou de la limitation des dépenses de chômage ou de la gestion des centres d'asile et des prisons.
L'instabilité de la situation mondiale qui provoque un véritable tourbillon de crises augmente la pression et nécessite de nouveaux efforts comme l'augmentation des dépenses de défense au niveau des de 2 %, exigés par l'OTAN, ou encore l'augmentation des dépenses pour faire face aux conséquences du réchauffement climatique et de la pollution de l'environnement et pour mener à bien la transition énergétique (de plusieurs dizaines de milliards). Cela accroît encore la pression sur l'économie belge, qui subit aussi de plus en plus les conséquences des mauvaises performances de l'économie allemande, déjà en récession depuis un an, qui pourrait entraîner de nombreux licenciements en Belgique cette année (par exemple chez Audi Forest ou dans l'industrie chimique).
Il est évident qu'un seul programme s’impose pour la bourgeoisie : la défense de l'économie nationale dans le chaos économique, militaire et écologique mondial actuel implique automatiquement une réduction des budgets de dépenses sociales et de la masse salariale dans tous les secteurs.
Dans un numéro précédent d'Internationalisme, nous avions relevé une aversion croissante pour l'élite politique en Belgique. "Une étude menée par des politologues de cinq universités belges a conclu que l'aversion pour l'establishment politique, l'une des caractéristiques essentielles du populisme, se développe dans la société et qu'une humeur antipolitique générale se développe même parmi les électeurs" (Instabilité politique en Belgique et COVID-19 : les travailleurs ne doivent pas en payer la facture ! [2]). En 2019, un électeur sur six en Flandre déjà n’a pas voté pour un parti politique. Une étude récente menée dans des villes wallonnes, comme Verviers, confirme cette tendance pour l'ensemble du pays. (Voir De Standaard Weekblad : Verviers se sent oubliée, 20 avril 2024)
Le populisme exploite ce mécontentement et ce manque de perspectives. Il cherche des boucs émissaires et prétend ne pas faire partie de la politique bourgeoise et qu’il ne protégerait pas les intérêts du capital. Le « Vlaams Belang » (VB), qui, selon les sondages, , deviendrait le plus grand parti de Flandre et peut-être même du pays, comme le PVV aux Pays-Bas, surfe sur cette orientation. Bien que son programme ne soit pas fondamentalement contre l'UE, contre l'OTAN et contre le soutien à l'Ukraine, il dénonce essentiellement, comme d'autres partis populistes, la prétendue islamisation de la société et s'oppose à l'"élite" politique. Son président, Tom van Grieken, l’a une fois de plus clairement souligné dans un discours le 21 janvier de cette année : "L'élite politique est en train de gommer l'identité flamande, aliénée de sa culture, privée de ses normes et de ses valeurs, privée de son individualité ». (L’extrême droite ressuscitée - Nie wieder ! [3]) Par ailleurs, le parti travailliste de gauche (PVDA/ PTB) s'oppose également à l'élite politique, à l'UE et à l'OTAN.
Les mêmes sondages montrent que le paysage politique belge est également de plus en plus morcelé et fragmenté. Sous la pression des effets de la décomposition historique du capitalisme, l'appareil politique devient de plus en plus instable, touché par la tendance au "chacun pour soi", et la bourgeoisie en perd de plus en plus le contrôle. A l'exception du MR (libéraux francophones) et du CD&V (chrétiens-démocrates flamands), les partis qui composent actuellement la coalition gouvernementale fédérale sont en perte de vitesse dans les sondages. Certains d'entre eux risquent d'être réduits à l'état de parti marginaux.
Le système politique belge est déjà très complexe et fragmenté en raison du fait qu'il n'y a pas de partis nationaux, mais qu'ils sont établis par communauté linguistique (à l'exception du PVDA/ PTB). En outre, la structure gouvernementale est également divisée en une composante fédérale, une composante régionale et une composante communautaire. Cela signifie que la formation d'équipes gouvernementales cohérentes, capables de défendre les intérêts de la capitale belge dans les années à venir, tant au niveau fédéral que régional, et de prendre les mesures nécessaires, peut s'avérer une tâche complexe.
Les élections ne représentent nullement une alternative à la crise du système. Leur but est précisément de convaincre la population, et en particulier la classe ouvrière, du contraire, de lui faire croire que voter a un sens, que c'est ainsi qu'elle pourra faire de "bons choix" pour assurer "notre prospérité". La campagne électorale insiste sur le fait qu'il n'y a pas de meilleur système que la démocratie, parce qu'elle serait le seul système qui permette d'aborder les problèmes de manière rationnelle "avec le peuple et pour le peuple", dans un cadre défini par l'économie nationale et avec le rôle de l'État national en tant que gardien du "bien commun" contre les intérêts particuliers des entreprises privées. Ainsi, l'électorat pourrait, par exemple à travers le "choix de la rupture" du PTB, imposer une politique fondamentalement différente à une nouvelle majorité gouvernementale.
Mais la réalité est tout autre, car, en tant que gardien de l'économie nationale, l'État défend totalement les intérêts du capital et la domination de la bourgeoisie. De ce point de vue, il n'y a pas d'autre politique que la réduction de la dette nationale, le rétablissement de l'équilibre budgétaire, l'investissement dans l'équipement moderne de l'armée et la production d'armes, ce qui doit automatiquement conduire à la réduction des dépenses sociales et à la diminution de la masse salariale. Ainsi, les élections ne sont rien d'autre qu'un mécanisme de camouflage et de cautionnement de cette domination de classe. Les élections sont une grande campagne de tromperie, principalement dirigée contre la classe ouvrière, pour qu'elle renonce à lutter pour ses intérêts de classe en faveur des intérêts généraux de son ennemi de classe. Dans ce contexte, l'un des mensonges les plus grossiers de la campagne électorale est la prétendue opposition entre les partis "raisonnables" qui « défendent » les valeurs démocratiques, et les partis "déraisonnables" (comme le VB et le PVDA/PTB) qui « menacent » ces valeurs. Tous deux n’offrent aucune perspective, car ils sont liés à la logique irrationnelle du maintien en vie d'un capitalisme dépassé.
Face aux attaques idéologiques de la bourgeoisie, dont la campagne électorale est l'une des plus importantes, la classe ouvrière doit préserver son indépendance. En tant que seule force sociale capable d'apporter une solution à la misère, au chaos et à la destruction croissants dans le monde, elle doit développer une conscience claire et profonde de la voie qu'elle doit emprunter dans sa lutte. Cette lutte ne suivra pas la voie parlementaire bourgeoise, mais devra nécessairement transcender les frontières de ce système capitaliste dépassé, un système qui a atteint sa date de péremption avec des guerres qui n’apportent que génocide et ruines, une incapacité à faire face à la crise climatique, une crise économique qui ferme les entreprises, détruit les biens, crée des masses de réfugiés, la pauvreté, la famine et le désespoir parce qu'il y a SUREPRODUCTION ! Alors que l'on produit suffisamment de biens pour nourrir 1,5 fois la population mondiale : "Il suffit de mentionner les crises commerciales qui, par leur retour périodique, menacent de plus en plus l'existence de la société bourgeoise. Chaque crise détruit régulièrement non seulement une masse de produits déjà créés, mais encore une grande partie des forces productives déjà existantes elles-mêmes. Une épidémie qui, à toute autre époque, eût semblé une absurdité, s'abat sur la société, - l'épidémie de la surproduction. La société se trouve subitement ramenée à un état de barbarie momentanée; on dirait qu'une famine, une guerre d'extermination lui ont coupé tous ses moyens de subsistance; l'industrie et le commerce semblent anéantis. Et pourquoi ? Parce que la société a trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop d'industrie, trop de commerce. Les forces productives dont elle dispose ne favorisent plus le régime de la propriété bourgeoise; au contraire, elles sont devenues trop puissantes pour ce régime qui alors leur fait obstacle; et toutes les fois que les forces productives sociales triomphent de cet obstacle, elles précipitent dans le désordre la société bourgeoise tout entière et menacent l'existence de la propriété bourgeoise. Le système bourgeois est devenu trop étroit pour contenir les richesses créées dans son sein" (Marx&Engels, Manifeste communiste, cm.pdf (marxists.org). [4]
En novembre, selon les commentateurs bourgeois, un raz-de-marée politique a eu lieu aux Pays-Bas. Les élections ont donné aux partis populistes un peu moins qu’une majorité absolue, mais le PVV (Parti pour la liberté) de Geert Wilders est devenu de loin le plus grand parti. Un certain nombre de partis traditionnels, piliers du système politique pendant des décennies, ont vu leurs sièges au parlement réduits de moitié, comme les chrétiens-démocrates, ou ont survécu grâce à la formation d’un cartel comme celui entre les sociaux-démocrates du PvdA avec la Gauche Verte. Dans un précédent article, nous posions la question de la situation politique aux Pays-Bas après les élections : un « nouvel élan » ou encore plus de chaos et d’instabilité ?[1] Mais il est désormais certain que cette dernière dominera de plus en plus la scène politique aux Pays-Bas dans la période à venir.
La croissance constante du populisme aux Pays-Bas
Ce n’est pas la première fois qu’un parti populiste aux Pays-Bas réalise des gains aussi importants. En 2002, la liste Pim Fortuyn l’avait déjà fait, suivie en 2010 par le PVV de Wilders, en 2019 par le Forum pour la démocratie de Thierry Baudet, et lors des élections sénatoriales de 2023 par le BBB (Mouvement agriculteur-citoyen). Mais en novembre 2023, le populisme a réussi à conquérir une position de premier plan sans précédent dans la politique néerlandaise.
En l’absence de l’ancien Premier ministre Mark Rutte, qui a réussi à neutraliser les précédentes explosions populistes, Wilders a habilement joué sur le mécontentement face à la misère existante en émaillant sa propagande d’une campagne ouvertement raciste anti-immigrés pour « faire passer les Néerlandais en premier ». « Nous devons reprendre le contrôle de nos frontières, de notre argent et de nos lois. Nous devons également reprendre notre souveraineté nationale. Nous devons reconquérir les Pays-Bas » [2] . Il s’agit clairement d’une politique du bouc émissaire : les migrants à la recherche d’un logement sont accusés d’être responsables de la pénurie de logements. La gauche qui défend les mesures climatiques est accusée d’être responsable du coût de la vie. L’élite politique (les « remplisseurs de poches ») est accusée d’être responsable de la perte de l’identité néerlandaise. C’est ce cocktail démagogique avec lequel le PVV a réussi à gagner près d’un quart des Néerlandais.
Le populisme n’est pas seulement un phénomène néerlandais, mais une réalité mondiale
Bien que les Pays-Bas aient été l’un des premiers pays occidentaux où le populisme a pu acquérir une influence majeure, il ne s’agit pas d’un phénomène typiquement néerlandais. Le populisme s’est déjà fait un nom par des victoires électorales retentissantes ou des participations gouvernementales dans différents pays : en Europe par la participation du Mouvement 5 étoiles ou de la Ligue du Nord en Italie, et par le « mouvement » du Brexit ou le groupe dirigeant autour de Boris Johnson au sein du parti conservateur en Grande-Bretagne. En Amérique du Sud, en raison de la montée en puissance, d’abord de Bolsenaro au Brésil et actuellement de Milei en Argentine. Aux États-Unis, la candidature de Trump pour le Parti républicain à l’approche de l’élection présidentielle de novembre.
Le populisme, qui a le vent en poupe depuis le début du XXIe siècle :
- « n’est pas, bien sûr, le résultat d’une volonté politique consciente de la part des secteurs dirigeants de la bourgeoisie ». Au contraire, elle confirme la tendance à « une perte croissante de contrôle de la classe dominante sur son appareil politique »[3].
- s’accompagne d’une « perte fondamentale de confiance dans les 'élites' (...) parce qu’ils sont incapables de rétablir la santé de l’économie, de mettre fin à l’augmentation constante du chômage et de la misère ». Cependant, cette révolte contre les dirigeants politiques n’aboutit en rien à « une perspective alternative au capitalisme » [4].
Le populisme est une expression typique de la pourriture sur pied du capitalisme, une réaction à l’accumulation de problèmes qui ne sont pas vraiment abordés par les partis politiques établis, ce qui conduit à des difficultés croissantes. Tous ces problèmes non résolus alimentent à la fois les contradictions internes entre les fractions bourgeoises et la rébellion de la petite bourgeoisie, et c’est là le terreau du comportement vandaliste des tendances populistes.
Tant que la classe ouvrière ne parviendra pas à poursuivre de manière décisive son alternative révolutionnaire à la décomposition capitaliste par le développement de sa lutte, les courants populistes continueront à dominer l’agenda politique. Caractérisés par l’absence d’une vision de l’avenir de la société et la tendance à se tourner vers le passé pour chercher des boucs émissaires qu’ils peuvent tenir pour responsables de l’évolution catastrophique actuelle, ces populistes, avec leurs positions irrationnelles, déstabiliseront de plus en plus la scène politique bourgeoise.
Perte de contrôle sur l’appareil politique et antagonismes croissants entre les fractions bourgeoises
Dans les années 1990, le système politique néerlandais reposait essentiellement sur 3 ou 4 partis centraux : le CDA chrétien-démocrate, le PvdA socialiste, le VVD libéral et D66. Ces dernières années, il est devenu une mosaïque en constante changement avec un nombre croissant de partis dissidents. Non seulement les députés passent régulièrement d’un parti à l’autre, mais le nombre de partis augmente également régulièrement au cours du mandat d’un gouvernement, car les députés se séparent et continuent d’être une « faction d’un seul homme ». C’est le résultat, d’une part, de contradictions au sein de la bourgeoisie néerlandaise qui remontent plus clairement à la surface, et d’autre part, d’un mécontentement général à l’égard de la gouvernance des partis traditionnels, qui se traduit par l’émergence de partis qui se profilent autour d’un thème spécifique.
Les contradictions au sein de la bourgeoisie concernant l’emprise croissante de l’UE sur la politique néerlandaise deviennent de plus en plus évidentes par l’opposition :
- à ce qui était considéré comme une perte de souveraineté au profit d’un « super-État européen » non démocratique et bureaucratique, les Pays-Bas ont voté contre l’introduction d’une constitution européenne lors d’un référendum en 2005 ;
- à l’accord d’association avec l’Ukraine en 2016, les Pays-Bas ont été le seul pays de l’UE à rejeter l’accord en raison de leur opposition à la prise de décision « antidémocratique » de Bruxelles et pour éviter que la corruption ukrainienne ne déferle ;
- par les partis populistes rejetant toute participation à une armée européenne et certains s’opposent même à une coopération accrue dans le domaine militaire avec un pays comme l’Allemagne.
En 2024, le Parlement est "pris" par toute une série de partis populistes, plus ou moins importants, dont les positions convergent vers une aversion pour la loi européenne sur la préservation de la nature, contre la politique migratoire européenne, contre les livraisons d’armes à l’Ukraine, mais aussi contre l’UE et l’OTAN. En outre, chacun de ces partis a également son propre fer de lance politique : pour le PVV, c'est "moins de Marocains", pour le NSC " à bas la politique de l’ombre", et pour le BBB "pas de diktat de La Haye".
Les élections de novembre dernier ont rendu la situation extrêmement compliquée pour la bourgeoisie néerlandaise, en particulier en ce qui concerne l’UE. Parce qu’avec un ou deux partis populistes au gouvernement, ce qui a peu de chances d’être évité, un fort vent anti-UE va de toute façon souffler. Ici et là, on parle même d’une « sortie » des Pays-Bas de l’UE (Nexit). Bien qu’il n’aille probablement pas aussi loin que le Brexit, le vent anti-UE exercera une forte pression sur la position des Pays-Bas au sein de l’UE. Bien que les différents partis populistes ne fassent pas confiance à « l’élite » établie, cela ne signifie pas automatiquement qu’ils se font mutuellement confiance, bien au contraire. Lors des négociations sur la formation d’un nouveau gouvernement, la méfiance mutuelle était déjà très claire. L’instabilité du système politique aux Pays-Bas et son impact sur la politique à l’égard de l’Europe dans son ensemble menacent de prendre des proportions inquiétantes pour la bourgeoisie.
Campagnes populistes et anti-populistes
Le populisme est l’expression typique de la phase de décomposition du capitalisme, du chacun pour soi, des frictions croissantes au sein de la bourgeoisie, qui réduisent de plus en plus sa capacité à formuler une réponse cohérente aux différentes crises. Mais la bourgeoisie est assez intelligente pour utiliser les effets négatifs de la décomposition contre son plus grand ennemi : la classe ouvrière. Elle utilise ainsi le phénomène populiste pour créer une contradiction fictive et promouvoir massivement l'anti-populisme :
- D’un côté, les partis populistes ouvrent la voie en utilisant « des allégations, des accusations et la diabolisation de l’autre » (Sigrid Kaag du parti de centre-gauche D'66). Ce faisant, on fait preuve d’une forme de démagogie à l’encontre de l’ordre politique existant et des ‘élites’ politiques dirigeantes, et d’une disqualification des mesures prises, ce qui est certainement bien accueilli par une partie de la population néerlandaise. Dans le même temps, les partis populistes parviennent également à séduire une partie de la population, non seulement par des mesures irréalistes telles que la fermeture des frontières aux migrants, mais aussi par des mesures « sociales » tout aussi trompeuses en faveur de "leur propre peuple", telles que l’abaissement de l’âge de la retraite, une augmentation du salaire minimum et une baisse des primes de santé ;
- D’autre part, les organisations de gauche attisent le feu en présentant le populisme comme le plus grand danger qui nous menace. Non seulement par l’ultra-gauche, mais même par la propagande sociale-démocrate, le populisme est plus ou moins assimilé au totalitarisme, au racisme ou même au fascisme. Frans Timmermans, le candidat de gauche au poste de Premier ministre, s’est immédiatement exclamé après la victoire électorale du PVV : « L’heure est venue pour nous de défendre la démocratie ! ». L'anti-populisme maintient donc son refus catégorique, pour des "raisons de principe", de siéger dans une combinaison gouvernementale avec le PVV.
Tout comme le Royaume-Uni a été divisé en un camp pro et anti-Brexit il y a quelques années, les Pays-Bas sont actuellement divisés en un camp pro-Wilders et un camp anti-Wilders. En attisant cette opposition, la bourgeoisie tente de rallier une partie de la classe ouvrière derrière elle et de l'attirer dans des actions allant de blocages de nouveaux centres pour demandeurs d'asile à des manifestations contre des rassemblements de populistes, qui visent à saper la lutte sur le terrain de classe et à mobiliser les travailleurs aux objectifs de l'un ou l'autre camp bourgeois.
Quel que soit le camp au pouvoir, les attaques contre leurs revenus et leurs conditions de vie se poursuivront sans relâche car elles sont le résultat des ondes de choc militaires, économiques et environnementales qui secouent le système capitaliste. Les travailleurs doivent donc continuer à mener la bataille sur le terrain où ils peuvent, en toute indépendance, développer pleinement leur force. En suivant l'exemple des travailleurs du Royaume-Uni qui, malgré des années de campagne assourdissante sur le Brexit entre "Remainers" et "Leavers", ont tout de même développé une lutte unie d'un an contre les effets de la crise du "coût de la vie" à partir de l'été 2022. Également aux Pays-Bas, la classe ouvrière a montré il y a un an qu'elle avait la volonté et la capacité de s'opposer aux mesures désastreuses de la bourgeoisie[5]. En s'inscrivant dans la dynamique des luttes ouvrières internationale de l’année écoulée au Royaume-Uni, en France, aux États-Unis, elle peut s’engager dans une résistance internationale contre ce système obsolète et moribond, qui va de catastrophe en catastrophe.
Dennis/2024.03.15
[1] https://fr.internationalism.org/content/11210/nouvel-elan-ou-encore-plus-chaos-et-dinstabilite-quel-soit-gagnant-aucune-solution [8]
[2] Programme électoral du PVV
[4] Idem
Maintenant que toutes les élections (fédérales, régionales, locales) sont passées, les nationalistes flamands de la NVA et les libéraux francophones du MR, respectivement les plus grands partis politiques de Flandre et de Wallonie, ainsi que les démocrates-chrétiens (CD&V et ‘Les Engagés’) et les socialistes flamands de ‘Vooruit’, poursuivent les négociations en vue de former un gouvernement fédéral dont l’objectif principal sera de « remettre de l’ordre dans les finances de l’État ». Avant même que le nouveau gouvernement ne soit formé, ses projets pour les années à venir ont déjà fait l’objet de nombreuses « fuites ». Ceux-ci montrent que la classe ouvrière belge peut se préparer à une nouvelle attaque frontale contre ses revenus et ses conditions de travail. Alors que, d’un côté, les travailleurs sont licenciés en masse, de l’autre côté, le nouveau gouvernement "Arizona" veut faire des coupes sombres dans les dépenses de sécurité sociale, y compris dans les retraites. Quant aux salariés, ils voient leur travail devenir encore plus précaire et flexible afin que les patrons puissent tirer d’avantage de profit de leur force de travail.
Pour comprendre ce qui pousse la bourgeoisie à se lancer dans une telle offensive, il faut examiner en particulier les effets de la crise internationale et des guerres sur l'économie belge.
De par la concurrence acharnée sur le marché mondial, l’industrie chimique anversoise, fleuron des exportations belges, subit de plein fouet la pression asiatique. En 2023, les exportations ont chuté de 18 % et les ventes de 14 %. Cette pression concurrentielle entraîne aussi dès à présent des conséquences considérables sur les secteurs de l’ automobile et des autocars.
Des pays comme la Belgique sont de plus en plus impliqués dans la guerre en Ukraine, ce qui oblige à renforcer l’arsenal militaire. En outre, l’OTAN demande que la Belgique consacre non pas 1,1 %, mais au moins 2 % de son PIB à l’armement.
Enfin, les derniers chiffres dressent un tableau extrêmement inquiétant de l’économie européenne, ce qui entraîne une stagnation des exportations belges. En particulier, la récession persistante en Allemagne, principal partenaire commercial de la Belgique, pèse sur l’économie belge.
Les conséquences se font déjà clairement sentir. Au printemps, 1 600 travailleurs ont été licenciés chez Van Hool (autocars) à Lierre. En septembre, 440 travailleurs ont perdu leur emploi chez le fabricant de puces Belgan à Audenarde. Chez Audi à Bruxelles, 1400 travailleurs seront licenciés, et les 1600 restants le seront probablement en avril 2025. Cette situation a évidemment des conséquences directes sur l’emploi chez les sous-traitants et les fournisseurs. 2024 est déjà l’année où le nombre de licenciements collectifs sera le plus élevé de la décennie.
Un deuxième élément qui a un impact important sur la politique de la bourgeoisie belge est la décision de la Commission européenne de resserrer les cordons de la bourse des États membres.[1] Les pays dont la dette est supérieure à 90 % du PNB et/ou dont le déficit budgétaire annuel est supérieur à 3 % seront contraints par l'UE de réduire fortement les dépenses. La Belgique, avec une dette publique de 105 % et un déficit budgétaire de 4,6 %, fait également partie de ces pays. La nécessité de combler un déficit de 27 milliards d'euros au cours des 5 à 7 prochaines années représente pour le nouveau gouvernement belge le défi le plus important à relever depuis des décennies.
Pour relever ce double défi, la bourgeoisie belge veut déclencher une vague de coupes dans les dépenses et de rationalisations, qui affecteront l’ensemble de la classe ouvrière. Ainsi, la coalition « Arizona » envisage une attaque frontale contre la sécurité sociale et les services sociaux :
En outre, les partis de la coalition prévoient également d’accroître considérablement l’exploitation de la main-d’œuvre en rendant le marché du travail encore plus flexible. Les entreprises auront davantage de possibilités d’employer des travailleurs sans contrat de travail fixe, avec des horaires irréguliers, pour des travaux de courte durée, etc. En outre, l’interdiction du travail le dimanche, du travail de nuit et lors des jours fériés sera supprimée dans tous les secteurs. Les heures supplémentaires ne seront rémunérées qu’à partir de minuit et non plus à partir de 20h. Enfin, les travailleurs verront leurs revenus fondre car le pécule de vacances, la prime de fin d’année, les bonus, etc. seront désormais exclus de l’indexation des salaires, c’est-à-dire de l’adaptation automatique, bien que partielle, des salaires à l’augmentation du coût de la vie.
Bref, des milliers de travailleurs sont licenciés, mais, selon les plans des partenaires de l’ « Arizona », le nombre d’exclus des allocations de chômage va augmenter. Le rythme de travail dans les entreprises détruit la santé des travailleurs, mais le nouveau gouvernement veut obliger les malades à reprendre le travail ! La hausse des prix réduit notre pouvoir d’achat, mais les salaires pour le travail de nuit et de week-end sont réduits. Il est temps pour les travailleurs d’arrêter cette orientation : « ça suffit »
La bourgeoisie est bien consciente de ce que ces plans pourraient déclencher au sein de la classe ouvrière, à un moment où celle-ci a déjà montré sur le plan international qu'elle reprenait le chemin de la lutte après des décennies de déclin.[2] Lors de la vague de luttes en Grande-Bretagne de 2022, l'été de la colère, la bourgeoisie savait déjà parfaitement que l'aggravation de la crise et les conséquences de la guerre allaient s’approfondir et que, dans ce contexte, elle devait inévitablement déclencher de nouvelles attaques. Le fait qu'un mouvement massif s’est développé à l’époque face aux premières attaques, fondamentalement similaires pour toutes les secteurs du prolétariat, non seulement en Grande-Bretagne mais dans toute l'Europe et même dans d’autres parties du monde, a beaucoup inquiété la bourgeoisie. C'est pourquoi celle-ci attache de l'importance à bien se préparer et à déployer les forces nécessaires pour encadrer et détourner la résistance attendue.
Ainsi, les syndicats affirment aujourd’hui sans équivoque que les attaques contre la classe ouvrière seront générales et étendues. Comme l’a récemment déclaré Miranda Ulens du syndicat socialiste FGTB, « cela constitue un démembrement gigantesque de notre État-providence ». Ce syndicat semble donc vouloir organiser la résistance, mais, en réalité, il ne fait qu'exprimer son mécontentement face au caractère unilatéral des mesures d’austérité proposées, dans le cadre desquelles les travailleurs seraient « utilisés pour augmenter les profits des actionnaires » et devraient payer la facture. En réalité, la FGTB ne s'oppose nullement à la nécessité de l'austérité, car elle estime elle aussi que tout le monde doit se serrer la ceinture pour défendre l'économie nationale contre la concurrence internationale acharnée. Donc, quand les syndicats appellent à des manifestations et à des grèves, ce n'est pas pour lutter contre l'austérité et les rationalisations, mais pour lutter pour une « répartition plus équitable » des charges et, surtout, pour éviter ainsi que les travailleurs engagent une lutte intransigeante, sur leur propre terrain de classe, contre les attaques du gouvernement et du patronat.
Le 16 septembre, les syndicats ont déjà organisé une manifestation commune sous le slogan : « L'industrie est à nous » .[3] Cette manifestation a été présentée comme un moyen de pression sur le gouvernement, les syndicats défendant la position selon laquelle « l’industrie doit rester ici », comme l’a déclaré la présidente de l’ACV, Ann Vermorgen, dans son discours du 16 septembre. Toute cette manifestation était, bien entendu, un acte de tromperie grossière à l’égard des travailleurs. Tout d’abord, le point de vue selon lequel « l’ndustrie est à nous » est un mensonge. Après tout, nous ne vivons pas dans une société communiste avec une propriété commune des moyens de production, mais dans une société capitaliste avec une propriété privée, et dans laquelle les patrons possèdent les usines. En outre, le mot d’ordre selon lequel « l’industrie doit rester ici [en Belgique] » est une position nationaliste pur jus, qui n’a rien à voir avec les intérêts des travailleurs. La crise économique est mondiale et les travailleurs n’ont aucun intérêt à se ranger sous la bannière de bourgeoisies nationales et à se quereller entre eux pour savoir dans quel pays les emplois devraient disparaître. En fait, la manifestation syndicale n’avait d’autre but que de présenter aux travailleurs une fausse perspective et ainsi de détourner leur lutte vers une impasse.
Les syndicats sont soutenus par les gauchistes dans cette politique insidieuse. Ainsi, le Parti Socialiste de Lutte (PSL) écrit : « La manifestation du 16 septembre peut être le début d›une lutte pour préserver les moyens de production, les emplois et le savoir-faire de l'entreprise ». Le groupe « Vonk » rejoint ce chœur : « La bonne initiative des syndicats du constructeur automobile Audi à Bruxelles, visant à organiser une manifestation nationale « pour l›avenir de l›industrie », est un premier pas ». Selon le PVDA/PTB, les manifestations syndicales sont tout à fait justifiées car« Au cours des deux dernières années, le groupe Audi a réalisé les plus gros bénéfices de son histoire, grâce au travail acharné de la main-d'œuvre ».
Et dans le cas où les travailleurs refuseraient de continuer à suivre les syndicats, mais voudraient se battre pour des alternatives qui ouvrent de véritables perspectives, à contre-courant de la logique de la crise, ces organisations gauchistes sont prêtes à encadrer cette résistance, pour ensuite ramener les travailleurs dans le sillage des syndicats. Et pour cela, aucune conception n›est trop radicale. Ainsi, une de ces organisations gauchistes appelle à lutter pour l›expropriation de l›usine Audi à Forest, à élargir la lutte des travailleurs d›Audi en les invitant à des réunions syndicales dans d›autres entreprises, et si nécessaire, dans une approche syndicaliste de base, à lancer des actions sans les dirigeants syndicaux. Mais aucune de ces actions proposées ne devrait, bien sûr, selon cette organisation bourgeoise, se dérouler en dehors du cadre syndical existant.
Sous la pression des travailleurs, les syndicats ont récemment été amenés à reconnaître plusieurs grèves, comme à la compagnie des transports intercommunaux « De Lijn » les 10 et 11 septembre, chez le personnel au sol de l›aéroport de Charleroi les 12 et 13 septembre, chez Ontex à Eeklo le 13 septembre, de nouveau chez « De Lijn » le lundi 23 septembre, chez le personnel de sécurité de l›aéroport de Bruxelles le 1er octobre et à nouveau « De Lijn » le 11 octobre. Sous le thème « On ne peut plus attendre », le syndicat chrétien ACV a annoncé une grève nationale dans le secteur du non-marchand pour le jeudi 7 novembre. Le développement de la combativité parmi les travailleurs s’était déjà manifesté le 23 avril dernier lorsque le personnel enseignant de Wallonie et de Flandre avait manifesté ensemble à Bruxelles pour la première fois depuis des décennies. Cela est aussi apparu à travers les messages de solidarité que les travailleurs d'Audi ont reçus d'anciens travailleurs du constructeur d’autocars Van Hool et de travailleurs de l'éducation. Pour faire barrage contre l'attaque généralisée que prépare la coalition « Arizona », ces noyaux de combativité croissante devront s'étendre et s'unir en un vaste mouvement de résistance ouvrière.
Dennis/ octobre 2024.
[1] La Commission européenne tente de maintenir la valeur de l’euro. Au deuxième trimestre 2022, l’euro a atteint son plus bas niveau historique par rapport au dollar américain. Il s’est depuis quelque peu redressé, mais la pression sur l’euro reste forte.
[2] Voir aussi : Après la rupture de la lutte des classes, la nécessité de la politisation
[3] On pouvait également lire sur une banderole « Audi est à nous » lors de la manifestation du 16 septembre.
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Ce n’est plus un secret pour personne : les gouvernements fédéral et régionaux économiseront des dizaines de milliards chacun dans le cadre de leurs compétences respectives et tous les secteurs de la classe ouvrière seront touchés afin de rendre l’économie belge plus compétitive et plus rentable. Alors que les travailleurs des entreprises privées sont licenciés en masse (27.000 en 2024), l’indexation automatique des salaires sera limitée, les primes pour les heures supplémentaires et le travail de nuit diminuées, la flexibilité du travail augmentée, le droit aux allocations de chômage restreint, des coupes sombres opérées dans les pensions et l’assurance maladie, le nombre total de fonctionnaires réduit, la titularisation du personnel enseignant mise en péril, etc
Et ce alors que les conditions de travail deviennent partout de plus en plus insupportables : sous-emploi, accélération des cadences, effacement de la frontière entre vie professionnelle et vie privée, augmentation des prix due à l’inflation, réduction de toutes sortes de subventions, catastrophes environnementales croissantes, dépression, burn-out.
Il n’y a pas seulement la perspective d’une baisse de la croissance économique et les politiques économiques protectionnistes de Trump, mais aussi le coût croissant des tensions et des guerres impérialistes, y compris les dépenses militaires en forte hausse, qui sont à l’origine de la campagne d’austérité de la classe dirigeante. Dans tous les pays, ils tentent effectivement de répercuter sur les travailleurs les conséquences de “leur” crise de surproduction, c’est-à-dire des biens qu’ils ne peuvent plus vendre avec un profit suffisant sur les marchés disponibles. Le travail doit coûter moins cher. Une fois de plus, ce qui est au centre des préoccupations n’est pas le bien-être ou les besoins des travailleurs , mais la vente rentable de biens et de services.
La bourgeoisie n’a que trop bien compris que ces plans provoqueraient des réactions dans de larges parties de la classe. Les “fuites” bien orchestrées ont servi de thermomètre pour mesurer l’opposition à ces plans avant qu’ils ne soient réellement mis en œuvre. C’est principalement aux syndicats qu’il incombe d’encadrer et de détourner à temps cette résistance attendue. Ils ont vu l’inquiétude et le mécontentement des travailleurs grandir de semaine en semaine et ne sont pas restés passivement sur la touche afin d’empêcher le mécontentement de se manifester par des actions “incontrôlées”.
Des tactiques éprouvées sont à nouveau utilisées : isoler et diviser les différents secteurs alors que les mesures touchent tout le monde ! Une manifestation uniquement pour le personnel de la santé et de l’aide sociale en novembre; puis le 13 décembre une journée d’action en protestation contre les “mesures d’austérités Européennes”. Pour la journée d’action du 13 janvier, seule une grève contre la “réforme des pensions” a été annoncée dans les chemins de fer. Ce n’est que bien plus tard, sous la pression sociale, que les syndicats ont décidé que l’enseignement y participerait également et plus tard, d’autres secteurs, tels que les postiers, s’y sont joints. En Wallonie, les syndicats ont organisé de leur côté des journées de grève séparées pour les enseignants de la communauté française, évitant ainsi une participation massive de leur part à Bruxelles le 13 janvier. La manifestation du 13 février porte pour sa part sur la “défense du service public”, comme si les travailleurs du secteur privé ou les chômeurs ne devaient pas être défendus ! Les mobilisations sont également enfermées dans les différentes régions (Wallonie, Flandre, Bruxelles. Bref, l’objectif est de planifier une série de journées d’action sans espoir, en essayant à chaque fois de limiter les mobilisations en les concentrant sur certains secteurs ou sous-aspects des plans d’austérité, pour finalement épuiser la volonté de se battre et ouvrir la voie à des concessions de grande envergure envers les plans d’austérité.
La force et le dynamisme de la mobilisation du 13 janvier ont précisément consisté à ne pas se laisser isoler et à ne pas attendre passivement. Au lieu des 5000 manifestants “attendus” ou plutôt “espérés” par le syndicat, une grève massive a eu lieu dans différents secteurs et plus de 30000 manifestants se sont rassemblés à Bruxelles en provenance de toutes les régions. Le mouvement s’est étendu à d’autres secteurs que l’éducation et le rail, au mépris de l’intention initiale des syndicats. La mobilisation a ainsi montré que le mécontentement va au-delà d’une mesure particulière ou d’une “réforme” spécifique. Plutôt que d’attendre passivement que les mesures finales tombent, elle exprime une volonté d’entreprendre des actions offensives contre l’orientation annoncée des attaques.
Pour parer véritablement aux attaques contre nos conditions de vie, nous devons mener la bataille le plus largement possible dans l’unité, indépendamment de l’entreprise, du secteur ou de la région dans lesquels nous travaillons. Tous les travailleurs sont “dans le même bateau”. Tous ces groupes ne sont pas des mouvements séparés mais un groupe collectif : ouvriers et employés, syndiqués et non-syndiqués, immigrés et autochtones”, comme l’a dit un enseignant en grève à Los Angeles en mars 2023.
La classe ouvrière belge a accumulé une expérience importante dont la lutte actuelle doit tirer les leçons. Tant des grèves passées en Belgique, comme celle de 1983 et certainement celle de 1986, qui ont rassemblé des centaines de milliers de travailleurs des secteurs public et privé et des régions wallonne, bruxelloise et flamande, que des mouvements de grève qui ont eu lieu au cours des trois dernières années dans d’autres pays, comme la Grande-Bretagne, les États-Unis et la France, Et ceci afin d’éviter certaines des principales faiblesses qui les ont caractérisés :
En 2022-23, en Grande-Bretagne, les travailleurs d’entreprises de secteurs différents, parfois distantes de moins de 100 mètres, n’ont pas cherché à se solidariser et à unir leurs luttes.
En 2023, en France, les travailleurs ont participé en masse à 14 “journées d’action” contre les plans de retraite du gouvernement, mais n’ont pas réussi à élargir la lutte à des grèves dans les entreprises et les bureaux. L’épuisement de la combativité était inévitable.
Notre force est l’unité, la solidarité dans la lutte ! Unifier la lutte dans un seul et même mouvement :
surmonter la division entre les travailleurs de part et d’autre de la frontière linguistique, des régions flamande, wallonne et bruxelloise
surmonter la division entre les travailleurs du secteur public et ceux du secteur privé et les chomeurs ;
se mettre en grève et envoyer des délégations massives vers d’autres travailleurs pour qu’ils rejoignent la lutte et gagnent de plus en plus de travailleurs à la lutte ;
organiser des assemblées générales pour discuter ensemble des besoins de la lutte et s’unir autour de revendications communes.
C’est cette dynamique de solidarité, d’expansion et d’unité qui a toujours ébranlé la bourgeoisie au cours de l’histoire.
Courant Communiste International
24 janvier 2025
Venez en discuter lors la réunion publique le samedi 1er mars à Bruxelles: rue du Fort 35, 1060 Saint-Gilles de 14h à 18h
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/files/fr/f_isme_380_klweb.pdf
[2] https://nl.internationalism.org/content/1513/politieke-instabiliteit-belgie-en-covid-19-arbeiders-mogen-er-de-rekening-niet-voor
[3] https://someviewontheworld.wordpress.com/2024/03/09/herrezen-extreemrechts-nie-wieder/
[4] https://www.marxists.org/nederlands/marx-engels/1848/manifest/cm.pdf
[5] https://fr.internationalism.org/tag/5/40/belgique
[6] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/belgique
[7] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/elections-belgique-2024
[8] https://fr.internationalism.org/content/11210/nouvel-elan-ou-encore-plus-chaos-et-dinstabilite-quel-soit-gagnant-aucune-solution
[9] https://fr.internationalism.org/content/9937/rapport-decomposition-aujourdhui-mai-2017
[10] https://fr.internationalism.org/content/11007/dynamique-lutte-desamorcee-propositions-fallacieuses-des-groupes-gauchistes
[11] https://fr.internationalism.org/tag/5/39/hollande
[12] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/wilders
[13] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/geert-wilders
[14] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/elections-aux-pays-bas-2023
[15] https://fr.internationalism.org/files/fr/f_isme_381.pdf
[16] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/coalition-arizona
[17] https://fr.internationalism.org/files/fr/2025_f-n-tract_belgique_jan2025.pdf
[18] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/interventions
[19] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/lutte-classe-belgique
[20] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/reforme-des-retraites
[21] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/coupes-budgettaires