C'est une habitude que prennent les gouvernements dits démocratiques d'inviter chaque année le peuple à une mascarade électorale. Bien plus que de rallier des masses à une politique ou à une autre, il s'agit d'empêcher ces mêmes masses de se désintéresser des querelles impérialistes, de crainte de les voir retrouver la solution révolutionnaire de classe. Aussi, toutes les nouvelles acquisitions de la publicité sont mises en œuvre. Les staliniens présentent des films pour faire avaler leurs discours, Ramadier prêche la pénitence, espérant dans les effets d'un masochisme collectif, et De Gaulle tente de rééditer son exploit du 18 juin 1940. Les kermesses battent leur plein.
Mais, fait significatif entre autres, on ne vit plus des incidents oratoires, on tâte des barricades de revues grand-guignolesques. À Verdun, un peu partout où quelques misérables tonnes de denrées alimentaires passent, des barricades se hérissent, des députés retrouvent les gestes de 1789, l'écharpe tricolore s'engraisse des grèves suscitées spontanément. On est prêt à mourir. Mais, au dernier moment, il y a contre-ordre et tout rentre dans le calme. Ces simulacres de guerre civile, qui font hurler les démocrates et frissonner les gens bien républicains, ces attentats manqués qui soulèvent un peu de poussière sont les artifices de la nouvelle publicité politique. Et l'on y perd la tête en attendant d'y perdre la vie.
Dans cette atmosphère bien remuante, une masse de tracts d'appel, de manifestes, de conférences internationales et de solutions définitives sont jetés en pâture à la masse qui ne demande pas tellement de paroles.
Mais, au fait, que promet-on aux masses, dans tout ce flot d'éloquence et de littérature, pour les river aux besoins politiques journaliers des 2 grands blocs impérialistes ?
La Résistance a épuisé ses derniers restes de démagogie. La lutte contre le boche et le danger allemand, s'il revient comme un leitmotiv dans chaque discours, dans chaque manifeste, c'est plus comme "médaille du mérite démocratique" que comme objectif réel.
Face à la dictature nazie, on a pu croire en la démocratie des "alliés" ; mais, cette démocratie, aux yeux des travailleurs, représentait plus un niveau de vie honnête qu'une longue constitution indigeste.
Et cette démocratie est arrivée ; que d'encre, que de battage ! Les commissions, les comités de vigilance ou non ont trainé la faim des ouvriers derrière eux. A chaque tentative de lutte contre la famine les masses ont rencontré une démagogie effrénée des organismes de collaboration de classe tels les syndicats ; c'est une politique prétendument socialiste qui conserve une structure capitaliste en employant des termes révolutionnaires dans des organismes qui avaient pu jadis, dans d'autres conditions, servir la classe ouvrière.
La tactique des États bourgeois, de la France en particulier, a consisté en définitive à amener la classe ouvrière à discuter et à chercher à résoudre des problèmes qui n'intéressaient que le déroulement économique du capitalisme.
Les revendications économiques -qui, hier encore, pouvaient être le tremplin de vagues offensives du prolétariat- enterrent, dès qu'elles s'expriment, toutes possibilités de luttes révolutionnaires, car aujourd'hui la bourgeoisie discute ces revendications mais dans le cadre bourgeois ; pour toute augmentation de salaire, la balance commerciale capitaliste présente inlassablement un déficit non fictif, mais éminemment réel.
Aussi joue-t-on sur la monnaie ; et les augmentations se soldent en définitive par des chutes du pouvoir d'achat des masses.
Et, si les ouvriers bougent pour lutter confusément contre la famine, les organismes syndicaux et les partis dits ouvriers ressortent, fort à propos, une vieille revendication enterrée pour dévier et canaliser le flux des masses.
Comme les revendications économiques tiennent compte forcément du coût de la vie et des prix, voilà du travail pour les comités tripartites -gouvernement, patronat et salariés- d'arbitrage. À chaque fois, et ceci ne rate pas; on discute des salaires pour chercher surtout une solution à la crise du régime.
La lutte ne se fait plus entre classes mais entre une société capitaliste et les conditions qui poussent cette société dans l'abime. Les ouvriers servent de pâture ; on jette du lest ; et ce lest est toujours au détriment des conditions de vie des ouvriers.
Toutes les conditions politiques actuelles poussent la classe ouvrière vers la collaboration de classe. L'ennemi à abattre n'est plus le système mais ces imbrisables lois du déroulement économique du régime. On cherche à amoindrir les effets du capitalisme en décrépitude en consolidant tant bien que mal, par une réduction du niveau de vie des travailleurs...
Les ouvriers sont invités à participer à ce travail inutile ; toute la gauche bourgeoise -SFIO, staliniens, trotskistes- les entraine à pallier quotidiennement à la crise du système bourgeois. Pour les uns, la grande pénitence, la ceinture au dernier cran est la solution réelle contre la famine ; c'est une façon de combattre le mal par le mal. La strychnine à petite dose peut mithridatiser, la famine par échelons successifs pourra amenuiser les forces ouvrières qui pourraient être dangereuses. Voilà la perspective Ramadier ! Pour les autres, c'est la démocratie bafouée, l'aliénation de l'indépendance nationale, la dollar porte-malheur qui sont cause de notre mauvaise situation. Que faire alors ? Réclamer le retour des staliniens au gouvernement. Solution de chantage, mais la classe ouvrière n'est pas le maître-chanteur, il n'est que la monnaie d'échange. Voilà l'horizon des "lendemains qui chantent" du PCF.
Et les troisièmes, les sans grades, les aspirants meneurs, ceux qui, de tout mouvement de masse, prophétisent immédiatement leur radicalisation, que proposent-ils comme radicalisation ? L'échelle-mobile panacée universelle, seule arme contre la famine. Est-ce le régime qui se trouve en cause ? Bien sûr que non ! Si on voulait seulement multiplier par le même coefficient les salaires et les prix, tout irait bien. Avec ceci, ils se prétendent marxistes et internationalistes, ces symboles étant si souples et si accommodants.
L'avenir, pour ces apprentis-sorciers, est à une multiplication des commissions d'arbitrage pour calculer le coefficient d'augmentation des prix. La lutte ouvrière est retenue par le souffle des machines à calculer. Et, si ça ne suffit pas, il faut diminuer les bénéfices, ce qui signifie qu'on ne pense pas à les supprimer. C'est donc la perpétuation de l'exploitation et de la guerre. Voilà les secrets du "Programme transitoire" de la 4ème, Internationale de nom seulement.
Mais ces trois solutions offertes à la masse des travailleurs ne s'encadrent pas moins dans le déroulement historique de la situation. La guerre qui s'approche inexorablement, divisant le monde et chaque pays en deux blocs impérialistes adverses, s'appuie sue ces démagogiques solutions qui ne font que préparer les diverses économies à soutenir une nouvelle vague de guerre, pour permettre au capitalisme de survivre encore. Il est vrai que les causes de cette prochaine guerre sont rejetées d'un camp à un autre et vice versa. Les fauteurs de guerre sont ceux qui admettent un bloc impérialiste contre un autre.
Que reste-t-il à la classe ouvrière ? Prendre fait et cause pour un bloc contre un autre ; mais alors elle aliène son indépendance de classe, fait les frais en sueur et en sang de la guerre impérialiste, subit saignée sur saignée pour maintenir debout l'édifice branlant du capitalisme. Elle perd sa conscience politique dans les entreprises de renflouage que lui présente l'État capitaliste. Elle ne voit plus de solution que sur le terrain de l'ennemi de classe et passe son temps à espérer dans les commissions d'arbitrage qui surgiront comme des champignons. La nature du collectivisme, qui ne pouvait demeurer enfermé dans des limites nationales, prend figure de nationalisations, portant la lutte concurrentielle du plan national au plan international.
Bien plus, la classe ouvrière ne voit plus la collectivisation comme le premier pas vers une société de consommation ; son socialisme ne se présente plus que comme une simple planification d'une économie existante et en pleine décrépitude.
À la politique indépendante de classe, la classe ouvrière est amenée à donner le pas à la démocratie : sa mission historique ne signifie pour elle qu'une recherche de mode d'élection équitable, sans tenir compte de la nature de classe de ces élections. Elle vote et votera sans s'apercevoir que, quel que soit le mode d'élection, elle est une minorité dans le monde bourgeois. Et même si elle ne se fait plus d'illusions sur la valeur progressiste des élections, habituée à choisir uniquement les solutions que lui présente la bourgeoisie, elle applique et appliquera la politique du moindre mal et sera entrainée encore plus par le char de la bourgeoisie. Que reste-t-il à faire donc ? Une seule politique, une seule tactique : le refus de toutes solutions présentées par la bourgeoisie.
La classe ouvrière n'a pas à chercher avec le capitalisme, au travers de discussions, la solution à la famine permanente. Les contradictions qui épuisent le régime actuel, les travailleurs n'ont pas à les résoudre, mais à abattre le régime. C'est la révolution qui se pose immédiatement sans programme transitoire, sans étape pédagogique. Il faut refuser l'existence et le fonctionnement du régime en sachant fort bien que ce refus entraine le choc de classes, la guerre civile classe contre classe.
Si la classe ouvrière considère la révolution comme un mythe ou comme un continuel désir irréalisable, c'est la famine et la guerre en permanence. Refusant ces 2 fléaux engendrés par le capitalisme, on rejette tout ce qui peut perpétuer la vie de ce régime ; on oppose à tout compromis la révolution, non comme un mot mais comme un acte.
On pourrait rire de cette tactique, la trouvant trop simple ; mais à chercher une voie plus subtile, plus compliquée, on finit par tomber dans l'opportunisme et la collaboration de classe.
Et, pour l'immédiat, pas de politique du moindre mal à la mascarade d'octobre ; l'abstention consciente de classe devient un acte révolutionnaire.
Mousso
La phase expansive de l'impérialisme russe qui débute avec le pacte Hitler-Staline devait inévitablement rendre toute entente impossible entre les "alliés" de la guerre contre l'Axe.
Nous pouvons vérifier cette conjoncture qui nous conduit vers la guerre à la lumière des faits de tous les jours, ce que nous avons fait en toute objectivité dans chacun de nos bulletins.
Mais il est encore des gens qui prétendent qu'il n'y a pas de nouveaux nuages sous le soleil d'automne, qu'il en est aujourd'hui comme d'hier : "Cette guerre, disent-ils, nous accorde un sursis que nous devons utiliser pour mobiliser la classe prolétarienne." À quelques variantes prés dans la forme, c'est ce qui se dégage du contenu de la thèse anarchiste.
Il est sans doute bien évident que la conférence de l'ONU n'apporte pas les nuages précurseurs des foudres de la guerre avec elle. Elle a toutefois cet avantage de nous y préparer psychologiquement.
Mais pour tous les agitateurs qui remuent le vide, pour les "économistes" à la petite semaine, ceux qui prêchent la grève générale à tous les coins de rue, pour tous ceux qui entendent mobiliser le prolétariat sur la base de revendications corporatistes, il y a un fait qui semble totalement leur échapper : c'est la puissance des organismes répressifs à la disposition de la bourgeoisie (armée, magistrature, police, presse etc.) ; quelle est l'influence des forces réactionnaires au sein de la classe ouvrière. Si tout cet appareil peut fonctionner librement et surement, pas de doute que l'opinion des ouvriers en soit entachée et réactionnaire.
Les événements de l'ONU sont bien le signe d'une situation qui s'aggrave à un rythme accéléré. L'impérialisme a effectivement pris conscience qu'il ne peut maintenir "la paix" qu'en préparant la guerre. Il y a un an, il y avait place pour le doute dans les positions des quatre grands impérialismes, dans la rapidité du cours vers la guerre. Mais les récents événements (les discours et déclarations communes) sont suffisamment catégoriques quant à la précision de l'antagonisme russo-américain et quant au degré avancé de murissement de cet antagonisme.
Au moment où Marshall fait son discours à Flushing-Meadows, l'agence Reuter fait savoir que les É-U envisagent de placer leurs forces armées à la disposition de l'ONU pour la restauration de "la paix" et de la sécurité sur les frontières de la Grèce. Ne serait-ce pas là un prélude à la guerre généralisée ?
Il y a d'autres facteurs plus persuasifs pour indiquer le degré de fermeté de l'offensive américaine face au bloc russe. Le département d'État et les déclarations de Mr Trumann - qui entend apporter une aide de 580 millions de dollars à la France et à l'Italie à seule fin, dit-il d'éviter la famine - cela doit se traduire "éviter de créer un climat favorable à l'emprise communiste et permettre à la France et à l'Italie de s'engager sans ambages dans la politique du dollar". C'est aussi pour cette même raison que, malgré le véto soviétique, le délégué américain ne désespère pas de l'entrée de l'Italie dans l'ONU.
La politique américaine s'accuse également dans le domaine militaire : selon les accords signés par les principales puissances, toutes les forces d'occupation d'Italie doivent être retirées ; cependant Sumner Welles déclare que la situation devenant de plus en plus précaire, le maintien des troupes serait non seulement une garantie pour les États-Unis mais aussi pour l'Italie. Tous ces agissements américains ont un but bien défini : il s'agit de chasser la Russie de la Méditerranée et des Balkans.
Nous pouvons dire aujourd'hui que l'ONU restera dans l'impasse, car il n'y a plus de place pour les compromis, qui étaient encore possibles dans les conférences antérieures.
Dans le bloc russe, on se prépare hâtivement à l'échéance qui approche à pas de géant : pendant que se déroulent les joutes oratoires à Lake-Success, la Bulgarie et la Yougoslavie se hâtent d'envoyer des armes à l'EAM en Grèce, où le général américain Chamberlain prépare une série de plans destinés à faire face à toutes menaces susceptibles de se présenter. Ces plans auront pour objectif primordial de maitriser la "rébellion", sans toutefois exclure l'éventualité d'une intervention extérieure.
En Allemagne, dans la zone russe, les orateurs du Parti socialiste unifié allemand et les officiers russes vont entreprendre une vaste campagne soviétique avant la conférence de Londres, à l'issue de laquelle ils demanderont l'anschluss de la zone à la Russie.
En vérité, ces événements montrent clairement que les impérialistes préparent hâtivement la guerre ; chacun a besoin d'accroitre son autorité dans sa zone, ce qui se manifeste par la destruction des oppositions dans la zone russe ainsi que l'assassinat de Petkov en Bulgarie.
Dans une situation économique de guerre comme celle que vivent nos impérialismes modernes, les pays de second et troisième ordre se placent obligatoirement dans le camp où leurs intérêts respectifs les introduisent, cela en fonction de leurs économies subordonnées.
C'est dans ce sens que l'on s'explique la position de la Grande-Bretagne, défense inconditionnelle de l'Amérique face à l'URSS et animatrice du plan Marshall.
Quant à la France, le capitalisme a bien conscience de la guerre qui se prépare, mais il y préfère obtenir quelques miettes d'un pays riche plutôt que de tout perdre. Devant le danger immédiat, la France se refuse à jouer en médiateur ; elle s'engage sans réserve dans le bloc anglo-saxon où le plan Monnet attend le charbon de la reconstruction et le blé des 16 ; en échange, la bi-zone pourrait devenir la tri-zone face à l'anschluss russe.
De même pour les pays coloniaux : les événements de Indes, d'Indochine, d'Afrique et de Tunisie ne sont pas étrangers à l'influence économique des 2 pôles d'attraction du globe.
Dans ce chaos qui grandit chaque jour avec une précision mathématique, ceux dont la mission devrait être de guider le prolétariat utilisent, avec un cynisme qui n'a pas d'égal, des armes toute rouillées et des théories toutes aussi infirmées par l'histoire, telle la revendication économique corporatiste et la grève générale, pour lutter contre l'éventualité de la guerre. Les trotskistes impénitents s'évertuent, une fois de plus, à se vautrer dans la collaboration avec la bourgeoisie capitaliste : par leur "droit des peuples à disposer d'eux-mêmes", dans "la lutte contre le fascisme", ils apportent leur appui à la politique stalinienne qu'ils rejoignent lorsqu'ils invitent les prolétaires à défendre "la patrie soviétique".
Les anarchistes affirment n'avoir aucun point commun avec les opportunistes trotskistes qu'ils dénoncent comme tels. En fait, bien qu'ils rejettent la défense de l'URSS, ils ont néanmoins un point commun, celui qui consiste à prêcher la grève générale. Ils apportent ainsi tous les deux, avec les "économistes" syndicaux de toutes catégories, de l'eau au moulin de la bourgeoisie, de l'impérialisme russe et de tous ses agents. Devant la possibilité de la guerre, le stalinisme utilisera toutes les armes et, à plus forte raison, la grève générale ; mais ce sera uniquement pour dégager le chemin à ladite armée rouge.
Quant à nous, nous pensons que la perspective de la guerre est proche, que cette situation peur se rapprocher du cours 1936-40, avec un développement plus rapide des événements ; au nom de la lutte du fascisme et de l'antifascisme, le capitalisme a pu terminer victorieusement sa guerre contre les peuples. Dans la conjoncture actuelle où le capitalisme évolue à pas de géant vers la 3ème guerre mondiale, il importe que chaque travailleur trouve la possibilité d'abattre l'obstacle qui se trouve devant lui. Cela signifie, pour nous, se détacher de l'idéologie bourgeoise, dans une lutte politique et sociale qui rejette la démagogie de la défense de la Russie et la notion de guerre progressiste.
Refus de la misère –Refus de la famine– Autant de pain en plus et autant de canons en moins, tel est l'axe de toute propagande révolutionnaire face à la guerre qui vient.
RENARD
La guerre de 1939 a été la conclusion d'un cours historico-économique dont les éléments les plus immédiats se dégagent au moment de la crise de 1929 :
Le conflit profond mais médiatisé est entre le bloc américain (ETATS-UNIS, GB et Dominions) et le danger que représentent séparément pour lui l'expansion allemande d'une part et japonaise de l'autre.
Dans ce conflit, les expressions immédiates sont :
L'expansion japonaise en se développant met immédiatement, par la suite, des possessions américaines, françaises et anglaises sous sa coupe et attaque donc ces pays.
En se développant, l'expansion allemande se heurte directement aux pays alliés de la France et de l'Angleterre qui savent bien que la Tchécoslovaquie et la Pologne envahies par Hitler signifient à brève échéance l'invasion de la France et de l'Angleterre.
La Russie, devant l'expansion japonaise et allemande, comprend très bien que son indépendance est en danger. Rester neutre signifierait, pour elle, simplement être mangée plus tard mais plus surement. Elle s'engage donc dans la politique d'expansion impérialiste armée à son tour et veut également se faire une base de défense-offensive en Finlande (son point faible stratégique étant la baie d'Helsingfors et de Kronstadt) et en Pologne.
À son tour, Hitler voit dans cette manœuvre russe une menace directe ; l'offensive est encore la meilleure défensive, détruire la menace russe, faire des richesses russes un appui économique dans sa guerre contre les USA, voilà le motif de son offensive contre la Russie. Mais les USA comprennent qu'il serait dangereux que l'Allemagne gagne la guerre contre l'URSS et, d'autre part, que le moment est favorable pour attaquer l'Allemagne, alors que ses forces sont dispersées sur plusieurs fronts.
Il y a donc le front japonais opposé aux Etats-Unis et à l'Angleterre, le front allemand opposé à la Russie et le front allemand opposé à l'Angleterre et aux Etats-Unis. Si l'un quelconque des fronts -sur lesquels le Japon et l'Allemagne attaquent- s'effondre, tous les autres fronts se trouvent ainsi renforcés. Cette vérité devait, pour un moment, rejeter les Etats-Unis et la Russie dans une communauté d'intérêts momentanée et immédiate : celui de la défensive. Mais, aussitôt que l'Allemagne s'effondra, la Russie s'empressa de prendre sa place en Europe pour s'assurer son plan de défense et les réparations de la guerre, cela face à la victoire menaçante des Etats-Unis.
La victoire met aussitôt en présence, par l'élimination des blocs allemand et japonais, les deux blocs vainqueurs. L'un et l'autre sont une menace l'un pour l'autre.
Dans ces deux conflits, celui de 1939-45 et le conflit russo-américain présent, la place des petits pays est la suivante : de gré ou de force leur situation géographico-économique les introduit dans le cycle d'une des campagnes politico-militaires d'offensive-défensive des grands blocs impérialistes. Ces nations ne choisissent pas : leur situation géographique et économique d'une part, les plans des grands impérialistes et leurs développements d'autre part choisissent pour eux. La Pologne est d'abord dépecée par l'Allemagne et la Russie, puis par l'Allemagne et, en définitive, par la Russie. La France est dépecée par l'Allemagne, puis libérée par les Etats-Unis, etc. Dans ces conditions, certaines fractions de la bourgeoisie peuvent se donner l'illusion qu'elles choisissent leur appartenance à tel ou tel bloc. En réalité, elles ont autant de part dans leur choix que le choix des grands impérialismes vis-à-vis d'eux peut en avoir. En définitive, c'est le rapport des forces impérialistes en présence qui fait que tel ou tel petit pays est enchainé au char d'un grand impérialisme.
La situation - plus compliquée dans la guerre de 1939-45 parce que la liquidation de la situation de la crise de 1929 et de la situation historique antérieure l'avait produite telle - se trouve aujourd'hui simplifiée : deux blocs restent en présence ; qui choisit qui ?
Les bourgeoisies polonaise, tchèque, bulgare, roumaine, yougoslave peuvent être, dans leur for intérieur, départagée quant à leur position (appartenir au bloc russe ou au bloc américain) en fait, le bloc russe s'appuie sur la fraction de ces bourgeoisies qui lui est favorable pour exercer sa dictature sur le pays et liquider toute opposition à lui non favorable.
Les bourgeoisies grecque, italienne et française choisissent-elles entre leur appartenance au bloc russe ou au bloc américain ? Le choix de la Grèce est très clair : les troupes anglaises, puis les capitaux et les armements américains ont choisi la fraction qui leur est favorable au sein de la bourgeoisie grecque pour écraser la fraction favorable au bloc russe, qui elle-même reçoit l'appui matériel direct de ce bloc. Qui choisit dans ce choix ? La Grèce ou le rapport de forces russo-américain ?
La France et l'Italie doivent leur "vie" aux Etats-Unis et les Etats-Unis ont entre les mains leur destinée. Est-ce que la bourgeoisie française CHOISIT les Etats-Unis plutôt que l'URSS ? La force de l'opposition stalinienne dans ces deux pays est en mesure de démontrer avec suffisamment de clarté à quel point, dans ce CHOIX, ces deux bourgeoisies sont satisfaites : l'opposition stalinienne en France fait son cheval de bataille de toutes les abdications de la France devant les Etats-Unis ; ce n'est pas par démagogie, cela exprime réellement le mécontentement d'une fraction de la bourgeoisie française face au CHOIX de l'autre fraction ; mais QUI choisit QUI ? Pour l'instant, la France EST CHOISIE par les Etats-Unis, qui font peser sur elle la menace de désagrégation de son empire colonial. L'Italie est choisie par les Etats-Unis qui occupent militairement le pays.
La guerre entre les Etats-Unis et la Russie peut se diviser en 3 phases :
Le plan Marshall a été la transition de la première phase à la seconde : les Etats-Unis choisissent leur base d'opération. La conférence de l'ONU : le duel Marshall-Vichinsky : la déclaration de la guerre.
La réunion des 9 partis communistes et la résolution sur "les questions nationales" (le rapprochement ainsi tenté des pays de "démocratie nouvelle") : la réunion - où n'assiste pas le parti allemand et où n'assistent, en dehors du bloc russe, que les partis italien et français - est la réponse russe au plan Marshall ; la Russie choisit, comme base d'opération en Europe, l'Italie et le France et entend s'appuyer sur les fractions de la bourgeoisie à eux favorables, en engageant d'avance une politique destinée à renforcer ces 2 fractions.
Au rythme actuel des opérations de préparation (le plan Marshall, la conférence de l'ONU, la réponse russe, en France la réponse de De Gaulle à Thorez), on peut dire que les opérations militaires sont extrêmement proches et, comme c'est en France que le conflit prend sa phase la plus aigüe, il apparaît que la France peut devenir la base de départ de ces opérations militaires, la troisième phase du conflit.
Suivre maintenant le rythme des opérations de la phase présente entre américains et russes d'une part (politique américaine en Allemagne et conférences), d'autre part le duel entre les forces des fractions bourgeoises favorables aux américains et aux russes en France, c'est suivre avec sureté l'évolution de la transformation de la 2ème phase en la 3ème.
PHILIPPE
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