Une fois n’est pas coutume, nous remercions le GIGC, de nous donner l’occasion de rappeler ce qu'il est vraiment.
Pour ce faire, nous reproduisons ci-dessous (intégralement, note de bas de page comprise) leur petit article sensé pointer notre impasse et nos contradictions sur la question du parasitisme, à en croire le titre.
Et pour nos lecteurs, nous y répondons juste après.
Impasse et contradictions du CCI face au « parasitisme », à la TCI et au GIGC
L’attitude politiquement responsable et fraternelle de la délégation du CCI lors de la réunion du comité «Non à la guerre sauf la guerre de classe» [1] à Paris –que nous saluons– a pu surprendre. La réunion n’était-elle pas organisée à l’initiative du GIGC, qu’il dénonce comme «groupe parasite» et «officine de l’État bourgeois» (Révolution internationale 446), et de la TCI qu’il critique pour ses concessions opportunistes vis-à-vis du parasitisme ? La présidence de cette réunion composée de trois camarades ne comportait-elle pas deux anciens de ses membres, Olivier et Juan, exclus et dénoncés publiquement dans sa presse internationale et traités de «nazis, staliniens, voleurs, maître-chanteurs, voyous, lumpen, calomniateurs, provocateurs, flics» en 2002 ? Pourtant, lors de la réunion publique, aucune dénonciation des supposés parasites et flics. Aucun avertissement aux autres participants qu’ils allaient assister à une réunion tenue par une «officine policière». [1] Aucun ultimatum exigeant l’exclusion de la réunion... de ses propres organisateurs.
Soit les membres et sympathisants actifs composant la délégation du CCI ne croient pas un seul mot des résolutions et autre articles publics dénonçant le GIGC et ses membres –par ailleurs interdits de participer aux réunions publiques du CCI ; soit elle a fait preuve d’une concession opportuniste particulièrement grave vis-à-vis non seulement du soi-disant parasitisme, mais même des soi-disant «agents provocateurs de l’État.»
Nous laissons le CCI face à ses contradictions chaque fois plus béantes et criantes.
Le GIGC, décembre 2022
Le GIGC a raison, le CCI est intervenu à la première réunion du comité No War But The Class War avec une «attitude politiquement responsable». Et en effet, nous n’avons pas dénoncé les deux individus qui étaient au présidium, Olivier et Juan, alors qu’ils sont des mouchards.
Pourquoi ?
Le GIGC jubile, croyant déceler là la preuve soit de nos prétendus doutes, soit de notre prétendu opportunisme.
La cause de notre «attitude politiquement responsable» ne peut qu’échapper complètement au GIGC : notre raison d’être n’est pas le GIGC mais la classe ouvrière.
Cette réunion était convoquée officiellement par un «comité» et non par des groupes politiques. Nous intervenions donc dans la réunion d'un comité, un comité nommé No War But The Class War, un comité qui annonce faire face à la guerre impérialiste, un comité qui affiche dans son appel d’authentiques positions internationalistes, un comité qui, en soi, doit représenter l’effort aujourd’hui rare, difficile et précieux de notre classe à s’organiser pour débattre et se dresser contre la barbarie de ce système décadent.
Aujourd’hui, les ouvriers en recherche des positions de classe sont peu nombreux, encore plus rares sont ceux faisant l’effort de se rassembler. Voilà ce que devrait être pour nous un comité, un lieu précieux de la clarification de notre classe, à défendre et à faire vivre. En ce sens, nous avions encouragé tous nos contacts à venir participer.
Notre crainte était que ce comité entraîne ses participants dans une impasse. Parce qu’aujourd’hui les luttes de la classe ouvrière se dressent non pas contre la guerre mais contre la crise économique; par conséquent ce comité risquait d’être une coquille vide, vide de la vie réelle de la classe, un comité hors-sol, artificiel, et donc poussant ses rares participants à mener des actions qui ne correspondent pas à la réalité de la dynamique de notre classe, un comité qui finalement affaiblit la défense de l’internationalisme, sème la confusion et finisse par gaspiller les maigres forces qui émergent. [2]
C’est pourquoi le CCI avait consciemment choisi d’y intervenir de manière déterminée pour défendre l’internationalisme, position cardinale de la Gauche communiste, et d’avertir les participants sur ce qui pour nous constitue d’emblée la fragilité des comités NWCW, la dimension artificielle de ces comités «de lutte». Telle a été la position que nous avons défendue par deux interventions, et qui est en effet «attitude politiquement responsable».
En lieu et place de «comité de lutte», ce serait bien plus des cercles de discussion et de réflexion regroupant les minorités politisées qui peuvent être envisageables aujourd’hui au sujet de la guerre. Quant à la formation de comités de lutte, elle pourrait effectivement jouer un rôle si motivée par le besoin de clarification et d'intervention pour faire face aux attaques économiques.
Voilà ce qui nous semblait être la priorité, l’enjeu central de cette réunion et de notre intervention.
Intervenir sur le fait que deux individus présents dans la salle sont en effet prêts à tout pour détruire le CCI, que c’est fondamentalement leur raison d’être, qu’ils ont déjà commis une incroyable liste de méfaits, allant jusqu’au mouchardage (!) tout cela aurait focalisé le débat sur cette question et donc fait dévier la discussion.
Mais puisque le GIGC le réclame, nous ne voudrions pas le décevoir. Voici un petit rappel du pédigrée de ces deux messieurs.
Ces deux individus viennent de la prétendue «Fraction Interne du CCI» (FICCI) qui était un mini groupuscule composé d’anciens membres du CCI exclus pour mouchardage en 2003, lors de notre 15e congrès international. Ce n'est pas la seule infamie dont ces éléments s'étaient rendus responsables puisque, reniant les principes fondamentaux de comportement communiste, ils s'étaient également distingués par des attitudes typiques de voyous, tels que la calomnie, le chantage et le vol. Pour ces autres comportements, bien qu'ils soient très graves, le CCI n'avait pas prononcé d'exclusion à leur encontre, mais une simple suspension. C'est-à-dire qu'il était encore possible pour ces éléments de revenir un jour dans l'organisation à condition évidemment qu'ils restituent le matériel et l'argent qu'ils avaient dérobés à celle-ci et qu'ils s'engagent à renoncer à des comportements qui n'ont pas leur place dans une organisation communiste. Si le CCI a décidé finalement de les exclure, c'est qu'ils ont publié sur leur site Internet (c'est-à-dire au vu de toutes les polices du monde) des informations internes facilitant le travail de la police : [3]
Il faut préciser qu'avant de procéder à leur exclusion, le CCI avait adressé à chacun des membres de la FICCI une lettre individuelle lui demandant s'il se solidarisait individuellement avec ces mouchardages. Lettre à laquelle la FICCI avait finalement répondu en revendiquant collectivement ces comportements infâmes. Il faut préciser également qu'il avait été donné à chacun de ces éléments la possibilité de présenter sa défense devant le congrès du CCI ou encore devant une commission de 5 membres de notre organisation dont 3 pouvaient être désignés par les membres de la FICCI eux-mêmes. Ces courageux individus, conscients que leurs comportements étaient indéfendables, avaient rejeté ces ultimes propositions du CCI.
À la place, cette «FICCI» a alors envoyé un «Bulletin communiste» aux abonnés de notre publication en France (dont les membres de la FICCI avaient volé le fichier des adresses bien avant de quitter notre organisation) pour leur répéter à longueur de bulletin que le CCI était en proie à une dégénérescence opportuniste et stalinienne.
Et ce n’est pas fini !
En 2005, avant l’une de nos réunions publiques, l’un des membres de la FICCI a menacé de mort l’un de nos militants. Portant toujours un couteau à la ceinture, il lui a odieusement glissé à l’oreille qu'il lui trancherait la gorge.
En fait, nous pourrions poursuivre cette liste encore et encore, tant chaque «Bulletin communiste» contenait son lot de calomnies.
En 2013, la FICCI a pris pour nouveau nom «Groupe international de la Gauche communiste» (GIGC). Plus précisément, ce nouveau groupe est le résultat de la fusion entre une partie du groupe Klasbatalo de Montréal et la FICCI.
Mais ce sont bien les mœurs de voyous et la haine des membres de la FICCI pour le CCI qui ont coloré immédiatement la politique et l’activité de ce groupe.
Ainsi, à peine né, ce GIGC s’est mis à sonner le tocsin et crier à tue-tête qu’il était en possession des Bulletins internes du CCI. En exhibant leur trophée de guerre et en faisant un tel tintamarre, le message que ces mouchards patentés cherchaient à faire passer était très clair : il y a une «taupe» dans le CCI qui travaille main dans la main avec l’ex-FICCI ! C’était clairement un travail policier n’ayant pas d’autre objectif que de semer la suspicion généralisée, le trouble et la zizanie au sein de notre organisation. Ce sont les mêmes méthodes qu’avait utilisées le Guépéou, la police politique de Staline, pour détruire de l’intérieur le mouvement trotskiste des années 1930. Ce sont ces mêmes méthodes qu’avaient déjà utilisées les membres de l’ex-FICCI lorsqu’ils avaient fait des voyages «spéciaux» dans plusieurs sections du CCI en 2001 pour organiser des réunions secrètes et faire circuler des rumeurs suivant lesquelles l’une de nos camarades (la «femme du chef du CCI», suivant leur expression) serait un «flic». Le même procédé pour tenter de semer la panique et détruire le CCI de l’intérieur en 2013 était encore plus abject : sous le prétexte hypocrite de vouloir «tendre la main» aux militants du CCI et les sauver de la «démoralisation», ces indicateurs professionnels adressaient en réalité le message suivant à tous les militants du CCI : «Il y a un (ou plusieurs) traîtres parmi vous qui nous donne vos Bulletins internes, mais on ne vous donnera pas son nom car c’est à vous de chercher par vous-même !». Voilà le véritable objectif permanent de ce «groupe international» : essayer d’introduire le poison du soupçon et de la méfiance au sein du CCI pour chercher à le détruire de l’intérieur. Il s’agit bien d’une véritable entreprise de destruction dont le degré de perversion n’a rien à envier aux méthodes de la police politique de Staline ou de la Stasi.
Nous avons, à plusieurs reprises déjà, interpellé publiquement le GIGC sur la manière dont nos bulletins internes étaient arrivés entre leurs mains. Un complice infiltré au sein de notre organisation ? La police elle-même les aurait-elle obtenus en piratant nos ordinateurs pour les transmettre ensuite au GIGC par un moyen quelconque ? Si, au lieu d'être une bande voyous, le GIGC avait été une organisation responsable, il aurait eu à cœur de résoudre cette énigme et d'informer le milieu politique du résultat de ses investigations. Au lieu de cela, il a toujours évité cette question que nous ne cesserons pas de lui poser publiquement.
Leur dernier article, celui que nous avons reproduit intégralement plus haut, ne déroge pas à ces méthodes nauséabondes. Ce que l’on peut reconnaître au moins au GIGC, c’est sa constance.
Seulement, à travers cet article, ce n’est pas au sein du CCI que le GIGC essaie de semer la division, la suspicion et la méfiance, mais au sein de toute la Gauche communiste. En écrivant «La réunion n’était-elle pas organisée à l’initiative du GIGC, qu’il [le CCI] dénonce comme “groupe parasite” et “officine de l’État bourgeois” (Révolution internationale 446), et de la TCI qu’il critique pour ses concessions opportunistes vis-à-vis du parasitisme ?», le GIGC met volontairement dans le même sac notre dénonciation des mœurs de voyous de ce groupe parasite et notre combat contre l’opportunisme de la TCI.
Le GIGC, digne héritier de la FICCI, a pour fonction de détruire les principes de la Gauche communiste, d’y répandre la méfiance et la division. La haine des membres de l’ex-FICCI vis-à-vis du CCI l’emporte et teinte toute la politique de ce groupe, quel que soit le niveau de conscience de ses différents membres intégrés par la suite. Il s’agit donc d’un combat contre un groupe qui, sous couvert de défendre les positions de la Gauche communiste, défend objectivement les intérêts du camp bourgeois [4] en reprenant à son compte ses pires mœurs et attitudes.
La lutte contre l’opportunisme, elle, se déroule au sein même du camp prolétarien. Toute l’histoire du mouvement ouvrier démontre qu’il s’agit d’une faiblesse constante qui gangrène le camp prolétarien. Il s’agit donc de combattre l’opportunisme par la polémique à la fois la plus ferme et la plus fraternelle possible, au sein du milieu politique prolétarien. Ce combat se mène non seulement entre les organisations révolutionnaires mais aussi en leur sein même. L’histoire du CCI montre qu’il lutte en son sein contre des dérives de ce type depuis 50 ans.
Ces méthodes d’assimilation, de confusion volontaire du GIGC afin de semer le trouble et la méfiance sont abjectes.
Pour paraphraser Rosa Luxemburg : Mensonger, mouchard, pataugeant dans la calomnie, couvert de crasse : voilà comment se présente le parasitisme, voilà ce qu’il est. Ce n’est pas lorsque ses protagonistes se donnent à la tribune d’un présidium d’un comité les dehors de la respectabilité et de la philosophie, de la morale et de l’ouverture, du débat et de la fraternité, c’est quand le parasitisme ressemble à une bête fauve, quand il danse le sabbat de la voyoucratie, quand il souffle la méfiance sur la Gauche communiste et ses principes, qu’il se montre tout nu, tel qu’il est vraiment.
CCI, 15 janvier 2023
[1] Conférence-débat à Marseille sur la Gauche communiste: le Docteur Bourrinet, un faussaire qui se prétend historien [2]
[2] Nous ne pouvons développer ici notre position, nous renvoyons nos lecteurs à notre article « No war but the classe war à Paris : Un comité qui entraîne les participants dans l’impasse » [3].
[3] Le GIGC assume même sa démarche policière. En effet on trouve, depuis 2005, sur son site «GIGC / Bulletin communiste International» des documents relatifs à des discussions internes au sein du CCI.
[4] Cette défense ne s'opère pas à travers la défense d'un programme bourgeois. En effet, comme le mettent en évidence nos thèses sur le parasitisme [4] : «Marx et Engels […] caractérisaient déjà de parasites ces éléments politisés qui, tout en prétendant adhérer au programme et aux organisations du prolétariat, concentrent leurs efforts sur le combat, non pas contre la classe dominante, mais contre les organisations de la classe révolutionnaire».
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Au Royaume-Uni, un cri se propage d’écho en écho, de grève en grève, depuis le mois de juin :
Ce mouvement massif, baptisé « L’été de la colère », est devenu l’automne de la colère, puis l’hiver de la colère.
Cette vague de grèves au Royaume-Uni est le symbole de la combativité ouvrière qui se développe partout dans le monde :
– En Espagne, où les médecins et les pédiatres de la région de Madrid se sont mis en grève fin novembre, tout comme le secteur aérien et celui du ferroviaire en décembre. De nouvelles grèves sont annoncées dans la santé, pour janvier, dans de nombreuses régions.
– En Allemagne, où la flambée des prix fait craindre au patronat d’avoir à affronter les conséquences d’une crise énergétique sans précédent. Le vaste secteur de la métallurgie et de l’électro-industrie a ainsi connu une série de grèves perlées au mois de novembre.
– En Italie, où une grève des contrôleurs aériens, mi-octobre, s’est ajoutée à celle des pilotes de la compagnie EasyJet. Le gouvernement a même dû interdire toute grève les jours de fête.
– En Belgique, où la grève nationale a été déclenchée le 9 novembre et le 16 décembre.
– En Grèce, où une manifestation a rassemblé des dizaines de milliers de salariés du privé à Athènes en novembre, au cri de « La cherté de la vie est insupportable ! ».
– En France, où des grèves se sont succédé ces derniers mois dans les transports en commun, dans les hôpitaux…
– Au Portugal, où les ouvriers réclament un salaire minimum à 800 euros contre 705 actuellement. Le 18 novembre, c’est la fonction publique qui était en grève. Au mois de décembre, le secteur des transports s’est également mobilisé.
– Aux États-Unis, les élus de la Chambre des représentants sont intervenus pour débloquer un conflit social et éviter une grève du fret ferroviaire. En janvier, ce sont les infirmières de New-York qui se sont mobilisées par milliers.
La liste serait interminable car, en réalité, il y a partout une multitude de petites grèves isolées les unes des autres, dans les entreprises, dans les administrations. Parce que partout, dans tous les pays, dans tous les secteurs, les conditions de vie et de travail se dégradent, partout la flambée des prix et les salaires de misère, partout la précarité et la flexibilité, partout les cadences infernales et les effectifs insuffisants, partout une dégradation terrible des conditions de logement, particulièrement pour les jeunes.
Depuis la pandémie de Covid-19, les hôpitaux sont devenus le symbole de cette réalité quotidienne de tous les travailleurs : être en nombre insuffisant et surexploités, jusqu’à l’épuisement, pour un salaire qui ne permet plus de payer les factures.
La longue vague de grèves qui touche depuis le mois de juin le Royaume-Uni, pays où le prolétariat semblait résigné depuis les années Thatcher, exprime une véritable rupture, un changement d’état d’esprit au sein de la classe ouvrière, non seulement au Royaume-Uni, mais aussi au niveau international. Ces luttes montrent que face à l’approfondissement considérable de la crise, les exploités ne sont plus prêts à se laisser faire.
Avec une inflation à plus de 11 % et l’annonce d’un budget de rigueur par le gouvernement de Rishi Sunak, les grèves se sont succédé dans presque tous les secteurs : les transports (trains, bus, métro, aéroports) et celui de la santé, les postiers du Royal Mail, les fonctionnaires du département de l’environnement, de l’alimentation et des affaires rurales, les employés d’Amazon, ceux des écoles en Écosse, les ouvriers du pétrole de la Mer du Nord… L’ampleur de la mobilisation des soignants n’avait pas été vue dans ce pays depuis plus d’un siècle ! Et les enseignants devraient à leur tour faire grève à partir de février.
En France, le gouvernement a, en plus, décidé d’imposer une nouvelle « réforme » repoussant l’âge légal du départ à la retraite. Le but est simple : faire des économies en pressant comme un citron la classe ouvrière, jusqu’au cimetière. Concrètement, il s’agira de travailler vieux, malade, épuisé ou de partir avec une pension de retraire amputée et misérable. Souvent, d’ailleurs, le licenciement viendra trancher, avant l’âge fatidique, le nœud de ce dilemme.
Les attaques contre nos conditions de vie ne vont pas s’arrêter. La crise économique mondiale va continuer de s’aggraver. Pour s’en sortir sur l’arène internationale du marché et de la concurrence, chaque bourgeoisie de chaque pays va imposer à la classe ouvrière des conditions de vie et de travail de plus en plus insoutenables, en invoquant « la solidarité avec l’Ukraine » ou « l’avenir de l’économie nationale ».
C’est encore plus vrai avec le développement de l’économie de guerre. Une partie croissante du travail et des richesses est dirigée vers l’économie de guerre. En Ukraine, mais aussi en Éthiopie, au Yémen, en Syrie, au Mali, au Niger, au Congo, etc., cela signifie : des bombes, des balles et la mort ! Ailleurs, cela entraîne la peur, l’inflation et l’accélération des cadences de travail. Tous les gouvernements réclament des « sacrifices » !
Face à ce système capitaliste qui plonge l’humanité dans la misère et la guerre, dans la concurrence et la division, c’est à la classe ouvrière (les travailleurs salariés de tous les secteurs, de toutes les nations, au chômage ou au travail, avec ou sans diplôme, en activité ou à la retraite...) de proposer une autre perspective. En refusant ces « sacrifices », en développant une lutte unie, massive et solidaire, elle peut montrer qu’un autre monde est possible.
Depuis des mois, dans tous les pays et dans tous les secteurs, oui, il y a des grèves. Mais isolées les unes des autres. Chacun sa grève, dans son usine, son dépôt, son entreprise, son administration. Aucun lien réel entre ces luttes, même quand il suffirait de traverser la rue pour que les grévistes de l’hôpital rencontrent ceux de l’école ou du supermarché d’en-face. Parfois, cette division confine au ridicule quand, dans la même entreprise, les grèves se découpent par corporation, ou équipe, ou étage. Il faut imaginer les secrétaires en grève à un moment différent des agents techniques, ou ceux du premier étage en grève dans leur coin sans lien avec ceux du second. C’est parfois réellement ce qui se passe !
L’éparpillement des grèves, l’enfermement chacun dans son coin fait le jeu de la bourgeoisie, il nous affaiblit, nous réduit à l’impuissance, il nous épuise et nous mène à la défaite.
C’est pourquoi la bourgeoisie déploie tant d’énergie à l’entretenir. Dans tous les pays, la même stratégie : les gouvernements divisent. Ils font semblant de soutenir tel ou tel secteur pour mieux s’en prendre aux autres. Ils mettent ponctuellement un secteur, voire une entreprise en lumière, en faisant des promesses qu’ils ne tiendront jamais, pour faire passer inaperçu le cortège d’attaques qui s’abat partout ailleurs. Pour mieux diviser, ils adressent une aide ponctuelle à une catégorie et réduisent les droits de toutes les autres. La négociation branche par branche, entreprise par entreprise, est partout la règle.
En France, l’annonce de la réforme des retraites, qui va impacter toute la classe ouvrière, s’accompagne d’un « débat » médiatique assourdissant sur l’injustice de la réforme pour telle ou telle catégorie de la population. Il faudrait la rendre plus juste en intégrant mieux les profils particuliers des apprentis, de certains travailleurs manuels, des femmes… Toujours le même piège !
Pourquoi cette division ? Est-ce seulement la propagande et les manœuvres des gouvernements qui parviennent à nous diviser ainsi, à séparer les grèves et les luttes de la classe ouvrière les unes des autres ?
Le sentiment d’être tous dans le même bateau grandit. L’idée que seule une lutte massive, unie et solidaire peut permettre d’établir un rapport de force germe dans toutes les têtes. Alors pourquoi cette division depuis des mois, dans tous les pays, dans tous les secteurs ?
Au Royaume-Uni, les grèves s’accompagnent traditionnellement de piquet devant chaque lieu en grève. Depuis des mois, les piquets se tiennent les uns à côtés des autres, parfois à une seule journée d’écart, parfois en même temps mais séparés de quelques centaines de mètres. Sans lien entre eux. Chacun sa grève, chacun son piquet. Sans lutte contre cet éparpillement, sans le développement d’une véritable unité dans la lutte, la combativité risque de s’épuiser. Ces dernières semaines, l’impasse et le danger de cette situation a commencé à frapper les esprits. Les ouvriers en grève chacun leur tour depuis six mois pourraient être gagnés par un sentiment de lassitude et d’impuissance.
Pourtant, sur plusieurs piquets de grève, des travailleurs nous ont exprimé leur sentiment d’être impliqués dans quelque chose de plus large que leur entreprise, leur administration, leur secteur.Il y a une volonté grandissante de lutter ensemble.
Seulement, depuis des mois, dans tous les pays, dans tous les secteurs, ce sont les syndicats qui organisent toutes ces luttes morcelées, ce sont les syndicats qui dictent leurs méthodes, qui divisent, isolent, prônent la négociation branche par branche, corporation par corporation, ce sont les syndicats qui font de chaque revendication une revendication spécifique, ce sont les syndicats qui avertissent que, surtout, « il ne faut pas mélanger les revendications pour ne pas se diluer ».
Mais les syndicats ont aussi perçu que la colère gronde, qu’elle risque de déborder et de briser les digues qu’ils ont dressées entre les corporations, les entreprises, les secteurs… Ils savent que l’idée de « lutter tous ensemble » murit dans la classe.
C’est pourquoi, par exemple au Royaume-Uni, les syndicats commencent à parler de rassemblements regroupant différents secteurs, ce qu’ils avaient pris grand soin jusqu’ici d’éviter. Les mots « unity », « solidarity » pointent le bout de leur nez dans leurs discours. Ils ne renoncent pas là à diviser, mais pour pouvoir continuer à le faire, ils collent aux préoccupations de la classe. Ils gardent ainsi le contrôle, la direction des luttes.
En France, face à l’annonce de la réforme des retraites, les syndicats ont ainsi affiché leur unité et leur détermination ; ils ont appelé à de grandes manifestations de rue et à engager le bras de fer avec le gouvernement. Ils crient que cette réforme ne passera pas, qu’il faut être des millions à la rejeter.
Voilà pour le discours et les promesses. Mais qu’en est-il en réalité ? Pour s’en faire une idée, il suffit de se souvenir du mouvement de lutte de 2019-2020, déjà contre la réforme des retraites de Macron. Face à la montée de la combativité et l’élan de solidarité entre les générations, les syndicats avaient usé du même stratagème en prônant la « convergence des luttes », un ersatz de mouvement unitaire, où les manifestants qui défilaient dans la rue étaient parqués par secteur et par entreprise. Nous n’étions pas tous ensemble, mais les uns derrière les autres. Les banderoles syndicales et les services d’ordre saucissonnaient les cortèges par corporation, par entreprise, par centrale. Surtout, aucune discussion, aucune assemblée. « Défilez avec vos collègues habituels et rentrez chez vous, jusqu’à la prochaine ». Sono à fond, pour être bien certain que les plus têtus ne s’entendent pas. Parce que ce qui fait réellement trembler la bourgeoisie, c’est quand les ouvriers prennent leurs luttes en main, quand ils s’organisent, quand ils commencent à se rassembler, à débattre… à devenir une classe en lutte !
Au Royaume-Uni et en France, comme partout ailleurs, pour construire un rapport de forces nous permettant de résister aux attaques incessantes contre nos conditions de vie et de travail, et qui demain vont s’aggraver encore avec violence, nous devons, partout où nous le pouvons, nous rassembler pour débattre et mettre en avant les méthodes de lutte qui font la force de la classe ouvrière et lui ont permis, à certains moments de son histoire, de faire vaciller la bourgeoisie et son système :
– la recherche du soutien et de la solidarité au-delà de sa corporation, son entreprise, son secteur d’activité, sa ville, sa région, son pays ;
– l’organisation autonome du combat ouvrier, à travers des assemblées générales notamment, sans en laisser le contrôle aux syndicats, ces soi-disant « spécialistes » des luttes et de leur organisation ;
– la discussion la plus large possible sur les besoins généraux de la lutte, sur les leçons à tirer des combats et aussi des défaites, car il y aura des défaites, mais la plus grande défaite est de subir les attaques sans réagir. L’entrée en lutte est la première victoire des exploités.
En 1985, sous Thatcher, les mineurs britanniques s’étaient battus durant une année entière, avec un immense courage et une détermination exemplaire ; mais isolés, enfermés dans leur corporation, ils avaient été impuissants ; et leur défaite avait été celle de toute la classe ouvrière. Nous devons tirer les leçons de nos erreurs. Il est vital que les faiblesses qui minent la classe ouvrière depuis des décennies et signent notre succession de défaites soient dépassées : le corporatisme et l’illusion syndicale. L’autonomie de la lutte, l’unité et la solidarité sont les jalons indispensables à la préparation des luttes de demain !
Pour cela, il faut nous reconnaître comme les membres d’une même classe, une classe unie par la solidarité dans la lutte : le prolétariat. Les luttes d’aujourd’hui sont indispensables pas seulement pour nous défendre pied à pied contre les attaques mais aussi pour reconquérir cette identité de classe à l’échelle mondiale, pour préparer le renversement de ce système synonyme de misère et de catastrophes de toutes sortes.
Dans le capitalisme, il n’y a pas de solution : ni à la destruction de la planète, ni aux guerres, ni au chômage, ni à la précarité, ni à la misère. Seule la lutte du prolétariat mondial soutenue par tous les opprimés et exploités du monde peut ouvrir la voie à une alternative, celle du communisme.
Les grèves au Royaume-Uni, les manifestations en France, sont un appel au combat pour les prolétaires de tous les pays
Courant communiste international, 12 janvier 2023
Le 23 décembre dernier, à Paris, une nouvelle tuerie raciste et xénophobe faisait trois morts, les victimes étaient toutes issues de la communauté kurde. Au fil des informations, le profil du suspect devient de plus en plus clair : un homme viscéralement raciste qui voulait tuer le plus d’étrangers possible lors de cette fusillade. Ce dernier ayant déjà attaqué un migrant avec un sabre en décembre 2021.
Ce genre d’actes ignobles n’a, hélas, rien d’extraordinaire. Au contraire, ils rythment désormais le quotidien de la société au quatre coins du monde et font régulièrement les Unes des journaux et des émissions de télévision. L’assassinat du 23 décembre ne doit donc rien au hasard, bien au contraire. Pour autant, les représentants politiques comme les médias aux ordres n’ont pas tardé à réduire cette tuerie comme le simple fait d’un « déséquilibré » au « cerveau grillé », imbibé de l’idéologie d’extrême-droite. Autrement dit, un individu psychologiquement malade. Voilà ! L’affaire était réglée ! En réalité, la démarche de ces individus n’est en rien le produit d’un simple acte individuel mais bien celui d’une société sans aucun futur, se noyant tous les jours dans la barbarie, la destruction des liens sociaux, la marginalisation, l’atomisation des individus, le nihilisme ou encore l’anéantissement de l’affectivité. Un tel cocktail ne pouvant que fabriquer en chaîne des êtres broyés dont les pulsions de haine et de mort peuvent trouver leur conclusion dans le massacre de boucs-émissaires, cette fois-ci des individus issus de la communauté kurde.
Personnalités politiques, représentants des différentes sphères de l’État, journalistes et commentateurs de tous bords se sont émus de cet acte barbare en jouant sur le terrain de la peur. Mélenchon et la France insoumise, par exemple, ont dénoncé un authentique acte terroriste d’un militant d’extrême – droite manipulé par la Turquie. Si pour le moment, rien ne permet de confirmer cette thèse, ce qui est sûr c’est que la gauche et l’extrême gauche (LO, NPA notamment) mais aussi, bien sûr, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), ont tout de suite compris le bénéfice qu’elles pouvaient tirer de ce drame. En déclarant d’emblée qu’il s’agissait d’un attentat terroriste, toutes ces officines de l’État ont été en mesure d’instrumentaliser la colère des Kurdes en les appelant à se mobiliser sur le terrain de l’antifascisme et de la défense du peuple kurde. (1)Ainsi, preque toute la bourgeoisie est à l’unisson pour dénoncer la montée du fascisme qui mettrait en péril la démocratie. Nous assistons à deux campagnes concomitantes mais totalement complémentaires consistant à entraîner les ouvriers sur le terrain de l’antifascisme. D’un côté, l’extrême droite, par ses discours haineux, déverse sur les réseaux sociaux un odieux mélange de haine, d’appel au lynchage et au pogrom envers tout individu extérieur à la prétendue « communauté nationale ». D’ailleurs, les militants d’extrême-droite ont désormais toujours un fauteuil réservé sur les plateaux télévisés et en radio, à l’image de Zemmour lors de la dernière élection présidentielle, leur donnant ainsi toute légitimité pour déverser leurs discours racistes.
Face à ce déferlement de haine, on assiste, de l’autre côté, à un grand battage médiatique de la gauche et de l’extrême-gauche qui déploient tout leur arsenal dans l’appel au « combat contre le fascisme ». Dès le 23 décembre, les ténors de la NUPES, pour ne citer qu’eux, ont largement occupé les chaînes d’information pour dénoncer la violence de l’extrême – droite qui constituerait une grave menace pour la France. Cette campagne a été lancée, il y a déjà quelque temps, sur les réseaux sociaux. Les médias de gauche « alternatifs », prétendument indépendants, ne cessent de développer ce thème de la montée en puissance de la violence d’extrême-droite. Ce discours est perfide car il distille l’idée selon laquelle la solution politique au pourrissement de la société serait contenue dans la défense de « L’État de droit », c’est-à-dire de la nation, de l’État et de la République bourgeoise, qu’il conviendrait d’utiliser avec efficacité pour régler les problèmes de racisme, de xénophobie, de terrorisme. Mais tout ce ramassis de lieux communs et de mensonges n’est qu’un bourrage de crânes qui montre pleinement la véritable fonction de la gauche du capital : dévoyer la lutte de la classe ouvrière contre le système capitaliste pour mieux l’amener à soutenir et défendre son principal oppresseur : l’État « démocratique ».
S’en remettre aux sbires de la gauche pour changer le monde et préserver l’humanité de la barbarie capitaliste est un dangereux leurre que la classe ouvrière ne doit pas gober !
Mathilde, 30 décembre 2022
1 Les Kurdes savent pertinemment que l’État français ne peut ni ne veut les protéger : les enjeux et le désamour diplomatique avec Erdogan est un sujet brûlant de politique internationale qui prévaut sur tout autre risque d’insécurité de ressortissants kurdes en l’occurrence. Rappelons l’attentat de janvier 2013 qui avait tué trois militantes kurdes et qui s’était soldé, après plusieurs années de procédure, par un classement secret-défense entraînant ainsi la fin de toute procédure.
L’ampleur de la mobilisation lors de la première manifestation contre la réforme des retraites le 19 janvier dernier, a montré la capacité du prolétariat en France de résister à une attaque ignoble de la part de la bourgeoisie contre les conditions de vie et de travail. Mais c’est un ras-le-bol plus général qui s’est exprimé dans tous les cortèges du fait de l’aggravation de la crise économique qui se manifeste notamment par l’inflation. Après les grèves incessantes en Grande-Bretagne depuis l’été dernier, la massivité de la mobilisation des ouvriers en France confirme pleinement le réveil de la combativité du prolétariat à l’échelle mondiale.
Venez discuter de cette question lors de la réunion publique en ligne du CCI le 11 février à partir de 21h00 (Au lieu de 15h comme annoncé initialement en raison des manifestations qui se dérouleront au cours de l'après-midi). Le CCI interviendra dans ces manifestations et il sera toujours possible de nous contacter dans l'après-midi pour s'inscrire à la participation à la réunion publique du soir.
Pour participer à cette réunion publique, veuillez adresser un message sur notre adresse électronique [13] ou dans la rubrique “contact [14]”, afin de nous permettre d’organiser au mieux les débats. Les modalités techniques pour se connecter à la réunion seront communiquées par retour de courriel.
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Les 19 et 31 janvier, nous étions plus d’un million dans la rue à nous mobiliser contre la nouvelle réforme des retraites. Le gouvernement prétend que cette colère est due à un « défaut d’explication », à un « manque de pédagogie ». Mais nous avons tous très bien compris ! Avec cette énième réforme, le but est clair : nous exploiter toujours plus et amputer les pensions de tous ceux qui, licenciés ou malades, ne parviendront pas à aller au bout de leurs annuités. Travailler jusqu’à épuisement pour une retraite de misère, voilà ce qui nous attend.
Mais « à un moment donné, ça suffit ! ». Cette expression est revenue si souvent dans les cortèges qu’elle a été reprise par les Une de la presse. Il s’agit presque mot pour mot de l’expression que les grévistes mettent en avant depuis des mois au Royaume-Uni : « Enough is enough », « Trop c’est trop ». Ce n’est pas un hasard. Le lien qui nous unit saute aux yeux : la même dégradation des conditions de vie et de travail, les mêmes attaques, la même inflation, et la même combativité croissante. Parce que, oui, « ça suffit ». La réforme des retraites, les prix qui flambent, les cadences infernales, les sous-effectifs, les salaires de misère… et que dire de la nouvelle réforme de l’assurance chômage, une mesure révoltante qui réduit de 25 % la durée d’indemnisation et va permettre de radier les bénéficiaires à tour de bras ! Et cela pour le plus grand bien des statistiques et des mensonges sur la « réduction du chômage ».
En étant plus d’un million dans la rue le 19 janvier, davantage le 31, la classe ouvrière démontre une nouvelle fois ce qui fait sa force : sa capacité à rentrer massivement en lutte. Chômeurs, retraités, futurs travailleurs, salariés, de tous les métiers, de tous les secteurs, du public ou du privé, les exploités forment une seule et même classe animée par un seul et même sentiment de solidarité : Un pour tous, tous pour un !
Depuis des mois, il y a partout en France des petites grèves, dans les usines ou dans les bureaux. Leur multitude reflète le niveau de colère dans les rangs de la classe ouvrière. Mais parce qu’elles sont isolées les unes des autres, ces grèves sont impuissantes ; elles épuisent les plus combatifs dans des luttes sans espoir. Les grèves corporatistes et sectorielles ne mènent qu’à la défaite de tous, chacun perd dans son coin, chacun son tour, l’un après l’autre. L’organisation des luttes corporatistes et sectorielles n’est que l’incarnation moderne du vieil adage des classes dominantes : « Diviser pour mieux régner ».
Face à cet éparpillement, sous le coup des attaques incessantes à nos conditions de vie et de travail, nous ressentons de plus en plus qu’il faut rompre cet isolement, que nous sommes tous dans le même bateau, que c’est tous ensemble qu’il faut lutter. Les 19 et 31 janvier, en étant plus d’un million dans la rue, à se serrer les coudes, il y avait non seulement de la joie mais aussi une certaine fierté à faire vivre la solidarité ouvrière.
En étant plus d’un million dans la rue, l’atmosphère se charge d’une ambiance nouvelle. Il y a l’espoir de pouvoir gagner, de pouvoir faire reculer le gouvernement, de le faire plier sous le poids du nombre. C’est vrai, seule la lutte peut freiner les attaques. Mais être nombreux est-il suffisant ?
En 2019, nous étions aussi massivement mobilisés et la réforme des retraites est passée. En 2010, contre ce qui devait être la dernière réforme des retraites, juré-craché, nous avons enchaîné quatorze journées d’action ! Neuf mois de lutte ! Ces cortèges ont rassemblé plusieurs fois de suite des millions de manifestants. Pour quel résultat ? La réforme des retraites est passée. Par contre, en 2006, après seulement quelques semaines de mobilisation, le gouvernement a retiré son « Contrat Première Embauche » (CPE). Pourquoi ? Quelle différence y a-t-il entre ces mouvements ? Qu’est-ce qui a fait peur à la bourgeoisie en 2006, au point de la faire reculer si rapidement ?
En 2010 et en 2019, nous étions nombreux, nous étions solidaires et déterminés, mais nous n’étions pas unis. Nous étions peut-être des millions, mais nous étions les uns derrière les autres. Les manifestations consistaient à venir avec ses collègues, à marcher avec ses collègues sous le bruit assourdissant des sonos, et à repartir avec ses collègues. Aucune assemblée, aucun débat, aucune réelle rencontre. Ces manifestations étaient réduites à l’expression d’un simple défilé.
En 2006, les étudiants précaires avaient organisé, dans les universités, des assemblées générales massives, ouvertes aux travailleurs, aux chômeurs et aux retraités, ils avaient mis en avant un mot d’ordre unificateur : la lutte contre la précarisation et le chômage. Ces assemblée étaient le poumon du mouvement, là où les débats se menaient, là où les décisions se prenaient. Résultat : chaque week-end, les manifestations regroupaient de plus en plus de secteurs. Les travailleurs salariés et retraités s’étaient joints aux étudiants, sous le slogan : « Jeunes lardons, vieux croûtons, tous la même salade ». La bourgeoisie française et le gouvernement, face à cette tendance à l’unification du mouvement, n’avait pas eu d’autre choix que de retirer son CPE.
La grande différence entre ces mouvements est donc la question de la prise en main des luttes par les travailleurs eux-mêmes !
Dans les cortèges, aujourd’hui, la référence à Mai 68 revient régulièrement : « Tu nous mets 64, on te re-Mai 68 », pouvait-on lire sur de nombreuses affiches. Ce mouvement a laissé une trace extraordinaire dans les mémoires ouvrières. Et justement, en 1968, le prolétariat en France s’était uni en prenant en mains ses luttes. Suite aux immenses manifestations du 13 mai pour protester contre la répression policière subie par les étudiants, les débrayages et les assemblées générales s’étaient propagés comme une traînée de poudre dans les usines et tous les lieux de travail pour aboutir, avec ses neuf millions de grévistes, à la plus grande grève de l’histoire du mouvement ouvrier international. Très souvent, cette dynamique d’extension et d’unité s’était développée en dehors du giron des syndicats et de nombreux ouvriers avaient déchiré leur carte syndicale après les accords de Grenelle du 27 mai entre les syndicats et le patronat, accords qui avaient enterré le mouvement.
Aujourd’hui, travailleurs salariés, chômeurs, retraités, étudiants précaires, nous manquons encore de confiance en nous, en notre force collective, pour oser prendre en main nos luttes. Mais il n’y a pas d’autre chemin. Toutes les « actions » proposées par les syndicats mènent à la défaite. Seul le rassemblement au sein d’assemblées générales ouvertes et massives, autonomes, décidant réellement de la conduite du mouvement, peut constituer la base d’une lutte unie, portée par la solidarité entre tous les secteurs, toutes les générations, des assemblées générales dans lesquelles nous nous sentons unis et confiants en notre force collective.
Il n’y a aucune illusion à avoir, l’histoire l’a démontré mille fois : aujourd’hui les syndicats affichent leur « unité » et appellent à la mobilisation générale, demain ils vont s’opposer pour mieux nous diviser et mieux nous démobiliser. D’ailleurs, ils ont commencé :
– D’un côté, les syndicats classés « radicaux » focalisent l’attention sur la nécessité de bloquer l’économie du pays. Concrètement, cela signifie que les ouvriers des secteurs les plus combatifs actuellement, comme les raffineurs ou les cheminots, vont se retrouver enfermés sur leur lieu de travail, isolés de leur frères de classe des autres secteurs qui en seront, eux, réduits à la grève par procuration. Comme en 2019 !
– De l’autre côté, les syndicats dits « réformistes » préparent déjà la désunion en répétant « Nous ne sommes pas contre une réforme de la retraite. Nous ne sommes pas des inconscients. On sait bien qu’il faut qu’on conserve un système d’équilibre financier sur ce régime de retraite par répartition. […] Pour autant, on n’a pas envie d’une réforme qui soit injuste ». (Geoffrey Caillon, coordinateur CFDT TotalEnergies). Et d’en appeler le gouvernement à « entendre » le mécontentent et à négocier. Autrement dit, gouvernement et syndicats ont déjà prévu depuis longtemps des aménagements à la réforme pour faire passer la pilule. Comme en 2019 !
La réforme des retraites se fait au nom de l’équilibre budgétaire, de la justice et de l’avenir. Le 20 janvier, Macron a annoncé en grandes pompes un budget militaire record de 400 milliards d’euros ! Voilà la réalité de l’avenir promis par la bourgeoisie : plus de guerre et plus de misère. Le capitalisme est un système d’exploitation, mondial et décadent. Il mène l’humanité vers la barbarie et la destruction. La crise économique, la guerre, le réchauffement climatique, la pandémie ne sont pas des phénomènes séparés ; tous sont des fléaux de ce même système moribond.
Ainsi, nos luttes actuelles ne sont pas seulement une réaction face à la réforme des retraites, ni même face à la dégradation de nos conditions de vie. Fondamentalement, elles sont une réaction à la dynamique générale du capitalisme. Notre solidarité dans la lutte est l’antithèse de la compétition jusqu’à la mort de ce système divisé en entreprises et nations concurrentes. Notre solidarité entre les générations est l’antithèse du no future et de la spirale destructrice de ce système. Notre lutte symbolise le refus de se sacrifier sur l’autel de l’économie de guerre. C’est pourquoi chaque grève porte en elle les germes de la révolution. Le combat de la classe ouvrière est immédiatement une remise en cause des bases mêmes du capitalisme et de l’exploitation.
Notre lutte actuelle prépare les luttes à venir. Il n’y aura pas de répit. En s’enfonçant dans la crise économique mondiale, dans sa folle course au profit, chaque bourgeoisie nationale va n’avoir de cesse d’attaquer les conditions de vie et de travail du prolétariat.
Les travailleurs les plus combatifs et déterminés doivent se regrouper, discuter, se réapproprier les leçons du passé, pour préparer la lutte autonome de toute la classe ouvrière. C’est une nécessité. C’est le seul chemin possible.
Courant Communiste International (2 février 2023)
Défiler les uns derrière les autres, puis repartir chacun dans son coin est stérile. Pour être véritablement unis dans la lutte, il faut se rencontrer, débattre, tirer ensemble les leçons de la lutte présente et des luttes passées. Il faut prendre en mains nos luttes.
Partout où cela est possible, sur les lieux de travail ou ici, sur les trottoirs, sur les places, en fin de manifestation, il faut se regrouper et discuter.
Si en lisant ce tract, vous partagez cette volonté de réfléchir ensemble, de s’organiser, de prendre en mains les luttes alors n’hésitez pas à venir à notre rencontre à la fin de la manifestation pour poursuivre le débat.
L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes.
Liens
[1] http://www.igcl.org/ecrire/?exec=article&id_article=839
[2] https://fr.internationalism.org/revolution-internationale/201501/9177/conference-debat-a-marseille-gauche-communiste-docteur-bourrin
[3] https://fr.internationalism.org/content/10907/comite-qui-entraine-participants-limpasse
[4] https://fr.internationalism.org/rinte94/parasitisme.htm
[5] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/aventurisme-parasitisme-politiques
[6] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/ficci-gigcigcl
[7] https://fr.internationalism.org/files/fr/tract_janvier_2023.pdf
[8] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/interventions
[9] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/reforme-des-retraites
[10] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/ete-colere
[11] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/france
[12] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/attentats
[13] mailto:[email protected]
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[15] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/reunions-publiques
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