Publié sur Courant Communiste International (https://fr.internationalism.org)

Accueil > ICConline - années 2020 > ICConline - 2022 > ICCOnline - Octobre 2022

ICCOnline - Octobre 2022

  • 46 lectures

Permanence en ligne du 22 octobre 2022

  • 80 lectures

Le Courant Communiste International organise une permanence en ligne le samedi 22 octobre 2022 à partir de 14h.
Ces permanences sont des lieux de débat ouverts à tous ceux qui souhaitent rencontrer et discuter avec le CCI. Nous invitons vivement tous nos lecteurs, contacts et sympathisants à venir y débattre afin de poursuivre la réflexion sur les enjeux de la situation et confronter les points de vue. N'hésitez pas à nous faire part des questions que vous souhaiteriez aborder.
Les lecteurs qui souhaitent participer aux permanences en ligne peuvent adresser un message sur notre adresse électronique ([email protected] [1]) ou dans la rubrique “nous contacter” de notre site internet, en signalant quelles questions ils voudraient aborder, afin de nous permettre d’organiser au mieux les débats.
Les modalités techniques pour se connecter à la permanence seront communiquées ultérieurement.

Vie du CCI: 

  • Permanences [2]

Rubrique: 

Permanences

Anton Pannekoek : La destruction de la nature

  • 161 lectures

L’article ([1]) d’Anton Pannekoek (1873-1960) publié en 1909 offre un cinglant démenti aux allégations (qui s’inspirent des mensonges véhiculés par le Stalinisme frauduleusement assimilé au Communisme) que le marxisme n’aurait aucune préoccupation de la question écologique et la nature ; que – comme le capitalisme qu’il prétend combattre – il serait porteur du même "productivisme" destructeur de la nature. C’est tout le contraire qui est vrai !

Dans cet article Pannekoek développe de façon condensée et extrêmement accessible la même approche qu’avant lui, Marx a exposée dans le Capital. Il réaffirme que seul l’instauration du Communisme offre une alternative réaliste à la destruction de la nature.

Aujourd’hui, c’est sciemment que les campagnes idéologiques martèlent la responsabilité de "l’Homme" dans le désastre écologique pour mieux occulter que, comme partie intégrante de la nature, le genre humain interagit avec celle-ci par l’intermédiaire de différentes formes d’organisations sociales qui se sont succédé dans l’histoire. Toutes, depuis la fin de la société communiste primitive de la préhistoire, ont été des systèmes d’exploitation basés sur une division de la société en classes sociales. Ce n’est pas l’Homme, mais le système capitaliste, uniquement animé par l’extraction maximale de profit, qui vampirise et soumet la nature dans son ensemble, tout comme la force de travail du prolétariat – les sources de sa richesse – à une exploitation féroce jusqu’à l’épuisement et l’anéantissement. C’est pourquoi le capitalisme n’a pas de solution à la question écologique et que sa résolution va de pair avec celle de la question sociale.

En 1909 Pannekoek souligne déjà que les ravages de la déforestation représentent une question vitale pour l’humanité. Après plus d’un siècle de décadence du capitalisme, où la dévastation de la nature, au cours de cette période, s’est emballée et se poursuit dans de telles proportions, que ses effets (le réchauffement climatique et ses conséquences, l’effondrement des écosystèmes surexploités, la déforestation causant l’émergence de zoonoses…) combinés à ceux de la crise économique et des guerres impérialistes rend tangible le péril de destruction de l’humanité. Cet enjeu exige que le prolétariat mondial se hisse à la hauteur de sa responsabilité historique de fossoyeur du capitalisme, car seul le projet de société dont il est le porteur, celui de l’abolition de la loi de la marchandise et des rapports sociaux d’exploitation, de la création d’une société sans classes orientée vers la satisfaction des besoins humains, permettra en même temps d’instaurer un réel équilibre entre la nature et le genre humain.

Le CCI

La destruction de la nature

De nombreux écrits scientifiques se plaignent avec émotion de la destruction croissante des forêts. Or ce n’est pas seulement la joie que chaque amoureux de la nature éprouve à l'égard de la forêt qui importe ici. D’importants intérêts matériels, et même des intérêts vitaux pour l’humanité entrent en ligne de compte.

Avec la disparition de leurs riches massifs forestiers, des territoires qui, dans l'Antiquité, étaient réputés pour être des régions fertiles et densément peuplées, des greniers à blé pour les grandes villes, sont devenus des déserts. La pluie n'y tombe que rarement, mais alors en déluges dévastateurs qui emportent les minces couches d'humus au lieu de les fertiliser. Là où la forêt des montagnes a été éradiquée, les torrents alimentés par les pluies d'été font dévaler d'énormes masses de pierres et de sable qui dévastent les riantes vallées alpines, rasent les forêts et détruisent les villages dont les habitants sont innocents du fait que « l'intérêt privé et la déraison ont détruit la forêt dans les régions des hautes vallées et des sources ».

« Intérêt privé et déraison » : les auteurs qui décrivent avec éloquence ce désastre ne vont pas plus loin dans l'analyse de ses causes. Ils croient sans doute qu'il suffit d'en souligner les conséquences pour remplacer la déraison par une meilleure compréhension et en annuler les effets. Ils ne voient pas qu'il ne s'agit là que d'un phénomène partiel, que de l’un des nombreux effets semblables produits par le capitalisme, ce mode de production qui incarne la forme suprême de la chasse au profit.

Comment la France est-elle devenue un pays pauvre en forêts, au point d’importer chaque année des centaines de millions de francs de bois de l’étranger et de dépenser beaucoup plus pour atténuer par le reboisement les conséquences désastreuses de la déforestation des Alpes? Sous l’Ancien Régime, il y avait là de nombreuses forêts domaniales. Mais la bourgeoisie, arrivée au pouvoir lors de la Révolution française, ne voyait dans ces forêts domaniales qu’un instrument d’enrichissement privé. Les spéculateurs ont rasé trois millions d’hectares pour transformer le bois en or. L’avenir était le cadet de leurs soucis, seul comptait le profit immédiat.

Pour le capitalisme, toutes les ressources naturelles ne sont que de l'or. Plus il les exploite rapidement, plus le flux d’or s’accélère. L'économie marchande fait que chacun cherche à faire le plus de profit possible, sans même penser un seul instant à l'intérêt de l'ensemble, celui de l'humanité. C'est pourquoi tout animal sauvage représentant une valeur monétaire, toute plante sauvage générant un profit, est immédiatement l'objet d'une course à l'extermination. Les éléphants d’Afrique ont presque disparu victimes d’une chasse systématique pour leur ivoire. Il en va de même pour les hévéas, victimes d'une économie de prédation où tout le monde ne fait que détruire les arbres sans en replanter de nouveaux. En Sibérie, on rapporte que les animaux à fourrure se raréfient de plus en plus en raison de la chasse intensive et que les espèces les plus précieuses pourraient bientôt disparaître. Au Canada, d'immenses forêts primaires sont réduites en cendres, non seulement par des colons qui veulent cultiver le sol, mais aussi par les "prospecteurs" à la recherche des gisements de minerai qui transforment les versants montagneux en roches dénudées pour avoir une meilleure vue d’ensemble du terrain. En Nouvelle-Guinée, on s’est livré à un massacre des oiseaux de paradis afin de satisfaire la soif de faste d'une milliardaire américaine. Les folies de la mode, comme forme de gaspillage de la plus-value, font partie du capitalisme, ont déjà conduit à l'extermination d’espèces rares ; les oiseaux marins de la côte est-américaine n'ont été préservés de ce destin que grâce à une intervention stricte de l'Etat. De tels exemples pourraient être multipliés à l’infini.

Mais les plantes et les animaux ne sont-ils pas là pour être utilisés par l'homme à ses propres fins ? Ici, nous faisons complètement abstraction de la question de la conservation de la nature telle qu’elle se poserait sans l’intervention humaine. Nous savons que les humains sont les maîtres de la terre et qu’ils transforment complètement la nature à leurs fins. Pour vivre, nous sommes complètement dépendants des forces de la nature et des richesses naturelles; nous devons les utiliser et les consommer. Ce n’est pas de cela dont il est question ici, mais uniquement de la façon dont le capitalisme en fait usage.

Un ordre social rationnel devra utiliser les trésors de la nature à sa disposition de telle sorte que ce qui est consommé soit en même temps remplacé, de sorte que la société ne s’appauvrisse pas mais s’enrichisse. Une économie fermée qui consomme la partie des céréales destinées au réensemencement s'appauvrit toujours plus et doit finalement et inévitablement faire faillite. C'est pourtant ainsi que fonctionne le capitalisme. Il ne pense pas à l'avenir, mais ne vit que dans l'instant présent. Dans l'ordre économique actuel, la nature n'est pas au service de l'humanité mais du capital ; ce n'est pas le besoin de l'humanité en vêtements, en nourriture et en culture qui domine la production, mais le besoin du capital en profit, en or.

Les ressources naturelles sont exploitées comme si les réserves étaient infinies et inépuisables. Avec les conséquences néfastes de la déforestation pour l’agriculture, avec l’extermination des animaux et des plantes utiles, le caractère fini des réserves disponibles manifeste au grand jour la faillite de ce type d’économie. On doit considérer comme une confirmation de cette faillite le fait que Roosevelt veuille convoquer une conférence internationale pour faire l'inventaire des ressources naturelles encore disponibles et prendre des mesures contre leur gaspillage ultérieur.

Bien sûr, ce plan n'est lui-même qu'une fumisterie. L’État peut certes faire beaucoup pour empêcher l’impitoyable extermination d’espèces rares. Mais l'État capitaliste n'est après tout qu'un triste représentant de la collectivité humaine. Il doit s'arrêter devant les intérêts essentiels du Capital.

Le capitalisme est une économie sans tête, qui ne peut pas réguler ses actes par la conscience de leurs conséquences. Mais son caractère dévastateur ne découle pas de ce seul fait. Au cours des siècles passés, les êtres humains ont aussi exploité la nature de manière insensée sans penser à l’avenir de l’humanité tout entière. Mais leur pouvoir était réduit ; la nature était si vaste et si puissante qu’avec leurs faibles moyens techniques, ils ne pouvaient lui faire subir que d’exceptionnels dommages. Le capitalisme, en revanche, a remplacé le besoin local par le besoin mondial, créé de puissants moyens techniques pour exploiter la nature. Il s’agit alors d’énormes masses de matière qui subissent des moyens de destruction colossaux et sont déplacées par de puissants moyens de transport. La société sous le capitalisme peut être comparée à la force gigantesque d’un corps dépourvu de raison. Alors que le capitalisme développe une puissance sans limite, il dévaste simultanément l’environnement dont il vit de façon insensée. Seul le socialisme, qui peut donner à ce corps puissant conscience et action réfléchie, remplacera simultanément la dévastation de la nature par une économie rationnelle.

Anton Pannekoek, Zeitungskorrespondenz Nr. 75, 10 Juli 1909, S. 1-2

 

[1] Zeitungskorrespondenz, n° 75, (juillet 1909).

Conscience et organisation: 

  • La Gauche Germano-Hollandaise [3]

Personnages: 

  • Anton Pannekoek [4]

Rubrique: 

Histoire du mouvement ouvrier

"Solidaires": Un syndicat de "contestation"… anti-prolétarien!

  • 342 lectures

En juillet 2021, à grands renforts de publicité dans les différents médias, de l’Humanité à Mediapart en passant par Le Monde diplomatique, sortait un livre de deux universitaires, Sophie Béroud et Martin Thibault : En luttes ! Les possibles d’un syndicalisme de contestation.

L’objectif d’une telle entreprise est d’orienter le syndicat Solidaires sur une ligne visant à l’impliquer dans des luttes posant des questions sociétales, comme le mouvement des gilets jaunes, à partir du constat selon lequel l’enfermement dans un travail d’entreprise décourage les jeunes n’ayant pas de culture politique et abandonnant, après quelques années de militantisme, le travail syndical. Les auteurs de ce texte sont allés enquêter sur le terrain à la rencontre de ces jeunes qui ne veulent plus s’investir dans Solidaires mais qui, pour certains, ont retrouvé sur les ronds-points une ambiance qui n’existait pas dans le syndicat.

Ce travail des deux auteurs universitaires faisait suite à une demande des instances dirigeantes de Solidaires qui avaient du mal à rajeunir son personnel syndical. Sur la base d’une enquête et d’une analyse de l’évolution de SUD/Solidaires, en lien avec les autres organisations syndicales, les auteurs proposent toute une réflexion pour que Solidaires évolue dans une démarche qui se veut être une défense des travailleurs en lien avec la transformation de la société. Pour les auteurs, il s’agit de renouer avec un syndicalisme de contestation (autogestionnaire, démocratique, fédéraliste) à l’image de ce que fût la CFDT après 68 où des militants d’extrême gauche, anarchistes, maoïstes, trotskistes, sont entrés en force, et qui par la suite, en 1988, ont été poussés vers la sortie par une direction qui était plus dans la ligne d’un syndicat de « concertation ». Suite au soutien de Nicole Notat, alors secrétaire générale de la CFDT, au plan Juppé qui, en 1995, avait fait descendre dans la rue des millions de travailleurs, des vagues de militants démissionnent pour rejoindre Solidaires et créer de nouvelles sections syndicales. Se positionnant sur un terrain plus radical, beaucoup de jeunes travailleurs combatifs vont y adhérer pensant trouver là un syndicat qui répondrait à leur attente, à leur envie de lutter. Mais, pour nos deux universitaires, Solidaires prend le tournant d’un syndicat de négociations en 2008, s’institutionnalisant à la faveur de la loi sur la représentativité syndicale. À partir de ce moment-là, le syndicat va connaître une lente érosion, les jeunes ouvriers s’en détournant de plus en plus, d’autres démissionnant ou rejoignant le mouvement des gilets jaunes.

Les syndicats contre la classe ouvrière

Les syndicats sont un rempart contre toute tentative du prolétariat de s’unifier en tant que classe. La bourgeoisie a très bien compris le rôle qu’ils peuvent jouer pour saboter toute capacité de la classe ouvrière à développer son combat contre le capitalisme. C’est en ce sens que l’État bourgeois a besoin d’avoir des syndicats plus ou moins radicaux pour diviser et répondre à toute tentative d’auto-organisation, à prendre ses luttes en main et à prendre conscience qu’elle est une classe en recouvrant son identité. C’est pourquoi les syndicats se partagent le travail : certains se disant « réformistes » alors que d’autres se présentent comme plus « radicaux », voire « contestataires », « révolutionnaires », comme Solidaires. C’est pour répondre à ce besoin que Solidaires a été créé au moment du « tournant réformiste » de la CFDT à la fin des années 1980. Pour l’extrême gauche, maoïstes, trotskistes, libertaires, la CGT stalinienne leur interdisait de mener leurs actions « autogestionnaires », « démocratiques », « fédéralistes ». C’est en ce sens que l’extrême gauche allait trouver dans la CFDT les structures lui permettant d’agir. La grève autogestionnaire de LIP fut d’ailleurs leur haut fait d’arme, cette « expérience » se terminant par une démoralisation et un désarroi chez les ouvriers illusionnés par le fait de reprendre l’usine à leur compte, et ainsi n’aboutir à rien d’autres qu’une auto-exploitation.

Les années qui suivirent la création de Solidaires sont marquées par la caution et sa participation à l’ensemble du travail de sabotage de tous les autres syndicats, chacun jouant sa partition afin d’assurer pleinement leur rôle d’encadrement de la classe ouvrière, couvrant ainsi toutes les expressions de combativité ouvrière, en particulier pour Solidaires en ciblant les jeunes générations.

Leur impact plus grand dans les années 2000, en grande partie dans la fonction publique, et plus particulièrement à la SNCF, secteur très combatif, concurrençant la CGT dans un de ses fiefs, montre que Solidaires a su attirer vers lui ces jeunes ouvriers de plus en plus réticents à suivre un syndicat qui ne leur laissait aucune initiative, où tout était décidé au sein de la direction. Solidaires apparaissait ainsi plus démocratique, moins bureaucratique, plus combatif, laissant plus de champ d’action. Or, c’était un piège qui a démoralisé tous ces jeunes prolétaires qui croyaient qu’en militant au sein de ce syndicat ils pourraient faire avancer les choses. Ils se sont heurtés aux mêmes pratiques syndicales.

Dans une situation de grande difficulté de la classe ouvrière, dont l’expression la plus significative est la perte de son identité, les syndicats ont été l’arme la plus efficace de la bourgeoisie pour éviter que la classe puisse reprendre confiance en elle afin de s’approprier les armes qui lui sont propres : les assemblées générales unissant l’ensemble des prolétaires et prenant les décisions nécessaires au développement de son combat, comme celles des étudiants prolétaires lors du mouvement contre le CPE en 2006. Solidaires avec les autres syndicats, la CGT en tête, organisent sans cesse des simulacres d’assemblées générales où les pontes de ces organisations prennent successivement la parole, empêchant toute prise de parole sérieuse et de décision de la part des ouvriers. C’est ce qu’on a vu lors du grand mouvement contre la réforme des retraites fin 2019/début 2020, où les syndicats ont tout fait pour encadrer et saboter une reprise de la combativité ouvrière après 10 ans d’atonie, à l’image du sabotage de Solidaires lors de la grève dans les technicentres de la SNCF en octobre 2019. Solidaires ayant été surpris par la grève de Châtillon, s’est positionné en « fer de lance » de la lutte dans la suite du mouvement, mais pour mieux l’isoler. Après avoir joué les fiers-à-bras en posant une sorte d’ultimatum à la direction (« On a donné à la direction jusqu’à 18 heures pour répondre à nos revendications »), Solidaires a appelé à la reprise du travail : « On joue le jeu [du dialogue social]. En attendant, le travail reprend, les rames vont sortir » (information AFP du 31 octobre 2019). La direction a repris la balle au bond en programmant une réunion avec les syndicats, et Solidaires a cessé d’évoquer la possibilité d’une grève… pour « jouer le jeu du dialogue social ». Et comme le rapporte le journal Libération du 31 octobre 2019 : « On ne pourra pas dire que l’on ne donne pas de porte de sortie de conflit à la direction ».

Solidaires : courroie de transmission de l’extrême-gauche du capital

Alors que la crise du capitalisme connaît une nouvelle aggravation, alors que l’inflation dégrade les conditions de vie de la classe ouvrière, et ce dans un contexte de guerre impérialiste aux portes des plus grandes concentrations ouvrières d’Europe, la bourgeoisie sait très bien qu’elle doit se préparer à faire face aux tensions sociales de plus en plus fortes, comme nous le montre « l’été de la colère » au Royaume-Uni. Toute la stratégie de la bourgeoisie est de préparer le terrain pour éviter que son ennemi de classe ne retrouve son identité, ouvrant la voie à la perspective d’une transformation révolutionnaire de la société. Les syndicats peuvent s’appuyer, maintenant, sur une force politique, la NUPES, rassemblement de forces de gauche allant du PS à la France insoumise en passant par le PC, pour entraîner le prolétariat dans la défense « d’un État démocratique au service des travailleurs ».

Ayant été rédigé avant l’éclatement de la guerre en Ukraine et l’aggravation de la crise, c’est dans ce cadre que le livre est une réponse de la bourgeoisie à ce futur qui se prépare. Pour ses auteurs, Solidaires doit apporter sa petite contribution en se présentant comme un outil voulant, par rapport aux autres organisations syndicales, donner une touche plus combative, plus contestataire, avec un projet « anti-capitaliste », voire « révolutionnaire » face au projet « réformiste » de la NUPES. Et quel est ce projet ? Celui que l’on connaît : un capitalisme à la sauce stalinienne tel que le proposent ATTAC et le NPA ou le capitalisme autogestionnaire des libertaires. Un projet au sein duquel la défense de la démocratie est élevée comme un étendard contre les « hordes fascistes », avec le sempiternel mot d’ordre du PC en 1936 « faire payer les riches » relooké aujourd’hui par taxer les profits des grandes entreprises qui font des (super) bénéfices. Finalement un projet qui n’a rien de fondamentalement différent de ce que la NUPES et les autres syndicats proposent, si ce n’est que tout cela est ficelé avec un langage plus radical, resservi à chaque élection présidentielle par un « candidat ouvrier » issu du NPA. La cible ce sont, en particulier, les jeunes prolétaires. D’ailleurs nos auteurs s’insurgent lorsqu’un de ceux-ci refuse de participer à la farce électorale.

Leur sale boulot ne s’arrête pas à faire la promotion des mots d’ordre classiques de la gauche et de l’extrême gauche, à diviser la classe ouvrière derrière les différentes sections syndicales (SUD-Rail, SUD-santé et autres), comme le font d’ailleurs les autres syndicats, mais, comme le proposent les auteurs de ce livre, à s’investir dans des mouvements qui sont en fait étrangers aux luttes du prolétariat dirigées contre les effets de l’exploitation. Car il s’agit de dissoudre la classe dans des luttes parcellaires, le féminisme, l’écologisme ou autres luttes antiracistes, jusqu’à promouvoir le mouvement interclassiste des gilets jaunes où la spontanéité, le caractère démocratique, populaire et collectif seraient une source d’inspiration, ce qui colle très bien à la campagne médiatique de la bourgeoisie présentant ce mouvement comme une nouvelle forme de la lutte de classe.

Pour couronner le tout, Solidaires fait la promotion de son internationalisme frauduleux en envoyant un convoi « solidaire » pour soutenir les syndicats ukrainiens qui combattent l’armée de Poutine, une propagande nationaliste de sergents recruteurs comme l’avaient fait leurs ancêtres appelant les ouvriers à s’entre-tuer sur les champs de bataille lors de la Première Guerre mondiale au nom de l’union sacrée, ou lors de la Deuxième Guerre mondiale au nom de la défense de la démocratie face au fascisme.

André, 29 septembre 2022

Récent et en cours: 

  • SUD Solidaires [5]

Questions théoriques: 

  • Syndicalisme [6]

Rubrique: 

"En luttes! Les possibles d’un syndicalisme de contestation" de Sophie Béroud et Martin Thibault

Résolution sur la situation en France (2022)

  • 135 lectures

Récemment s’est tenu le 25e congrès de Révolution internationale, section du Courant communiste international en France. Les travaux de ce congrès ont notamment abouti à l’adoption de la résolution sur la situation en France que nous publions ci-dessous.


Guerre, récession, pandémie, destruction de l’environnement… le capitalisme est en train de plonger l’humanité dans l’abîme. Ces différentes crises, qui aujourd’hui s’aggravent de concert et se nourrissent les unes les autres, sont toutes le fruit de ce système décadent. À terme, l’enjeu est la survie de l’espèce humaine. Il n’y a qu’une seule alternative : socialisme ou destruction de l’humanité. La responsabilité de la classe ouvrière et de ses minorités révolutionnaires est donc immense.

1. L’éclatement de la guerre en Ukraine marque le retour de la barbarie impérialiste en Europe. Dans ce conflit s’affrontent directement et indirectement les principales puissances militaires de la planète. Cet événement majeur et inédit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale a déjà provoqué des milliers de victimes, dévasté des villes entières et poussé des millions de femmes et d’enfants à fuir sur les routes. Les hommes, eux, sont obligés de rester, comme chair à canon.

Loin d’exprimer une quelconque « logique » économique, ce conflit est l’expression de la dynamique toujours plus irrationnelle dans laquelle le capitalisme, ce système obsolète, s’enfonce. À la différence de la pandémie de Covid et des catastrophes liées au dérèglement climatique, la guerre est le produit d’une action voulue et délibérée des différentes bourgeoisies nationales en concurrence. Comme le proclamait déjà le manifeste de la conférence de Zimmerwald en septembre 1915 : « La guerre qui a provoqué tout ce chaos est le produit de l’impérialisme. Elle est issue de la volonté des classes capitalistes de chaque nation ».

2. Depuis des décennies, les États-Unis ont poussé la Russie dans ses retranchements en intégrant dans l’organisation qu’ils dirigent, l’OTAN, toute une série de pays anciennement membres du Pacte de Varsovie. Les dirigeants de cette puissance savaient pertinemment que le processus d’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN, et donc l’établissement d’une présence militaire américaine à la frontière russe, serait intolérable pour la Russie, comme l’installation de missiles « soviétiques » à Cuba en 1962, à 144 km de ses côtes, avait été inacceptable à la bourgeoisie américaine au point de menacer la planète d’une apocalypse nucléaire.

Les États-Unis ont donc délibérément provoqué la Russie afin de l’entraîner dans une guerre d’occupation longue et épuisante dans le but d’affaiblir le principal allié militaire potentiel de la Chine et aussi de resserrer les rangs des pays occidentaux autour de leur puissance. Face au piège tendu par les États-Unis, la Russie s’est lancée dans une aventure désespérée, déchaînant un déluge de feu jusqu’aux portes de Kiev. Pour défendre sa position dominante face à une Chine qui se présente en challenger de l’Amérique, la première puissance mondiale n’a ainsi pas hésité à déstabiliser non seulement l’Europe, mais également le monde : ce conflit va étendre la barbarie, désorganiser la production et le commerce mondial, aggraver considérablement la récession, pousser encore plus le processus inflationniste et abattre la famine sur une partie de la planète.

3. Cette guerre rappelle à quel point le capitalisme menace directement l’humanité. Cet événement, marqué du sceau de l’irrationalité, représente un pas supplémentaire dans la dynamique de chaos et du chacun pour soi, donnant à l’évolution de la situation un caractère toujours plus imprévisible. L’impasse dans laquelle s’enfonce la Russie rend dorénavant envisageable l’utilisation de bombes nucléaires « tactiques » en Ukraine (« mini-bombes » dont la puissance peut dépasser tout de même celle lancée sur Hiroshima en 1945 !). Les tensions impérialistes qui continuent de monter en Asie, autour de Taïwan, sont elles aussi lourdes de menaces pour l’avenir.

Ces ravages et l’orientation de toutes les nations renforçant l’économie de guerre révèlent une nouvelle fois que le capitalisme n’a d’autre chemin à offrir que la destruction de la planète. Alors que le GIEC, dans son dernier rapport, alerte sur l’urgence et les immenses dangers du dérèglement climatique, le développement considérable de l’économie de guerre et l’aggravation de la crise économique vont pousser toutes les bourgeoisies, dans tous les pays, à renforcer l’exploitation des hommes et de la nature, « quoi qu’il en coûte »… à l’espèce humaine, quand ce ne sont pas directement les bombes qui détruisent et qui tuent.

Ce faisant, les conditions seront encore plus favorables à l’irruption de nouveaux virus et donc à de nouvelles pandémies, alors même que les dégâts causés par le Covid-19 sont loin d’être terminés.

Tous les discours écologistes prônant la possibilité d’un capitalisme plus vert apparaissent ici pour ce qu’ils sont : des mensonges, de la propagande. Car la réalité c’est que, s’il n’est pas renversé à l’échelle internationale, le capitalisme entraînera toute l’humanité dans la plus effroyable des barbaries et ravagera la planète. Il est d’ailleurs hautement symbolique et révélateur de leur hypocrisie que, dans tous les pays, les partis écologistes soient souvent les plus va-t-en-guerre.

L’impérialisme français fragilisé par la stratégie américaine d’endiguement de la Chine

4. Évidemment, la France participe, comme toutes les nations, petites ou grandes, à cette dynamique mortifère, en jouant sa propre carte au nom de ses intérêts impérialistes particuliers.

Avec la constitution des blocs russe et américain, la France a cherché, dès les années 1950, à défendre son indépendance au sein du bloc occidental afin de conserver une influence mondiale à travers son statut de « puissance d’équilibre ». C’est une des raisons pour laquelle l’État français s’est très tôt donné les moyens de développer son propre arsenal nucléaire pour ne pas dépendre du parapluie américain et a pris ses distances avec l’OTAN dominée par les États-Unis.

Après la fin de la guerre froide et la disparition du bloc « soviétique », la bourgeoisie française avait encore moins de raison de respecter « la discipline de bloc », elle a donc accentué ses velléités de « non-alignement » en allant jusqu’à refuser, en 2003, de participer à l’invasion de l’Irak, aux côtés de l’Allemagne et de la Russie.

Mais l’impérialisme français a surtout rapidement été empêtré dans une situation de perte d’influence continue en se trouvant peu à peu relégué dans la hiérarchie des puissances mondiales. Dans cette nouvelle situation historique, l’impossibilité pour tout impérialisme de préserver ses zones d’influence de l’extension du chaos en raison du développement général du chacun pour soi et de l’instabilité, conjuguée à ses fragilités structurelles, notamment économiques, l’ont ainsi conduit à une relative perte d’influence dans son ancien pré-carré africain où elle fait désormais étalage d’une certaine impuissance, comme on a pu le voir avec l’échec de l’opération Barkhane. Au Moyen-Orient, elle perd aussi de son influence, notamment au Liban où elle a soutenu Hariri, corrompu et haï par la population, mais elle parvient néanmoins à y maintenir une certaine présence, notamment à travers la vente d’armes à l’Arabie Saoudite, aux Émirats Arabes Unis et à l’Égypte (en 10 ans, ses ventes d’armes y ont augmenté de 44 % !). À l’avenir, ces liens vont probablement encore se renforcer avec ces États du Golfe récalcitrants à soutenir la stratégie américaine dans le conflit ukrainien. Même la capacité de la France à intervenir militairement dans le monde est largement dépendante de la logistique et du renseignement des États-Unis. Avant même le déclenchement des hostilités en Ukraine, la stratégie américaine d’endiguement de la Chine avait déjà considérablement affaibli sa position ces derniers mois : en 2021, la mise en place de l’alliance AUKUS entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis, excluant la France d’un énorme marché de sous-marins australiens, l’avait fortement marginalisée dans la région de l’Indo-Pacifique.

C’est dans ce cadre que la France a été particulièrement déstabilisée par l’invasion de l’Ukraine. La bourgeoisie américaine a, momentanément, pu resserrer étroitement ses alliées autour d’une Alliance atlantique renforcée par la crainte d’un affrontement direct avec la Russie. Le parapluie américain demeure aux yeux de la plupart des pays européens, particulièrement à l’Est, la meilleure sinon la seule protection face à Moscou, les armées d’Europe de l’Ouest, au premier rang desquelles se trouve la France, n’ayant pas la capacité d’assurer leur défense. Le gouvernement Biden peut ainsi exercer une énorme pression sur ses alliés européens, les obligeant à s’impliquer bon gré mal gré dans la défense de l’Ukraine et la politique de sanctions, en contradiction avec leurs propres intérêts. La France et l’Allemagne ont ainsi subi une défaite diplomatique de premier ordre qui impactera durablement leur politique étrangère et nécessitera d’autant plus une réaction de leur part pour résister au rouleau compresseur américain.

5. Si la France n’est clairement pas en mesure de s’opposer ouvertement aux États-Unis, elle a une nouvelle fois cherché à s’émanciper de la politique américaine et à défendre ses propres intérêts impérialistes. Avant même le déclenchement de la guerre, les chancelleries allemande et française se sont démenées pour empêcher Poutine de tomber dans le piège tendu par les États-Unis, conscientes des répercussions considérables que cette invasion aurait sur leur économie et leur influence. On a ainsi vu Macron se déplacer jusqu’à Moscou pour tenter de « sauver la paix » et toute une partie de l’intelligentsia européenne se convaincre que l’offensive russe était trop irrationnelle pour que Moscou s’y lance vraiment. Depuis le déclenchement des hostilités, la France comme l’Allemagne, en dépit des déclarations de bonne volonté, traînent des pieds dans la mise en place des sanctions à l’égard de la Russie qui impactent en retour négativement leur économie. Macron s’est même fendu de déclarations polémiques sur la nécessité de ne pas « humilier la Russie », laissant clairement la porte ouverte à des négociations et à une sortie du conflit acceptable pour Moscou.

Dans le même temps, preuve des contradictions qui traversent la situation de la bourgeoisie française, la France livre des armes de très haute technologie à l’Ukraine (par exemple, ses camions-canons Caesar). En fait, la bourgeoisie française est coincée : elle n’a aucun intérêt à entretenir le conflit dans l’Est européen, en même temps elle ne peut pas en être absente, au risque de perdre tout rôle et toute crédibilité militaire dans la région et bien au-delà.

Il est ainsi trop tôt pour déterminer avec certitude l’orientation que prendra la bourgeoisie française pour tenter de défendre son rang dans l’arène mondiale mais, comme en témoigne son retour dans le commandement intégré de l’OTAN en 2008, elle a compris que l’isolement qu’elle avait cultivé jusque-là lui était désormais néfaste, la France ne pouvant plus en assumer seule les conséquences économiques. Il semble, à ce titre, que sa principale perspective réside dans le renforcement du couple franco-allemand.

6. Le retour de la guerre « de haute intensité » en Europe et les menaces qu’elle fait peser sur le continent vont cependant obliger l’État français, comme l’ensemble des États européens, à fournir un effort militaire beaucoup plus considérable. L’éclatement de la guerre en Ukraine signifie que l’affrontement impérialiste majeur entre les États-Unis et la Chine va avoir tendance à se situer de plus en plus sur le terrain militaire ; les puissances d’Europe de l’Ouest, si elles veulent pouvoir défendre leurs propres intérêts, vont donc devoir se donner les moyens d’exister militairement. Nul doute que la bourgeoisie française cherchera à valoriser son « savoir-faire » en matière d’armes de pointe. Elle est cependant consciente de son incapacité à accroître seule son arsenal du fait de ses faiblesses économiques, particulièrement en termes industriels et financiers.

Face au revers diplomatique infligé par les États-Unis, les bourgeoisies française et allemande sont, à ce titre, condamnées à coopérer. En dépit d’intérêts parfois très divergents et d’oppositions fortes, comme pendant les guerres de Yougoslavie dans les années 1990, les relations entre la France et l’Allemagne ont conservé une certaine stabilité depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La pression américaine pourrait avoir ainsi pour résultat involontaire de pousser ces deux pays à renforcer leur alliance : le couple franco-allemand montre une certaine réticence face à la stratégie américaine vis-à-vis de l’Ukraine, et il n’est absolument pas disposé à se laisser embarquer dans une aventure contre la Chine dont l’Europe dépend fortement sur le plan économique.

Mais les tendances au « chacun pour soi » pourraient aussi entraver ce mariage de raison. En effet, même si la situation pousse actuellement les deux principales puissances européennes à renforcer leur alliance, ça ne les empêchera pas, par ailleurs, de se concurrencer sur d’autres terrains et dans d’autres régions. Depuis le Brexit, la France est la principale puissance militaire de l’Union européenne (UE), dotée d’une industrie de pointe et de capacités de production importantes ; elle espérait ainsi imposer une « défense européenne » sous son autorité, financée par l’ensemble de l’UE, en particulier l’Allemagne, et concurrente d’une OTAN décrétée prématurément en « mort cérébrale » par Macron. Mais les « partenaires européens » de la France ont plus que traîné des pieds comme l’illustre l’échec de la diplomatie française pour impliquer davantage l’UE dans l’opération Barkhane et celui des projets de construction en commun d’avions, d’hélicoptères ou de blindés. Pour l’Allemagne, il est hors de question de financer une armée qui défendrait avant tout les intérêts français et dont les armes seraient de facto technologiquement sous le contrôle de la France (c’est pour cela que l’Allemagne pose comme condition à une plus grande coopération militaire le partage des brevets français). D’ailleurs, l’Allemagne cherche d’ores et déjà à renforcer son arsenal militaire qui pourrait, à terme, rivaliser avec celui de la France et déstabiliser l’équilibre traditionnel entre les deux pays : à la France la puissance militaire, à l’Allemagne la puissance économique. Depuis plusieurs années, le budget que Berlin alloue à l’armement a dépassé celui de la France, et la guerre en Ukraine a été l’occasion d’une accélération considérable de cette politique. Récemment encore, l’Allemagne, sous la pression des États-Unis, a commandé des avions américains au détriment des Rafales français.

Il convient donc de rester vigilant sur l’orientation que prendront les alliances entre les bourgeoisies européennes. L’instabilité des alliances selon les lieux et les moments est encore aujourd’hui l’hypothèse la plus probable.

Face à la guerre, l’affaiblissement inéluctable du capital français

7. Dès 2020, la pandémie de Covid avait déjà fortement accéléré la crise dans laquelle commençait à s’enfoncer l’économie capitaliste. La récession, le chômage et la désorganisation de la production mondiale frappaient de nombreux pays mais la bourgeoisie ne cessait de répéter que la « sortie du tunnel » était proche et que la croissance repartirait de plus belle. La production a ainsi semblé connaître une certaine reprise après les périodes de confinement, mais la croissance de l’économie s’est aussi accompagnée d’une hausse de l’inflation, tandis que les circuits de production continuaient de se désorganiser. Avec la guerre en Ukraine en guise de « sortie de tunnel », c’est aujourd’hui toute l’économie mondiale qui accélère son plongeon.

La guerre est une donnée fondamentale et permanente de la décadence du capitalisme qui structure et oriente l’ensemble de la société (l’immense majorité des avancées technologiques des dernières décennies est directement issue du monde militaire ou développée pour lui : GPS, Internet, micro-ondes, satellites et fusées, énergie solaire, plastique…). Elle aspire surtout comme un trou noir des pans entiers de la production : toutes les dépenses liées à la guerre (production d’armes en vue d’être utilisées ou stockées, emploi d’une armée de militaires, de techniciens et d’administratifs), ne dégagent pas de profit, elles sont une perte sèche pour le capital, financée par l’exploitation accrue de la classe ouvrière. Avec la guerre en Ukraine et tout le développement de l’économie de guerre qui va en découler dans tous les pays, le poids mort du militarisme va donc peser plus lourd encore sur les épaules de la société dans les années à venir.

8. La situation économique est d’ailleurs déjà en train de se dégrader à grande vitesse, particulièrement pour les pays européens : en plus de renforcer la fragmentation de la production mondiale en coupant les voies de transport de marchandises de la mer Baltique jusqu’à la mer Noire, il faut noter qu’une part significative des ressources énergétiques consommées en Europe provient de la Russie qui représente également un marché important pour ses exportations. La France étant le premier employeur privé étranger en Russie, la fracture actuelle est donc extrêmement préjudiciable au capital français. L’Ukraine aussi est un producteur majeur de matières premières alimentaires, ce qui exerce non seulement une forte pression sur les prix, mais fait peser un risque accru de famine dans plusieurs pays du Moyen-Orient et d’Afrique.

La fragmentation plus profonde de la production mondiale induite par l’accélération de la décomposition du capitalisme sous la pandémie et accentuée par la guerre pousse d’ores et déjà la France, comme de nombreux autres États, à relocaliser une partie de ses industries stratégiques pour sécuriser sa production. La bourgeoisie présente ces relocalisations comme une « chance » pour les ouvriers en France. Mais l’OMC a déjà alerté sur les dangers d’un tel processus : la course à l’accumulation de matières premières dans chaque nation, loin de réduire l’insécurité de l’économie, risque au contraire de perturber davantage les chaînes d’approvisionnement et de ralentir significativement la production mondiale du fait du chacun pour soi. Il suffit de se souvenir des actes de piraterie auxquels se sont livrées les États pendant la « guerre des masques » pour s’en convaincre. De la même façon, les États vont devoir sécuriser l’approvisionnement de matières premières, comme l’uranium pour les centrales nucléaires françaises, ce qui va inéluctablement accroître les tensions impérialistes et, donc, le poids de l’économie de guerre.

9. Pour affronter les chocs à venir, la bourgeoisie française part avec de nombreux handicaps, en particulier la dégradation continue pendant plusieurs décennies de son appareil de production vieillissant et de sa recherche, comme en témoigne l’affaiblissement de l’industrie automobile dans laquelle la France ne peut plus rivaliser avec l’Allemagne. Cette rétrogradation s’est même muée en humiliation quand il s’est avéré que la France a été la seule « puissance pharmaceutique » à être incapable de produire un vaccin contre le Covid-19, alors même qu’il s’agissait jusque-là de l’un de ses fleurons.

Mais c’est surtout sur le plan de la décomposition que la bourgeoisie trouve les obstacles les plus importants à la modernisation de son appareil de production. Les coupes budgétaires successives depuis 40 ans ont, en effet, abouti à une forte dégradation des services de l’État au premier rang desquels la recherche, l’éducation et la santé :

– Les « cerveaux », ingénieurs et scientifiques, sont nombreux à partir à l’étranger pour y trouver des conditions de travail plus convenables.

– L’institution scolaire doit faire face à d’énormes difficultés pour la formation de nouvelles forces de travail à exploiter. Une masse croissante d’élèves se trouve de moins en moins qualifiée pour occuper des emplois techniques, voire pour occuper un emploi tout court, même très faiblement qualifié.

– Une partie de plus en plus large de la population, mal ou pas soignée, est dans un état de santé physique et/ou psychique tellement dégradé qu’elle ne peut plus affronter les conditions elles aussi de plus en plus intenables du monde salarié. Selon l’OMS, une personne sur huit au sein de la population mondiale est atteinte de troubles mentaux, et ce chiffre est en très forte augmentation chaque année. En France, le secteur du soin psychiatrique et psychologique a été frappé de coupes claires ces dernières années, au point de transformer les hôpitaux psychiatriques en zone d’errance et de maltraitance.

La main d’œuvre en capacité de travailler vient ainsi à manquer. La bourgeoisie française est consciente de ce problème et, pourtant, si la fraction Macron semble faire un effort pour la recherche et la technologie de pointe, elle continue de rogner encore et encore le système de soins et le secteur de l’éducation au nom des « économies nécessaires », ce qui témoigne de l’irrationalité de plus en plus grande de ce système.

Par ailleurs, du fait notamment de la combativité historique de la classe ouvrière en France, la bourgeoisie de ce pays a eu le plus grand mal à mener aussi loin que ses voisines les attaques contre les conditions de vie des travailleurs.

10. Cela dit, la bourgeoisie française peut aussi s’appuyer sur des points forts qu’elle ne manquera pas de chercher à valoriser. La fraction Macron a prouvé depuis 2014 (Macron est alors nommé Ministre de l’Économie sous la présidence du « socialiste » Hollande) sa capacité à réformer et à orienter les efforts vers les secteurs de haute technologie. Ainsi, toute une série de « réformes » importantes ont pu être menées à bien, en particulier la Loi travail (qui a très fortement précarisé le marché du travail en décuplant la « flexibilité ») et la récente Loi sur l’assurance chômage (qui permet de réduire significativement le montant des allocations versées et de rayer des listes des allocataires de nombreux chômeurs).

Si la désindustrialisation est bien réelle et si son retard technologique est de plus en plus perceptible (dans l’informatique ou l’intelligence artificielle, par exemple), elle conserve néanmoins un savoir-faire dans plusieurs secteurs, comme le luxe, le tourisme, l’aéronautique ou l’armement. Bien que ce dernier secteur soit une perte nette pour le capital global, la nation qui vend des armes peut néanmoins en tirer profit, en termes économiques mais surtout en termes d’influence. Nul doute que la France cherchera à vendre ses engins de mort partout où ses intérêts impérialistes le lui dicteront, en particulier en Europe, au Moyen-Orient (l’Arabie Saoudite est déjà l’un des meilleurs clients de la filière française d’armement) ou en Inde.

L’instabilité de l’appareil politique de la bourgeoisie française

11. À l’instar des autres pays, la France va connaître la récession avec son cortège d’attaques contre la classe ouvrière et devra faire face à des difficultés qui menacent directement son rang dans l’arène internationale. C’est pourquoi, avec les dernières élections présidentielles et législatives, elle a cherché à s’armer le mieux possible pour affronter les crises à venir.

Si le Rassemblement national a encore accru ses scores électoraux, signifiant le renforcement de l’idéologie populiste dans la société, Macron, bien que détesté par une partie de la population, a pu se maintenir au pouvoir en prouvant sa stature d’homme d’État. Face à l’accélération du militarisme et de la crise économique, la bourgeoisie française a su maintenir à la tête de l’Exécutif sa fraction la plus adaptée aux besoins et à la défense des intérêts globaux du capital français, en écartant le principal parti populiste. La bourgeoisie française a toujours été divisée au sujet de ses relations avec Moscou, comptant dans ses rangs des fractions pro-russes historiquement issues du PCF, et qui gravitent aujourd’hui autour de La France Insoumise, ou de la droite « souverainiste ». Macron et sa coalition de partis (Renaissance, Modem et Horizons) représentent, à ce titre, la fraction la plus à même de défendre les intérêts de l’impérialisme et du capital français, dans les traces de la tradition gaullienne au cours de la guerre froide : dans le camp américain mais autonome. Aujourd’hui, dans un contexte où les blocs n’existent plus, il s’agit plutôt d’être l’alliée des États-Unis tout en voulant garder son indépendance.

En 2017, la bourgeoisie avait pu placer Macron au pouvoir en « siphonnant » les électeurs et une partie de l’appareil du PS, ce qui avait abouti à l’amenuisement des forces de gauche à l’Assemblée nationale. L’absence d’une opposition de gauche crédible représentait un handicap dans la capacité de la bourgeoisie à mener ses réformes, pour encadrer idéologiquement la classe ouvrière et entretenir la mystification électorale. Avec le score de Mélenchon à la présidentielle et la constitution, derrière lui, de la coalition des forces de gauche, la NUPES, la bourgeoisie dispose désormais d’une force d’opposition plus à même de leurrer la classe et la conduire vers des impasses. Elle représente même aujourd’hui un parti de gouvernement plausible puisque son programme n’a rien de très radical, moins à « gauche » que ne l’étaient les programmes de Mitterrand en 1981 et de Jospin en 1997, cela dans le but de diriger le mécontentent vers les urnes et l’illusion d’une autre gouvernance possible. Dès les résultats du premier tour de l’élection présidentielle connus, la fraction autour de Mélenchon s’est d’ailleurs employée à mener une campagne de division extrêmement cynique, présentant les vieux comme une génération ayant profité à fond de l’État-providence et votant désormais « pour la retraite à 65 ans » au détriment des jeunes. Ce travail de division répond directement aux embryons de solidarité intergénérationnelle que nous avions pu observer lors du mouvement contre la réforme des retraites, peu avant la pandémie de Covid-19.

Quant à la partie de la classe ouvrière qui ne se laisserait pas berner par ces douces sirènes de la social-démocratie new-look, les partis d’extrême-gauche, trotskistes en têtes, ont su se placer lors de la campagne présidentielle en tenant un discours très orienté sur la nécessité de renverser le capitalisme. Il ne faut ici pas se tromper sur le sens de la faiblesse de leurs scores électoraux : ces partis ne cherchaient pas à briller en termes de pourcentage mais bien à préparer l’encadrement idéologique des minorités les plus radicales et en réflexion du prolétariat qui sont en train d’émerger.

12. Cependant, avec l’aggravation de la décomposition, la bourgeoisie française va devoir faire face à des pressions centrifuges accrues en son sein. En 2017, la majorité de bric et de broc comprenait le risque, sous la pression des tendances au chacun pour soi, de fortes tensions, voire d’un éclatement. Cette réalité n’a fait que s’amplifier depuis avec, notamment, la création du parti de l’ancien premier ministre Édouard Philippe (Horizons), directement concurrent de la tendance Bayrou (le Modem) et visant à terme à contester la place de leader à Macron. Les difficultés de Macron à constituer un gouvernement après l’élection présidentielle témoignent ainsi des subtils équilibres qu’il a fallu mettre en œuvre au sein de la majorité.

Mais c’est le résultat des élections législatives qui exprime le plus clairement cette instabilité. Macron n’a pas réussi à obtenir une majorité suffisante et devra désormais composer avec une Assemblée nationale instable, ce qui pourrait déboucher sur des crises politiques régulières, voire une grave crise institutionnelle, pouvant ralentir la capacité de la bourgeoisie à mettre en œuvre ses attaques. Il est cependant clair que la bourgeoisie ne manquera pas de retourner cette situation contre la classe ouvrière en réanimant l’idéologie démocratiste à travers l’idée que le Parlement, « la maison du Peuple », jouera « enfin » un véritable rôle dans l’appareil étatique. Dès les résultats annoncés, toute la presse et tous les partis n’ont pas manqué de souligner que le Parlement ne serait plus une simple chambre d’enregistrement, mais un « acteur central de la vie démocratique » avec lequel Macron devra désormais « composer ».

Le résultat de ces élections législatives confirme aussi la progression du Rassemblement national, qui s’installe comme un candidat de plus en plus crédible au pouvoir. La bourgeoisie française va devoir faire face au développement de la pensée irrationnelle au sein même de l’État, dans une grande partie de la population et donc à la montée du populisme. Contrairement aux promesses de Macron d’éradiquer le populisme, le Rassemblement national s’est durablement installé comme une force politique incontournable, tandis que les théories du complot ont explosé à l’occasion de la pandémie. Macron et son gouvernement ne sont clairement pas en mesure de faire reculer ces expressions caricaturales de la décomposition sociale et du no future, d’autant plus que le parti présidentiel a régulièrement joué lui-même avec le feu des thématiques populistes pour se maintenir au pouvoir, et n’a pas hésité à propager de grossières fake news, pendant la crise du Covid, pour dissimuler la responsabilité de l’État, suscitant à son tour la recrudescence des théories complotistes anti-vaccins.

La classe ouvrière face à la décomposition et à la guerre

13. Dans les circonstances actuelles, la période à venir va s’avérer extrêmement compliquée pour la bourgeoisie. Avec le développement de l’économie de guerre et l’aggravation de la crise économique, la bourgeoisie va devoir imposer d’énormes sacrifices à la classe ouvrière, en particulier à travers l’inflation et la mise en œuvre de la réforme des retraites que l’État avait été contraint de reporter à cause de la pandémie et du risque de chaos social. La bourgeoisie est consciente qu’elle va donc devoir s’affronter à une colère grandissante.

Le mouvement interclassiste des « gilets jaunes », qui a longuement occupé le terrain social et attiré parmi les franges les plus fragiles et inexpérimentées du prolétariat, était le produit de l’érosion continue de l’identité de classe. Le prolétariat ne parvenait pas à jouer son rôle de classe organisée en lutte et a laissé, par conséquent, le terrain de la contestation aux expressions de colère de la petite bourgeoisie.

Mais le mouvement contre la réforme des retraites de l’hiver 2019-2020 a démontré la capacité du prolétariat en France à se mobiliser sur son propre terrain comme classe antagonique au capital et à développer sa solidarité et son unité, bien que de façon très embryonnaire. Après 9 ans de calme social, le retour de la lutte de classe a mis en évidence un processus de maturation souterraine au sein du prolétariat face à l’aggravation de la crise économique, aux attaques et au discrédit des principaux partis politiques de la bourgeoisie.

La pandémie de Covid-19 a marqué un coup d’arrêt momentané à la dynamique de reprise de la lutte de classe en France. Le sentiment de sidération généralisé et les mesures de télétravail, résultant des confinements, ont fortement renforcé l’atomisation et le sentiment d’impuissance.

Mais la colère a continué de s’accumuler et la combativité n’a pas disparu, comme le prouvent les nombreuses grèves isolées sur tout le territoire depuis des mois. De même, si les théories complotistes ont pu facilement se répandre au sein de la population en général, l’impact de cette pourriture idéologique sur la classe ouvrière en France est resté relativement limité, comme on a pu le voir avec le « convoi de la liberté » et les manifestations anti-pass et anti-vax qui sont demeurées ultra-minoritaires.

Face à ce potentiel intact de lutte du prolétariat de tous les pays centraux, comme on l’a vu récemment en Grande-Bretagne lors de la grève des cheminots, aux États-Unis avec la « striktober » ou encore en Allemagne dans le secteur de la sidérurgie, etc. ces bourgeoisies, à la différence des mensonges grossiers de la propagande russe, ont dû déployer une propagande extrêmement sophistiquée pour présenter le conflit en Ukraine comme une « guerre défensive ». Elles sont loin de pouvoir embrigader la classe ouvrière dans une guerre directe. Le rapport de forces entre les classes dans les pays où le prolétariat est le plus expérimenté, interdit même à ces États d’avoir trop de victimes dans les rangs de l’armée professionnelle.

14. La guerre a, toutefois, déjà un impact négatif sur la classe ouvrière d’Europe de l’Ouest. La barbarie effroyable et les risques, y compris nucléaires, que ce conflit fait peser sur l’humanité a renforcé la peur de l’avenir et le sentiment d’impuissance. Privée de son identité de classe, de sa confiance en elle-même et de toute perspective révolutionnaire, la classe ouvrière est condamnée à subir la guerre comme un événement catastrophique hors de son influence. Sur le plan subjectif, cet événement tragique ne peut, actuellement, que renforcer le no future.

Mais au sein des minorités en recherche de positions de classe, cette guerre peut aussi pousser au développement de la conscience, comme un témoin de la maturation souterraine de la classe dans son ensemble. Pour mieux dévoyer la réflexion, on a ainsi vu des syndicats, notamment quelques sections de la CGT en France, et les partis « radicaux » de la bourgeoisie (anarchistes officiels, trotskistes…) se fendre de communiqués prétendument internationalistes.

Bien que la classe ne puisse pas actuellement se mobiliser sur son terrain directement contre la barbarie de la guerre impérialiste, l’aggravation de la crise qu’elle va induire peut jouer en faveur de sa combativité et de sa conscience. Dans les années à venir, la bourgeoisie devra soutenir un effort de guerre durable et exiger des prolétaires des « sacrifices » pour financer ses impératifs impérialistes, ce qui constitue un terreau fertile pour le développement de luttes. De même, l’inflation, parce qu’elle touche l’ensemble de la classe, peut constituer un terrain favorable au développement de luttes unitaires et solidaires, en même temps qu’elle contient le risque de luttes interclassistes, une partie de la petite-bourgeoisie étant elle-même impactée par ce phénomène. La crise économique reste donc encore la « meilleure alliée » de la classe ouvrière, un puissant stimulant de la lutte et de la prise de conscience.

Malgré toutes ses difficultés, le prolétariat n’est pas vaincu et la situation demeure ouverte. Sa colère et sa combativité ne se sont pas étiolées, au contraire elles vont grandissantes. La bourgeoisie sait qu’elle va devoir affronter une situation explosive et doit donc marcher sur des œufs en multipliant les primes à tel ou tel secteur, les mesures anti-inflation et les concessions sur une réforme des retraites à haut risque. C’est la raison pour laquelle elle prépare le terrain des futures attaques avec beaucoup de soin, non seulement sur le plan politique avec la NUPES, mais aussi au plan syndical, en lançant de grandes manœuvres pour faire monter les cliques les plus radicales dans l’appareil de la CGT. Le positionnement actuel de la CFDT, favorable en 2018 à la réforme des retraites et aujourd’hui vent debout contre, témoigne de l’affichage de radicalité de tous les syndicats qui ont senti l’immense mécontentement dans la classe et la nécessité de se préparer à encadrer les probables mouvements sociaux à venir.

Vie du CCI: 

  • Résolutions de Congrès [7]

Situations territoriales: 

  • France [8]

Rubrique: 

25e congrès de Révolution internationale

URL source:https://fr.internationalism.org/content/10813/icconline-octobre-2022

Liens
[1] mailto:[email protected] [2] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/permanences [3] https://fr.internationalism.org/tag/conscience-et-organisation/gauche-germano-hollandaise [4] https://fr.internationalism.org/tag/30/468/anton-pannekoek [5] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/sud-solidaires [6] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/syndicalisme [7] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/resolutions-congres [8] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/france