La bourgeoisie peut encore essayer de rassurer l'opinion publique par le caractère soi-disant "naturel" de la famine africaine, il n'en va pas de même pour les catastrophes industrielles dont deux viennent de secouer les consciences : 450 morts (et 2000 blessé) par l'explosion d'une usine à gaz à Mexico, 2000 à 4000 tués (et 200 000 blessés) Dar une fuite de gaz toxique à Bhopal en Inde. • Pourtant les famines, canne les catastrophes industrielles, ont la même cause : l'organisation économique du monde, un système de rapports sociaux entre les haïmes incapable même d'assurer la survie du plus grand nombre.
La catastrophe de Mexico, ce n'est pas un "incident technique" : si tant en sont morts, c'est à cause de la surpopulation et des conditions d'habitation de ces milliers de gens qui sont venus s'entasser dans les faubourgs de cette ville devenue en 10 ans la plus grande ville du inonde. Le Roi Pétrole a fait son temps, l'industrie n'embauche plus, au contraire,- elle rejette.
La catastrophe de Bhopal, ce n'est pas une "erreur du système de sécurité", c'est que la sécurité coûte cher, trop cher pour les entreprises qui doivent, aujourd'hui plus que jamais, réduire leurs dépenses : c'est toujours sur la sécurité des ouvriers qu'elles économisent en premier lieu. En Inde, en 30 ans, le nombre de morts au travail a augmenté de 225%. Les plus atteints par le nuage mortel ont été ces haïmes, vivant entre l'usine et la voie ferrée, dehors, peur pouvoir être sur place, à l'aube, pour charger les marchandises.
Et cette intensification de l'exploitation n'est pas propre aux pays sous- développés où la "main d'œuvre" est pressée canne un citron, mais elle gagne : partout le nombre "d'accidents du travail" augmente.
En 79, un accident similaire avait fait plusieurs milliers de morts, à la suite d'une explosion dans une usine fabriquant des armes bactériologiques.
Ces visions d'horreur, qui rappellent les paniques de la guerre, montrent que le capitalisme ne fait pas planer une menace "pour demain". C'est dès aujourd'hui que la barbarie se généralise.
Seule une révolution, seule une transformation révolutionnaire des rapports qui régissent l'activité et le travail humain peut venir à bout de ce monstre qui a besoin chaque jour de plus de victimes.
Nous donnons ici un troisième article sur le marxisme, théorie révolutionnaire du prolétariat. Dans RI n" 122, nous montrions la nature de classe du marxisme. Dans RI n ° 126, nous nous étions attachés à décrire les principales déviations de la conception marxiste du travail théorique des organisations révolutionnaires.
Dans le présent article, nous poursuivons l'étude des déformations de la théorie marxiste, en abordant plus spécialement les conceptions bordiguiste et conseilliste du Parti de classe, symétriquement erronées.
La déformation conseilliste
Les origines des idées conseillistes se trouvent dans l'expérience de la révolution de 1919 en Allemagne, où il devenait clair pour les révolutionnaires, non seulement que les syndicats et la social-démocratie étaient passés dans le camp ennemi, mais que ces formes d'organisation n'exprimaient plus le contenu de la lutte prolétarienne. La réaction contre cette expérience a pris la forme d'un "matérialisme vulgaire", qui voulait comprendre la nature de La lutte à partir du cadre étroit de l'usine.
Et plus tard, Pannekoek écrivait :
Cette vision "usiniste" met la nature révolutionnaire du prolétariat sens dessus-dessous : le prolétariat est la classe du travail social, non seulement au niveau de l'usine, mais surtout au niveau du marché mondial. Dans son "assaut du ciel", la classe ouvrière doit d'abord dépasser les limites de l'usine, et se hisser à une compréhension globale, politique, et du capitalisme et des tâches de sa révolution. Les conseils ouvriers seront ainsi les instruments du pouvoir prolétarien, non sur la production de chaque usine mais sur la transformation de la société au niveau mondial. Comprendre ceci, c'est comprendre le rôle des organisations révolutionnaires et du parti, non pas comme les organisateurs de chaque lutte particulière, mais comme les défenseurs politiques des "buts généraux" du mouvement dans son ensemble.
La déformation bordiguiste
De nos jours, les courants issus de la Gauche Italienne qu'on appelait "bordiguiste" se sont scindés en deux -le "bordiguisme avoué" qui reprend intégralement les conceptions de Bordiga sur le rôle du parti révolutionnaire, et le "bordiguisme embarrassé" de ceux qui, tout en rejetant les idées les plus grotesques de Bordiga, n'ont pas opéré une rupture nette.
Pour le "bordiguisme avoué" du PCI (Programme Communiste) :
Nous voici en plein délire mystique. Ce n'est plus la classe qui définit l'organisation révolutionnaire mais le parti qui définit la classe. "La question de savoir si on peut attribuer une vérité objective à la pensée humaine" n'est plus une question de théorie, et encore moins de pratique, mais de simple auto-proclamation d'un "parti", qui, comme dirait Descartes, "pense, et donc, est".
Pour le "bordiguisme embarrassé" du genre PCInt (Battaglia Comunista) et CWO, si "le parti est à la fois un produit et un facteur de la lutte de classe” (très bien!), néanmoins "l'organe spécifique, permanent et irremplaçable de la lutte révolutionnaire prolétarienne est le parti de classe" qui "mène la classe en avant, à la révolution insurrectionnelle" ; "ce n'est qu'à travers le parti, et jamais par la seule spontanéité que l'énorme potentiel révolutionnaire de la classe sera déclenché." (citations tirées de la plateforme de Battaglia Comunista). Nous voyons à travers cette vision la classe ouvrière réduite à une simple "force" qui sera "guidée" par le parti ; ce n'est que le parti qui "continuellement élabore et développe" ses principes. Ce n'est pas pour rien que Battaglia se réclame toujours de la vision du "Que Faire?" de Lénine, pour qui la conscience devait être apportée aux ouvriers par les intellectuels bourgeois. Cette vision évacue complétèrent le rapport dynamique, dialectique entre le prolétariat et ses organisations politiques.
Les organisations révolutionnaires ne sont pas de simples guides du prolétariat, examinant l'histoire à travers la loupe marxiste afin de donner des leçons aux ouvriers. Elles doivent constamment faire subir à leur théorie et perspectives 1'épreuve des événements à travers leur intervention dans la lutte de classe. C'est de cette façon qu'elles participent au combat de leur classe et qu'elles peuvent lui permettre de clarifier les problèmes auxquels elle se heurte dans sa lutte.
De plus, ce rapport dialectique entre prolétariat et organisations révolutionnaires n'est pas immuable, mais au contraire strictement déterminé par les conditions matérielles, historiques de la lutte de classe.
Ainsi, pour "Bilan" dans les années 30 (période la plus noire de toute l'histoire prolétarienne), "la consigne de l'heure... (était de) ne point trahir", de maintenir et développer les principes qui sont l'arme vitale de la révolution future. Le terrible isolement dont souffraient les petits groupes de la Gauche Communiste, pèse toujours sur les organisations révolutionnaires aujourd'hui. Le rapport entre la classe ouvrière et sa théorie, exprimée dans ces organisations, reste indirect, à la fois :
Cependant, l'activité des groupes communistes est aujourd'hui déterminée par une perspective totalement différente de celle des années 30 : un cours vers des affrontements de classe décisifs et non pas vers le massacre inter-impérialiste.
Au moment de ces affrontements, le rapport entre la théorie marxiste des organisations politiques et la classe subit un changement qualitatif. Non seulement les assemblées de la période de grève de masse et les soviets de la période insurrectionnelle donneront au prolétariat la capacité de s'emparer de la théorie révolutionnaire et de la mettre en pratique, mais de plus, cette mise en pratique permettra au marxisme de se renouveler et de s'enrichir sans cesse. C'est à ce saut qualitatif dans la lutte de classe que correspond la formation du parti de classe, reconnu par la classe comme son propre produit et carme moyen d'élaboration de ses armes théoriques.
Ni le parti, ni les conseils ouvriers ne sont les uniques détenteurs de la conscience de classe. Celle-ci ne peut se développer que dans le rapport dialectique, dynamique entre les deux : c'est-à-dire dans le mouvement historique révolutionnaire où le parti est capable de donner son sens et son orientation à l'action du prolétariat, et où la classe ouvrière possède la conscience et 1'organisation (les conseils) qui lui permettent de saisir et de mettre en pratique la théorie marxiste.
Après le triomphe de la révolution prolétarienne, c'est le processus de transformation de la société capitaliste en une société communiste qui détermine à nouveau les rapports entre parti et classe. Au fur et à mesure que le prolétariat domine les forces productives, il maîtrise l'élaboration et l'application de la théorie. En dominant les forces productives, le prolétariat à la fois intègre en lui-même les autres couches sociales et intègre les fonctions théoriques du parti. L'aboutissement de ce processus est à la fois la disparition des classes et de l'Etat, et la disparition du parti. Ainsi finit la préhistoire de l'humanité.
Le marxisme, arme de combat
Le marxisme est l'arme théorique de la lutte prolétarienne.
Pour la première fois, le marxisme a démontré scientifiquement que la société capitaliste n'est pas éternelle, que la révolution communiste est nécessaire et possible, que la seule autre alternative est la ruine de l'humanité entière et une nouvelle chute dans la barbarie sans nom et sans fin. Ainsi, le marxisme maintient la conscience des "buts généraux" du mouvement au sein de chaque lutte prolétarienne.
Serge.
La bourgeoisie se prépare aujourd'hui à une nouvelle offensive contre la classe ouvrière en France. Cette accentuation de 1'attaque capitaliste qui s'annonce pour 1985 avec ses charrettes de licenciements (travestis en "plans de formation", "flexibilité de 1 ’emploi", etc.), ce sont les syndicats qui sont chargés de nous la faire avaler comme ils 1 'ont fait en 84, partout où la crise a imposé ses "dégraissages". C'est dans cette perspective qu'on a vu, ces derniers temps, toutes les fractions du capital faire valoir de prétendues querelles intestines au sein de 1'appareil syndical (notamment entre CGT, CFDT et FO), chaque centrale se renvoyant la balle pour faire porter sur les autres la responsabilité de "compromis avec le gouvernement et le patronat". Cette tactique n'est pas nouvelle : il s'agit du classique partage des tâches entre les fractions bourgeoises chargées d'encadrer la classe ouvrière. Cependant,' il est devenu urgent pour la bourgeoisie, face à une situation sociale de plus en plus explosive, de renforcer son dispositif anti-ouvrier afin d'occuper tout le terrain social, de colmater les brèches dans lesquelles menace de plus en plus de s'engouffrer la combativité ouvrière.
A l'avant-garde de cette stratégie anti-ouvrière, on a déjà vu la CGT prendre les devants dans tous les mouvements de grève depuis que le PCF a quitté le gouvernement, que ce soit pour prendre le pouls du mécontentement des ouvriers ou pour endiguer tout risque de débordement. Sous la pression croissante de la lutte de classe, non seulement il lui faut renforcer de plus en plus son langage d'opposition au gouvernement, mais il lui faut aussi se démarquer des autres syndicats accusés de "faire le jeu du patronat". En boudant les "négociations" sur la flexibilité de l'emploi, la CGT prétend ne pas manger de ce pain-là. En réalité, il s'agit pour la CGT de gagner du temps, de retrouver un certain crédit (après 3 ans de compromission du PCF au gouvernement) dans les rangs ouvriers en faisant figure de syndicat "pur et dur". Aujourd'hui, la CGT fait semblant, une fois de plus, de défendre les intérêts des ouvriers en clamant son "refus catégorique" du plan de licenciement à Renault ("L'accord-cadre de Renault, tel quel, est une hypocrisie", dixit Krasucki) alors qu'il y a 2 mois, elle donnait son aval au plan Hanon présenté comme une "grande victoire des travailleurs". Aujourd'hui, Krasucki taxe d' "escroquerie" le plan de formation mis en place pour les 1905 licenciés de Citroën ("Nous ne nous laisserons pas avoir comme à Citroën", Krasucki) alors qu'il y a 6 mois, c'est la CGT qui a permis de faire passer ces mêmes licenciements ! La véritable "hypocrisie", la pire des "escroqueries», c’est celle des manœuvres anti-ouvrières de la CGT !
"Il y a quelques mois, la CGT acceptait n'importe quoi. Dès lors que les communistes ont quitté le gouvernement la CGT radicalise son langage à l'image du parti communiste dont elle est le prolongement." (A. Bergeron, répliquant à Krasucki au cours des négociations sur la "flexibilité de l'emploi"). Il est des vérités qui ne servent qu'à justifier les mensonges les plus crapuleux. Le discours de FO consiste -en disputant à la CGT une auréole de syndicat "non corrompu"- à se présenter comme la seule véritable organisation de défense des ouvriers de par son "autonomie" vis-à-vis des partis politiques (en réalité, cette pseudo "indépendance" ne fait que masquer les ouvertures de FO à tous les partis bourgeois, du RPR au PCI trotskyste ). En mettant en avant son prétendu "apolitisme", FO ne vise en fait qu'un seul objectif : exploiter la désillusion des ouvriers sur les partis politiques, récupérer tous les déçus de la gauche dans le giron d'un syndicalisme "pur", canaliser la combativité ouvrière dans une voie gestionnaire afin d'endiguer tout risque d'explosion sociale.
Et pour mener à bien cette sale besogne, FO n'hésite plus désormais à prendre ses distances vis-à-vis du gouvernement. L'heure étant au "durcissement", on a pu entendre Bergeron déclarer au 15ème Congrès de FO : "Nous ne ferons plus aucune concession de quelque nature que ce soit. Et s'il y a rupture, nous poserons le problème devant l'opinion publique." Il faut dire que nous ne sommes pas prêts d'oublier toutes les réductions des allocations-chômage à 1'initiative de Bergeron
(patron de 1'UNEDIC) depuis novembre 82!
Dans cette stratégie globale de radicalisation du discours syndical, la CFDT n'est pas en reste. Contrainte, sous la poussée des luttes ouvrières, de suivre la même trajectoire d'opposition que ses consœurs CGT et FO, force lui est de reconnaître -malgré ses liens avec le PS- qu'elle a "mis trop d'espoir dans les effets d'une nationalisation ou dans les choix d'un gouvernement" (E. Maire). Mais ce qui permet surtout à la CFDT de tenir la route dans sa démarche oppositionnelle c'est sa relative "souplesse", sa capacité à intégrer, à côté des fractions les plus modérées, des fractions particulièrement radicales tels les anarcho-syndicalistes. C'est ainsi que le partage des tâches à travers la "division* entre syndicats, on le retrouve également au sein-même de chaque syndicat. S'appuyant sur de pseudo-antagonismes entre base et sommet, ce clivage doit permettre de redorer le blason du syndicalisme grâce au développement du syndicalisme "de base" qui s'est particulièrement manifesté ces derniers temps à travers la contestation gauchiste :
Toute cette réorganisation de l'appareil d'encadrement du prolétariat ne doit pas nous masquer la vocation anti-ouvrière des syndicats. Aujourd'hui comme hier :
Voilà ce que dissimule en fait le langage "oppositionnel" des syndicats; leur opposition active au développement actuel des luttes ouvrières.
Avril
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