Publié sur Courant Communiste International (https://fr.internationalism.org)

Accueil > Revue Internationale, les années 2020: n°164 à.... > Revue Internationale 2025 > Revue Internationale n°174 > La fraude de la « paix » et la véritable prolifération des guerres destructrices

La fraude de la « paix » et la véritable prolifération des guerres destructrices [1]

Soumis par Revue Internationale le 7 novembre, 2025 - 22:03

Si l'on en croit les discours prononcés lors de la visite de Trump à la Knesset israélienne juste après la signature du dernier « cessez-le-feu » au Moyen-Orient, nous assistons à l'un des plus grands accords de paix de l'histoire, ouvrant une nouvelle période de paix et de prospérité dans cette région jusqu'alors ravagée par la guerre. Les louanges adressées à Trump pour son exploit étaient sans limites : il a même été comparé au monarque perse Cyrus le Grand, qui, dans l'Antiquité, a libéré les Juifs de la captivité babylonienne et permis la construction du Second Temple à Jérusalem. Avant Trump, Cyrus était le seul non-juif à avoir mérité le titre de Messie.

Les commentateurs bourgeois avertis se sont montrés plus circonspects. Tout en saluant le cessez-le-feu et la perspective de la reprise de l'aide humanitaire à Gaza, ville en ruines et affamée, ils ont souligné que le plan en 20 points de Trump proposait très peu de mesures concrètes pour désarmer le Hamas et reconstruire Gaza sous une nouvelle administration « technocratique » ; qu'il offrait une perspective vague d'État palestinien et ne mentionnait pas l'occupation et l'annexion virtuelle de la Cisjordanie par Israël, ni l'opposition farouche du gouvernement israélien à l'idée même d'un État palestinien indépendant. Et en effet, la violence n'a guère diminué depuis la signature de l'accord. Le Hamas a publiquement exécuté des opposants à son régime dans la ville de Gaza, Israël a repris ses frappes aériennes sous prétexte de « protéger » le cessez-le-feu contre les violations du Hamas et bloque le passage de Rafah qui permettrait à des convois d'aide humanitaire d'entrer à Gaza. Il a également mené des raids au Liban, faisant plus d'une centaine de morts. En d'autres termes, même la survie à court terme du cessez-le-feu et la livraison de nourriture, de médicaments et d'autres produits de première nécessité sont incertaines, sans parler d'un horizon plus lointain de « paix » au Moyen-Orient.

Les autres accords de cessez-le-feu conclus par Trump, qui selon lui justifient le titre de « président de la paix », ne sont pas moins creux.

Peu après la signature du cessez-le-feu à Gaza, la rencontre prévue en Hongrie entre Trump et Poutine a été annulée. Cette guerre, que Trump se vantait autrefois de pouvoir régler en 24 heures une fois président, s'éternise, les deux camps accumulant et déployant des armes toujours plus destructrices : la possibilité d'une issue viable à la guerre en Ukraine reste également lointaine. Le cessez-le-feu au Congo est continuellement violé, et les tensions entre le Pakistan et l'Inde, deux pays dotés de l'arme nucléaire, continuent de s'exacerber malgré l'accord de cessez-le-feu. Le Pakistan a salué l'intervention de Trump dans ce conflit et l'a nominé pour le prix Nobel de la paix, mais l'Inde a minimisé le rôle de Trump, insistant sur le fait que l'accord était essentiellement le fruit du travail des armées des deux États. Pendant ce temps, une nouvelle série de massacres a lieu au Soudan, et un groupe islamiste proche d'Al-Qaïda est sur le point de prendre le contrôle de la capitale du Mali.

Mais la rhétorique pacifiste des États-Unis est également démasquée comme une imposture par les positions militaires et politiques adoptées par le régime Trump, en particulier dans son arrière-cour : dès son retour à la Maison Blanche en janvier dernier, Trump a commencé à proférer des menaces concernant la prise de contrôle du Groenland et du Canada, et a effectivement pris le contrôle du canal de Panama. Aujourd'hui, les États-Unis mènent des frappes aériennes meurtrières contre des bateaux soupçonnés d'être impliqués dans le trafic de drogue dans les Caraïbes et intensifient leurs menaces contre la Colombie et le Venezuela en particulier, qu'ils dénoncent comme des « narco-États » ou comme des satellites de la Russie et de la Chine en Amérique latine. Dans le même temps, Washington a renfloué le régime Milei, favorable à Trump, en Argentine, avec une aide de 20 milliards de dollars, destinée à maintenir un contrepoids à l'influence de la Chine dans cette partie du monde. La poursuite de toute aide économique supplémentaire étant alors implicitement conditionnée par la victoire de Milei aux prochaines élections de mi-mandat, ce qui a certainement contribué à sa large victoire.

Et bien sûr, les États-Unis n'ont jamais cessé de fournir à Israël les armes qu'il a utilisées pour détruire Gaza et mener des raids répétés sur le Liban, la Syrie et l'Iran –les États-Unis se joignant directement à l'attaque contre les capacités nucléaires de l'Iran. Mais nous ne parlons pas seulement des États-Unis. Tous les États, et en particulier les « démocraties » d'Europe occidentale, ont commencé à investir des sommes colossales et des ressources considérables dans le développement de leur industrie d'armement, tout en menant une propagande incessante sur la nécessité pour « l'Occident » de se préparer à se défendre contre l'agression russe ou chinoise.

La réalité est que la guerre et les préparatifs de guerre se répandent à travers la planète, que les conflits militaires existants sont devenus de plus en plus chaotiques, irrationnels et difficiles à résoudre, et que le capitalisme en décomposition est pris dans une spirale de destruction, particulièrement spectaculaire à Gaza, mais non moins dévastatrice en Ukraine et dans d'autres régions du monde, qui tend à échapper au contrôle de la classe dirigeante. Le capitalisme dans sa phase finale de décomposition est se distingue par des guerres sans fin. Comme nous l'avons écrit dans notre premier « Texte d’orientation : militarisme et décomposition [2] -1991 » (Revue internationale 64) :

« En réalité, si l'impérialisme, le milita­risme et la guerre s'identifient à ce point à la période de décadence, c'est que cette dernière correspond bien au fait que les rapports de production capita­listes sont devenus une entrave au développement des forces productives : le caractère parfaitement irra­tionnel, sur le plan économique global, des dépenses militaires et de la guerre ne fait que traduire l'aberration que constitue le maintien de ces rapports de production. En particulier, l'autodestruction per­manente et croissante du capital qui résulte de ce mode de vie constitue un symbole de l'agonie de ce système, révèle clairement qu'il est condamné par l'histoire. »

La spirale de la destruction et la nécessité de l'internationalisme

Nous avons également utilisé le terme « effet tourbillon » pour désigner cette spirale mortelle, dans laquelle chacune des crises du capitalisme – économique, écologique, militaire, politique, etc. – tend à se renforcer et à se propager à un niveau supérieur. Ainsi, l'irresponsabilité croissante de la « classe politique » capitaliste, qui s'exprime dans sa forme la plus pure dans les différentes factions populistes et surtout chez Trump, qui a déclaré à l'ONU que le réchauffement climatique était la plus grande supercherie de l'histoire, ne peut que compromettre davantage les efforts déjà minimes de la bourgeoisie pour atténuer la crise écologique. Dans le même temps, le passage à une économie de guerre favorisera la croissance des secteurs industriels les plus polluants et les plus émetteurs de carbone. Et les guerres elles-mêmes sont des catastrophes écologiques : en raison de la dévastation et de l'empoisonnement des terres agricoles, Gaza ne sera pas en mesure de produire sa propre nourriture pendant de nombreuses années, et la reconstruction de ses maisons, écoles et hôpitaux en ruines à partir de zéro émettra d'énormes quantités de carbone.

Dans ce tourbillon, la poussée vers la guerre est le facteur le plus puissant, l'œil du cyclone. Et pour faire avancer cette poussée vers la guerre, la classe qui produit la majeure partie de la richesse mondiale, la classe ouvrière, sera appelée à faire les sacrifices nécessaires –sur ses salaires, ses conditions de travail, son accès à la santé, aux retraites et à l'éducation, et finalement sur sa vie. Mais c'est là que se trouve le véritable obstacle à la guerre. Non pas dans les accords et les ententes entre criminels capitalistes, mais dans les luttes défensives de la classe ouvrière face à une société qui ne peut lui offrir que pauvreté et destruction. Et ces luttes sont plus qu'un vœu pieux, car depuis 2022, nous avons constaté une nette tendance des travailleurs de nombreux pays à affirmer leurs intérêts de classe contre les exigences des capitalistes qui leur demandent de se serrer la ceinture et de supporter des attaques incessantes contre leur niveau de vie. En elles-mêmes, les luttes défensives des travailleurs ne peuvent qu’obstruer temporairement la course à la guerre. Pour y mettre fin complètement, il faudra une politisation profonde de la lutte, la reconnaissance que le système capitaliste mondial doit être renversé et remplacé par une forme nouvelle et supérieure de vie sociale.

Le besoin de politisation de la lutte souligne le rôle indispensable des organisations politiques que la classe ouvrière a créées dans sa lutte historique contre ce système. Nous ne faisons pas ici référence aux partis de la gauche officielle, qui sont souvent les exécuteurs de l'austérité contre la classe ouvrière, ni à leurs appendices « radicaux de gauche », mais aux organisations authentiquement communistes qui défendent la lutte indépendante de la classe ouvrière contre toutes les factions de la classe dominante, et surtout qui défendent le principe de l'internationalisme, s'opposant à toutes les bandes et à tous les États engagés dans les guerres du capitalisme : en bref, les organisations de la gauche communiste internationale. Étant donné que ces organisations sont encore une petite minorité, nageant à contre-courant des mystifications pro-guerre, nationalistes et pacifistes, le CCI a toujours préconisé une discussion et une coopération maximales entre ces groupes.

Mais il n'en reste pas moins nécessaire que la discussion entre ces organisations clarifie leurs divergences les plus importantes. Si les groupes de la gauche communiste tendent à s'accorder sur le fait que la guerre est devenue le mode de vie du capitalisme et sur la nécessité pour les travailleurs et les révolutionnaires de s'opposer à toutes les parties, il existe des différences considérables dans l'analyse du processus par lequel s'opère cette « autodestruction permanente et croissante du capital ». Pour la majorité des groupes, en particulier la Tendance Communiste Internationaliste et les différents « partis » bordiguistes, l'aggravation de la crise économique et la prolifération des conflits militaires sont la preuve que nous nous dirigeons une fois de plus vers la reconstitution de blocs impérialistes et une marche disciplinée vers une troisième guerre mondiale.

Pour le CCI, cela ne figure pas à l'ordre du jour dans un avenir prévisible. Mais ceux qui sont convaincus de la perspective d'une nouvelle guerre généralisée courent le risque, sous l'impact des récents traités de « paix », de relâcher leur vigilance et ignorer encore plus le danger beaucoup plus immédiat et pressant qui pèse sur la classe ouvrière : que le tourbillon de la destruction l'écrase avant qu'elle ne soit capable d'élever ses luttes au niveau historique nécessaire pour renverser le mode de production capitaliste. Cet argument est développé dans un autre article de ce numéro de la Revue : « Allons-nous vers une troisième guerre mondiale ? ».

CCI, Novembre 2025

Vie du CCI: 

  • Polémique [3]

Conscience et organisation: 

  • Courant Communiste International [4]

Courants politiques: 

  • Gauche Communiste [5]
  • TCI / BIPR [6]
  • PCI (Le prolétaire) [7]

Questions théoriques: 

  • Décomposition [8]
  • Guerre [9]

Rubrique: 

Polémique avec le milieu politique prolétarien

URL source:https://fr.internationalism.org/content/11688/fraude-paix-et-veritable-proliferation-des-guerres-destructrices

Liens
[1] https://fr.internationalism.org/content/11688/fraude-paix-et-veritable-proliferation-des-guerres-destructrices [2] https://fr.internationalism.org/rinte64/decompo.htm [3] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/polemique [4] https://fr.internationalism.org/tag/conscience-et-organisation/courant-communiste-international [5] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/gauche-communiste [6] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/tci-bipr [7] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/pci-proletaire [8] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/decomposition [9] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/guerre