Soumis par ICConline le
Le 22 novembre, le journal Daily Mail a publié sur son site Web un article "analysant" la réaction des lycéens et étudiants face à l'augmentation des frais de scolarité. Ce journal "accuse" nommément notre organisation d'être l'un des acteurs principaux des actions de blocage et d'occupation.
Nos camarades vivant en Angleterre ont évidemment immédiatement réagi. Nous publions ci-dessous la traduction de l'article du Daily Mail et la réponse de Worl Revolution, organe de presse du CCI en Grande-Bretagne.
L'article du Daily Mail
Des étudiants combatifs bloquent les portes des lycées en réaction à l'augmentation des frais de scolarité
"Des étudiants combatifs ont uni leurs forces à des communistes français pour bloquer les entrées d'établissements secondaires anglais, exhortant les élèves ayant à peine 15 ans à se mettre en grève par rapport aux frais universitaires de scolarité.
Les partisans de l'utilisation de la 'force légitime' pour tenter d'arrêter la hausse des frais ont été rejoints par des membres du Courant Communiste International (CCI) pour mobiliser des enfants encore en âge scolaire.
Les activistes veulent diffuser des tracts dans les établissements scolaires de tout le pays, lors de la dernière journée d'action, prévue pour mercredi.
Plus de 20 000 jeunes se sont inscrits pour participer à une 'grève nationale’ le mercredi. La majorité sont des élèves ou, tout au plus, des étudiants en formation continue.
Le groupe de campagne Education Activist Network a tenu une réunion de planification de la contestation, samedi, à Birkbeck College, Londres.
Celle-ci a vu la participation d'au moins un membre du CCI.
Le CCI a une longue tradition d'action directe datant de la contestation étudiante de 1968 qui a paralysé la France.
Le chef de file de l’EAN est Mark Bergfeld, 23 ans, qui a soutenu l'utilisation de la 'force légitime' pour faire tomber le gouvernement et qui a appelé à 'dresser des barricades dans les écoles'.
M. Bergfeld, qui fréquente l'Université d'Essex, a déclaré lors de la réunion de samedi: ‘Ce que vous pouvez faire, c'est, entre aujourd'hui et le 24, donner des tracts à l'extérieur des écoles pour qu'ils sachent ce que nous faisons. Ainsi, ils pourront vous rejoindre ce jour-là.’
Étaient également présents des employés de la mairie et du Service de Santé, des enseignants et des professeurs d'université."
Notre réponse
Notre première réaction à cet article dans le Daily Mail fut celle d'une hilarité générale. La seconde pensée fut « pas de publicité est une mauvaise publicité ». Mais la troisième fut : « Qu'est-ce qu'il y a derrière cela ? »
La théorie du complot du journalisme bourgeois, qui ne peut jamais envisager un véritable mouvement de révolte qui viendrait de la base mais qui doit toujours remonter à quelque Moriarty1 diaboliquement rusé, qui tisse sa toile dans l'ombre, a une longue histoire, remontant certainement à l'époque de Marx et de la Première Internationale. La presse capitaliste avait l'habitude de critiquer l'Association Internationale des Travailleurs parce qu'elle attisait tout acte de résistance à l'ordre bourgeois, de la plus petite grève locale à la puissante Commune de Paris, en 1871. L'Internationale avait une certaine influence à cette époque, bien sûr, mais ce n'était rien comparé à la version très exagérée, évoquée par les serviteurs de la classe dirigeante.
Nous sommes un groupe minuscule. Nous participons à la lutte de classe du mieux que nos forces le permettent et, oui !, nous avons été actifs dans un certain nombre de discussions, de réunions et de manifestations qui font partie du mouvement actuel des étudiants contre les frais de scolarité et l'abolition des paiements EMA. Nous étions en effet présents à la réunion de EAN citée plus haut. Nous sommes fiers d'être une organisation internationale (ce qui est évidemment différent d'en être une uniquement française) et on peut en effet faire remonter nos origines à l'énorme vague de grèves qui a secoué la France en mai 1968.
Mais nous n'avons pas la prétention d'être les organisateurs du mouvement actuel - nous ne pensons même pas que c'est notre rôle. Il n'y a toutefois guère de raisons de polémiquer avec le Daily Mail, parce qu'il se moque de savoir si, oui ou non, ses écrivaillons croient qu'ils ont vraiment découvert la puissance secrète derrière la rébellion actuelle de la jeunesse ouvrière au Royaume-Uni.
La véritable raison de cet article et d'autres similaires est ailleurs. Et il y a bien eu un certain nombre d'articles du même genre récemment : des groupes anarchistes, comme Solidarity Federation et Anarchist Federation ont été identifiés comme les organisateurs de l'occupation et du saccage du siège du Parti Conservateur, en novembre 2010, et après l'événement lui-même, un article particulièrement pernicieux a été publié dans le Daily Telegraph qui désigne un intervenant sur le forum Internet de Libcom, en le nommant, ainsi que son père, et en insinuant, sans aucune preuve, qu'il était directement responsable des dommages causés à Millbank.
Des 'exposés' de ce type visent à discréditer les révolutionnaires et les organisations révolutionnaires, à les faire paraître aussi sinistres et peu attractives que possible, et, finalement, à créer une atmosphère où elles peuvent être directement attaquées par les forces de l'ordre. Après tout, nous préconiserions 'la force légitime' et nous serions même prêts à attirer d'innocents écoliers dans nos projets diaboliques. Et bien sûr, nous serions des étrangers, alors pourquoi devrions-nous même être tolérés ici ?
Le 'kettling' (l'encerclement, ndt) de la manifestation étudiante du 24 novembre à Londres a été une démonstration de force flagrante visant à intimider un mouvement que la bourgeoisie n'est pas encore certaine de pouvoir contenir, notamment parce qu'il n'obéit pas aux règles habituelles de l'engagement que les syndicats et la gauche doivent normalement imposer. Les insinuations contre les anarchistes et les communistes sont une autre expression du même genre de réaction de la classe dirigeante. Elles correspondent à son besoin de bloquer un processus émergent de politisation chez les jeunes, une politisation qui menace d'aller bien au-delà de la fausse opposition offerte par la gauche capitaliste.
Il n'est pas ici nécessaire d'envisager un complot : ce genre de réaction est presque aussi «spontané » pour la classe dirigeante qu'une manifestation organisée sur Facebook. Mais il y a aussi de la conscience dans cela : nos dirigeants apprennent de ce qui s'est passé avant et de ce qui se passe ailleurs. Ils ont en face d'eux les images de la Grèce et de la France, par exemple, où, dans les récents mouvements contre l'austérité, nous avons vu des minorités petites, mais bien visibles, posant des questions très politiques : l'auto-organisation et l'extension des luttes, l'avenir que la société capitaliste nous réserve. Les étudiants en Grande-Bretagne soulèvent également la question de l'avenir et la classe dirigeante préfererait éviter qu'ils soient encouragés à se concevoir comme partie d'un mouvement allant dans la direction de la révolution.
World Revolution (27 novembre 2010)
1 Moriarty est l'ennemi juré de Sherlock Holmes, grand criminel prêt à tous les complots et coups fourrés.