Manifestations massives en Iran : "tanks, balles, gardes : rien ne peut nous arrêter"

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Nous publions ci-dessous la traduction d’une courte prise de position sur les événements qui frappent actuellement l’Iran, prise de position réalisée par Dünya Devrimi (1), organe de presse du CCI en Turquie, et publiée en langue anglaise dès le 16 juin sur notre site.

Al-Jazeera a bruyamment proclamé que les protestations en Iran constituent le “le plus grand trouble depuis la révolution de 1979”.1 Ces “protestations”, qui ont débuté dans Téhéran le samedi 13 juin, sont, au fur et à mesure des annonces de résultats, devenues de plus en plus violentes. Dans trois universités de Téhéran, les manifestations ont rapidement été confrontées à la répression, et les protestataires ont attaqué la police et des gardiens de la révolution. La police a isolé les emplacements importants et, à leur tour, les protestataires ont attaqué des magasins, des bureaux du gouvernement, des commissariats de police, des véhicules de police, des stations-service et des banques. Des rumeurs sortant de Téhéran suggéraient que quatre personnes ou plus étaient déjà mortes. L’Etat a également réagi en arrêtant quatre éminentes “figures anti-gouvernementales” et, plus important, en interrompant le réseau Internet qui avait été utilisé, par l’intermédiaire des messageries SMS et des sites Web, pour organiser les manifestations. Les journalistes occidentaux ont dit que “Téhéran ressemblait déjà presque à une zone de guerre”.

Que les gens ne soient pas satisfaits avec ce que la société a à leur offrir et qu’il y ait une volonté croissante de lutter est une chose très claire, non seulement au vu de ces événements, mais également à celui des luttes récentes en Grèce, en Egypte ou en France. Le simple fait de tourner les pages des journaux nous montre que la classe ouvrière est en train de retrouver sa volonté de lutter malgré les craintes provoquées par la brutalité de la crise économique.

Cependant, les communistes ne doivent pas se contenter de simplement encourager de loin les luttes. Il est nécessaire d’analyser, d’expliquer et de proposer une perspective. Jusqu’à présent, ce mouvement est d’un caractère très différent de celui de 1979. Dans les luttes qui ont conduit à la “révolution islamique”, la classe ouvrière a joué un rôle énorme. D’après tous les discours des gens dans les rues qui renversaient le régime, ce qui était clair en 1979 était que les grèves des ouvriers iraniens étaient l’élément politique majeur qui conduisait au renversement du régime du Shah. En dépit des mobilisations massives, quand le mouvement “populaire”, regroupant presque toutes les couches opprimées en Iran, a commencé à s’épuiser, l’entrée en lutte du prolétariat iranien au début d’octobre 1978, particulièrement dans le secteur pétrolier, a non seulement ravivé l’agitation, mais a posé un problème pratiquement insoluble pour le capital national, en l’absence d’un remplacement possible de la vieille équipe gouvernementale. La répression a été suffisante pour provoquer le retrait des petits négociants, des étudiants et des sans travail, mais elle a prouvé qu’elle était une arme inefficace de la bourgeoisie lorsqu’elle est confrontée à la paralysie économique provoquée par les grèves des ouvriers.

Ce n’est pas pour dire que le mouvement en cours ne peut pas se développer et ne peut pas entraîner la classe ouvrière en tant que classe dans la lutte. La classe ouvrière en Iran a été particulièrement combative ces dernières années, particulièrement avec la grève non officielle forte de 100 000 enseignants qui a eu lieu en mars 2007, à laquelle se sont joints des milliers d’ouvriers d’usines en signe de solidarité. Un millier d’entre eux ont été arrêtés pendant cette grève. Ça a été la plus grande lutte ouvrière enregistrée en Iran depuis 1979. Cette grève a été suivie durant quelques mois de luttes faisant participer des milliers d’ouvriers dans les industries de canne à sucre, de pneus, des véhicules à moteur et de textiles. Aujourd’hui, bien entendu, il y a des ouvriers dans les rues, mais ils sont maintenant engagés dans la lutte en tant qu’individus et non comme force collective. Il est cependant important de souligner que le mouvement ne peut pas progresser sans cela, sans cette force collective de la classe ouvrière. Une grève nationale d’un jour a été réclamée pour mardi 16 juin. Ceci peut donner une indication sur le niveau de soutien dans la classe ouvrière (2).

Récemment, les discours des médias bourgeois nous ont abreuvé de prétendues “révolutions” baptisées du nom de diverses couleurs ou plantes. Il y a eu la révolution “orange”, la révolution des “roses”, la révolution des “tulipes” et la révolution des “cèdres”, etc, pendant tout ce temps, les médias ont bêlé comme des moutons au sujet de la “lutte” pour la démocratie.

Ce mouvement a commencé en tant que protestation au sujet de la fraude dans les élections et les protestataires se sont à l’origine mobilisés en soutien à Mousavi. Cependant, les slogans se sont rapidement radicalisés. Il y a une différence énorme entre les faibles protestations de Mousavi auprès du chef suprême au sujet de l’injustice des élections et les chants de la foule qui criait : “Mort au dictateur et au régime !” Naturellement, la clique de Mousavi est maintenant prise de panique et a décommandé une manifestation prévue pour lundi 15 juin. Il reste à voir si les gens respecteront cette décision. Par ailleurs, les appels au calme de Mousavi ont jusqu’ici suscité des slogans contre lui.

Contrairement à ce type de “révolutions” colorées, le communisme pose la possibilité d’un type complètement différent de révolution, et d’un type complètement différent de système. Ce que nous préconisons n’est pas simplement un changement de gestion de la société avec de nouveaux patrons “démocratiques”, jouant exactement le même rôle que les vieux patrons “dictatoriaux”, mais une société de producteurs libres et égaux créée par la classe ouvrière elle-même et basée non sur les besoins du profit mais sur les besoins de l’humanité, une société dans laquelle les classes, l’exploitation et l’oppression politique seront éliminées.

Sabri, le 15 juin


1) Lire notre article “Salut aux nouvelles sections du CCI aux Philippines et en Turquie !”.

2) Note de la rédaction : au moment de mettre sous presse, en ce début juillet, le mouvement de contestation en Iran semble avoir été étouffé. L’éventualité, envisagée par nos camarades de Turquie, de l’entrée en lutte dans ce mouvement de la classe ouvrière ne s’est pas réalisée. Il est aujourd’hui encore très difficile pour notre classe d’avoir assez de force pour entraîner derrière elle la majeure partie de la population dans son combat. Mais il s’agit bien là d’une réelle possibilité pour l’avenir. Au fur et à mesure que le prolétariat va développer sa combativité, sa conscience et son organisation en tant que classe dans la lutte, il sera de plus en plus capable d’ouvrir une perspective et d’offrir un espoir à l’ensemble des couches non-exploiteuses de l’humanité.


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