Soumis par Internationalisme le
"Les économistes n'y comprennent plus rien, ils sont perdus" titrent les médias, à la recherche de réponses et de solutions à la crise économique actuelle qui déferle sur le monde comme un tsunami. Seules des injections massives de crédits sur les marchés financiers et des déficits tout aussi colossaux ont permis à la bourgeoisie de provisoirement éviter une implosion totale du système financier dans la plupart des pays centraux. Mais ceci ne résout pas en fin de compte la crise historique sous-jacente de son système.
Internationalement, elle ne peut plus cacher que le monde est confronté à l'effondrement le plus brutal depuis la Dépression des années 1930. Le Japon et l'Allemagne connaissent des baisses inouïes de leurs exportations et de leur production industrielle. Une grande partie de l'Europe occidentale frise une catastrophe «à l'islandaise»: la Grèce, l'Irlande, l'Italie, l'Espagne, l'Autriche et la Belgique font la queue. Les "marchés émergents" montrent également des signes de tension -rien qu'en Chine, les licenciements se chiffrent en dizaines de millions-, ces économies étant atteintes par le même Tsunami. L'OCDE et le FMI prévoient que l'économie mondiale comme un tout va se contracter cette année; du jamais vu aujourd'hui depuis la seconde guerre mondiale.
Quarante ans après la fin du boom économique d'après-guerre, il s'avère que toutes les formes de politique menées par la bourgeoisie ont échoué. Des décennies d'intervention étatique (le capitalisme d'État) ont eu pour seul résultat de mener la bourgeoisie au gouffre. Le mécanisme le plus important pour maintenir la demande -toujours plus de crédit- face à la surproduction massive a mené l'économie à un état qu'on pourrait comparer à celui d'un patient qui aurait pris trop d'antibiotiques: l'efficacité du traitement est réduit à zéro. Plus grave encore, le crédit est devenu une partie du problème: l'ensemble du système est maintenant littéralement en faillite.
Tous prétendent en chœur qu'il ne s'agit que d'une crise "temporaire", "cyclique". Tous tablent sur une reprise qui devrait arriver dans quelques mois ou quelques années, dépendant de "l'effort" que nous devons consentir «tous ensemble». Le sommet du G20, qui s'est tenu le 2 avril à Londres, a également été présenté comme une étape intermédiaire vers la reprise. "Le jour où le monde s'est réuni pour riposter contre la récession globale, non avec des discours, mais avec un plan pour une reprise globale" (déclaration du premier ministre britannique Gordon Brown). Mais la crise de surproduction actuelle a ses racines, non comme le prétendent les érudits de l'économie dans une sorte de "déséquilibre" temporaire de l'économie mondiale, mais dans les relations sociales fondamentales du capitalisme, où par définition la grande masse de la population est productrice de la "plus-value", qui ne peut se réaliser que par un élargissement constant du marché. Devenu incapable de s'étendre et de conquérir de nouveaux marchés, le capitalisme a contourné le problème pendant des décennies en remplaçant le véritable marché par le marché artificiel du crédit.
Le monde est basé sur la concurrence pour les marchés. Aujourd'hui, un capitaliste ne peut prospérer qu'aux dépens d'un autre, et c'est vrai aussi à l'échelle des nations capitalistes. Bien entendu, elles ont des intérêts communs en tant que classe exploiteuse: elles travaillent ensemble quand il s'agit de maintenir les esclaves salariés dans le rang, et reculent aussi quand des États entiers vont dans le mur, même s'il s'agit de concurrents, surtout parce qu'ils représentent des marchés pour leurs marchandises ou sont leurs débiteurs. Mais elles ne peuvent pas indéfiniment en vase clos continuer à réaliser des profits dans un cercle de ventes réciproques, et c'est pour cela qu'elles sont touchées par le fléau de la surproduction; le marché se grippe et mène à une vague de faillites, d'effondrement de pans industriels, et à une pandémie de chômage. Pour la classe ouvrière, ceci signifie clairement: une attaque inédite sur l'emploi, les salaires et les conditions de vie, auprès de laquelle les quarante dernières années ressemblent à une oasis de bien-être.
Nous sommes tous touchés
Depuis le début de cette récession, chaque jour un nombre croissant de travailleurs perdent leur emploi, et dans beaucoup de cas, tout moyen de subsistance. Les chiffres officiels du chômage sont trafiqués depuis longtemps et ne donnent plus du tout aujourd'hui une image fiable de la réalité. C'est ainsi que le nombre de temps partiels involontaires s'est envolé (y compris suite à des décisions collectives de faire travailler tout le monde à temps partiel). Un quart des travailleurs en Belgique est au chômage temporaire ou économique. De plus en plus de familles s'enfoncent dans l'endettement et s'en sortent de plus en plus difficilement. Le nombre des allocataires du CPAS a augmenté de 10% en cinq mois. De toute évidence, l'augmentation du chômage est liée à l'augmentation du nombre de sans abri et de la fréquentation des soupes populaires dans tous les centres industriels du monde. Et ceux qui ont encore un emploi vivent dans la crainte permanente d'être victimes des prochaines vagues de "restructurations".
Même le mythe des prospères baby-boomers d'après guerre, arrivés à l'âge de la retraite, est de plus en plus une fiction. Les fonds de retraite de beaucoup de travailleurs ont disparu et leurs rêves de vieux jours sans souci partis en fumée. La Belgique connaît déjà les retraites les moins élevées d'Europe, et jusqu'à présent c'était grâce aux taux d'épargne très élevés que subsistait une certaine prospérité, bien que la limite de la misère avait déjà été franchie pour une nombre croissant de seniors. Avec la crise financière, ces taux d'épargne fondent maintenant comme neige au soleil.
Entre-temps, les demandes d'approbation des mesures de restrictions se suivent. Le Haut Conseil des Finances, la Banque Nationale, la coalition gouvernementale, et tant d'autres ténors de la bourgeoisie nationale sont tous d'accord: "une apogée de plans d'austérité va se déferler sur nous de façon ininterrompue et cela pour cinq à dix ans". Les salaires et avantages doivent baisser, la charge de travail doit augmenter. Les retraites, allocations sociales, frais d'études et de soins de santé seront de plus en plus sous pression. Les vacances et autres types d'«absentéismes» rémunérés doivent diminuer ou être remplacés par des absences non payées, tout est dans le collimateur. Et on essaye de vendre tout ça à la classe ouvrière comme une "nécessaire solidarité", où il faudrait partager la misère. Au fond, il s'agit d'une solidarité avec le système capitaliste, et non d'une solidarité réciproque de la classe ouvrière contre les mesures de la bourgeoisie qui veut faire payer sa crise au prolétariat.
L'État ne peut pas nous sauver
Naturellement, nous dit-on, on ne peut pas laisser aller les choses comme c'était le cas dans les dernières décennies. Le "libre marché" va conduire à un effondrement dévastateur comme dans les années 1930. Ce dont nous avons besoin, c'est plus d'intervention étatique: l'avidité des spéculateurs et des banquiers doit être mis sous contrôle, et les banques et d'autres secteurs économiques très importants doivent être nationalisés lorsque les autres moyens échouent. C'est le nouveau "Keynésianisme", présenté comme la solution aux échecs du "néolibéralisme" (voir l'article dans ce journal: L'État est toujours l'ennemi des ouvriers).
Mais croire que le capitalisme peut devenir plus démocratique, plus humain, plus vert grâce à l'intervention de l'État est une illusion. Les relations sociales capitalistes sont par nature inhumaines. Elles sont indissociablement liées à la soif d'accumuler des profits, et là, "les gens ne viennent jamais d'abord". C'est la leçon la plus claire de la crise actuelle: quarante ans d'interventionnisme étatique n'ont pas réussi à résoudre les problèmes inhérents à ce système. La guerre, le chômage massif, la misère et la destruction de l'environnement ne sont pas le résultat de "mauvais gouvernements". Ils sont le produit direct d'un système sénile, un ordre social qui survit depuis longtemps à son utilité pour l'humanité.
Il y a une véritable alternative: la lutte de classes
"Travailler plus longtemps et plus dur pour moins. Plus vite nous accepterons cela, mieux ce sera" (De Standaard, 15.3.09). Voilà le message que tous les médias adressent à la classe ouvrière en Belgique.
Non! La résistance n'est pas futile! Résister aux attaques économiques et à la répression politique du capitalisme, résister à ses campagnes idéologiques empoisonnées est l'unique point de départ d'un mouvement pour véritablement changer le monde.
Et cette résistance est possible: - la récente vague de mouvements parmi les étudiants, les instituteurs et professeurs, les chômeurs et d'autres parties de la classe ouvrière, qui a vu le jour en Europe ces derniers mois, et qui a culminé en Grèce en décembre; - les grèves sauvages dans les raffineries de pétrole en Grande-Bretagne (voir dans ce journal); - les occupations d'usines contre les licenciements en France, Grande-Bretagne et Irlande; - les grèves massives en Égypte, au Bangladesh, dans les Antilles; - les émeutes de la faim dans de nombreux pays. Autant de signes de mécontentement social réel et massif, à une échelle internationale toujours plus large. Les mêmes signes se retrouvent dans le nombre croissant de jeunes qui discutent des idées révolutionnaires via Internet, forment des cercles de discussion, remettent en question les fausses solutions offertes par les médias dominants et les gauchistes.
Pour les révolutionnaires, il n'existe qu'une solution à la crise, c'est de jeter une fois pour toutes le capitalisme aux poubelles de l'histoire. Mais cela ne se passera pas automatiquement. Une révolution sociale destinée à surmonter l'exploitation de l'homme par l'homme, la division de la société en classes, l'existence de nations... ne peut qu'être le produit d'un effort conscient et collectivement organisé du prolétariat mondial. Confrontés à des attaques impitoyables, les ouvriers doivent répondre en conséquence, au coup par coup en refusant la logique du capitalisme et en développant la lutte de classes jusqu'au bout de ses limites. Ils doivent forger un rapport de forces basé sur l'unité et la véritable solidarité de classe, sous leur propre contrôle.
Lac / 13.4.09