Soumis par Revue Internationale le
La troisième Conférence des Groupes de la Gauche Communiste a abouti à une dislocation. Deux des principaux groupes qui l'animaient ([1]) (Partito Comunista Internazionalista -Italie- et Communist Workers Organisation - Grande-Bretagne) ont posé comme condition à la poursuite de leur participation, la fermeture du débat sur la question du rôle du parti révolutionnaire. Le C.C.I. a rejeté une telle condition.
La situation présente de l'effort mené depuis près de quatre ans par un certain nombre de groupes révolutionnaires en vue de créer un cadre facilitant le regroupement des organisations politiques du prolétariat peut se résumer en deux phrases
- il n'y aura certainement plus de conférences comme les trois qui viennent d'avoir lieu ;
- les nouvelles conférences devront, pour être viables,
1°) se débarrasser des restes de sectarisme qui pèsent encore lourdement sur certains groupes, 2°) être politiquement responsables.
Les lecteurs intéressés par les détails du déroulement de la Conférence elle-même, pourront lire le compte-rendu des débats que nous publierons prochainement.
Ce que nous voulons ici, c'est tirer les leçons de l'expérience qu'ont constitué ces trois conférences.
Ces quatre années d'effort pour "le regroupement des révolutionnaires" ont constitué la tentative la plus sérieuse depuis 1968 pour briser l'isolement et la division des groupes révolutionnaires. Quelles qu'aient été ses gigantesques faiblesses, c'est seulement en tirant toutes les leçons que le travail général de regroupement des révolutionnaires pourra être poursuivi.
Il faut, pour aller de l'avant, comprendre les raisons qui ont conduit à la dislocation de la 3ème conférence et définir ce qu'il faut en déduire pour le déroulement des prochaines conférences.
POIDS DU SECTARISME
Au cours de la deuxième conférence, il y eut un débat entre le P.C.Int. ("Battaglia Comunista", selon le nom de son journal) et le C.C.I. à propos du sectarisme. Le C.C.I. avait proposé une résolution condamnant l'attitude sectaire des groupes révolutionnaires qui avaient refusé l'invitation à participer aux conférences internationales. Le P.C.Int rejette la résolution affirmant, entre autres, que le refus des groupes n'était pas une question de sectarisme mais de divergences politiques. Et d'affirmer que nous chassions des fantômes de sectarisme au lieu de nous occuper des divergences politiques. Le PCInt ne parvenait pas à localiser le cheval du sectarisme parce que c'était celui qu'il était en train d'enfourcher. Le sectarisme existe. Nous l'avons rencontré. Tout au long des travaux de ces conférences.
Qu'appelle-t-on sectarisme ?
Le sectarisme c'est l'esprit de secte, l'esprit de petite église. Dans le monde de la religion, la question de savoir qu'est-ce-qui est vrai et qu'est ce-qui ne l'est pas apparaît comme une question d'affrontement d'idées dans le monde éthéré de la pensée abstraite.
Puisqu'à aucun moment la réalité, la pratique matérielle des mortels ne peut être supérieure aux textes sacrés et à leurs interprétations divines, puisque la réalité ne peut trancher les débats, chaque secte en divergence avec d'autres n'a que deux possibilités : ou bien renoncer à ses divergences et disparaître, ou bien vivre éternellement isolée et en opposition avec les sectes "rivales".
Puisque la pratique sociale et matérielle ne peut pas permettre de déterminer où est la vérité, les sectes qui survivent le font inévitablement isolées les unes par rapport aux autres, cultivant amoureusement dans leur mini-monastère "leur vérité" à elles.
Engels disait, parlant des sectes dans le mouvement ouvrier, que l'essentiel de leur vie se résumait à mettre toujours en avant ce qui -les différencie du reste du mouvement.
Et c'est certainement là la manifestation majeure de cette maladie qui isole ses victimes de la réalité
Face à tout problème posé, les sectes n'ont qu'une préoccupation : affirmer ce qui les distingue, ignorer ou condamner ce qui tend à les confondre avec le reste du mouvement.
Cette crainte de reconnaître ouvertement ce qu'on peut avoir de commun avec l'ensemble du mouvement, de peur de disparaître, cette manifestation caricaturale du sectarisme, a toujours entravé les travaux des trois conférences des groupes de la gauche communiste et a finalement conduit à la dislocation de la troisième.
"PAS DE DECLARATIONS COMMUNES" ?
On sait que la 3ème conférence, mai 1980, s'est ouverte dans une situation dominée au niveau de l'actualité par la menace d'une troisième guerre mondiale. Les contributions des groupes pour la préparation de la conférence ont toutes souligné la gravité de la situation et affirmé des positions de classe face à cette menace : une telle guerre serait de même nature que les deux guerres mondiales précédentes : impérialiste. La classe ouvrière mondiale n'a d'intérêts à défendre dans aucun bloc. La seule lutte efficace contre la guerre est celle du prolétariat contre le capitalisme mondial.
Le C.C.I. demanda que la conférence prît position sur cette question et proposa une résolution, à discuter et amender si nécessaire, pour affirmer ensemble la position des révolutionnaires face à la guerre.
Le P.C.Int. refusa et, à sa suite, la C.W.O. et l'"Eveil Internationaliste". Et la conférence resta muette.
Du fait même des critères de participation à la conférence, tous les groupes présents partageaient inévitablement la même position de fond sur l'attitude qui doit être celle du prolétariat en cas de conflit mondial et face à sa menace. "Mais, attention!", nous disent les groupes partisans du silence, "C'est que nous, on ne signe pas avec n'importe qui! Nous ne sommes pas des opportunistes!" Et nous leur répondons : l'opportunisme c'est trahir des principes à la première opportunité. Ce que nous proposions ce n'était pas de trahir un principe, mais de l'affirmer avec le maximum de nos forces.
Le principe internationaliste est un des plus hauts et des plus importants pour la lutte prolétarienne. Quelles que soient les divergences qui séparent les groupes internationalistes par ailleurs, peu d'organisations politiques au monde le défendent de façon conséquente. Leur conférence devait parler sur la guerre et parler le plus fort possible.
Au lieu de cela, elle se tut..."parce qu'on a des divergences sur ce que sera le rôle du parti révolutionnaire de demain !".
Le contenu de ce brillant raisonnement "non opportuniste" est le suivant : puisque les organisations révolutionnaires ne sont pas parvenues à se mettre d'accord sur toutes les questions, elles ne doivent pas parler de celles sur lesquelles elles sont d'accord depuis longtemps.
Les spécificités de chaque groupe priment par principe sur ce qu'il y a de commun à tous. C'est cela le sectarisme.
Le silence des trois conférences (dans les trois le P.C.Int puis le CWO ont refusé toute déclaration commune malgré l'insistance du CCI ([2]) est la plus nette démonstration de l'impuissance a laquelle conduit le sectarisme.
LES CONFERENCES NE SONT PAS UN RING
Sélection ! Sélection ! Telle est la seule fonction que le P.C.Int et le CWO voient aux conférences.
Comment expliquer à une secte qu'elle doit apprendre à envisager l'idée que...peut-être... elle se trompe ? Comment faire comprendre à des sectaires que dans les conditions actuelles, parler d'une conférence qui sélectionne quels sont les groupes qui construiront le parti de demain c'est une absurdité.
Il est certain que dans le processus révolutionnaire il y a des sélections qui se produisent entre les organisations qui se réclament du mouvement ouvrier. Mais ces sélections c'est la pratique de la classe ou les grandes guerres mondiales qui les font et non quelques conciliabules entre organisations. Même des ruptures aussi importantes que celle des bolcheviks et mencheviks ne se sont réellement concrétisées qu'au fur et à mesure de la guerre de 1914 et des luttes de 1917.
C'est pourquoi, en premier lieu, il ne faut pas surestimer la capacité "d'auto-sélection" au niveau du simple débat, des conférences. En deuxième lieu, dans les conditions actuelles, les débats entre révolutionnaires sont loin d'en être au point de pouvoir être tranchés en commun. Pour le moment on en est à peine à tenter de créer un cadre dans lequel un débat puisse commencer à avoir lieu de façon efficace et utile à la classe ouvrière. La sélection, on en parlera en temps voulu.
CONCLURE UN DEBAT QUI N'A PAS EU LIEU ?
Le P.C.Int et le CWO, par impatience... ou par peur, ont refusé de continuer le débat jusqu'à ses conclusions sur le problème du parti. Cette question est une des plus graves et des plus importantes à laquelle sont confrontés les groupes révolutionnaires actuels, en particulier eu égard à l'appréciation que l'on a de la pratique du parti bolchévik pendant la révolution russe (répression des conseils de Kronstadt -des milliers de morts commandée par le parti bolchevik à la tête de l'Etat et de l'armée, par exemple). Le débat sur cette question n'a jamais encore été sérieusement abordé.
Cela n'a pas empêché le P.C.Int et C.W.O. de décider un beau jour, on ne sait pourquoi, de déclarer la question close et de disloquer la conférence, découvrant soudain qu'ils ne sont pas d'accord avec "les spontanéistes du C.C.I.".
Indépendamment du fait que ni le P.C.Int. ni le C.W.O. ne savent ce que veut dire "spontanéiste" (sinon que c'est quelque chose de différent de ce que EUX ils pensent), il est pour le moins inconséquent de déclarer un débat qui n'a pas eu lieu...CLOS, alors que par ailleurs on le considère de la plus haute importance... au point de servir doivent pas parler de celles sur lesquelles elles sont d'accord depuis longtemps.de justification au fait de se taire sur la menace de guerre mondiale. La gravité de la question ne rend que plus importante la nécessité de la traiter.
LA NECESSITE DU DEBAT ORGANISE ENTRE REVOLUTIONNAIRES
Ce débat doit avoir lieu. Peut-être que nous ne parviendrons pas à le résoudre avant qu'une nouvelle vague révolutionnaire de l'ampleur de celle de 1917-1923 ne vienne trancher dans la pratique la question. Mais au moins nous arriverons aux combats décisifs avec les problèmes correctement posés, débarrassés des incompréhensions et des esprits de chapelle.
La période de luttes de 1917-23 a posé, du point de vue de la question du rôle des avant-gardes, plus de questions qu'elle n'en a résolues.
De l'impuissance du nouveau-né Parti Communiste allemand en janvier 1919 à la répression sanglante de Kronstadt par les bolcheviks en 1921, l'expérience de ces années de soulèvements échoués nous ont plus montre ce qu'il ne faut pas faire que ce qu'il faut faire. Mais encore faut-il savoir quoi et qu'est-ce-qu'on en déduit. Ce débat n'est pas nouveau, il existe, sous ses premières formulations, depuis les années des premiers congrès de l'Internationale Communiste.
Mais c'est inévitablement ce débat que les révolutionnaires devront reprendre aujourd'hui, ouvertement, sérieusement, de façon conséquente, responsable, face à la classe et à l'ensemble des nouvelles forces révolutionnaires qui se développent et vont se développer partout dans le monde. Considérer ce débat clos, terminé aujourd'hui, c'est non seulement ignorer ce que "débat" veut dire, mais c'est surtout fuir sa responsabilité historique (même si ce mot peut sembler un peu grand pour certaines chapelles).
Refuser de le mener dans le cadre d'une conférence de groupes révolutionnaires, c'est refuser de le mener dans le seul cadre sérieux où il puisse avancer ([3]).
Ceux qui fuient ce débat, fuient les nécessités du mouvement révolutionnaire présent, tel qu'il existe actuellement, pour se réfugier dans leurs certitudes livresques.
Dans les luttes futures, ce débat aura lieu dans la classe, à la lumière des problèmes qu'elle rencontrera dans sa lutte, que les révolutionnaires actuels l'aient préparé ou non. Mais ceux qui refusent de l'éclaircir aujourd'hui dans un cadre organisé, que ce soit les super-partitistes de "Programme Communiste" ("Parti Communiste International") ou que ce soit les "anti-constructeurs de parti" du P.I.C. ("Pour une intervention communiste"), ou encore les "non opportunistes" du P.C.Int ou du C.W.O., auront tout fait pour qu'il soit abordé dans les pires conditions.
EXPRIMER LA TENDANCE A L'UNITE DE LA CLASSE
La tendance à l'unification est le propre du prolétariat. La tendance à l'unification des organisations révolutionnaires en est une manifestation. Comme la classe dont elles ont épousé la cause, ces organisations ne sont pas divisées entre elles par des intérêts matériels. Contrairement aux organisations politiques bourgeoises qui incarnent et reflètent les intérêts matériels de certaines fractions de la classe exploiteuse, les organisations révolutionnaires expriment toutes en premier lieu la nécessité de l'unification consciente de la classe. Les révolutionnaires débattent et divergent souvent sur les moyens de cette unité, mais tous leurs efforts sont tendus vers elle.
Etre à la hauteur de leur classe c'est d'abord, pour des révolutionnaires, être capable d'exprimer cette tendance prolétarienne à l'unité, tendance qui fait de cette classe la porteuse de la réalisation de ce que Marx appelait "la Communauté humaine".
UN DIALOGUE DE SOURDS ?
Dans l'esprit de secte, le dialogue avec d'autres ne sert évidemment à rien. "On n'est pas d'accord ! On n'est pas d'accord ! On ne va pas se convaincre !"
Et pourquoi des organisations révolutionnaires
ne convaincraient pas d'autres organisations à travers le débat ? Seules les sectes refusent de remettre en question leurs certitudes ([4]).
Comment se sont donc faits tous les regroupements de révolutionnaires dans le passé si ce n'est en parvenant à travers le débat à "se convaincre" ? Pour la secte, "être convaincu par une autre organisation" ce n'est jamais parvenir à une nouvelle clarté. Pour "les programmistes" c'est être "fottuto" -foutu (d'après un article publié dans "Programma Comunista"). Pour le C.W.O. ou le G.C.I. (Groupe Communiste Internationaliste), c'est tomber sous l'impérialisme d'un autre groupe. Dans les deux cas, c'est le pire malheur qui leur puisse arriver ([5]). Cela peut et doit arriver aux autres, mais pas à eux.
C'est ça l'esprit de secte.
Il est certain que le débat est difficile. Il est très possible, comme nous l'avons déjà dit, que les révolutionnaires ne parviennent pas à trancher ces débats en l'absence de grands mouvements des masses ouvrières, mais :
1°) la difficulté de la tâche n'est pas un argument en soi ;
2°) depuis 1968, une nouvelle pratique de classe a repris dans le monde entier : des U.S.A. à la Corée, de Gdansk et Togliattigrad à Sao Paolo, créant les bases d'une nouvelle réflexion et mettant les minorités révolutionnaires devant leurs responsabilités.
Il n'est de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Souhaitons que les révolutionnaires n’attendent pas trop longtemps encore pour entendre la puissance des grondements des bouleversements historiques qui se préparent.
CE QUE DEVRONT ETRE LES PROCHAINES CONFERENCES
Un pôle de référence
Les années 80 connaîtront un développement sans précédents de la lutte des classes sous la pression de la crise économique. L'évidence de la faillite du capitalisme, de l'impasse meurtrière dans laquelle il conduit l'humanité si celle-ci ne réagit pas, fait et fera apparaître le projet révolutionnaire prolétarien de moins en moins comme un rêve utopique et chimérique et de plus en plus comme la seule façon de répondre à l'holocauste planétaire que développe la survie du système d'exploitation.
Le développement des luttes prolétariennes s'accompagne et s'accompagnera de plus en plus du surgissement de nouveaux éléments, cercles, organisations révolutionnaires.
Ces nouvelles forces, en cherchant à devenir des facteurs actifs et efficaces dans la lutte internationale du prolétariat, sont et seront rapidement confrontées à la nécessité de se réapproprier les leçons de l'expérience des luttes passées du prolétariat mondial. Tant bien que mal, ce sont les groupes révolutionnaires dont l'existence a précédé le surgissement de ces forces qui ont cherché à définir ces leçons et à reprendre les enseignements du mouvement ouvrier international du passé. Aussi, est-ce inévitablement vers ces organisations que tôt ou tard tendront à se tourner les nouveaux éléments surgis du mouvement, pour tenter de s'armer des acquis fondamentaux du passé. Une des fonctions les plus importantes des Conférences Internationales est celle de permettre à ces nouvelles forces DE TROUVER UN CADRE OU CETTE TACHE PUISSE COMMENCER A ETRE REALISEE DANS LES MEILLEURES CONDITIONS POSSIBLES. Ce cadre c'est celui de la confrontation OUVERTE, RESPONSABLE, et LIEE AUX LUTTES EN COURS entre organisations se situant sur un terrain révolutionnaire.
L'écho rencontré par les trois conférences des groupes de la gauche communiste, l'intérêt soulevé par cette expérience des Etats-Unis à l'Algérie, de l'Italie à la Colombie, démontre, par delà les énormes insuffisances des Conférences elles-mêmes, que ce type de travail REPOND A UNE NECESSITE REELLE dans le mouvement révolutionnaire.
C'est pourquoi la poursuite de ce type de travail constitue aujourd'hui une des responsabilités de premier ordre dans l'intervention des groupes révolutionnaires.
DES CRITERES DE PARTICIPATION SERIEUX
Pour pouvoir remplir cette fonction, les conférences doivent posséder des critères de participation précis, qui permettent le mieux possible de délimiter un terrain de classe. Ces critères ne peuvent pas être le résultat de "coups de tête" de quelques organisations. Contrairement à l'idée initiale du P.C.Int., qui, lors de la préparation de la 1ère Conférence refusait l'établissement de critères de participation, le C.C.I. a toujours défendu
1) la nécessité de ces critères,
2) le fait que ceux-ci doivent reprendre d'une part les principaux acquis de la dernière grande organisation internationale du prolétariat, expression de la dernière vague de lutte révolutionnaire prolétarienne internationale (1917-23) : les deux premiers Congrès de la IIIe Internationale. D'autre part, les principaux enseignements de l'expérience de la 2ème guerre mondiale : nature capitaliste de l'URSS et de tous les Etats soi-disant 'socialistes" ou "en voie de le devenir" ainsi que de toutes les organisations qui, des P.C. aux P.S. en passant par les trotskystes, les "défendent".
Les critères de participation définis par les trois Conférences, constituent en ce sens -avec quelque reformulation mineure telle le remplacement du terme "science du prolétariat" en parlant du marxisme, par celui de "théorie du prolétariat"- une base solide ([6]).
Depuis la IIIe Internationale, les importants débats qui avaient commencé à se dérouler en son sein, en particulier entre les bolcheviks et les "gauches" d'Europe occidentale ont été éclairés par plus de soixante ans d'expérience critique.
Des questions telles que celle du Parti révolutionnaire et de son rôle, la nature des syndicats dans le capitalisme après la 1ère guerre mondiale, la nature des "luttes de libération nationale", les questions du "parlementarisme révolutionnaire" et des tactiques de "fronts uniques", etc. n'ont pas perdu de leur importance depuis lors, au contraire. Ce n'est pas par hasard si ce sont elles qui divisent encore aujourd'hui les groupes révolutionnaires.
Mais leur importance, leur gravité, loin de constituer une entrave à la confrontation organisée entre révolutionnaires, comme le prétendent le CWO et le P.C.Int -devenu soudain un féroce partisan de "nouveaux critères de sélection"- ne rend que plus urgente et inévitable cette confrontation. En ce sens, fermer les conférences en fonction de ces questions, constituerait, dans l'état actuel du mouvement, une condamnation à l'impuissance. Cela transformerait très vite ces conférences en "de nouvelles chapelles".
Les Conférences ne sont pas le regroupement lui-même. Elles sont un cadre, un instrument dans le processus plus global et général du regroupement des révolutionnaires. C'est en les considérant comme telles qu’elles pourront remplir leur fonction et non en cherchant précipitamment à les transformer en une nouvelle organisation politique définie ([7]).
Cependant, l'expérience a démontré, surtout lors de la IIIe Conférence, que les critères politiques généraux de principe, ne suffisent pas à eux seuls.
Les prochaines conférences devront exiger de leurs participants une conviction réelle de l'utilité et du sérieux avec lequel doivent être menées ces conférences. Des groupes qui, tels le G.C.I. (Groupe Communiste Internationaliste) n'assistent (à la IIIe Conférence) que pour "dénoncer" les conférences et faire de la "pêche à la ligne" n'y ont pas leur place.
La première condition évidente pour l'efficacité d'un travail collectif c'est que ceux qui le réalisent soient convaincus de son utilité. Cela devrait aller de soi, mais lors des prochaines conférences, il faudra en tenir compte explicitement.
Se taire, c'est pour des révolutionnaires, nier leur existence. Les communistes n'ont rien à cacher à leur classe. Face à elle, dont ils se veulent l'avant-garde, ils assument de façon responsable leurs actes et leurs convictions.
Pour cela, les prochaines conférences devront rompre avec les habitudes "silencieuses" des trois conférences précédentes.
Elles devront savoir affirmer et assumer CLAIRE1ENT, explicitement, dans des textes et des résolutions courtes et précises, et non dans les centaines de pages des procès-verbaux, les résultats de leurs travaux, qu'il s'agisse de l'éclaircissement des DIVERGENCES et de ce sur quoi elles portent, ou qu'il s'agisse des positions COMMUNES partagées par l'ensemble des groupes.
L'incapacité des conférences passées à mettre noir sur blanc le contenu réel des divergences a été une manifestation de leur faiblesse.
Le silence jaloux de la Ille Conférence sur la question de la guerre est une honte.
Les prochaines conférences devront savoir assumer leurs responsabilités, si elles veulent être viables.
CONCLUSION
Le regroupement des révolutionnaires est une nécessité et une possibilité qui va de pair avec le mouvement vers l'unification de la classe ouvrière mondiale.
Ceux qui, à l'heure actuelle, prisonniers de l'esprit de secte imposé par des années de contre-révolution et d'atomisation du prolétariat, ignorent cette tâche des révolutionnaires, ceux dont le crédo révolutionnaire commence par "NOUS SOMMES LES SEULS !" seront impitoyablement jugés par l'histoire comme des sectes irresponsables et égocentriques.
Pour notre part, nous restons convaincus de la validité et de l'URGENCE du travail de regroupement des révolutionnaires, aussi long, pénible et difficile soit-il.
Et c'est en ce sens que nous continuerons d'agir.
R. Victo
r
[1] Organisations qui ont participé à la conférence : le "Partito Comunista Internazionalista" (P.C.Int. qui publie "Battaglia Comunista"), le"Courant Communiste International"(C.C.I.),"I Nuclei Leninisti"(fusion de l'ex-Nucleo Comunista Internazionalista et ex-Il Leninista), la "Communist Workers Organisation", le "Groupe Communiste Internationaliste", l'"Eveil Internationaliste". L'"Organisation Communiste Révolutionnaire Internationaliste d'Algérie" (OCRIA qui publie "Travailleurs Immigrés en Lutte") envoya des contributions écrites. Le groupe américain "Marxist Workers Group" s'y associa et devait envoyer un délégué qui fut empêché à la dernière minute.
[2] Lors de la 1ère conférence, le P.C.Int refusa même une déclaration tentant de résumer les divergences.
[3] Rien ne remplace le débat oral organisé et en prise avec les problèmes de la lutte de classe présente.
[4] Ce n'est pas par simple esprit de boutade que Marx disait que sa devise personnelle était :"Doute de tout". C'est quelqu'un qui n'a cessé toute sa vie de combattre l'esprit de secte dans le mouvement ouvrier
[5] Est-ce-que pour ces groupes, les fractions de gauche de la deuxième Internationale convaincues par les arguments de Rosa, de Lénine, de Pannekoek, de Trotsky, de mener la lutte la plus intransigeante contre la guerre et contre la social-démocratie pourrissante, étaient des "VICTIMES" ?
[6] Critères de participation aux conférences internationales définis lors de la 2ème Conférence :
- Reconnaissance de la Révolution d'Octobre comme révolution prolétarienne
- Reconnaissance de la rupture avec la social-démocratie effectuée par le 1er et le 2ème Congrès de l'Internationale Communiste
- Rejet sans réserve du capitalisme d'Etat et de l'autogestion
- Rejet de tous les partis communistes et socialistes en tant que partis bourgeois
- Orientation vers une organisation de révolutionnaires qui se réfère à la doctrine et à la méthodologie marxiste comme science du prolétariat
Reconnaissance du refus de l'encadrement du prolétariat derrière, et sous une forme quelconque, les bannières de la bourgeoisie
[7] Le déroulement des conférences, leur élargissement à d'autres groupes n'a pas empêché qu'entre temps des regroupements aient lieu parmi les participants. Ainsi, depuis les premières conférences, le "Nucleo Comunista Internazionalista" et "Il Leninista" se sont unifiés en une seule organisation. De même, l'essentiel des éléments qui constituaient le groupe "For Komunismen" de Suède, présent à la IIe Conférence, a constitué depuis le section en Suède du C.C.I.