La guerre impérialiste exprime la faillite du capitalisme

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Tout le 20e siècle a été marqué par des guerres incessantes, sur l'ensemble de la planète, dont deux guerres mondiales. Ce siècle a été un siècle de barbarie, comme aucun autre dans l'histoire de l'humanité. Nous entamons le troisième millénaire et cette barbarie non seulement continue mais prend des proportions de plus en plus destructrices. Des régions entières du globe sont entrées dans la guerre et n'en sortent plus. Des générations entières n'ont jamais connu que la guerre. Cette situation ne laisse pas la classe ouvrière indifférente. Des questionnements émergent, et ils sont légitimes. On doit en effet se poser certaines questions. Alors qu'en 1989 la bourgeoisie nous a promis l'avènement définitif de la paix, c'est le contraire qui s'est passé : il y a de plus en plus de guerres. Pourquoi ? Qu'est-ce qui motive cet investissement incroyable des Etats dans l'armement, qu'est-ce qui préside à tant de dépenses pour faire la guerre ? La bourgeoisie est-elle obligée de faire la guerre pour défendre ses intérêts ? Quel est le résultat de la guerre ? la guerre a-t-elle une rationalité du point de vue du capitalisme ? Que peut faire la classe ouvrière face à la guerre ? Faut-il parfois les soutenir, ou au contraire toutes les dénoncer ? Ces questions sont avant tout motivées par l'immense battage médiatique qui accompagne chaque campagne de guerre de la bourgeoisie : beaucoup d'explications se bousculent, beaucoup de bonnes volontés se font jour… mais malgré tout ça, la guerre continue, elle empire, elle tue et elle détruit.


La question de la guerre n'est pas une récente découverte pour le mouvement ouvrier. Déjà, vers la fin du 19e siècle, devant la concurrence de plus en plus aiguë entre grandes nations d'Europe, les révolutionnaires se posaient la question de la perspective de la guerre. Face à l'évolution qui se dessinait d'un capitalisme de plus en plus prisonnier de ses contradictions insurmontables, le mouvement ouvrier avec Engels à sa tête, avait clairement annoncé que la perspective serait, désormais, "Socialisme ou Barbarie". Pendant le congrès socialiste de Paris, au début du 20e siècle, Rosa Luxembourg avait fait une intervention d'une grande clairvoyance dans laquelle elle avait prévu comme possibilité que la première grande manifestation de la faillite du capitalisme pourrait être non pas la crise économique aiguë mais d'abord l'explosion de la guerre impérialiste. Et c'est ce qui s'est produit. La bourgeoisie ne manque pas de ressources pour expliquer pourquoi elle envoie des pluies de bombes sur des populations, pourquoi elle consacre des parts toujours plus importantes de ses budgets pour inventer et fabriquer des armes toujours plus destructrices.
La nature et la cause de la guerre

A quelques nuances près, on peut assez facilement faire un inventaire exhaustif de ces explications : le pétrole, bien sûr, et plus largement les matières premières ; mais aussi la religion, la défense de la démocratie, la maîtrise de fous dangereux, la lutte contre le terrorisme, le respect du droit international, celui des droits de l'homme, la poursuite d'un but humanitaire, ou tout simplement, quand tout a été passé en revue, la nature humaine, qui veut que, comme disait Victor Hugo, "Depuis six mille ans, la guerre plaît aux peuples querelleurs. Et Dieu perd son temps à faire les étoiles et les fleurs ".
La poésie a son charme, mais plus encore que la philosophie, elle échoue à transformer le monde. La guerre est-elle inhérente à la nature humaine ? L'homme aime-t-il tant se battre ? L'humanité est-elle condamnée à engendrer des esprits malades dont la folie incontrôlable finira toujours par mettre le feu aux poudres, et ne pourra être contenue que par les armes ? En tant que marxistes, nous rejetons fermement cette explication.
Il est vrai de dire que la guerre fait partie de l'histoire des civilisations, mais ce n'est pas une raison qui ferait que la guerre devrait être un phénomène éternel. La guerre fait partie de l'histoire des civilisations parce que depuis qu'elle est sortie du communisme primitif, l'humanité n'a connu que des sociétés divisées en classes, c'est-à-dire des sociétés de pénurie et de concurrence, y compris bien sûr dans le capitalisme.
Dès sa naissance le capitalisme a connu la guerre : guerres d'unification allemande en 1866 et germano-française en 1871, guerre d'unification aux Etats-Unis entre 1861 et 1865, et également les guerres coloniales.
Mais cette situation a pris un tournant qualitatif avec l'entrée dans le 20e siècle. Le 20e siècle a connu deux guerres mondiales, qui ont eu leur théâtre au cœur même des grandes nations capitalistes. Elles ont vu des millions de prolétaires s'entretuer sous l'uniforme et surtout elles ont vu des destructions comme jamais on ne l'avait vu dans toute l'histoire de l'humanité : morts de millions de civils sous les bombardements conventionnels ou nucléaires, déportations et génocides de populations, destruction de pans entiers d'infrastructures économiques. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la guerre n'a pas cessé une seule seconde sur la planète. Elle a touché tous les continents, semant la mort et la destruction.
Il nous faut donc constater que la guerre menace de plus en plus l'humanité. Si la guerre au 20e siècle prend une telle ampleur, c'est que le capitalisme est arrivé à un stade ultime de son évolution. Les guerres du siècle précédent jalonnaient un capitalisme en pleine expansion. Elles permettaient la poursuite du développement du capitalisme dans le cadre de structures nationales plus solides, comme la guerre de sécession aux Etats-Unis ou encore permettaient la conquête de nouveaux marchés, comme dans le cas des guerres coloniales.
La Première Guerre mondiale, qui a marqué les prolétaires par sa barbarie et par son horreur, manifeste une rupture avec les guerres du siècle précédent. Désormais, l'objectif n'est plus de permettre au capitalisme de poursuivre son développement mais de voler les marchés des nations concurrentes, de les affaiblir et de s'emparer de positions stratégiques qui permettent d'imposer sa force face à elles. Cela sanctionne l'entrée du capitalisme dans sa période de décadence. Le capitalisme ne trouvant plus de nouveaux marchés à conquérir, alors qu'il est capable de produire beaucoup plus que les marchés solvables ne sont capables d'acheter, un cycle d'autodestruction commence.
Du point de vue capitaliste, la décadence se traduit dans une fuite éperdue dans la guerre. Comme disait Hitler : "Exporter ou mourir" ! Pour ces guerres, des ressources gigantesques deviennent nécessaires. Avec la décadence du capitalisme tout le potentiel économique est tendu vers la guerre, les budgets militaires, les productions de guerres deviennent gigantesques. Tout progrès technique, toute recherche scientifique, toute découverte est sous-tendu par un but guerrier.
Il y a donc une profonde différence entre les guerres de la période d'ascendance et celles de la période de décadence du capitalisme. Une différence pas seulement quantitative, mais aussi qualitative. Cela montre que le concept de décadence est incontournable si nous voulons comprendre la nature de la guerre dans le capitalisme, et surtout, nous devons comprendre que les guerres dans la période de décadence sont fondamentalement irrationnelles du propre point de vue capitaliste.

L'irrationalité des guerres

Quand nous parlons d'irrationalité, nous ne posons pas la question d'un point de vue moral, mais bien en tant que marxistes, d'un point de vue matérialiste et objectif. Avec la décadence du capitalisme les marxistes ont caractérisé les guerres du capitalisme comme des guerres impérialistes. Tous les pays sont impérialistes des plus grands au plus petits, tous ont un budget militaire et une armée, avec l'aide d'un plus grand ou non. Mais tous rêvent de conquérir ou de détruire leur voisin, ou d'avoir une influence particulière dans une région, sur un continent ou sur le monde.
Tout au long de la décadence les guerres du capitalisme ont évolué. La crise économique est permanente et irréversible. La bourgeoisie est parfaitement incapable de résoudre cette crise car elle ne dépend pas d'une bonne ou mauvaise gestion mais est l'expression, prévue par le marxisme, des contradictions internes du capitalisme qui se sont concrétisées au début du 20e siècle pour s'aggraver continuellement jusqu'à aujourd'hui.
Au moment de la Première Guerre mondiale, la bourgeoisie avait l'espoir que le camp qui sortirait vainqueur de la guerre pourrait imposer au vaincu un repartage du monde à son profit et récupérer ainsi les marchés du vaincu. Mais cette Première Guerre mondiale, déjà, avait démontré l'inanité, même pour les vainqueurs, des espoirs économiques. Toutes les nations (sauf les Etats-Unis pour des raisons particulières) en sont sorties économiquement affaiblies, y compris dans le camp des vainqueurs. Ce fut flagrant pour l'Angleterre notamment qui commença alors sa chute en tant que grande puissance. Le développement de la guerre s'est manifesté depuis, pour ce qu'il est : un pur produit logique et inéluctable de la crise historique du capitalisme, poussant chaque nation, à commencer par les plus grandes, à affronter leurs concurrentes dans une fuite éperdue pour survivre. La logique économique a de plus en plus laissé la place à la simple recherche de positions stratégiques pour pouvoir faire la guerre. La logique est la guerre pour la guerre. Un des exemples les plus saisissants de cette folie est illustrée par l'URSS qui s'est épuisée dans la course aux armements avec les Etats-Unis, au point de voir son économie s'effondrer comme un château de carte à la fin des années 1980. Encore une fois, c'est en comprenant l'évolution du capitalisme et son entrée en décadence, que l'on peut comprendre la nature irrationnelle de la guerre aujourd'hui. Et ce n'est pas une surprise que des groupes internationalistes, capables de dénoncer la guerre d'un point de vue prolétarien, soient en revanche incapables de voir l'irrationalité des guerres. En effet, ces groupes, en particulier le BIPR et les différents groupes bordiguistes, soit rejettent totalement le concept de décadence (les bordiguistes), soit le remettent de plus en plus en cause (le BIPR). Et de ce fait, si ces camarades parviennent parfaitement à prendre fait et cause pour l'internationalisme, par contre, ils n'arrivent pas à se défaire des explications rationnelles de la guerre, puisqu'ils n'arrivent pas à comprendre la différence qu'il existe entre les guerres de la décadence et celles de l'ascendance. Au point de voir la défense d'intérêts pétroliers dans le bourbier ex-yougoslave, en Irak ou en Afghanistan. La réalité est pourtant bien là. Pour l'Irak par exemple, qui peut soutenir aujourd'hui que l'intervention américaine a pour motivation principale la production de pétrole pour enrichir les grandes compagnies américaines ? Cela fait plus de huit mois que l'armée américaine est en Irak et pas une seule goutte de pétrole n'a été exportée.
Les mêmes constats s'imposent pour l'ex-Yougoslavie, pour l'Afghanistan etc. Là-bas ne règne plus que le chaos et l'insécurité, tout ce que le capitalisme craint le plus pour développer ses affaires. En déchaînant la guerre, le capitalisme détruit toujours plus le terrain sur lequel il peut évoluer : cette spirale est celle d'une faillite, et cette faillite place sur le devant de l'histoire la nécessaire destruction de ce système.

Que peut faire la classe ouvrière ?

Sur le chemin de sa lutte historique, la classe ouvrière rencontre la guerre impérialiste et est amenée à se questionner et à se soulever. Depuis sa naissance, la classe ouvrière se distingue des autres classes par son internationalisme. Le prolétariat n'a pas de patrie. L'internationalisme est la frontière fondamentale entre les classes.
Quand nous disons que tous les pays sont impérialistes, cela veut dire que les prolétaires n'ont rien à gagner et tout à perdre à défendre "leur" pays sous prétexte qu'il serait sous la domination d'un autre. Cette idéologie d'une nation faible agressée par un impérialisme, la bourgeoise l'a largement répandue tout au long des guerres qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, comme au Vietnam, ou aujourd'hui au sujet de la Palestine.
Face à ces mensonges les révolutionnaires s'en sont toujours tenus à un principe essentiel du mouvement ouvrier : l'internationalisme prolétarien. Une des grandes leçons des révolutionnaires défendant l'internationalisme prolétarien c'est que l'ennemi, c'est la bourgeoisie, de "son propre" pays ou d'ailleurs.
Que peut faire la classe ouvrière aujourd'hui pour défendre l'internationalisme ? Aujourd'hui la bourgeoisie ne mobilise plus massivement de troupes parmi les ouvriers : la guerre devient professionnelle, même si la pression du chômage fait endosser l'uniforme à bien des ouvriers désespérés. Aujourd'hui, la guerre se déclare sous des motifs plus sournois : combattre le terrorisme, détrôner des dictateurs sanguinaires, sauver la vie de milliers d'affamés. Mais au bout du compte, la guerre est la même, elle défend toujours les intérêts de la classe dominante. Le terrorisme reste dans sa grande majorité l'arme des Etats; ceux-là même qui prétendent le combattre ici, l'utilisent ailleurs. Les dictateurs sanguinaires sont de la même façon déchus ici et sacrés et protégés ailleurs. Enfin, les populations affamées continuent de mourir de faim, car sinon elles ne légitimeraient plus la présence des troupes.
Toutes les nations sont impérialistes, toutes les guerres doivent être dénoncées. Mais la dénonciation ne suffit pas, encore faut-il savoir sur quelle base on la fonde. Car la bourgeoisie sait très bien aussi dénoncer les guerres, en utilisant une arme dangereuse : le pacifisme. Le pacifisme n'est pas seulement le porteur d'une utopie d'un monde capitaliste sans guerre, il est aussi le moyen d'enrôler les ouvriers dans l'opposition à telle ou telle guerre. Chaque fois, le pacifisme s'exprime derrière les intérêts d'une bourgeoisie. Le pacifisme, c'est finalement le pendant du nationalisme. C'est-à-dire le pire poison qui puisse exister contre le prolétariat. Ce n'est pas un hasard si l'altermondialisme, la réponse adaptée de la bourgeoisie à la montée des questionnements dans la classe ouvrière, s'est à ce point investi dans ce créneau, en le spécialisant dans le chauvinisme anti-américain dont il s'est fait le plus grand porteur.
La classe ouvrière doit donc dénoncer non pas telle ou telle guerre, mais la guerre impérialiste, mode de vie du capitalisme décadent. Elle doit dénoncer la guerre comme étant l'expression de la faillite du capitalisme. Quelles que soient les formes spécifiques que peut prendre la guerre aujourd'hui, le prolétariat, et particulièrement celui des pays centraux, plus expérimenté, garde intact son rôle. C'est par sa lutte contre ce système et son déchaînement de misère et de barbarie, que le prolétariat pourra élever sa conscience jusqu'à remettre à l'ordre du jour de l'histoire l'alternative cruciale : "Socialisme ou barbarie".

G.

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