Le capitalisme déchaîne les attaques contre les travailleurs!

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Les institutions économiques les plus respectées de la bourgeoisie se targuent d’un bilan plutôt positif de l’état actuel de l’économie mondiale, qui « a fait preuve d’une remarquable résilience face à la pandémie, à la guerre en Ukraine et à une poussée d’inflation ». 1 Le FMI, la Banque mondiale et d’autres institutions prévoient pour 2025 un peu plus de croissance qu’en 2024, malgré leurs inquiétudes quant aux grandes incertitudes et aux risques considérables, dus notamment à l’augmentation des tensions géopolitiques. Mais la réalité est tout autre : le système capitaliste poursuit bel et bien sa trajectoire dans les abîmes d’une crise économique chronique, plongeant davantage le monde dans la misère et le marasme.

La dégradation sans précédent de l’économie mondiale

En 2024, l’économie mondiale ne s’est pas remise de la pandémie de Covid-19 et de ses rigoureux confinements, ce qui se traduit par une économie mondiale plus affaiblie que jamais. Comment pourrait-il en être autrement ? Avant l’apparition de Covid-19, le capitalisme était déjà confronté à une grande fragilité du système monétaire et financier ainsi qu’à un endettement massif des États nationaux, ce qui laissait présager l’ouverture d’une période de graves convulsions. 2 La pandémie qui s’est développée en 2020 n’a fait qu’accentuer ces tendances, notamment en désorganisant davantage les chaînes de production et du commerce mondial.

Au cours des 25 dernières années, l’économie mondiale a été principalement maintenue à flot grâce à l’administration d’une dose massive de crédit entraînant une envolée de la dette publique. « La dette publique mondiale a plus que quintuplé depuis l’an 2000, dépassant nettement le PIB mondial, qui a triplé au cours de la même période ». 3 L’ONU parle d’une augmentation alarmante de la dette publique mondiale qui atteindra le chiffre record de 97 000 milliards de dollars en 2023, tandis que la dette mondiale totale (une dette totale qui comprend également celle des entreprises et des ménages) atteindra le chiffre délirant de 300 000 milliards de dollars, pour un PIB mondial de seulement 105 000 milliards de dollars.

Ces dernières années, l’économie mondiale a été touchée par l’éruption de guerres extrêmement violentes au Moyen-Orient et en Ukraine. Cette dernière a provoqué une flambée de l’inflation dans les deux pays belligérants, avec un phénomène de contagion dans plusieurs pays voisins, tels les pays baltes où l’inflation a dépassé les 20 % en 2022. Les sanctions contre la Russie ont eu un impact négatif à la fois sur l’économie russe et sur celles des pays situés à proximité de la zone de guerre. L’impact le plus notable est celui sur l’économie allemande, qui a rompu ses relations commerciales avec la Russie et perdu l’approvisionnement en gaz bon marché.

Les années 2020-2024 ont été la plus faible demi-décennie de croissance du PIB depuis trente ans. Cette situation déplorable laisse entrevoir la possibilité réelle que des économies importantes comme les États-Unis, l’Europe et la Chine soient touchées par la stagflation.

Les principales économies gravement touchées par la crise

L’économie européenne, déjà fragile, est mise à rude épreuve par des prix de l’énergie relativement élevés et des dettes nationales colossales. L’économie allemande est au bord de la récession. Son secteur manufacturier (automobile et chimie), autrefois réputé, est affecté par les coûts élevés de l’énergie et une concurrence internationale féroce. Elle subit une baisse importante de la demande extérieure. En 2024, la production industrielle était inférieure de 15 % au pic de 2016 et des dizaines de milliers de travailleurs sont sur le point d’être licenciés. La France a perdu le contrôle de ses finances publiques avec des niveaux d’endettement dépassant largement les 100 % du PIB, un problème auquel sont également confrontés la Grèce, l’Italie, le Portugal, l’Espagne et la Belgique. L’une des principales économies européennes est donc sur une trajectoire économique insoutenable. Le secteur manufacturier français est également en crise, et aucun signe de reprise ne se profile à l’horizon. L’escalade des tensions impérialistes et le développement du chaos, la fragmentation du commerce mondial, la hausse de l’inflation et des coûts de l’énergie convergent donc vers un approfondissement sans précédent de la crise de l’économie européenne.

En Chine, l’impact des sanctions américaines et les mesures de confinement lors du Covid-19 avaient déjà fortement affaibli l’économie. Mais l’éclatement de la bulle immobilière a encore aggravé la crise, la valeur totale des logements inachevés et invendus s’élevant à environ 4,1 billions de dollars. Aujourd’hui, la bulle a également entraîné la faillite de quarante petites banques. Enfin, elle a anéanti environ 18 000 milliards de dollars d’épargne des ménages, ce qui affecte gravement la confiance des consommateurs et freine leurs dépenses. Conjuguée à une baisse continue des recettes d’exportation, cette situation entraîne un ralentissement sans précédent depuis des décennies. Aujourd’hui, l’économie chinoise ne sera certainement pas en mesure de fonctionner comme le moteur de l’économie mondiale, comme elle l’a fait après la crise financière de 2008.

Trump a annoncé une politique protectionniste agressive, avec l’intention d’imposer des barrages douaniers à tous ses concurrents, y compris ses « partenaires ». Cette politique provoquera une guerre commerciale acharnée, les autres pays fixant leurs propres tarifs. Elle risque fort d’alimenter l’inflation et de ralentir encore plus la croissance mondiale, en particulier celle en Chine, et probablement aussi en Europe. Les droits de douane annoncés constituent une nouvelle étape d’une politique qui jette l’économie mondiale dans la tourmente, exacerbe sa fragmentation et laisse présager un nouveau démantèlement de la mondialisation. Leur mise en œuvre donnera une impulsion considérable à la crise mondiale qui n’épargnera aucune puissance, pas même les États-Unis.

La guerre est le mode de vie du capitalisme dans sa phase de décadence, l’économie suit donc naturellement la voie du militarisme qui domine la plupart des économies nationales. Avec la prolifération des conflits armés dans le monde, cette tendance s’accentue considérablement. Par exemple, les dépenses militaires mondiales ont augmenté pour la neuvième année consécutive en 2023, atteignant un total de 2 443 milliards de dollars, le niveau le plus élevé jamais enregistré. L’Allemagne a doublé son budget militaire, tandis que le budget des États-Unis atteint près de 1 000 milliards de dollars. Les dépenses improductives constituent une perte nette pour l’économie nationale et pourraient même conduire à sa faillite.

La décomposition aggrave la crise économique

L’état de décomposition de la société capitaliste est tel qu’au-delà de sa superstructure idéologique, ses propres fondements économiques sont eux-mêmes affectés par ses effets destructeurs. L’accumulation de l’effet combiné de ces facteurs (crise, guerre, réchauffement climatique, chacun pour soi) produit « une spirale dévastatrice aux conséquences incalculables pour le capitalisme, frappant et déstabilisant toujours plus gravement l’économie capitaliste et son infrastructure de production. Si chacun des facteurs qui alimentent cet effet “tourbillon” de décomposition risque d’entraîner l’effondrement des États, leurs effets combinés dépassent de loin la simple somme de chacun d’entre eux pris isolément ». 4

Ainsi, les deux guerres, en Ukraine et au Moyen-Orient, n’entraînent pas seulement une destruction catastrophique de l’infrastructure des pays concernés, mais aussi une fragmentation et une déstabilisation de pans entiers de l’économie mondiale. Par exemple, l’une des « nouvelles routes de la soie », liaisons terrestres et maritimes entre la Chine et l’Europe, qui passait par le territoire de la Russie et du Belarus, est complètement paralysée depuis le début de la guerre. Les vols en provenance d’Amérique du Nord et d’Europe ne peuvent plus survoler la Sibérie et ce détour entraîne une augmentation spectaculaire du coût des vols concernés. Différentes routes commerciales maritimes, comme le passage par la mer Rouge et la mer Noire, sont risquées pour le trafic maritime à cause des menaces liées aux guerres en cours. Ces sérieuses entraves au commerce mondial conduisent à l’augmentation des coûts du fret maritime, avec la menace d’une crise alimentaire dans certaines parties du monde.

Les chocs climatiques récurrents, aléatoires et potentiellement importants entraînent la destruction des infrastructures, la dégradation des sols, l’effondrement des écosystèmes et des populations humaines, tandis que la nature est de moins en moins capable de se remettre de ces événements catastrophiques, ce qui conduit à une perte permanente de la capacité de production. Entre 2014 et 2023, environ 4 000 événements liés au climat semblent avoir entraîné des pertes économiques estimées à 2 000 milliards de dollars. Et comme le capitalisme, en raison de la concurrence mondiale féroce, n’est pas en mesure de freiner le réchauffement climatique, ces pertes augmenteront à un rythme accéléré.

Sous l’influence croissante du populisme, les mesures de la bourgeoisie deviennent de plus en plus irrationnelles et parfois même au détriment des intérêts économiques nationaux. Prenons par exemple le sabotage lors de la première présidence de Trump des travaux de l’OMC, une institution destinée à maintenir un minimum de stabilité dans l’économie mondiale, laissant libre cours au développement international du chacun pour soi. De même, la décision de la bourgeoisie britannique de se retirer de l’UE a créé des obstacles majeurs au commerce avec le continent, avec un impact négatif important sur son économie. Enfin, la gestion totalement irrationnelle de la crise du Covid-19 par Bolsonaro et Modi a entraîné beaucoup plus de pertes humaines que la moyenne générale, accroissant la crise économique.

Le capitalisme fait payer la crise à la classe ouvrière

Ces dernières années, la crise a déjà entraîné une paupérisation significative dans les régions économiques les plus importantes du monde capitaliste. Selon Eurostat, en 2023, 16,2 % des citoyens européens étaient menacés de pauvreté, ce qui signifie qu’environ 71,7 millions de personnes souffrent de privations matérielles et sociales et n’ont pas de revenus suffisants pour mener une vie décente. Les États-Unis ont l’un des taux de pauvreté les plus élevés du monde occidental. Selon le Brookings Institute, 43 % des familles américaines ne parviennent pas à satisfaire leurs besoins fondamentaux.

En Chine, il n’y a officiellement pas de pauvreté. Mais en 2020, 600 millions de Chinois subsistaient encore avec l’équivalent de 137 dollars par mois, peinant à subvenir à leurs besoins.

Avec la détérioration de la situation économique, cette tendance se poursuivra dans les années à venir, comme en témoignent déjà la série de licenciements annoncée. 384 entreprises technologiques américaines, par exemple, ont déjà licencié plus de 150 000 travailleurs en 2024, s’ajoutant aux 428 449 travailleurs de ce même secteur qui ont perdu leur emploi au cours des deux années précédentes. En Europe, des licenciements massifs sont annoncés chez Bosch (5 000 emplois), Volkswagen (35 000 emplois), Schaeffler AG (4 700 emplois), Ford (4 000 emplois), Airbus (2 043 emplois) et Air France KLM (1 500 emplois)… Les plus grandes entreprises privées chinoises ont supprimé 300 000 emplois. Le taux de chômage des jeunes en Chine a atteint 20 %. Ces chiffres illustrent la façon dont le ralentissement de l’économie chinoise se répercute sur la main-d’œuvre. Les intentions stupéfiantes de Trump II porteront certainement un nouveau coup aux conditions de vie des travailleurs.

En réaction à l’aggravation de l’économie mondiale et à la détérioration de ses conditions d’existence, la classe ouvrière doit se préparer à la lutte, comme l’ont fait les ouvriers de différents pays depuis 2022, 5 lorsque ceux-ci ont fermement affirmé qu’ils n’accepteraient pas les attaques économiques sans se battre et se sont engagés dans la lutte avec plus d’assurance. Cela doit encourager tous les travailleurs à surmonter leurs hésitations, à suivre l’exemple de leurs frères de classe et à se joindre à leur lutte.

Dennis, 15 janvier 2025

 

 

1) « Exploiter le pouvoir de l’intégration : A Path to Prosperity in Central Asia », Rapport du FMI (2024).

5) « Pourquoi le CCI parle-t-il de “rupture” dans la dynamique de la lutte de classe ? », Révolution internationale n° 498.

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Crise économique