Soumis par Révolution Inte... le
« On doit tous se bouger » ! « Il va falloir transformer durablement nos habitudes et nos comportements », « résister », « accepter de payer le prix de notre liberté et de nos valeurs », accepter « la fin de l’abondance ». Voilà ce que clame Macron depuis près de deux mois pour justifier d’éventuelles pénuries causées par « l’absence de gaz russe ». Mais rassurons-nous, pour « résister », le gouvernement a tout prévu : il suffit de baisser le chauffage, de couper la wifi, d’éteindre les lumières quand on est absent (d’après le sage conseil d’Olivier Veran, porte-parole du gouvernement…), de porter des pulls à col roulé (selon Bruno Le Maire, le ministre de l’économie et des finances) ou encore de mettre un couvercle pour faire bouillir plus vite l’eau des pâtes… Et pour mieux nous montrer la voie, le château de Versailles, la pyramide du Louvre et la tour Eiffel s’éteindront plus tôt le soir. Ouf, nous voilà sauvés !
On croirait le début d’un sketch humoristique, mais non : il s’agit bien du discours proféré sur toutes les chaînes de télévision et de radio par les principaux représentants de l’État. La société s’auto-détruit, les catastrophes écologiques s’enchaînent, le chaos guerrier s’amplifie, la pauvreté ne cesse d’augmenter, les prix de s’envoler… mais en participant activement au plan de sobriété énergétique de l’État, en faisant chacun de « petits efforts » tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes.
La mystification de l’État « providentiel »
La réalité de toute cette propagande ridicule, c’est une attaque idéologique bien plus sournoise, menée aussi bien par le gouvernement que par tous les partis bourgeois de gauche et écologistes. L’État profite, en effet, de l’atomisation des prolétaires pour développer tout un catéchisme citoyen afin d’accompagner idéologiquement et faire accepter les effets de la crise économique, préparer les esprits à des attaques à venir encore plus brutales, comme la loi sur l’assurance chômage ou celle sur les retraites qui ne visent ni plus ni moins qu’à diminuer le montant des pensions et augmenter le temps de travail. Dans un contexte où la colère reste toujours forte, où la lutte du prolétariat au Royaume-Uni peut trouver des résonances dans d’autres pays comme en France, la bourgeoisie reste sur ses gardes. Par exemple, à travers le fameux « bouclier énergétique » permettant de plafonner le prix de l’énergie, l’État français se présente comme le bon samaritain soucieux du sort des plus démunis au nom de la « solidarité nationale » face à la guerre et d’une prétendue préservation de l’environnement ! Il faut « être au rendez-vous de la solidarité et de la sobriété », martèle le président. Le discours est d’autant plus efficace qu’il joue sur les craintes légitimes : celle de la pénurie, de l’accélération de la crise écologique, des coupures d’électricité, de la crise économique et de la guerre. Au fond, il s’agit d’inculquer aux ouvriers qu’ils doivent soutenir l’État démocratique dans sa prétendue quête de justice, de paix et de préservation de l’environnement, y compris au travers de sacrifices pour la guerre et l’économie de guerre. Cela a d’ailleurs toujours été la logique de la bourgeoisie. Churchill en 1940 n’avait rien d’autre à offrir à la classe ouvrière britannique que « du sang, du labeur, des larmes et de la sueur ». Macron, lui, n’a à offrir que la « fin de l’abondance » et des sacrifices afin de venir, prétendument, en aide « aux plus fragiles » dont le nombre ne cesse d’augmenter.
Ces flots de mensonges déversés par l’ensemble de la bourgeoisie (partis politiques, médias aux ordres, patronat, syndicats…) ne visent qu’à faire croire que l’État est l’instrument de « l’intérêt commun », un organisme au-dessus des classes et de leurs petits intérêts particuliers. Autrement dit, un « État providentiel » ! En réalité, cet organe apparu en relation avec le développement des sociétés de classes, est toujours au service de la classe dominante ! Comme l’affirmait Engels dans l’Anti-Dühring : « l’État moderne, quelle qu’en soit la forme, est une machine essentiellement capitaliste : l’État des capitalistes, le capitaliste collectif idéal. Plus il fait passer de forces productives dans sa propriété, et plus il devient capitaliste collectif en fait, plus il exploite de citoyens. Les ouvriers restent des salariés, des prolétaires. Le rapport capitaliste n’est pas supprimé, il est au contraire poussé à son comble ». C’est bien l’État capitaliste, qu’il soit patron ou non, qui a contribué à la dégradation de nos salaires et de nos conditions de vie, qui a renforcé l’exploitation des ouvriers depuis des décennies !
Culpabiliser les individus pour mieux dédouaner le capitalisme
De plus, par des slogans tels que « chacun a son rôle à jouer », « la solution est dans notre main », le gouvernement rend chaque ouvrier responsable de la « sur-consommation » énergétique et de la destruction de la planète. Il appelle à se sacrifier et faire de son mieux pour l’effort national en nourrissant un sentiment de culpabilité. La bourgeoisie ne se privera d’ailleurs pas d’expliquer, lorsque les attaques deviendront plus insupportables encore, que tout est de la faute des « égoïstes » qui n’ont pas « joué le jeu ». Alors qu’en réalité la prédation et l’accaparement frénétique des ressources sont essentiellement à mettre sur le compte d’un complexe industriel de l’industrie lourde au service de la machine de guerre, de l’agriculture intensive, du pillage des terres rares et des forêts, de l’anarchie de la production, etc., c’est-à-dire un système qui ne peut exister sans la recherche constante du profit et de l’accumulation.
La fameuse « sobriété » est, en effet, uniquement au service des besoins et des intérêts de la classe dominante, elle n’est rien d’autre que l’une des conséquences du développement de l’économie de guerre et prend la forme d’une véritable insulte pour tous les exploités connaissant les situations de précarité les plus extrêmes et vivant au quotidien, dans leur chair, la « sobriété » des conditions d’existence imposée par l’exploitation de la force de travail par le capitalisme à la surface du monde.
Car tandis que le budget de la Défense explose (en augmentation de 3 milliards d’euros par an entre 2022 et 2025) manifestant par là les velléités toujours plus guerrières de tous les États qui alimentent une concurrence sauvage, les ouvriers doivent se serrer encore plus la ceinture et en subir les conséquences : inflation galopante, pénuries à venir, système de soins à l’agonie, système éducatif à bout de souffle, précarisation des contrats de travail, réforme des retraites à venir, etc. Quelle indécence que d’exiger de « baisser la température dans les foyers » quand une partie toujours plus croissante de la population vie dans des logements mal isolés, quand le prix de l’énergie est tel que des millions de personnes peuvent déjà difficilement se chauffer, alors que des millions d’autres sombrent chaque jour un peu plus dans la « précarité énergétique » à mesure qu’augmentent les prix du gaz et de l’électricité !
Dans le capitalisme, ce système qui ne peut survivre qu’en détruisant la planète, il n’y a pas de solution : ni au réchauffement climatique, ni aux guerres, ni au chômage, ni à la précarité, ni à la misère. Seule la lutte du prolétariat mondial soutenue par tous les opprimés et exploités du monde peut ouvrir la voie à une alternative.
Jeanne, 9 octobre 2022