Soumis par Revue Internationale le
Le CCI analyse la crise sociale qui résulte de la pandémie de Covid-19 comme étant la plus importante de l'histoire mondiale depuis la Seconde Guerre mondiale. C'est la raison pour laquelle il incombait à notre organisation de se mobiliser afin d'en appréhender au mieux les aspects essentiels et, notamment, prendre en compte la formidable accélération de la décomposition de la société qui est en train de se produire. Ce fut fait à travers la réalisation, au mois de juillet 2020, de trois rapports mis en discussion dans tout le CCI et traitant respectivement de la pandémie en tant que phénomène de la décomposition du capitalisme, et des implication de celle-ci sur le cours de la crise économique et sur la lutte de classe[1].
Par décomposition de la société capitaliste, nous n'entendons pas seulement le fait que la période actuelle concentre des éléments de décomposition qui affectent profondément la société : dislocation du corps social, pourrissement de ses structures économiques, politiques et idéologiques, etc. Au-delà de l'aspect strictement quantitatif, le phénomène de décomposition sociale a atteint depuis longtemps déjà une telle profondeur et une telle extension qu'il a signé l'entrée du capitalisme décadent dans la phase ultime de son histoire, celle où la décomposition devient un facteur, sinon le facteur, décisif de l'évolution de la société, comme le mettent en évidence et l'expliquent nos Thèses sur la décomposition du capitalisme. L'effondrement du bloc de l'Est en 1989, lui-même produit de cette décomposition, en avait constitué un facteur considérable d'aggravation.
Aujourd'hui, l'onde choc mondiale de la crise Corona virus constitue à son tour une nouvelle étape de l'enfoncement du capitalisme dans sa phase de décomposition. C'est ce que met en évidence le rapport "La pandémie et la période de décomposition du capitalisme", dont nous voulons souligner les aspects suivants :
- la bourgeoise a montré son incapacité à faire face à l'irruption de la pandémie, notamment à ses dimensions sociales et sanitaires résultant de l'aggravation de la crise économique sans issue qui a débuté en 1967, avec son lot de mesures d'austérité affectant de plus en plus durement la société. Une illustration de cette impuissance de la bourgeoisie, et pas des moindres, est constituée par les 1,8 millions de personnes dans le monde à la fin 2020 qui sont mortes suite à leur infection par le virus ;
- la production et l'activité économique ont été lourdement affectées par les mesures de confinement et la mise au ralenti de l'économie, aggravant sévèrement la crise économique qui était déjà en développement ;
- c'est la destruction accélérée de l'environnement - résultant de la persistance de la crise capitaliste chronique de surproduction – qui est à l'origine en Chine de la pandémie, où se sont trouvé réunies des conditions "favorables" à propagation du virus : les déforestations, l'extension incontrôlée de l'habitat humain permettant la transmission de ce virus à l'homme ; l’existence de marchés où sont vendus de la viande et des animaux sans contrôle vétérinaire ;
- les différentes fractions nationales de la bourgeoise n'ont pas pu éviter de se laisser submerger par les rivalités entre États qui ont, de ce fait, affaibli considérablement leur capacité de réaction face à la pandémie, faisant de celle-ci un fiasco mondial ;
- l'ineptie de la réponse de la classe dominante à la crise sanitaire a révélé la tendance croissante à la perte de contrôle politique de la bourgeoisie et de son État sur la société au sein de chaque nation ;
- le déclin de la compétence politique et sociale de la classe dominante et de son État s'est accompagné, de façon frappante, d'une putréfaction idéologique : les dirigeants des nations capitalistes les plus puissantes débitant des mensonges ridicules et des absurdités superstitieuses pour justifier leur inaptitude, alors que l'on a vu l’essor de théories qui, pour certaines, allaient jusqu'à dénier l’existence du virus -9.
En complément de ce rapport nous publions un article mettant en évidence que, comme l'indique son titre, "Toutes les pandémies du passé étaient le produit de sociétés décadentes, celle de Covid-19 ne fait pas exception". La pandémie de COVID-19 est le résultat d’une incapacité croissante de la bourgeoisie à prendre en charge une question qu’elle avait elle-même érigée en principe lors de la création de l’OMS en 1947 : hisser toutes les populations au niveau de santé le plus élevé possible. La cause en est que, dans la phase ultime de sa décadence, celle de sa décomposition, le capitalisme est de plus en plus prisonnier d’une vision à court terme qui le conduit à perdre progressivement la maîtrise des outils de régulation qui, jusque-là, avaient permis de limiter les dégâts causés par la concurrence effrénée que tous les acteurs du monde capitaliste se mènent les uns envers les autres. Dans ce contexte, il est tout à fait envisageable qu'une série de pandémies ou d’autres catastrophes précipitent la chute du capitalisme. Mais si cela devait advenir sans que le prolétariat soit en mesure de réagir et d’imposer sa propre force, alors c’est l’humanité tout entière qui sera entraînée dans cette chute dans l'abîme.
Un second rapport, dédié aux implications de la pandémie sur le plan économique, est également publié. Il vise à répondre aux questions suivantes : Quelle est la portée historique de l'actuelle crise économique en développement, laquelle sera la plus grave de la période de décadence, y inclus la crise mondiale qui débuta 1929 ? Quelles sont les implications du fait que les effets de la décomposition de la société vont avoir un poids très important sur l’évolution de cette nouvelle phase de la crise économique ouverte ?
Un dernier rapport traite des implications de la pandémie sur la lutte de la classe ouvrière. À travers celui-ci, nous cherchons à cerner l'impact de la pandémie sur la conscience et la combativité de la classe ouvrière.
L’irruption de la pandémie et l’étape qu’elle représente dans l’enfoncement de la décomposition renforcent l'âpreté de la course de vitesse engagée entre, d'une part, le développement de la lutte de classe et la capacité de celle-ci de dégager la perspective révolutionnaire du prolétariat et, d'autre part, cette nouvelle avancée de la décomposition qui sape toujours d'avantage les conditions historiques pour l'édification d'une société communiste.
La pandémie est intervenue dans un contexte où la lutte de classe en France et internationalement avait témoigné d'un changement d’état d’esprit au sein de la classe ouvrière marqué par la colère, le mécontentement, mais aussi une volonté de riposter aux attaques de la bourgeoisie et un début de réflexion au sein de prolétariat sur l’absence de perspective dans le capitalisme. Mais la pandémie est venue porter un coup d'arrêt à ce processus que venait d'amorcer la classe ouvrière. La violence des attaques (baisse drastique des salaires, hausse du chômage de masse, avec la décimation des secteurs industriels entiers et le chantage à l’emploi) va avoir pour conséquence probable de différer, dans un premier temps, la riposte de la classe ouvrière à cette situation. Néanmoins, lorsqu'elle se produira, celle-ci pourra alors bénéficier - au niveau de la conscience - de certaines conséquences de la crise sociale, vu que la bourgeoisie n'a pas pu empêcher que le capitalisme apparaisse, dans certaines parties de la classe ouvrière, comme étant responsable des effets de la pandémie :
- Des décennies d’attaques et de mesures d’austérité sont responsables du démantèlement du secteur hospitalier, contribuant ainsi à l’ampleur de la crise sanitaire ; c’est la première fois que des milliers d’employés du secteur médical meurent à cause d'une telle pandémie – en grande partie par manque de matériel de protection ;
- Les États démocratiques aussi bien que ceux états dirigés par des populistes ont tous fait preuve du même mépris de la vie humaine ;
- Les démocrates et les libéraux ont répandu les mêmes mensonges et fait preuve des mêmes incuries que les populistes ;
- En dépit des efforts pour masquer que la récession est le fruit de la crise historique de son système, la bourgeoisie n'est cependant pas parvenue à en gommer complètement l'origine, alors que celle-ci avait commencé à se manifester avant la pandémie.
Par contre, le développement de la lutte de classe trouve déjà et va trouver de plus en plus sur son chemin bon nombre d'obstacles résultant directement de la décomposition accélérée du système capitaliste, comme les révoltes populaires interclassistes sans perspectives, le développement de mouvements qui se situent directement sur le terrain de la défense de la démocratie en réaction aux expressions du racisme ou aux violences policières. En fait, toute dynamique sociale qui ne se situe pas sur un terrain de classe, aura nécessairement un impact négatif sur le développement de la lutte de classe.
C'est un véritable défi auquel les organisations révolutionnaires doivent faire face aujourd'hui, alors que la société est entrainée dans une dynamique de dislocation de tout le corps social. Cela signifie pour la classe ouvrière, très affaiblie au plan de sa conscience mais n'ayant pas subi de défaite décisive, qu'elle va devoir livrer le combat pour le renversement du capitalisme dans des conditions très difficiles et inédites. Dans celui-ci elle doit pouvoir compter sur la capacité des minorités révolutionnaires en son sein pour éclairer les conditions et les moyens de ce combat. Ce qui suppose que les révolutionnaires soient à même de prendre en charge l'indispensable effort théorique afin d'actualiser leurs analyses politiques et de les confronter à la réalité.
Le 24 12 2020
[1] Depuis que ces rapports ont été rédigés, la possibilité d'une seconde vague de la pandémie que certains envisageaient est devenue une réalité, en particulier dans les pays centraux du capitalisme.