Sommes-nous à la veille d’une nouvelle guerre mondiale ? Et si ce n’est pas le cas, quel type de menace représentent les guerres au Moyen Orient ?

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Fin octobre 2015, le CCI en Belgique/Hollande organisa une réunion publique à Anvers sur le thème de la crise des réfugiés intitulée: “la crise des réfugiés montre la faillite du capitalisme”.

Le CCI attache une grande importance aux réunions publiques qui sont des lieux de débat, de confrontation politique ouverte et directe de différents points de vues qui ouvrent la voie vers la réflexion et la clarification sur des sujets brûlants touchant la classe ouvrière et sa perspective pour l’humanité. C’est une de ses diverses activités menées pour remplir sa tâche comme organisation politique de la classe ouvrière: pousser l’approfondissement et la clarification des positions politiques du mouvement ouvrier, situer les nouveaux événements dans une période donnée de l’évolution du capitalisme aujourd’hui dans sa phase finale de décomposition, développer des pistes de réflexion, des nouvelles orientations pour armer et renforcer la lutte du prolétariat vers sa perspective finale: la lutte pour la révolution communiste.

Nous tenons à remercier tous les camarades présents à cette rencontre pour leurs contributions écrites et orales. Avec le texte d’invitation à la RP ainsi que le texte introductif à la discussion (qui se trouvent sur le site-web), elles ont permis une discussion démarrant d’emblée sur des questionnements de fond.

Un thème a particulièrement focalisé l’attention: “allons-nous aujourd’hui vers une troisième guerre mondiale?”, questionnement qui mérite certainement une poursuite de la réflexion entamée à la RP, réflexion à laquelle nous voulons contribuer par l’article publié ci-dessous. Pour qu’un débat ne reste pas une discussion d’un après-midi, nous encourageons tous les participants et les lecteurs, comme certains sympathisants l’ont déjà fait, à le poursuivre en nous envoyant vos questionnements et réflexions.

Un des sujets les plus débattus lors de la réunion publique (RP) d’Anvers de fin octobre 2015 [1] a été la question de savoir si « la troisième guerre mondiale avait débuté ou était sur le point de débuter ? » (tiré d’une contribution d’un participant à la RP). Dans les médias des rumeurs circulent que la troisième guerre mondiale se développerait en Syrie et, selon certains, elle y aurait déjà débuté : « La guerre régionale commence de plus en plus à ressembler à une guerre mondiale. (). La troisième guerre mondiale est en préparation ». Qui plus est, « le camp russe est en train de submerger tout et tout le monde en Syrie et bientôt, il y aura une invasion à partir de lIran. A ce moment, la troisième guerre mondiale commencera vraiment ». Dernièrement, un quotidien titrait à la une : « Le premier ministre russe, Dmitri Medvedev a dénoncé le danger dune troisième guerre mondiale » (De Standaard, 15.02.2016). Dans la contribution que le participant à notre RP, cité ci-dessus, nous a envoyée, il insiste sur le danger d’une confrontation planétaire entre les grandes puissances : « Je continue à croire que des accidents entre la Russie et les USA peuvent avoir lieu dans lespace aérien au dessus de la Syrie. La Russie dispose également de missiles de croisière et darmes atomiques. Cela pourrait donc dégénérer de manière non intentionnelle ».

Dans la même contribution, le camarade relève une série de symptômes bien connus et pertinents pour caractériser la situation mondiale actuelle. Et ceux-ci peuvent effectivement nous choquer. Effectivement, il se passe en ce moment des « choses terribles dans le monde », comme un autre participant à la RP le formulait : un nombre croissant de régions de la planète s’enfoncent dans un chaos sans issue et deviennent même inhabitables à cause de la guerre, de la destruction économique, de la terreur, des flux massifs de réfugiés qui atteignent des sommets historiques, des attentats terroristes sanglants, etc. La question centrale posée dans le débat lors de la RP était donc : comment devons-nous appréhender ces événements ? Devons-nous nous limiter à une énumération empirique des symptômes ou est-il possible de discerner un fil rouge qui permette de cadrer l’ensemble ? Et lequel alors ? Qu’est-ce qui a fondamentalement changé en comparaison de la situation de la « guerre froide » des années 1970-1980 ? Dans quel contexte historique la lutte ouvrière doit-elle se développer aujourd’hui ? Quel est le degré de vérité des extraits de presse cités ci-dessus et pouvons-nous effectivement parler d’une tendance vers une menace de guerre mondiale ?

Une série de données empiriques semblent incontestablement confirmer l’imminence d’une guerre mondiale :

•          les deux guerres mondiales précédentes avaient également été précédées de conflits locaux limités (la guerre au Maroc avant la 1ère guerre mondiale, la guerre civile en Espagne avant la seconde) ;

•          il est évident qu’avec l’accumulation d’armes sophistiquées, un conflit local peut rapidement embraser toute une région, voire un continent entier ;

•          à la veille des guerres mondiales précédentes, les blocs impérialistes n’étaient pas encore complètement délimités et formés ;

•          la barbarie à laquelle les populations des régions touchées actuellement par la guerre sont confrontées n’est en rien inférieure à celle d’une guerre mondiale (comme c’est le cas par exemple aujourd’hui en Syrie).

Malgré ces données, le CCI a argumenté lors de la RP que ces « terribles événements » étaient l’expression d’un enfoncement de la société capitaliste dans une période de décomposition et non pas l’annonce ou même le début d’une troisième guerre mondiale.

Le capitalisme décadent et la tendance vers la guerre mondiale

Certes, les raisons pour déclencher une guerre mondiale sont largement présentes. Elles sont fondamentalement ancrées dans le constat qu’avec la répartition du marché mondial entre un certain nombre de puissances dominantes, le développement du capitalisme a atteint ses limites historiques. Dès lors, le militarisme et la guerre sont devenus des expressions centrales d’un système économique en déclin depuis 100 ans [2]. A partir de ce moment, les grands Etats nationaux ne pouvaient qu’entrer en conflit l’un avec l’autre dans leur conquête du monde. Depuis lors, la guerre n’ouvre plus des frontières économiques ou politiques pour permettre la poursuite du développement du capitalisme. Les guerres du 19e siècle, aussi meurtrières qu’elles aient été, avaient une rationalité du point de vue du développement du capitalisme. Maintenant que le gâteau a été réparti, chacun ne peut accroître sa part de celui-ci qu’en réduisant la part des autres. De plus en plus, la guerre devient une activité irrationnelle d’un point de vue économique global et qui menace de surcroit la survie de l’humanité, alors que les raisons d’en déclencher une se multiplient du fait des conflits d’intérêt entre tous les Etats capitalistes, impérialistes.

« La politique impérialiste n'est pas l'oeuvre d'un pays ou d'un groupe de pays. Elle est le produit de l'évolution mondiale du capitalisme à un moment donné de sa maturation. C'est un phénomène international par nature, un tout inséparable qu'on ne peut comprendre que dans ses rapports réciproques et auquel aucun État ne saurait se soustraire. » (Rosa Luxemburg, La crise de la social-démocratie, Chapitre VII)

Toute l’histoire depuis la première guerre mondiale jusqu’à la guerre froide nous apprend qu’en préparation d’une telle guerre mondiale, tous les Etats sont contraints de prendre position pour l’un ou l’autre bloc en présence, jusqu’au moment où en fin de compte, deux grands blocs militaires se trouvent face à face. La nécessité pour les Etats de rejoindre un des deux blocs est la seule manière pour eux d’arriver à défendre leurs intérêts nationaux dans la jungle des tensions internationales. « La tendance générale de la politique capitaliste actuelle domine la politique des États particuliers comme une loi aveugle et toute-puissante, tout comme les lois de la concurrence économique déterminent rigoureusement les conditions de production pour chaque entrepreneur particulier. » (Rosa Luxemburg, La crise de la social-démocratie, Chapitre VII)

Pendant la réunion publique, la discussion centrale ne s’est pas vraiment centrée sur les raisons pour déclencher une guerre, ni sur l’orientation inhérente au capitalisme décadent vers la guerre mondiale, mais sur la question de savoir si les conditions pour une telle guerre mondiale étaient aujourd’hui présentes. Deux conditions essentielles pour pouvoir parler d’un cours vers la guerre mondiale ont été avancées :

•          en premier lieu l’existence de blocs militaires stables ;

•          en second lieu une classe ouvrière, en particulier dans les pays centraux du capitalisme (l’Europe de l’Ouest, les USA), qui est disposée à servir de chair à canon dans une telle guerre généralisée et à se soumettre à la main de fer de l’industrie de guerre.

 Ces deux conditions ne sont nullement remplies à l’heure actuelle.

Pourquoi n’y a-t-il pas aujourd’hui des blocs militaires stables ?

Dans la discussion, divers arguments ont été avancés pour répondre à la question : comment se fait-il que la bourgeoisie n’arrive pas à développer une dynamique vers la constitution de nouveaux blocs militaires, alors que les contradictions du capitalisme se renforcent et qu’une telle « solution » s’impose chaque jour plus clairement ? L’objection a été avancée que «  ce nest pas parce que les alliances au sein des blocs fluctuent quil nexiste pas de blocs : la Russie et lIran sont partenaires, lIran envoie des troupes au sol et la Russie bombarde » (un commentaire d’un participant à la RP). Par ailleurs, l’absence de blocs signifie-t-elle que le danger de guerre reste limité ?

•          Une caractéristique d’une guerre mondiale est qu’elle se développe surtout dans les pays centraux du capitalisme. Car le but ultime d’un tel conflit mondial est qu’un des deux pays, qui assume la direction des blocs impérialistes antagoniques, est mis à genoux par des moyens militaires. Et cela n’est possible que si le bloc impérialiste vainqueur s’introduit jusqu’au cœur du leader du bloc perdant. Le leader du bloc adverse doit en effet être totalement vaincu, de sorte qu’il ne puisse préparer sa revanche (ce qui fut le cas de l’Allemagne, qui avait été la perdante de la première guerre mondiale). Cela signifie que chaque composition de bloc en vue d’une guerre mondiale doit être suffisamment puissante au niveau des forces économiques et militaires tout comme sur le plan de la coordination stratégique. Ceci n’est aujourd’hui nullement le cas dans un contexte de domination des forces centrifuges et du « chacun pour soi ».

•          Par ailleurs, dans le cas d’un conflit planétaire, tous les pays, dans le monde entier, sont forcés de prendre parti pour l’un ou l’autre bloc. Il est nécessaire d’imposer la même discipline aux différentes bourgeoisies nationales au sein d’un bloc stable, afin de limiter les contradictions internes et de les unifier  pour la confrontation militaire entre les deux camps. Les alliances ne se limitent alors pas entre quelques pays ou à un pacte entre deux pays, comme c’est souvent le cas aujourd’hui. Les alliances actuelles, fluctuantes et sans cesse changeantes, ne répondent absolument pas aux conditions de stabilité et de fiabilité indispensables dans le cas de la constitution de blocs en vue d’une préparation à une guerre planétaire sans merci. On ne peut se permettre que les alliés d’aujourd’hui deviennent les adversaires de demain et vice-versa [3]: « [] la tendance au “ chacun pour soi ” et linstabilité des alliances militaires [qui en découlent] allaient constituer une entrave à la formation de nouveaux blocs impérialistes. » [4] qui constituent la condition pour l’éclatement de la prochaine boucherie planétaire. De plus, au sein des partenariats actuels, les chefs de bloc ou les candidats chefs de bloc sont constamment contrecarrés. Ainsi, au Moyen Orient, tous les Etats ont un double agenda : Israël, l’Iran, l’Arabie Saoudite, la Turquie, la France, l’Angleterre, l’Allemagne, la Chine.

•          Une dernière condition importante pour ouvrir la voie à la boucherie mondiale est que la bourgeoisie dispose de thèmes suffisamment mobilisateurs pour déchaîner un ouragan guerrier sur toute la planète; un thème qui suscite suffisamment d’enthousiasme pour mobiliser les parties essentielles de la population derrières les bannières nationalistes. Au lieu de l’antifascisme, la bourgeoisie voudrait mettre en avant l’antiterrorisme, mais il n’y a aucun pays disposant d’un poids économique et militaire suffisant pour jouer le rôle d’ « Etat voyou » par excellence et pour regrouper autour de lui d’autres Etats « terroristes ».

Comment la classe ouvrière a empêché la bourgeoisie de déclencher une guerre mondiale ?

Dans la période de reconstruction et lors du bref boom économique entre 1950 et 1970 qui ont suivi la seconde guerre mondiale, une confrontation directe entre le bloc de l’ouest (autour des USA) et le bloc de l’Est (autour de l’URSS) a pu être évitée en déplaçant les conflits impérialistes vers des pays non centraux du système capitaliste. Durant cette période, la classe ouvrière ne s’était pas encore rétablie de sa défaite historique à la fin des années 1920 et n’était donc pas un facteur décisif dans le blocage de la tendance vers une guerre mondiale. Avec le resurgissement de la crise historique du capitalisme, la perspective d’une troisième guerre mondiale a refait surface. Les tensions impérialistes et les conflits entre les deux blocs devenaient plus aigus ce qui accroissait le danger d’une confrontation directe entre eux.

Cette orientation a été fondamentalement remise en question depuis la fin des années 1960 par la reprise des luttes à un niveau mondial par une nouvelle génération d’ouvriers qui n’avait pas connu la défaite, et ceci en réponse aux premiers signes du retour de la crise historique ouverte. La classe dominante des deux constellations impérialistes ne pouvait être sure qu’elle réussirait à faire abandonner aux travailleurs la lutte de classe pour leurs propres intérêts matériels et qu’ils abandonneraient tout pour s’engager dans une nouvelle guerre mondiale dont les ravages risquaient d’être apocalyptiques. Elle ne pouvait absolument plus compter sur la classe ouvrière, comme ce fut le cas lors de la première et de la seconde guerre mondiale. Ceci fut confirmé avec force lors de la grève de masse de 1980 en Pologne. Malgré la défaite subie par les ouvriers, ce puissant mouvement de grève a démontré à la classe dominante qu’elle ne réussirait jamais à gagner le prolétariat pour son projet de boucherie planétaire.

Dans la période entre 1968 et 1989, la lutte de classe a empêché le déclenchement de la troisième guerre mondiale. Une défaite idéologique et même physique était absolument nécessaire pour briser la résistance et pour mobiliser la classe ouvrière en vue d’un nouvel Holocauste qui risquait même de signifier la fin de l’espèce humaine.

L’incapacité de la bourgeoisie à mobiliser la classe ouvrière pour une guerre impérialiste planétaire d’un côté, et d’un autre côté aussi la difficulté du prolétariat à aller plus loin qu’une simple  résistance aux attaques économiques contre ses conditions de vie et à la mobilisation guerrière, a mené à une « impasse » de l’évolution sociale, impliquant le développement d’une phase de décomposition, une phase ultime et inédite de la décadence du capitalisme.

« Dans une telle situation où les deux classes fondamentales et antagoniques de la société s'affrontent sans parvenir à imposer leur propre réponse décisive, l'histoire ne saurait pourtant s'arrêter. Encore moins que pour les autres modes de production qui l'ont précédé, il ne peut exister pour le capitalisme de «gel», de «stagnation» de la vie sociale. Alors que les contradictions du capitalisme en crise ne font que s'aggraver, l'incapacité de la bourgeoisie à offrir la moindre perspective pour l'ensemble de la société et l'incapacité du prolétariat à affirmer ouvertement la sienne dans l'immédiat ne peuvent que déboucher sur un phénomène de décomposition généralisée, de pourrissement sur pied de la société. » [5]

Avec la décomposition du capitalisme, la menace guerrière prend une forme plus sournoise

Cette situation de blocage a été un élément déterminant, à la fin des années 1980, dans la dissolution des deux blocs impérialistes et  dans le report de la menace d’une troisième guerre mondiale classique entre l’Est et l’Ouest.

Cela ne faisait pas disparaître pour autant la question de la guerre comme seule « solution » pour la bourgeoisie aux contradictions internes qui pèsent sur son système. Au contraire, le débat à la RP a mis en évidence que la menace de guerre prend aujourd’hui une forme différente, plus sournoise. Au lieu d’une guerre mondiale, c’est à un feu dartifice de guerres locales que nous assistons. L’effondrement du bloc de l’Est en 1989 a ouvert la boîte de Pandore. La disparition des deux blocs impérialistes « ouvre la porte au déchaînement de toute une série de rivalités plus locales. [Mais]Ces rivalités et affrontements ne peuvent pas, à l'heure actuelle, dégénérer en un conflit mondial []. En revanche, du fait de la disparition de la discipline imposée par la présence des blocs, ces conflits risquent d'être plus violents et plus nombreux, en particulier, évidemment, dans les zones où le prolétariat est le plus faible. » (6)

Ce développement de la décomposition du capitalisme est déjà fort avancé dans des pays comme la Libye, l’Irak ou la Syrie. Dans les guerres actuelles au Moyen Orient, aucune rationalité ou logique n’apparaît, en dehors d’une tendance exacerbée au chacun pour soi. La rationalité économique est absente : rien que dans les guerres en Irak et en Afghanistan, des millions de dollars se sont envolés en fumée. Le nouvel « Etat », le califat d’Isis, avec ses conquêtes sanglantes, sa brutalité, l’irrationalité de ses discours et son idéologie de « lutte finale » est avant tout l’expression de la décomposition capitaliste et le produit des manœuvres des grandes puissances qui l’ont toutes, d’une manière ou d’une autre, engendré.

Cette situation illustre comment le chacun pour soi et le pourrissement du système dégénèrent en un enchaînement de nombreux conflits locaux et régionaux, impliquant de plus en plus de puissances locales, régionales et mondiales et détruisant des parties de plus en plus importantes de la planète.

« Avec l'entrée du capitalisme dans sa décadence, la guerre devient une [] machine aveugle de destruction et d'anéantissement [qui]entraîne le monde entier dans l'abîme.[ ] nous étions à une croisée des chemins historique (où nous nous trouvons toujours), qui menace pour la première fois de devenir une lutte pour la survie de l'espèce entière. » (1)

Qu’est-ce que cela signifie pour la perspective de la classe ouvrière ?

Ceci nous ramène au thème central de la RP : la signification des flux massifs actuels de réfugiés du point de vue de la classe ouvrière. Car en plus de la guerre, de grandes parties de la population mondiale sont confrontées avec d’autres « choses terribles », par rapport auxquelles elles cherchent à fuir. Le problème est nettement plus différencié et va de la destruction planétaire de l’environnement naturel ou des structures de la vie sociale jusqu’à l’influence croissante de l’irrationnel et de l’obscurantisme dans la société. Comme nous le dénoncions déjà dans l’introduction de ce texte, toutes ces « choses horribles» sont les symptômes de la décadence et plus particulièrement de la phase de décomposition du capitalisme. « la phase de décomposition apparaît comme celle résultant de l'accumulation de toute ces caractéristiques d'un système moribond[...] Ainsi, la phase de décomposition se présente comme l'aboutissement, la synthèse, de toutes les contradictions et manifestations successives de la décadence capitaliste». [6].

La « crise des réfugiés » en Europe indique déjà que la guerre devient de plus en plus un souci journalier pour les travailleurs dans les pays centraux. De plus en plus, ils doivent se poser la question de quel futur ils souhaitent. Veulent-ils s’enfermer dans leur Etat « bunkerisé » dans un état de siège permanent ? S’agit-il de continuer à défendre les intérêts du capital et de sa nation ? Ou au contraire s’engager sur le chemin d’une communauté mondiale solidaire, basée sur la satisfaction des besoins humains, dans laquelle la réalité matérielle de l’ « internationalisme » prend la forme d’une unité et d’une solidarité consciente ?

En Allemagne et dans d’autres pays, nous avons vu des milliers de jeunes travailleurs, mais aussi des pensionnés se mobiliser pour exprimer leur solidarité spontanée avec les réfugiés. Dans le prolongement de la vague d’indignation morale qui était apparue précédemment lors du mouvement des Indignés, ceci est signe qu’une maturation souterraine est en route. Aujourd’hui, « l’internationalisme » tend souvent à se manifester sous une forme apparemment négative et abstraite : à travers une critique radicale du cadre inadapté de l’Etat nation bourgeois pour faire face au problème de la guerre, du terrorisme et des réfugiés ; à travers la reconnaissance de la nécessité de dépasser le cadre de la concurrence entre Etats nations pour vaincre la crise économique et écologique. Par le fait que ces protestations ne s’identifient pas avec la lutte historique de la classe ouvrière pour ses intérêts et par conséquent ne débouchent pas sur une perspective politique positive, la bourgeoisie réussit toujours à neutraliser temporairement cette indignation et ces remises en question, à les détourner au moyen de discours « humanitaires » et démocratiques.

Aussi longtemps que les membres de la classe ouvrière sont coincés entre leur position de classe objective et leur perception d’une « citoyenneté » individuelle, ils sont déchirés dans la mesure où ils sont obligés à faire des choix individuels qui ne sont pas les leurs et cela mène à un sentiment d’impuissance. Ce n’est que dans le mouvement comme classe collective, comme communauté d’intérêt autonome face au capital, qu’ils arriveront à développer une vision politique plus large avec une conscience plus élevée et une plus grande unité grâce au sentiment croissant d’appartenir à une classe.

Vers la fin de la discussion, le CCI a clairement mis en avant, et nous voulons le souligner ici à nouveau, que, pour contrer l’extension de ce niveau de barbarie vers les centres du capitalisme, la classe ouvrière a besoin de plus qu’une résistance passive contre les excès du système et contre la rhétorique guerrière, de plus qu’une résistance économique. Le temps presse car nous risquons de nous retrouver dans une descente irréversible dans la barbarie, qui rendra caduque toute possibilité d’amener la société humaine vers un niveau plus élevé.

La classe ouvrière est toujours la seule classe qui dispose du potentiel pour prendre conscience des causes sous-jacentes de toutes ces « choses horribles », de ces guerres et qui peut les relier à la crise historique et générale du capitalisme. De par son caractère mondial et associé en tant que productrice de tous les biens et les services, elle peut comme seule classe offrir une perspective politique positive à chacun. Pour ce faire, elle doit confirmer la nécessité actuelle d’une nouvelle société, d’un communisme authentique, tel qu’il a été préconisé par Marx et par tous les révolutionnaires après lui n

Lac/20.02.2016

 

 

[1] Voir l’article « 100 années de décadence du capitalisme », https://fr.internationalism.org/revue-internationale/201402/8882/100-ans-decadence-du-capitalisme  et le texte d’orientation « Militarisme et décomposition ».

[2] voir aussi « Sur l’impérialisme » https://fr.internationalism.org/rinte19/impe.htm

[3] Ceci est même reconnu par les scientifiques bourgeois : « Nowhere in the world has much opportunity to start World War III. A World War requires two (or more) power blocs with a global capacity to wage military, economic, social and political warfare. There does not exist two such blocs. (Is Syria a potential place where WWIII can start from? »  (Kevin Flint, political scientist);

[4] « 20e congrès de Révolution Internationale : renforcer les acquis du CCI pour les transmettre à la nouvelle génération de militants », https://fr.internationalism.org/node/5688

[5] « Thèses : la décomposition comme stade ultime de la décadence du capitalisme » , https://fr.internationalism.org/french/rint/107_decomposition.htm

[6] Revue Internationale, n° 61 : « Après l’effondrement du bloc de l’Est, déstabilisation et chaos », https://fr.internationalism.org/rinte61/est.htm

 

 

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