Soumis par ICConline le
Le développement du populisme a touché de nombreux pays. S'il a pu être contenu dans certains, comme en France avec la défaite du Front national aux dernières élections présidentielles, il a causé de sérieux problèmes ailleurs, comme aux États-Unis et en Grande-Bretagne par exemples. En Allemagne, après les élections fédérales de septembre 2017, l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), parti qui a vu le jour seulement en 2013 et dont le programme consiste à réclamer la souveraineté allemande tout en exacerbant le sentiment de fierté nationale, est passé de 0 à 94 sièges. Il est devenu le troisième parti le plus important du pays. En Autriche, Sebastian Kurz s'est présenté lui-même comme une force pour le changement même si son parti est au pouvoir depuis 30 ans. Il pourrait être obligé de former une coalition avec le néo-Nazi Parti de la Liberté. Comme l'écrivait The Economist du 19 octobre 2017 : “l'Europe se demande si le jeune prodige de la politique autrichienne va repousser le soulèvement populiste ou si, au contraire, il se prépare à en prendre la tête”. En Espagne, dans le conflit qui oppose Madrid et la Catalogne, les divisions dans les rangs de la bourgeoisie se sont aggravées et ne permettent pas d'envisager une stabilité satisfaisante pour le Capital dans ce pays.
Les divisions qui existent au sein de la bourgeoisie sont naturelles pour une classe marquée par la concurrence à tous les niveaux, des entreprises individuelles à la guerre impérialiste. Cependant, lorsqu'elle doit faire face à une menace impérialiste, des difficultés économiques ou à la résurgence de la lutte de classe, la classe dominante a tendance à faire front commun dans l'intérêt national. Mais depuis les années 1990, la décomposition du capitalisme fait ressortir toujours plus la tendance à la division au sein de la bourgeoisie, y compris aujourd'hui une tendance à la perte du contrôle politique parmi les bourgeoisies même les plus expérimentées.
Le référendum de 2016 en Grande-Bretagne sur l'appartenance à l'UE a produit un résultat contraire à ce que les factions centrales de la bourgeoisie considéraient comme leur meilleur intérêt. La marée populiste internationale a été amplifiée par l'élection de Trump et les difficultés politiques spécifiques au gouvernement britannique ont été exacerbées par les élections générales de juin 2017. Convoquées à la base pour renforcer la majorité conservatrice au pouvoir et asseoir sa position dans les négociations sur le retrait britannique de l'UE, les élections ont engendré une perte de sièges et la nécessité de former une alliance avec le DUP d'Irlande du Nord. Loin d'améliorer la position du gouvernement britannique et de l'aider dans les négociations avec l'Europe, la perte de contrôle s'est manifestée dans les intrigues entre différentes factions, des divisions qui vont bien au-delà des “Pour” ou “Contre” le Brexit ou des “modérés” contre les “radicaux”, ainsi qu'un désordre général au sein d'une classe dominante qui semble ne pas avoir de plan cohérent et tend à improviser à chaque tournant. Ainsi, la bourgeoisie britannique fait face à de réelles difficultés dans les négociations sur le Brexit, apparaissant déjà comme incapable de reprendre les rênes et de tirer le meilleur d'une situation épineuse. Les conséquences économiques du Brexit seront aggravées par ce désarroi politique. Le contraste entre la puissance passée de la bourgeoisie anglaise et sa situation actuelle est dramatique. La longue expérience de cette classe dominante signifiait auparavant qu'elle était capable de s'unir durant les périodes de guerre impérialiste, de faire face aux crises économiques et d'adopter une stratégie appropriée pour contrer les luttes ouvrières.
En 1974, en pleine crise économique et avec une grève de mineurs qui était la dernière expression d'une vague de militantisme ouvrier, des élections furent convoquées avec comme résultat, un gouvernement travailliste qui se révéla beaucoup plus efficace dans sa gestion du conflit de classe grâce à l'ampleur des illusions existant sur le Labour et les syndicats. Dans les années 1980, alors que le gouvernement conservateur dirigeait les attaques sur les salaires, les emplois et les conditions de vie de la classe ouvrière, les Travaillistes dans l'opposition se sont présentés comme les amis des ouvriers. Avec l'aide des syndicats, le Labour a présenté des stratégies économiques capitalistes alternatives et, par divers biais, récupéré et/ou détourné le militantisme ouvrier. En plus d'avoir su utiliser de différentes manières le parti Travailliste contre le prolétariat, la bourgeoise britannique a très bien su gérer les antagonismes en son propre sein. En 1990, l'attitude de Margaret Thatcher envers l'Europe fut jugée inappropriée dans une période où les blocs dominés par les États-Unis et l'URSS étaient en train de se désintégrer. Les “éminences grises” on su écarter Thatcher sans tergiverser en dépit de son autorité.
Il y a encore aujourd'hui des manœuvres de ce type au sein de la bourgeoisie britannique et particulièrement dans les rangs du parti Conservateur mais, loin de conduire à des politiques cohérentes ou, pour le moins, à la position dominante d'une faction, les dissensions qui agitent la classe dominante montrent tous les signes d'un développement accru des tensions. La Grande-Bretagne fut l'un des pays les plus durement touchés par les secousses économiques de 2008 et l'effritement au sein des Tories contribue à empirer la situation. Cependant la faiblesse de la bourgeoisie ne représente pas nécessairement une opportunité pour le prolétariat.
La position de nombreux gauchistes est résumée par le Socialist Workers Party quand il affirme : “Les Tories sont à terre mais pas encore éliminés. C'est à cette tâche que nous devons nous atteler” (Socialist Worker du 4 juillet 2017). Ils constatent les problèmes qui agitent le parti conservateur et déclarent: “Nous avons besoin d'une résistance telle qu'elle nous permettra de nous débarrasser de Theresa May et du reste de la bande” (4 octobre 2017). Ceci est le prélude à un gouvernement travailliste, bien que “Un gouvernement dirigé par Corbyn ne ferait pas de la Grande-Bretagne un pays socialiste. Mais des millions de personnes se sont réjouis de ses promesses de taxer les riches, de re-nationaliser les industries et d'investir plus d'argent dans les services publics” (3 octobre 2017). Cela signifie que beaucoup ont des illusions sur les Travaillistes et l'une des fonctions du gauchisme est de renforcer les illusions sur ce parti fondamental du capitalisme d’État britannique.
Car, 21 octobre 2017